LE CHINOIS POLI EN FRANCE

PARODIE DU CHINOIS DE RETOUR

Intermède italien en un acte

Représentée pour la première fois à Bruxelles par les Comédiens Français le 23 Août 1755 sous la Protection de S. A. R.

M. DCC LV. Avec Approbation et Privilège du Roi.

De Mr. ANSEAUME.

Représentée pour la première fois à la Foire Saint-Germain, le 23 août 1755.


publié par Paul FIEVRE, juin 2017

© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:21:43.


ACTEURS

UN MANDARIN, Mr d'Hannetaire.

NOUREDDIN, Chinois qui a voyagé en France, Mr Le Jeune.

HAMSI, autre Chinois Mr Jourdan.

EGLÉE, fille du Mandarin Melle Hannetaire.

ZAÏDE, file du Mandarin, Melle Desires.

La Scène est dans la Maison du Mandarin.


LE CHINOIS POLI

SCÈNE PREMIÈRE.
Le Mandarin, Eglé, Zaide.

LE MANDARIN.

AIR. On n'aime point dans nos Forêts.

D'un projet qui doit vous flatter

Il est temps que je vous instruise ;

Mes filles, il faut m'écouter,

Et me répondre avec franchise.

5   Je veux à chacune de vous

Aujourd'hui donner un époux.

EGLÉ, à part.

AIR. La jeune Abbesse de ce lieu.

Aujourd'hui même, quel plaisir !

ZAÏDE, à part.

Ô Dieux ! Quelle peine cruelle !

Haut.

Vous savez, pour vous obéir,

10   Quel fut de tout temps notre zèle ;

Pardonnez, pour la première fois,

Si nous résistons à vos lois.

LE MANDARIN.

AIR Passerons-nous sans amours.

Plait-il ?

EGLÉ.

Où tend ce discours ?

ZAÏDE.

Quand tous les jours

15   Vous faites éclater

Sur nous votre tendresse,

Pouvons-nous sans tristesse

Songer à vous quitter ?

LE MANDARIN.

AIR. Ah ! que je me lasse d'être.

On peut s'affliger sans doute,

20   Lorsque d'un père chéri

Il faut se séparer ainsi ;

Mais si cette perte coûte

Pour en adoucir l'ennui,

Rien ne vaut mieux qu'un bon mari.

ZAÏDE.

25   Non, jamais la jouissance

Des biens que l'hymen dispense

N'aura tant d'attraits pour nous

Qu'une heureuse indépendance.

EGLÉ.

Hé, ma soeur, parlez pour vous.

ZAÏDE.

AIR. Bouchez. Naïades vos Fontaines.

30   Quoi, vous pensez au mariage !

LE MANDARIN.

Elle raisonne en fille sage :

La vertu dans le célibat

Est d'un usage difficile ;

Dans l'Hymen elle a moins d'éclat ;

35   Mais elle est aussi plus facile.

EGLÉ.

AIR. À deux genoux près de Sylvie.

Je ne sais point me contrefaire

Ce que mon père ordonnera, >

Je me sens d'humeur à le faire,

Et prête à tout ce qu'il voudra.

ZAÏDE.

AIR. Le jeune Berger qui m'engage.

40   Il est un moyen très facile.

De nous contenter toutes deux :

Puisque ma soeur est si docile,

Qu'un doux hymen comble ses voeux :

Moi qui, malgré SA longue absence,

45   Garde mon coeur à Noureddin,

Souffrez qu'avec même constance,

Je lui réserve aussi ma main.

LE MANDARIN.

AIR De Joconde.

Je ne saurais blâmer en toi

Cette délicatesse ;

50   Non, tu n'engagera ta foi

Qu'au gré de ta tendresse .

Ton amant...

ZAÏDE.

Ciel ! Que dites-vous ?

LE MANDARIN.

De retour à la Chine,

Est, ma fille, l'heureux époux,

55   Qu'un père te destine.

EGLÉ.

AIR. À quoi s'occupe Magdelon ?

Et moi ne pourrai-je savoir

À qui je suis destinée ;

Et moi ne pourrai-je savoir

Quel époux je dois avoir ?

LE MANDARIN.

