LE PASSE-DIX

OU LE MAUVAIS EXEMPLE

DRAME EN UN ACTE.

CINQUIÈME PROVERBE.

M. DCC. LXXXV.

Par MONSIEUR G***.

À LIÈGE, Chez F.J. DESOER, Imprimeur-Libraire, sur le Pontd'Isle, à la Croix d'Or.


Texte établi par Paul FIEVRE janvier 2018

Publié par Paul FIEVRE mai 2018

© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:34.


PERSONNAGES

MONSIEUR DORVILLE.

L'ABBÉ DURSAINT, Précepteur du petit Dorville.

LE PETIT DORVILLE, âgé de dix à douze ans.

LE PETIT VILLIERS, Ami du petit Dorville.

SAINT-JEAN, Domestique.

La scène est chez M. Dorville.

Le texte est issu de "Nouveaux proverbes dramatiques ou recueil de comédies de société pour servir de suite aux Théâtres de Société et d'Éducation" par Monsieur G[arnier], 1785. pp. 75-92.


LE PASSE-DIX

Le Théâtre représente la chambre de l'Abbé Dursaint. On voit dans le fond une porte vitrée ; sur le devant du Théâtre est une table à tiroir, sur laquelle sont quelques livres, quelques papiers et une écritoire. L'action se passe sur les deux heures après-midi.

SCÈNE PREMIÈRE.
L'Abbé Dursaint, Le Petit Dorville.

L'ABBÉ DURSAINT entre dans sa chambre ; il est suivi du petit Dorville qui pleure.

Allons, Monsieur, entrez ; d'aujourd'hui vous ne sortirez d'ici ; cela est fort joli vraiment. À votre âge ! Tenir de pareils propos ! En vérité, mais il n'y a plus d'enfants. Ce sont sûrement ces amis, ces lectures de toute espèce qui vous rendent prématuré.

LE PETIT DORVILLE.

Mon Dieu ! Voyez donc ; parce que j'ai dit quelques mots pour rire à Mademoiselle Toinette, et dont elle ne s'est feulement pas fâchée, vous faites du bruit comme tout.

L'ABBÉ DURSAINT.

Qu'appelez-vous, petit libertin, des mots pour rire ? Des équivoques, des indécences, un morveux de votre espèce !

LE PETIT DORVILLE.

Oui, morveux, je sais bien que vous me traitez toujours comme si j'en étais un, mais je ne le suis pourtant pas autant que vous le pensez ; j'ai eu avant - hier douze ans, et il n'est pas aussi mal à moi de dire ce que j'ai dit, qu'à vous d'embrasser, comme vous le faites en cachette, la femme de chambre de Maman... là.

L'ABBÉ DURSAINT, rougissant.

Taisez-vous, petit imposteur. Je vous crois bien capable de répandre cette calomnie, mais heureusement nous sommes trop connus l'un et l'autre pour appréhender que qui que ce soit y ajoute foi.

LE PETIT DORVILLE.

Ho ! Vous croyez que votre air dévot en impose. Allez, si j'ai souvent tort avec vous, c'est parce que vous êtes mon précepteur : si j'étais le vôtre, moi, je saurais bien faire connaître à mon papa et à maman des choses...

L'ABBÉ DURSAINT, avec colère.

Eh bien ! Quoi ? Petit monstre ! Vous auriez la scélératesse d'inventer... Vous mériteriez...

Il le menace.

LE PETIT DORVILLE.

Ah bien, par exemple, avisez-vous de me donner un soufflet pour voir... comme mon papa ne le saurait pas tout à l'heure.

L'ABBÉ DURSAINT, avec un sang froid forcé.

Allez, vous êtes un petit malheureux. Je ne vous crains... Je ne vous crains point du tout, vous dis-je ; mais par provision, vous aurez la bonté de garder la chambre tout le reste de la journée, et de me traduire les deux premiers chapitres de l'Apocalypse. - À propos, le jeu de cartes avec lequel vous jouiez ce matin avec Mademoiselle votre soeur, où est-il ?

LE PETIT DORVILLE.

Dame, est-ce que je le fais, moi ? Elle l'a pris, ou il est resté fur la table.

L'ABBÉ DURSAINT.

