DEUX HOMMES POUR UN PLACARD

VAUDEVILLE EN UN ACTE

Représenté pour la première fois, le 7 avril 1860, sur le Théâtre des Folies-Dramatiques.

1860. Représentation, reproduction et traduction réservées..

PAR MM. J. DUFLOT ET NÉRÉE DESARBRES.

PARIS, LIBRAIRIE THÉÂTRALE, 14, RUE GRANMONT

Paris. - Typ. Morris er Comp., 64, rue Amelot.


Texte établi par Paul FIEVRE, octobre 2022.

Publié par Paul FIEVRE, novembre 2022.

© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:35.


PERSONNAGES

TIBURCE. M. CALVIN.

SÉVERIN. M. BOYRON.

CLARA. Mlle Maria BELAMI.

URSULE. Mlle ESTHER.

UN PORTIER. M. VICTOR.


DEUX HOMMES POUR UN ...

Une chambre simple : deux portes à droite, deux portes à gauche, portes au fond, fenêtre au fond à gauche. Au fond, face au public, une grande armoire pour contenir deux hommes ; un buffet près la fenêtre à gauche, où se trouvent assiettes, verres, couteaux et fourchettes, poivre et sel, une nappe. Une table carrée à droite, une chaise à droite : un petit guéridon à gauche, dessus une bougie allumée , une chaise de chaque côté, un carton à ouvrage. (Clara près du guéridon à gauche.)

SCÈNE PREMIÈRE

CLARA, seule, assise et travaillant.

Ce jeune homme timide qui, depuis dimanche, me suit dans la rue et qui me parle toujours de sa flamme, veut m'être présenté. Quoi de plus légitime ?... J'ai bien envie de l'accueillir... Voilà sa lettre.

Elle lit.

« Subjugué par les grâces touchantes que vous avez déployées au dernier lancier de dimanche... »

Parlé.

Au bal de ma blanchisseuse.

Elle lit.

« Je vous prie de me recevoir chez vous comme aspirant à votre main et à votre coeur, que je voudrais presser dans la mienne et contre le mien.... Votre Tiburce à tout jamais... J'attends la réponse dans la rue... »

Elle se lève.

C'est la septième lettre que ce jeune enthousiaste m'envoie avec cette demande d'admission dans mon domicile... Le recevoir ici, voilà la difficulté, que dira Ursule ?... Mon Mentor ? Il est bien convenu entre nous qui vivons ensemble, sans père, ni mère, et qui nous sommes associées pour acheter ce petit mobilier, qu'aucun homme n'entrerait ici sous quelque prétexte que ce soit, à moins qu'il n'ait comparu devant Monsieur le Maire... Tiburce veut bien y comparaître, mais les hommes sont si menteurs, dit-on... Mon amoureux serait-il une exception ?

AIR : Daignez m'épargner.

Il choisit un prétexte adroit

Pour m'offrir son coeur sans partage ;

Mais la jeune fille ne doit

Accepter d'avance aucun gage.

5   Quand il aura fait mon bonheur

Par le lien du mariage,

Alors, j'accepterai son coeur,

Ça n'est pas gênant en ménage.

Je sais bien que je suis assez sûre de moi pour résister, mais Ursule ne le croirait pas... Je m'en vais lui répondre : « Présentez-vous avec un contrat à la main, et je suis avec le plus profond respect, votre très humble servante après le conjungo... » C'est cela... Écrivons vite, avant qu'Ursule ne rentre.

Elle va à la table à droite, elle se prépare à écrire. Tiburce est entré, ferme la porte, et frappe en dedans.

SCÈNE II.
Tiburce, Clara.

CLARA.

Eh ! Quoi, monsieur, vous osez franchir mon seuil sans attendre ma réponse ?

TIBURCE.

Je grelottais... Et l'homme qui grelotte.

CLARA, à part.

Que lui dire pour l'éloigner ?

Haut.

Mais, Monsieur, si mon vieux...