AIR. Tout roule aujourd'hui dans le monde.

60   Si le jeune Hamsi peut te plaire,

Tu connais son rang et son bien ;

Sitôt je termine l'affaire.

EGLÉ.

Votre choix décide le mien.

LE MANDARIN.

Il doit venir par sa présence

65   De ses feux hâter le succès :

Moi de cette double alliance,

Je vais ordonner les apprêts.

Il sort.

SCÈNE II.
Eglé, Zaide.

EGLÉ.

AIR. Ah ! le bel oiseau maman.

Serez-vous toujours, ma soeur,

Triste, rêveuse, inquiète:

70   Hé quoi, de votre bonheur

Qui peut troubler la douceur ?

Votre Amant est de retour ;

Pour vous unir tout s'apprête.

ZAÏDE.

Ô ! Moment que mon amour

75   Craint autant qu'il le souhaite ;

Ce Noureddin que j'attends,

M'aimait d'une ardeur parfaite !

Mais qui sait, après trois ans,

Quels feront ses sentiments ?

EGLÉ.

ARIETTE.

80   D'une vaine crainte,

Votre âme est atteinte ;

Une vaine crainte

Vous tient en suspens.

Soyez plus prudente,

85   Et cédez au temps,

Comme il se présente,

Pour moi je le prends.

AIR. Tous les matins dans nos forêts.

Mais à propos, de nos amants,

Nous attendons la visite ;

90   Vous savez que les agréments

Font auprès d'eux notre mérite,

C'est par nos charmes

Qu'ils font enchaînés.

Venez, venez,

95   Nous mettre sous les armes.

ZAÏDE.

AIR. Que craignez-vous charmante Reine.

Des seuls attraits de la nature,

ParAissons, à leurs yeux, emprunter notre fard,

N'employons point d'autre parure ;

L'art de plaire toujours est de plaire sans art.

EGLÉ.

AIR. L'équipage le plus en usage,

100   La plus sage

Peut mettre en usage

Les moyens permis

Pour faire des amis ;

Quand pour plaire

105   L'art est nécessaire,

On doit s'en servir

Si l'on veut réussir.

Les hommes toujours

Jugent par l'écorce ;

110   Nos atours

Pour eux sont une amorce ;

Tout dépend

D'un premier moment,

Si dans l'instant

115   Le coeur ne le prend,

Sans nul espoir

Notre beauté perd son pouvoir.

Elle tire un miroir de sa poche, et rajuste sa coiffure.

La plus sage

Peut mettre en usage

120   Les moyens permis

Pour faire des amis :

Quand pour plaire,

L'art est nécessaire,

On doit s'en servir

125   Si l'on veut réussir.

ZAÏDE.

Air. Comme un coucou que l'Amour presse.

Quelqu'un vient, c'est Hamsi je pense.

EGLÉ.

Cachons vite notre miroir.

L'art est permis ; mais par prudence,

Il ne faut pas le laisser voir.

SCÈNE III.
Eglé, Zaïde, Hamsi.

HAMSI.

Air. La nuit dans les bras du repos.

130   Si j'en crois ce qu'en ce moment

Votre père vient de m'apprendre,

Vous approuvez le sentiment

Qui l'a fait me nommer son gendre ;

Mais il faut que votre coeur

135   Confirme un aveu si cendre

Mais il faut que votre coeur

Consente à faire mon bonheur.

EGLÉ.

AIR. L'autre nuit j'aperçus en songe.

De mon destin mon père est maître,

Je souscris sans peine à ses lois ;

140   Mais en me voyant, votre choix,

Commence à vous gêner peut-être ;

Vous me supposiez des appas,

Qu'en moi vous ne trouverez pas.

HAMSI.

Air. Branle de Metz.

Belle Eglé, pouvez-vous faire

145   Cet outrage à vos attraits ?

J'en ressens trop les effets ;

Oui, soyez sûre de plaire :

Mais un goût plus délicat

Me conduit dans cette affaire,

150   Vos vertus ont un éclat

Dont je fais bien plus d'état.

ZAÏDE.

AIR. À l'ombre de ce vert bocage.

D'une manière ingénieuse

On vous fait entendre par-là,

Qu'il faut être moins curieuse

155   De sa beauté.

EGLÉ.