Vous êtes un menteur ; car je vous l'ai vu mettre dans votre poche. Tenez, il doit être dans celle-là.

Il montre une des poches du petit Dorville.

Donne-le-moi tout à l'heure, ou je saurai vous le faire donner d'une manière qui ne vous sera pas agréable.

LE PETIT DORVILLE, avec un ris forcé.

Oh ! La belle vengeance ! Vous croyez me faire bien de la peine.

Il tire de sa poche le jeu de cartes, et en le donnant, il le froisse avec les mains et en répand la moitié à terre.

Allez, tenez, le voilà, votre jeu de cartes.

L'ABBÉ DURSAINT, prenant les cartes et poussant hors de la chambre avec le pied celles qui font à terre.

Hum, le mauvais sujet ! Qu'un Précepteur est à plaindre lorsqu'il a à faire à de pareils garnements. Allons, Monsieur, à l'ouvrage. Dites adieu pour longtemps aux divertissements, à la promenade et surtout au jeu ; car il ne vous manquait plus, pour avoir tous les défauts, que d'être un dé terminé joueur. Heureusement il n'y a ici ni cartes, ni dés ; d'ailleurs, vous n'aurez personne avec qui vous puissiez jouer ; ainsi, si vous ne prenez le parti de faire l'ouvrage que je vous ai donné, vous aurez tout le temps de vous entretenir avec vos charmantes idées : il est vrai que vous n'aurez pas l'agrément d'épier mes démarches et de les travestir au gré de votre aimable caractère ; mais c'est un petit plaisir dont vous vous passerez aujourd'hui, s'il vous plait. Travaillez, je vous le conseille, sinon vous ferez encore enfermé demain, je vous en avertis.

Il sort et ferme la porte de la chambre à double tour.

SCÈNE II.

LE PETIT DORVILLE, seul.

Il prend son Dictionnaire et le jette de toutes ses forces contre la porte.

Les - marquent les intervalles de filence.

Va, maudit Abbé, tu n'oublies rien pour me faire enrager. Mais si je puis jamais te rendre la pareille... Ne compte pas avoir à faire à un ingrat.

Il se lève et se promène dans la chambre.

- Que vais-je donc faire ? Il est pourtant bien ennuyeux de passer ici toute la soirée. - Il n'a sûrement pas oublié de fermer la porte à double tour.

Il va à la porte et secoue la ferrure avec colère.

Chien de pédant, je te déteste !

Il retourne à sa table.

- Aussi mon papa est bien singulier, de me donner un Précepteur à mon âge ; il doit pourtant savoir qu'à douze ans on n'est plus enfant, et qu'un grand garçon comme moi est bien capable de se conduire lui-même.

Il s'assied.

- Mon Dieu, comme je m'ennuie !... Je m'en vais faire ma version, peut-être cela me désennuiera.

Il feuillette un oeuvre.

Oh, quelle longueur ! Copier tout cela, et du latin en français encore !... Je n'en aurai jamais le courage ; et puis Monsieur l'Abbé serait trop content. Non ; pour le faire enrager, je n'écrirai pas un seul mot.

Il fait plusieurs tours de chambre d'un air désoeuvré, puis il revient à fa place.

Cependant si je ne travaille point, je serai encore enfermé de main. - Monsieur l'Abbé a oublié, je crois, de fermer fon tiroir.

Il ouvre le tiroir.

Voyons.

Il cherche dans le tiroir et y prend un livre.

Voici de quoi me désennuyer... C'est peut-être un livre de dévotion.

Il ouvre le livre.

Les Contes de la Fontaine. Ah, des contes ! Cela doit être joli, des contes.

Il parcourt le livre.

Regardons d'abord les images.

LE PETIT VILLIERS, du dedans.

Dorville... Dorville.

LE PETIT DORVILLE.

Ah ! Voilà Villiers qui m'appelle... Je lui avais donné parole... Que cela est en rageant ! Mais il ne faut rien dire.

SCÈNE III.
Le Petit Dorville, Le Petit Villiers.

DORVILLE, regardant à travers les vitres de la porte.

Dorville, qu'est-ce que tu fais donc là ?

LE PETIT DORVILLE, sans regarder.