Elle cherche.

père vous trouvait ici, il vous tuerait.

À part.

Le moyen est adroit.

TIBURCE.

Il y a un père ?

Il va pour se sauver.

CLARA.

Estropié.

TIBURCE.

Ah ! Je suis rassuré !

Il descend.

CLARA.

Du trou de la serrure on voit son sabre.

À part.

C'est le seul héritage de mon oncle.

TIBURCE.

C'est moins rassurant.

CLARA.

Il a une jambe de bois, mais il a un bras de fer.

TIBURCE.

Ah ! Diantre !

CLARA.

Je vous avais prévenu qu'il y avait du danger à franchis cette porte... Il est là qui dort, ce respectable vieillard, se reposant sur les bons principes de sa fille.

TIBURCE.

Excellent homme !

CLARA.

Et pour rien au monde, je ne trahirais sa confiance... Ainsi donc, Monsieur, avant de déguerpir, je vous pris de vous expliquer.

TIBURCE.

Mademoiselle Clara, la pureté de mes moeurs est proverbiale dans le quartier des Bourdonnais... Je reconnais à vingt-cinq pas de distance du Sedan ou de l Ebeuf, et je ne suis pas d'une noble origine, voilà le côté moral de mon individu... Quant au physique...

CLARA.

N'en parlons pas... Parlons d'autre chose.

TIBURCE.

Faut-il vous parler de mes espérances ? Il ne me reste pour famille que l'acte du décès de mon parrain, qui est mort en Amérique, dans une position voisine de la misère... Voici le côté revers de mes espérances. Du côté face, j'ai celles de vous plaire et d'être aimé de vous.

CLARA.

Monsieur Tiburce, la beauté chez l'homme marié est une superfluité... Je n'exigerai donc pas cet article... Vous êtes ce qu'il faut pour cet emploi... Mais ce que je veux, c'est la fidélité du caniche unie à quelques appointements solides... Êtes-vous, oui ou non, l'homme que j'ai rêvé ?

TIBURCE.

J'ai dix-huit cents francs d'appointements.... Mais êtes vous pressée ?

CLARA.

Très...

TIBURCE.

Je demande à me recueillir.

CLARA.

Je vous croyais plus d'élan.

TIBURCE.

Au bal de notre blanchisseuse, j'en avais beaucoup.

CLARA.

Quelle rencontre !

TIBURCE.

Dites quelle sympathie, nous avons la même blanchisseuse.

CLARA.

Voyons, Monsieur Tiburce, parlez-moi de vos vues.

TIBURCE.

Je réfléchis...

À part.

Elle est sage, travailleuse, peut être, elle a une famille intéressante et un mobilier... J'ai idée que je vais faire une bêtise.

CLARA.

J'attends, Monsieur Tiburce, et je vous avoue que je bous... d'impatience.

TIBURCE.

Sapristi ! C'est un moment solennel ! On a besoins de tout son sang froid... Vous êtes convaincue que je n'aime que vous ?

CLARA.

Vous me l'avez déjà dit.

TIBURCE.

C'est que... j'attends mes papiers.

TIBURCE.

Alors, allez les attendre chez vous, car ce n'est pas ici que vous les trouverez, et mon père est brutal.

TIBURCE.

Le bras de fer... Mais je vous aime beaucoup... et en attendant...

CLARA.

Monsieur, je vous préviens que mon père vous tuerait et moi après vous.

TIBURCE.

Deux crimes pour un seul amour ! C'est trop ! Car je vois bien que vous ne m'aimez pas.

CLARA.

J'ai des principes, et un père qui dort !

TIBURCE.

Il veut l'embrasser

Ne les réveillons pas et embrassez-moi.

CLARA.

N'approchez pas ou j'appelle.

TIBURCE.

Appelez-moi, je reviendrai

CLARA.

Voyons, monsieur, pas de bêtises ; voulez-vous de moi...

TIBURCE.

Oh ! Oui !

CLARA.