  Pourquoi cela ?

À l'honneur de passer pour sage,

Lorsque l'on joint les agréments :

N'est-ce pas un double avantage ?

HAMSI.

C'est raisonner de très bon sens.

À part.

Air. Pour voir un peu comment ça f'ra.

160   Mais l'autre raisonne encor mieux.

ZAÏDE, à part.

Il ne dit pas tout ce qu'il pense.

EGLÉ, à part.

Il me paraît bien sérieux.

ZAÏDE.

J'augure mal de ce silence.

EGLÉ.

Avant de conclure, il est bon

165   D'y faire quelque attention.

Air. Quand je vous ai donné mon coeur.

Aux qualités du coeur, on doit

Accorder son estime,

C'est un tribut qu'on ne saurait

Leur refuser sans crime.

ZAÏDE.

170   Et l'amour ?

EGLÉ.

  Et l'amour, je crois,

Est l'effet d'un joli minois.

HAMSI.

AIR. Dormir est un temps perdu.

Un objet moins gracieux,

Je vous le répété,

S'il est sage et vertueux,

175   Sur une beauté parfaite,

Dans mon coeur l'emportera.

EGLÉ.

Le pauvre Galant ! il n'a

Que la sagesse en tête.

AIR. Tu croyais en aimant Colette.

Êtes-vous toujours raisonnable.

HAMSI.

180   Oui.

EGLÉ.

Tant pis.

HAMSI.

  Je reste interdit.

ZAÏDE.

Vous verrez que pour être aimable

Il faut avoir perçu l'esprit.

HAMSI.

AIR. M. le Prévôt des Marchands.

Ennemi de la vanité,

Toujours avec sincérité,

185   Tel je suis, tel je veux paraître.

Prêts de nous lier pour jamais

Nous ne pouvons trop nous connaître,

EGLÉ, à part.

Il semble qu'il le fasse exprès.

AIR. Tant de valeur.

Haut.

Hamsi, vous avez en partage

190   Tout ce qui peut faire estimer ;

Si vous voulez vous faire aimer,

Croyez-moi, changez de langage.

ZAÏDE.

AIR. Donnez amants, mais donnez, bien.

Ma soeur, vous êtes la première

Qui fassiez un crime à quelqu'un

195   D'avoir beaucoup de sens commun ;

Il est si rare sur la terre,

Qu'on ne saurait trop le chérir.

Où l'on a pu le découvrir.

EGLÉ.

AIR.

L'Amour est un enfant badin,

200   Les jeux forment son empire ;

Qui sait folâtrer et rire

Devient heureux soudain.

Souvent il se tient caché

Dans un coeur qui l'ignore,

205   Sans qu'on s'en doute encore,

Le trait est lâché.

L'Amour est un enfant badin,

Les jeux forment son empire :

Qui sait folâtrer et rire,

210   Devient heureux soudain.

HAMSI.

AIR. Suivons l'Amour, c'est lui qui nous mène.

Très clairement, c'est me faire entendre.

Qu'à votre main, j'ai tort d'aspirer.

EGLÉ, froidement.

Ah ! vous pouvez toujours y prétendre.

HAMSI, à part.

Mais le plus sûr est de me retirer.

ZAÏDE.

AIR. Ton humeur est Catherine.

215   Que faut-il donc pour vous plaire,

Si vous pensiez comme il faut,

Sa tranquillité, ma chère,

Ne serait plus, un défaut,

Vous ne savez pas encore

220   Qu'en fait d'Hymen ou d'Amour,

La plus agréable aurore

Ne fait pas le plus beau jour.

SCÈNE IV.
Noureddin, et les précédents.

NOUREDDIN, à part dans l'enfoncement.

AIR. Cotillon couleur de rose.

Du temps que j'ai mis à mon voyage,

Montrons ici que j'ai profité,

225   J'ai sans vanité

Un joli jargon, de l'usage ;

Cela me suffit,

Je crois, pour me mettre en crédit ;

Allons à Zaïde en faire hommage,

230   Du moindre retard son coeur gémir.

À Zaide.

Le destin propice à mes voeux

Me rend enfin tout ce que j'aime.