Laisse-moi tranquille, j'ai de l'ouvrage pressé.

LE PETIT VILLIERS.

De l'ouvrage pressé, dis-tu ; bon, bon, il faut remettre cela à une autre fois. Je vais te donner ta revanche de ce que je t'ai gagné hier au soir. Eh bien ?... Ouvre donc ta porte au moins.

LE PETIT DORVILLE.

Non, je te dis que je ne peux... que je n'ai pas le temps, encore une fois.

LE PETIT VILLIERS.

Oh, oh ! Voici du nouveau ; tu refuses ta revanche, ceci est extraordinaire.

Il frappe à la porte du toutes ses forces.

Allons, allons, ouvre donc... Mais par aventure, ne serais-tu pas enfermé, mon drôle ?

LE PETIT DORVILLE.

Enfermé ! Ah, je voudrais bien voir... D'ailleurs, qu'est-ce que ça te fait ? Va te promener ; laisse-moi en repos.

LE PETIT VILLIERS.

Hé, mon Dieu ! Tu te fâches ; quand cela serait ; voyez le grand malheur.

LE PETIT DORVILLE.

Sérieusement, Villiers ; va-t-en, tu m'ennuies.

LE PETIT VILLIERS, riant.

Dorville, sans tant faire le fin, veux-tu ta revanche ? Je trouverai bien le moyen de jouer, quoique tu sois enfermé, sinon je suis ton serviteur.

LE PETIT DORVILLE, se retourne.

Bon ; et comment t'y prendrais-tu ?

LE PETIT VILLIERS.

Voilà un carreau de vitre qui ne tient qu'à quatre pointes, il est aisé de l'ôter et de jouer par là.

LE PETIT DORVILLE.

Ah ! Pardi, voyons.

Il s'approche de la porte.

LE PETIT VILLIERS.

Tiens, l'affaire est faite.

LE PETIT DORVILLE.

Je m'en vais prendre mon Dictionnaire ; en le mettant en travers, il nous servira de table.

Il met le livre en travers de la vitre et s'assied auprès.

Il est heureusement de la largeur de la vitre.

LE PETIT VILLIERS.

Bien imaginé !

LE PETIT DORVILLE.

Je t'avertis d'abord que je n'ai ni cartes ni dés.

LE PETIT VILLIERS.

Ne t'inquiète pas, je ne vais jamais sans cela, moi. Tiens, voilà des dés, notre table est trop petite pour jouer aux cartes.

LE PETIT DORVILLE.

Bon. Aussi bien je veux jouer au Passe-dix ; celui qui perd a droit de choisir le jeu.   [ 1 Passe-dix : Jeu à trois dés dans lequel un des joueurs parie amener plus de dix. [L]]

LE PETIT VILLIERS.

Je le veux bien. Prends-tu les dés.

LE PETIT DORVILLE.

Non, tiens-les, toi. Allons, les trois livres que tu m'as gagnées hier.

LE PETIT VILLIERS.

C'est beaucoup. Les voilà, je ne veux pas disputer.

Il joue.

Rien... Rien encore... Voilà pourtant dix-sept.

LE PETIT DORVILLE.

J'ai mal fait déjouer, je suis en malheur ; tu vas me gagner tout mon argent. Allons, encore trois livres.

LE PETIT VILLIERS.

Allons.

Il joue.

Rien... Rien... Dix-sept, encore gagné. Veux-tu jouer les six francs, quoique ce soit la troisième main ; tu vois bien que je n'ai pas envie de gagner ton argent.

LE PETIT DORVILLE.

Comme tu joues de bonheur ! Tu vas me ruiner ; allons, voilà mon reste.

Il met l'argent sur le livre.

LE PETIT VILLIERS.

Oh ! Non ; car je me sens en malheur à ce coup-ci.

Il joue.

Rien... Rien... Je vais perdre... Ma foi, non, en voilà dix-huit.

Il tire brusquement les enjeux.

LE PETIT DORVILLE.

Monsieur Villiers, doucement, s'il vous plait : Voilà trois fois de suite que vous passez ; cela n'est pas naturel ; et vous trichez certainement.

LE PETIT VILLIERS.