Pour votre femme ?

TIBURCE.

Puisque j'attends mes papiers.

CLARA.

Promettez-vous ?

TIBURCE.

Je promets.

CLARA.

Jurez-vous ?

TIBURCE.

Quelquefois.

CLARA.

Je suis sérieuse, entendez-vous ?

TIBURCE.

Clara,je vous promets à la face du ciel et sur les cheveux blancs de votre père qui dort, que dans un heure... Vous aurez ma réponse.

CLARA.

C'est bien. Vous aurez reçu vos papiers ?

TIBURCE.

Peut-être. Par le télégraphe électrique. Adieu.

CLARA.

Au revoir.... Avec vos Papiers seulement.

ENSEMBLE.

Je m'en vas

Le coeur navré,

10   Il s'en va.

De vous

Trouver si rebelle,

De me

Serez vous encor

Cruelle

Mais je serais moins

TIBURCE.

15   Quand ce soir je reviendrai.

CLARA.

Lorsque je reverrai !

Tiburce sort par le fond.

SCÈNE III.

CLARA, seule.

Quel être séduisant ! Et pourtant j'ai résisté, j'ai tenu le serment que j'avais fait à Ursule et j'ai inventé un père par vertu...

Regardant l'heure.

Mais je suis en retard.

Elle met des chiffons dans un carton.

Tout cet ouvrage à rendre. Oh ! Je serai inexorable, le mariage ou la rampe de l'escalier.

AIR : Final de la Marraine.

C'est un mari qu'il me faut, doux, timide,

Un vrai mari qu'on ne peut pas changer.

Ursule et moi nous tenons au solide,

20   Et les amants c'est vraiment trop léger ;

Car leur amour est tout à fait semblable

À la confection qu'on vend,

Cousu d'un fil qui casse trop souvent,

Et dont l'étoff' ne vaut pas l'diable

J'entends Ursule qui monte ; il était temps !

SCÈNE IV.
Clara, Ursule.

URSULE, entrant.

AIR : du Comte Ory, final du 1er acte.

25   Pimpante et leste,

Je suis modeste,

Et mon coeur reste

Dans son printemps.

Bien que coquette,

30   Je suis seulette,

Sans amourette,

Et j'ai vingt ans.

Le mariage

Est à mon âge

35   Pour fille sage

Un avenir.

Prenons-y garde,

Dans ma mansarde

Le mari tarde

40   Bien à venir.

S'il vient, s'il ose,

Si je m'expose,

Las ! Je n'oppose

Que mes vertus.

45   S'il veut promettre,

Me compromettre,

C'est fait du traître,

Il ne sort plus.

Bis.

URSULE.

Quoi ! Tu n'es pas encore sortie ? Il est tard, tu ne trouveras plus le patron au magasin. Hâte- toi.

CLARA.

Je sors et je reviens vite.

URSULE.

Oh ! Tu n'as pas besoin de te presser.

À part.

Il va venir.

Haut.

À propos, j'ai failli être renversée, en montant l'escalier, par un jeune homme qui dégringolait les étages comme un torrent.

CLARA, à part.

C'est Tiburce, l'amour lui donnait des ailes.

URSULE.

Il ne m'a même demandé pardon.

CLARA.

Il allait chercher ses papiers.

URSULE.

Tu dis ?

CLARA.

Moi... Rien.

URSULE.

Je n'ai pas besoin de te recommander de n'écouter personne ; quand le nuit vient, les hommes sont d'une hardiesse...

CLARA.

Sois tranquille, mon vertueux Mentor.

À part.

Si elle savait.

Haut.

À bientôt ! M'attendras-tu pour souper ?

URSULE.

Cela dépendra de mon appétit.

Clara sort par le fond.

SCÈNE V.
Ursule seule, puis Séverin.

URSULE.

Je suis seule, il peut monter.

Elle va vers la fenêtre.

Le coeur me bat ! Pourtant je suis préparée à une déclaration. J'entends son pas. Il est lourd ! C'est une conscience sans reproche.