Est-il un mortel plus heureux ?

ZAÏDE.

C'est vous Noureddin ?

NOUREDDIN.

C'est moi-même.

235   Depuis trois ans, loin de vos yeux,

J'ai souffert une peine extrême.

ZAÏDE.

Si l'absence fait tant souffrir,

Il fallait plutôt revenir.

NOUREDDIN.

AIR. Je suis un bon Soldat.

Le reproche est flatteur

240   Pour mon coeur

Oui, ma chère Zaïde

Je vois avec transport

Cet effort

De l'Amour qui vous guide.

ZAÏDE.

AIR. J'ai rêvé toute la nuit.

245   N'êtes-vous que de ce jour

À la Chine de retour ?

NOUREDDIN.

Les amis et les parents

Ont jusqu'à présent rempli tout mon temps.

ZAÏDE.

L'Amour devait bien du moins

250   Occuper vos premiers soins.

NOUREDDIN.

ARIETTE.

Ne craignez rien, vous êtes trop belle

Et votre Amant est trop fidèle

Pour vous avoir manqué de fois :

Je veux mourir sous votre loi.

255   Le trait par vos yeux lancé,

Jamais ne peut être chassé.

C'est lui qui me ramène

Mon coeur, de reprendre sa chaîne,

Se trouve forcé.

AIR. Le Démon malicieux et fin.

260   Eh, que fait cet homme auprès de vous ?

ZAÏDE.

De ma soeur ce doit être l'époux.

NOUREDDIN.

Ah, fort bien.

ZAÏDE.

Mais un petit caprice,

Dans leur amour répand quelque froideur,

Vous pouvez lui rendre un bon office,

265   En nous aidant à la tirer d'erreur.

NOUREDDIN.

AIR. Babet que t'es gentille.

C'est donc là votre soeur ?

Elle est parbleu jolie ;

Si vous n'aviez mon coeur,

J'en aurais presqu'envie.

EGLÉ.

270   Qu'il est délicat !

HAMSI.

Qu'il me paraît fat !

NOUREDDIN, à Hamsi.

Vous l'aimez bien, sans doute ?

HAMSI.

Assurément.

NOUREDDIN.

C'est fort bien fait.

Ça voyons donc pour quel sujet,

275   Entr'eux le divorce se met :

Parlez, je vous écoute.

Bis.

ZAÏDE.

AIR. Nous autres bons Villageois.

Chacun selon son humeur,

Tâche d'exprimer sa tendresse ;

L'un en parle avec douceur,

280   Et l'autre en folâtrant sans cesse.

Or, je dis.

NOUREDDIN.

Vous avez raison.

ZAÏDE.

Laissez-moi donc achever...

NOUREDDIN.

Bon !

ZAÏDE.

Vous n'êtes pas instruit...

NOUREDDIN.

D'accord :

Mais vous ne sauriez avoir tort.

ZAÏDE.

AIR. Dans un bois, la trop simple Annete.

285   Je soutiens qu'un Amant peut plaire ;

Quoique d'un air serieux

Il exprime ses feux,

À l'objet de ses tendres voeux :

Ma soeur qui pense le contraire,

290   Aux dépens du sentiment

Cherche dans un Amant

L'enjouement.

NOUREDDIN.

AIR. Du haut en bas.

Elle a raison,

On ne doit aimer que pour rire,

295   Elle a raison. >

ZAÏDE.

Eh, comment l'entendez-vous donc ?

NOUREDDIN.

C'est un fardeau, c'est un martyre,

Qu'un Valant qui toujours soupire

Elle a raison.

EGLÉ.

AIR. L'Oiseau Royal.

300   À notre âge,

Un doux badinage

Est-il donc

Hors de saison ?

La jeunesse

305   Doit rire sans cesse :

La sagesse un jour

Aura son tour.

Il faut dans la vie

Un peu de folie,

310   Sans quoi tout languit,

Tout s'assoupit.

Le plaisir enchante,

La raison tourmente;

C'est donc au plaisir

315   À la bannir.

NOUREDDIN.

À son âge,

Un doux badinage

Est-il donc

Hors de saison ?