Qu'appelles-tu tricher ? Tu es plaisant : parce que tu perds, tu es de mauvaise humeur, tu me dis des sottises. Si tu n'étais pas enfermé, je t'apprendrais à parler ; tricher !

LE PETIT DORVILLE.

Je me moque de cela. Tu m'as sûrement trompé, et je veux ravoir mon argent, entends-tu ? Allons, rends-le moi, ou je vais faire un bruit de diable.

LE PETIT VILLIERS.

Ah ! Pardi ; celui-là est bon : que je te le rende ; il m'appartient, je l'ai bien gagné ; tout ce que je puis faire, c'est de te donner ta revanche ; vois si tu le veux.

LE PETIT DORVILLE.

Non, il me faut mon argent ; si je ne l'ai pas tout à l'heure, je vais appeler monsieur l'Abbé, qui te le fera bien rendre.

LE PETIT VILLIERS, se sauvant.

Je me moque de monsieur l'Abbé et de toi aussi.

SCÈNE IV.

LE PETIT DORVILLE, seul.

Villiers... Villiers... Écoute donc, je veux bien jouer la revanche.

Villiers reparaît.

Mais pourvu que tu me fasses crédit.

Villiers disparaît.

Villiers... Entends-tu ? Je ne demande que ma revanche... Il est parti.

Il crie de toutes ses forces.

Villiers... Villiers... Ah, le fripon... Il emporterait comme cela mon argent... Villiers... Jean... Arrêtez donc Villiers qui me vole...

Il donne de grands coups de livre contre la porte.

SCÈNE V.
LE.
PETIT DORVILLE, M.
DORVILLE, UN DOMESTIQUE en dedans.

MONSIEUR DORVILLE.

Mais, qu'est-ce que tout ceci signifie donc ? Voilà un vacarme épouvantable ; est-ce que vous êtes enfermé là dedans, Dorville ?

LE PETIT DORVILLE.

Oui, mon papa ; mais faites donc vite courir après le petit Villiers, qui m'a pris mon argent et qui se sauve avec.

MONSIEUR DORVILLE.

Comment, monsieur Villiers s'enfuit avec votre argent, et de quelle manière vous l'a-t-il pris ?

LE PETIT DORVILLE.

Mon papa, c'est à travers cette vitre... C'est que...

MONSIEUR DORVILLE.

À travers cette vitre ; cela est singulier... Je conçois... Vous jouiez par là tous les deux, n'est-ce pas ? Nous allons voir cela.

Il appelle.

Saint-Jean... Allez demander à Monsieur l'Abbé la clef de sa chambre.

SAINT-JEAN.

Oui, monsieur.

MONSIEUR DORVILLE.

Où est-il, monsieur l'Abbé ?

SAINT-JEAN.

Monsieur ; il est là-bas dans le salon ; il joue avec monsieur l'abbé Bigotin.

MONSIEUR DORVILLE.

Dites-lui en même temps qu'il se rende ici sur le champ, que c'est moi qui le demande ; qu'il quitte tout.

SAINT-JEAN.

Oui, monsieur.

SCÈNE VI.
Monsieur Dorville, Le Petit Dorville.

LE PETIT DORVILLE.

Mon papa, faites plutôt courir après Villiers : cela est plus pressé ; il est peut-être déjà bien loin.

MONSIEUR DORVILLE.

Taisez-vous, petit coquin. Tout à l'heure nous allons compter ensemble.

SCÈNE VII.
Monsieur Dorville, L'Abbé Dursaint, Le Petit Dorville.

L'ABBÉ DURSAINT, ouvrant la porte.

Ah ! Monsieur, j'aurais voulu vous épargner le chagrin d'apprendre les fredaines de monsieur votre fils, mais je vois qu'elles éclatent malheureusement malgré moi. Je me suis trouvé obligé cet après-midi, de le renfermer pour le punir de son amour pour tout ce qui peut le distraire de l'étude, et principalement pour le lieu.

MONSIEUR DORVILLE.

Vous avez fort bien réussi ; et pour commencer sa réforme, ce petit monsieur jouait à l'instant avec un de ses amis à travers cette vitre.

L'ABBÉ DURSAINT, au petit Dorville.