On frappe.

Entrez !

SÉVERIN, riant.

Ô bonheur !

URSULE.

Silence !

SÉVERIN.

Ah !

URSULE.

Marchez sur la point du pied.

SÉVERIN.

J'y suis.

URSULE.

Venez de ce côté.

SÉVERIN, criant.

Pourquoi ?

URSULE.

Parlez bas.

SÉVERIN.

Ah ! Bah !

URSULE.

Il y a dans cette chambre ma vieille grand-mère.

À part.

C'est un moyen de rendre les hommes circonspects.

SÉVERIN, à part.

Elle est ornée d'une mère grand... comme le Petit Chaperon rouge.

URSULE.

Ça pose ; on a l'air d'avoir une famille.

Haut.

L'entendez-vous ? Elle tourne son rouet.

SÉVERIN.

Oui, oui.

URSULE.

Il entend ! Quelle confiance : Si je vais ai accordé cette entrevue, c'est bien parce que je vous reconnais des sentiments délicats.

SÉVERIN, criant.

Je suis tous sentiments.

URSULE.

Chut !

SÉVERIN, parlant bas.

Délicats !

URSULE.

Que dirait-elle si elle apprenait qu'un homme est là ? On peut l'entrevoir d'ici.

À part.

J'ai un mannequin habillé dans ma chambre.

SÉVERIN.

Qu'est-ce qu'elle pourrait bien dire ?

URSULE.

Elle me donnerait sa malédiction. Silence.

SÉVERIN.

Ah !

URSULE.

Voyons, Monsieur, parlez moi vite de vos intentions.

SÉVERIN.

Tout bas ?

URSULE.

Oui...

Séverin lui parle à l'oreille.

Et puis ?...

Même jeu.

Je vous prie de parler haut, je n'entends pas de cette oreille-là.

SÉVERIN, passant derrière Ursule..

Je vais passer de l'autre côté.

URSULE.

Halte-là !... Vos intentions, s'il vous plaît ?

SÉVERIN.

Pour le quart d'heure, je n'ai pas encore dîné, et j'ai une furieuse envie de souper.

URSULE.

En tête à tête, peut-être ?...

SÉVERIN.

Je n'ose pas vous le proposer...

URSULE.

Eh bien ! Proposez-le, je veux voir jusqu'au va votre audace...

SÉVERIN.

Mademoiselle...

URSULE.

À propos, comment vous nommez vous ?...

SÉVERIN.

Séverin, de mon petit nom ; Tourniquet de mon nom de maison.

URSULE.

C'est un nom de machine ; mais, peu importe, causez, Tourniquet.

SÉVERIN.

Mademoiselle Ursule, permettez d'abord à un homme bien intentionné de vous convier à un festin chez vous... On cause mieux à table.

URSULE, à part.

Ici, c'est impossible... Avant une heure, Clara rentrera...

Après réflexion.

Ah ! Bah !

Haut.

Comme je tiens à ma réputation, je sais savoir si ma grand-mère est éveillée...

Elle va vers la porte.

Elle dort... J'accepte...

À part.

Nous souperons sur le pouce, dans ma chambre...

SÉVERIN, criant.

Je la tiens !... Ô ivresse !...

URSULE.

Plus bas...

SÉVERIN.

Oui.

URSULE.

Avez-vous un état ?

SÉVERIN.

Employé aux pompes funèbres.

URSULE.

Ah ! C'est triste !

SÉVERIN.

Mais, non, il y a des jours...

URSULE.

C'est pour cela que vous avez une cravate blanche.

SÉVERIN.

C'est pour vous faire honneur...

À part.

Je n'en ai pas d'autres.

Haut.

Aimez-vous le jambon ? Je vais en chercher.

URSULE, le retenant.

Que dirait la portière, si elle voyait un homme descendre et remonter ici avec des comestibles ?... Oh ! Les hommes !... Comme ils ont peu de soins de la réputation des femmes !...