320   La Jeunesse

Doit rire sans cesse ;

La Sagesse un jour

Aura son tour.

ZAÏDE.

AIR. Je ne sais pas écrire.

Vous n'avez jamais eu ce ton.

NOUREDDIN, à Hamsi.

325   Ainsi, Monsieur le Céladon,

Pour apprendre l'usage,

Allez en France, comme moi,

Vous avez besoin sur ma foi,

De ce petit voyage.

HAMSI.

AIR. Sûre de ta foi.

330   Ah ! Si j'ai besoin

D'acquérir du savoir,

Sans aller si loin,

Il suffit de vous voir.

NOUREDDIN.

Oui, sans hyperbole ;

335   Pour vous, mes leçons

Seraient une école

Des belles façons.

HAMSI.

AIR. Joli coeur n'est point volage.

Vous êtes pétri de grâces ;

On ne saurait s'égarer

340   Quand on marche sur vos traces.

NOUREDDIN.

Je veux bien vous les montrer.

EGLÉ.

AIR. Preuve de folie.

Ma soeur, il est charmant.

HAMSI.

Dieux ! Quelle modestie !

ZAÏDE.

Hélas ! je vois à tout moment

345   Croître sa folie.

NOUREDDIN.

AIR. Pierrot se plaint que sa femme.

Que chuchotez-vous ensemble ?

Vous me paraissez surpris,

De mon habit ce me semble ;

N'est-il pas d'un goût exquis ?

HAMSI.

350   Oui, mais le sage,

En tous lieux doit être mis

Selon l'usage.

NOUREDDIN.

AIR. Du haut en bas.

Le Sage ? bon !

ZAÏDE.

Partout je crois, c'est la méthode.

NOUREDDIN.

355   Vous croyez donc ?

Mais en dépit de sa leçon,

L'homme aimable établie la mode,

Et malgré le sage incommode,

Donne le ton.

AIR. De l'Amour tout subit les lois.

360   Croiriez-vous que même à Paris,

Moi, moi tout Chinois que je suis,

J'en ai mis en vogue plus d'une,

Que mon goût

Faisait loi par tout :

365   Qu'à la Cour les jeunes marquis

Venaient prendre de mes avis ;

Que les Magots y font fortune

Tour comme en ce Pays.

AIR. Paris est au Roi, mon coeur est à moi.

Nos lacs, nos vernis,

370   Nos fleurs et nos fruits,

Nos petits pots-pourris

Y sont d'un grand prix ;

Dans tous leurs bijoux

Ils ont pris nos goûts,

375   Pour danser nos ballets

On s'y met en frais.

Puisqu'en France

On commence

À donner dans le Chinois,

380   J'imagine

Qu'à la Chine,

Bientôt des Français

Nous prendrons des lois,

Nos lacs, nos vernis, etc.

ZAÏDE.

AIR. Du Cap de bonne espérance.

385   D'un Peuple vain et volage,

Deviez-vous prendre les airs ?

Vous que j'ai connu si sage,

Vous donnez dans ce travers ?

NOUREDDIN.

Quoiqu'il ait l'humeur légère,

390   C'est le peuple de la terre,

Qui connaît mieux le plaisir,

Et sait mieux l'art d'en jouir.

AIR. De tous les Capucins du monde.

Un Français jamais ne s'ennuie ,

Il n'a d'autre soin dans la vie,

395   Que le choix des amusements ;

Tous les autres pays ensemble

N'offrent point autant d'agréments,

Qu'en son sein Paris en rassemble.

AIR. Changement pique l'appétit.

Là, chacun pour le satisfaire.

400   Trouve concerts, jeux, bonne chère,

La Comédie et l'Opéra.

EGLÉ.

L'Opéra ! Qu'est-ce qu'on fait-là ?

NOUREDDIN.

AIR. La Chaîne, ou Sylvie.

Des Fillettes,

Fort bien faites

405   Chaque soir

Vont s'y faire voir ;

Leur sagesse,

Peu tigresse,

D'un tendre feu

410   Quête l'aveu.

Dans ce commerce de tendresse,

Un goût léger tient lieu de sentiment,

Sans savoir comment

La fin du Roman

415   Touche souvent au commencement.

AIR. Lulli n'est plus à l'Opéra.