Comment, monsieur , après toutes mes remontrances ? De quoi vous ont donc servi tous les discours que je vous ai tenus sur les inconvénients du jeu, et l'horreur que tous les honnêtes gens doivent avoir pour cette passion ?

MONSIEUR DORVILLE.

Monsieur l'Abbé, vos discours étaient admirables, sans contredit, si cependant vous eussiez pris la peine de veiller vous-même sur mon fils, tout ceci ne seroit pas arrivé. Qu'est-ce que vous lui aviez donné à faire ?

L'ABBÉ DURSAINT.

Hélas ! Monsieur, il devait me traduire les deux premiers Chapitres de l'Apocalypse. Il est bon qu'en l'instruisant dans les sciences, on lui inculque, en même temps, les principes sacrés de notre Religion.

MONSIEUR DORVILLE.

Votre méthode est excellente ; et vous vous y prenez merveilleusement. Voyons son ouvrage.

Il prend un livre sur la table.

Mais que diable ! Ceci ne ressemble point du tout à l'Apocalypse : les Contes de la Fontaine. Comment, petit drôle, vous lisez de ces sortes de livres.

LE PETIT DORVILLE.

Oh ! Mon papa, ce livre ne peut pas être mauvais ; car il appartient à monsieur l'Abbé ; je l'ai trouvé dans son tiroir.

L'ABBÉ DURSAINT, au petit Dorville à demi-bas.

Je n'ai pas cru que vous eussiez poussé la hardiesse jusqu'à fouiller dans mes tiroirs.

À Monsieur Dorville.

Monsieur, ne pensez pas que je fasse ma lecture d'un semblable livre ; c'est un de mes amis qui l'avait laissé ici... et...

MONSIEUR DORVILLE.

Je sais à quoi m'en tenir là-dessus, mon sieur l'Abbé.

À son fils.

Retirez-vous, nous nous verrons tantôt. Si jamais je trouve des livres de cette espèce dans vos mains, prenez garde à ce qui vous en arrivera... Allez...

Le petit Dorville sort.

SCÈNE VIII et dernière.
Monsieur Dorville, L'Abbé Dursaint.

MONSIEUR DORVILLE.

Pour vous, monsieur l'Abbé, je vous suis très obligé de vos services ; mais je sens la nécessité de veiller moi-même sur mon fils.

L'ABBÉ DURSAINT.

Je ne crois pas, Monsieur, que vous ayez sujet de vous plaindre de moi ; j'ai toujours pris soin de former autant qu'il a été en mon pouvoir l'esprit et le coeur de Monsieur votre fils ; j'y ai travaillé jusqu'à présent avec une assiduité qui a peu d'exemples ; et il est bien humiliant pour moi, de me voir ainsi congédié.

MONSIEUR DORVILLE.

À vous parler franchement, Monsieur l'Abbé, je suis peu touché de cette assiduité. Je ne me plains pas de vos leçons, je veux bien croire que mon fils n'en a reçu de vous que d'excellentes ; mais il aurait été à propos qu'elles eussent été soutenues par de bons exemples.

L'ABBÉ DURSAINT.

Comment, Monsieur, de bons exemples ! Qui est-ce qui pourrait taxer ma conduite de la moindre irrégularité ?

MONSIEUR DORVILLE.

Tenez, monsieur l'Abbé, ne me pressez pas davantage ; j'ai le malheur d'être franc, vous n'y trouveriez pas votre compte. Enfin vous êtes inexcusable de n'avoir pas eu les yeux sur mon fils, de l'avoir laissé continuellement à lui-même comme vous l'avez fait. Vous l'enfermez dans votre chambre, pour vous divertir d'un autre côté plus à votre aise ; ensuite vous avez des amis qui laissent dans vos tiroirs de mauvais livres qui tombent malheureusement entre les mains de mon fils... Tout cela, et quelques petites découvertes que j'ai faites, et que je ne juge pas à propos de rapporter, m'ont déterminé depuis longtemps au projet que j'exécute aujourd'hui. J'éprouve de plus en plus qu'un père doit s'occuper d'une manière particulière de l'éducation de son fils, et que rien n'est tel que le bon exemple.

 



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Notes

[1] Passe-dix : Jeu à trois dés dans lequel un des joueurs parie amener plus de dix. [L]

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