SÉVERIN.

De jambon, ce n'est pas compromettant...

URSULE.

J'y vais moi-même.

SÉVERIN.

Voici ma bourse.

URSULE.

Fis donc ! Je suis chez moi.

SÉVERIN.

À Propos, vous n'avez jamais aimé que moi ?....

URSULE, sévèrement.

Monsieur Séverin, je suis logée à Montmartre, et je me lève à quatre heures du matin, c'est vous dire que j'aime à voir lever l'aurore.

SÉVERIN.

Compris...

ENSEMBLE.

Valse de Robin des Bois.

Le coeur est plein, mais l'estomac est vide,

50   L'amour est tiède, hélas ! quand on a faim ;

Il faut songer d'abord au plus solide,

Nous aurons l'idéal demain.

Elle sort par le fond.

SCÈNE VI

SÉVERIN, seul.

Ursule ! Mon Ursule !... Je t'envoie tous les baisers dont je dispose ; tu es une héroïne de désintéressement ;tu 'aimes pour moi-même et non pour mon or... et tu es vertueuse !.... Où sont les assiettes ? Ah ! Voici, je crois, le buffet ; je vais lui montrer que je suis un homme de ménage...

Il se met à couvert à droite.

Quand je pense qu'elle pourrait s'appeler Lucrèce, et que Monsieur Ponsard en ferait une tragédie...

Il arrange la table.

Avec deux verres et du sel et du poivre, c'est complet...

Il revient sur le bord de la scène.

J'ai pourtant rencontré cette femme !... Où la vertu va se nicher ? Dans un omnibus !

SCÈNE VII.
Séverin, Tiburce.

TIBURCE, sur le seuil de la porte.

Un homme chez ma fiancée !...

SÉVERIN.

Un intrus chez ma Lucrèce !...

TIBURCE.

Si c'était un voleur...

SÉVERIN.

Monsieur, vous vous êtes trompé d'étage c'est au-dessus.

TIBURCE, à part.

Je reconnais les meubles... et la chambre de l'invalide. Je suis trahis... Elle est coupable... Et moi qui rapportais mes papiers...

SÉVERIN, de même.

Est-ce un rival ? Qu'est ce que je pourrais bien en faire ?

TIBURCE, même jeu.

On prépare un souper à deux couverts...

SÉVERIN, haut.

Dites donc, quand vous aurez fini vos aparté dans ce coin... Vous pourrez vous en aller, je ne vous retiens pas.

TIBURCE.

M'en aller !... Je ne m'en vais que sur vos talons.

SÉVERIN.

Je n'aima pas qu'on se jette dans mes tête-à-tête...

TIBURCE.

Quand on se met au travers de mes amours, je casse...

SÉVERIN.

Moi, je fais payer la passe... Je m'aligne sur Arpin, j'attends mon homme, en en avant le coup de hanche... Je le fais passer par dessus ma tête.   [ 1 Joseph Arpin ou le Terrible Savoyard : lutteur de lutte gréco-romaine en plein renouveau au milieu du XIXème sicècle.]

TIBURCE, criant.

Je n'ai peur de rien.

SÉVERIN.

Ne criez pas tant.. Il y a une vieille femme qui dort.

TIBURCE.

Si je n'avais pas peur de réveiller la jambe de bois... je vous aurais déjà jeté par la fenêtre.

SÉVERIN.

Eh bien !

Bas.

Voyons, une fois, deux fois, voulez-vous déguerpir ?...

TIBURCE, bas.

Non ! Une fois, deux fois, sortirez -vous d'ici ?

SÉVERIN.

Jamais ! J'attends mon souper.

TIBURCE, haut.

Eh bien ! Nous serons trois à table.

SÉVERIN, criant.

Oh ! Non !

TIBURCE, criant.

Oh ! Si !

SÉVERIN.

Plus bas.

TIBURCE, bas.

Je vous mangerai plutôt que de ne pas manger votre souper, car je l'aime, moi...