Plus loin se trouve un bois charmant ;

Asile du tendre mystère,

Où le Dieu d'amour est souvent

Plus honoré que dans Cythère.

420   Là, de ce Peuple sémillant,

S'annonce en tout le caractère ;

On y voit de jeunes plumets,  [ 1 Plumet : Fig. Un jeune militaire. [L]]

Dans de légers cabriolets,

Traînés par un coursier fringant,

425   Dar, dar, dar, dar, dar, et flin, flan, flan,

Courir plus vite que le vent.

ZAÏDE, à Hamsi.

AIR. Si ma Philis vient en vendanges.

Vous sortez ?

HAMSI.

Je suis las d'entendre,

Un si fatiguant Discoureur,

Et je vais de ce pas à votre père apprendre

430   Le peu d'espoir qui reste à mon ardeur.

SCÈNE V.
Eglé, Zaïde, Noureddin.

NOUREDDIN.

AIR. Non, je ne ferai pas.

Eh, laissez-le partir, ma foi, c'est un sot homme.

Avec son air bénin, sa gravité m'assomme,

Il voudrait rationner ; mais quand on n'a rien vu,

Il sied mal, entre nous, de taire l'entendu.

ZAÏDE.

AIR. Je ne veux point troubler votre ignorance.

435   Vous le blâmez, vous êtes plus à plaindre.

NOUREDDIN.

Quoi, contre moi, vous prenez son parti ?

Mais, mais, comment,vous m'allez faire craindre,

Puis-je espérer de l'emporter sur lui ?

ZAÏDE.

AIR. Non, toujours dire non.

Non.

NOUREDDIN.

Que veut dire non ?

440   Vous n'y pensez pas, ma Reine ;

D'honneur, vous m'étonnez,

Vous badinez.

Il lui prend la main.

ZAÏDE, le rebutant.

Ah ! Finissez.

NOUREDDIN.

Quoi, vous me repoussez ;

L'ardeur de vos feux

445   Éclate dans vos yeux,

Non, cette rigueur

N'est point dans votre coeur.

Bannissez la pudeur

Qui vous gêne.

450   Quand nous serons unis,

Je veux...

ZAÏDE.

Votre attente est vaine.

NOUREDDIN.

Vous donner si je puis,

L'air des Dames de Paris.

ZAÏDE.

AIR. Je passe la nuit et le jour.

Souffrent-elles, patiemment,

455   Que de trop près on les approche ?

NOUREDDIN.

L'usage dans un cas pressant

Leur dicte bien certain reproche ;

Mais en vous écartant ainsi,

Elles ont un ton si poli,

460   Si radouci,

Si radouci,

Qu'il veut dire revenez-y.

ZAÏDE.

AIR. Mon petit doigt me l'a dit.

Eh bien, retournez en France.

NOUREDDIN.

De cette seconde absence

465   Vous auriez trop de regret.

ZAÏDE.

Je vous quitte de ce zèle.

NOUREDDIN.

Mais voilà ce qui s'appelle

Un caprice bien complet.

ZAÏDE.

ARIETTE.

Petits Maîtres sans cervelle,  [ 2 Petit maître : Fig. et familièrement. Petit-maître, jeune homme qui a de la recherche dans sa parure, et un ton avantageux avec les femmes. [L]]

470   Que vous êtes dans l'erreur ;

Vous croyez que d'une belle,

Un geste, un souris flatteur

En dépit d'elle,

Doivent surprendre le coeur.

475   Petits Maîtres sans cervelle,

Que vous êtes dans l'erreur !

SCÈNE VI et DERNIÈRE.
Eglé, Zaide, Noureddin, Hamsi, Le Mandarin.

LE MANDARIN, à Hamsi.

AIR. D'Epicure.

VOus perdez trop tôt l'espérance,

Sur ma fille j'ai du pouvoir ;

Je suis sûr de sa complaisance.

HAMSI.

480   Mais je ne veux lui rien devoir.

NOUREDDIN.

Votre père, à propos, s'avance,

Devant lui nous nous entendrons.

ZAÏDE.

J'y consens...

NOUREDDIN.

De votre inconstance,

Du moins nous saurons les raisons.

LE MANDARIN.

AIR. De tons les Capucins du monde.

485   Eglé...

EGLÉ.

  Nous voici dans la crise.

LE MANDARIN.

On dit que votre coeur méprise,

Les voeux qui vous sont adressés.

EGLÉ.

Mépriser ! Non, je vous assure.

LE MANDARIN.

Vous voyez...

EGLÉ.

Mais...

LE MANDARIN.

Vous balancez

490   Qui vous empêche de conclure ? s

EGLÉ.

AIR. Nous sommes Précepteurs d'Amour.

S'il le fallait absolument...

HAMSI.

Non je ne veux point vous contraindre.

LE MANDARIN.

Tantôt vous parliez autrement,

Et rien ne vous forçait à feindre.

AIR. Que de Gentillesse.

495   Zaïde plus sage,

Et moins volage,

À son choix sait mieux s'en tenir ;

Suivez son modèle,

Faites comme elle.

EGLÉ.

500   Avec bien du plaisir.

ZAÏDE.

AIR. hélas ! Ma soeur, je tremble.

Hélas ! Je vais mon père

Peut-être, vous déplaire ;

Mais enfin, Noureddin,

Compte en vain sur ma main :

505   L'Amour que j'eus pour lui

S'est éteint aujourd'hui.

LE MANDARIN.

Voilà bien des façons.

ZAÏDE.

J'ai de forces raisons

Pour cela.

LE MANDARIN.

Ta, ta, ta, ta, ta, ta.

510   Quelles sont ces raisons-là ?

ZAÏDE.

Tout l'avantage

Que son voyage

Lui donne, est d'être léger, volage,

Malgré son brillant étalage,

515   Ses voeux sont mal reçus,

Je romps le noeud qui nous engage,

Enfin, je n'en veux plus.

LE MANDARIN.

Quel abus !

Quel abus.

ZAÏDE.

520   Non, non, je n'en veux plus.

Je n'en veux plus,

LE MANDARIN.

Ah ! quel abus !

ZAÏDE.

Je n'en veux plus,

LE MANDARIN.

Ah ! quel abus

AIR. Je ne sais pas écrire.

525   À vous entendre toutes deux,

Chacun dans son Amoureux,

Trouve un défaut étrange.

Il faut pourtant s'accommoder,

Le moyen de vous accorder

530   Est de faire un échange.

AIR. Entre l'amour et la raison.

Hamsi, solide et sérieux,

À Zaïde conviendra mieux,

Eglé qui veut que pour lui plaire

On soit léger, vif et badin,

535   En le donnant à Noureddin

Trouvera, je crois, son affaire.

AIR. Trois enfants gueux.

Que dites-vous de cet arrangement ?

NOUREDDIN, à Zaïde.

Ah ! J'y consens pour vous punir volage.

À Eglé.

Je suis à vous, Eglé dès ce moment,

540   Si vous daignez; recevoir mon hommage.

HAMSI, à Zaide.

AIR. Quand le péril est agréable.

À ce parti que l'on projette,

Donnerez-vous votre agrément ?

ZAÏDE.

Très volontiers.

HAMSI.

Qu'en ce moment,

Mon âme est satisfaite !

LE MANDARIN.

AIR. Rions, chantons.

545   Enfin, voici votre hyménée

Au gré de mon ardent souhait,

Mes enfants, heureusement fait,

Pour terminer cette journée,

Rions, dansons, célébrons les noeuds

550   Qui comblent aujourd'hui nos voeux.

DUO.

EGLÉ et NOUREDDIN.

L'Amour d'un trait vainqueur,

Perce mon âme,

Oui, je sens que d'un trait vainqueur,

L'Amour perce mon coeur.

555   Il m'enflamme.

Goûtons la plus vive allégresse,

M'aimerez-vous toujours?

Oui, j'aimerai sans cesse

Nos fidèles amours,

560   Oui, dureront toujours.

 



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Notes

[1] Plumet : Fig. Un jeune militaire. [L]

[2] Petit maître : Fig. et familièrement. Petit-maître, jeune homme qui a de la recherche dans sa parure, et un ton avantageux avec les femmes. [L]

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