SÉVERIN.

Mais, vous n'avez pas si faim que moi...

TIBURCE, à part.

Le vil suborneur ! Il est sur sa bouche...

Haut.

Je ne vous parle pas du souper, mais de mon amante.

SÉVERIN.

Je vous pris de ne pas qualifier ma fiancée de ce nom impropre, ou, décidément, je vais me fâcher ; et je vous préviens que je serai d'autant plus terrible que je suis à jeun.

TIBURCE.

Je m'en moque... Je viens de prendre mon café.

SÉVERIN.

Mais, vous avez oublié votre dessert... JE vais vous l'offrir.

TIBURCE.

Vous ?

SÉVERIN, criant.

Oui, moi !

TIBURCE, baissanr la voix.

Plus bas.

SÉVERIN.

C'est juste.

TIBURCE, bas.

J'en mangerais quatre comme vous.

SÉVERIN, bas.

Vous auriez une rude indigestion... Moi, votre carcasse me suffit ; je vais vous tailler en pièces.

TIBURCE, bas.

À quelle arme ?

SÉVERIN, lui donnant un coup de pied.

À la botte !

TIBURCE, bas.

Lâche ! Vous frappez par derrière, mais mois, je frappe par devant...

Lui donnant un coup de pied.

SÉVERIN, élevant la voix.

Je vous tuerai !

TIBURCE.

Plus bas, donc !

SÉVERIN.

Je vous tuerai !

TIBURCE.

Avec des pistolets, votre affaire est faite...

SÉVERIN.

Sortez !

TIBURCE.

Vous voulez dire sortons ?

SÉVERIN, à part.

Ah ! Ta vertu, Lucrèce, va peut être causer mon trépas !

TIBURCE.

Elle disait qu'elle n'avait jamais aimé... L'infidèle ! Ma trahir pour un homme aussi laid, et qui a une cravate blanche !

SÉVERIN, à part.

Quand je le considère, je trouve les femmes bien fantasques... Aimer des êtres presque difformes !

TIBURCE.

Eh bien ! Êtes vous prêt ?

SÉVERIN.

Toujours ! Allons au champ d'honneur, Monsieur, à deux pas, dans une carrière...

TIBURCE.

L'insulte que j'ai reçue veut du sang...

SÉVERIN, se tenant la joue.

La mienne aussi...

ENSEMBLE.

AIR : de Malborough.

Nous partons pour nous battre,

Mironton, mirontaine,

55   Nous partons pour nous battre,

On ne sait qui reviendra.

Bis.

On ne sait.....

Deux vers en criant, deux bas.

J'ai la main meurtrière,

Je vais te démolir ;

60   Au fond d'une carrière

La tienne va finir.

SCÈNE VIII.

URSULE, entrant par la porte de droite, avec un panier de provisions qu'elle dépose sur le buffet au fond.

Je suis montée par l'escalier de service pour ne pas être vue du portier... Ces provisions nocturnes auraient exercé sa langue... Eh bien ! Où est donc mon fiancé ?

Elle va vers la porte du fond.

J'entends des voix glapissantes... Est-ce que mon bien-aimé se serait pris de bec avec le Pipelet ?... Il va remonter... Ah ! Grand Dieux ! Il a mis le couvert ici ! Enlevons-le vite... Que dirait Clara ? Moi qui lui ait dit si souvent qu'on ne soupait qu'avec son mari...

AIR : Amis, voici la riante semaine.

Dépêchons-nous, vite il faut que j'enlève

Sans rien laisser les traces du souper.

En le voyant que dirait mon élève

65   A son Mentor qui s'est émancipé ?

Fût-on doué d'un appétit féroce,

J'ai dit souvent avec certain éclat :

Il ne faut pas faire un repas de noce

Avant qu'on ait paraphé le contrat.

Bis.

Ah ! Le voici ; j'entends son pas léger... il ne veut pas réveiller le rouet de ma grand-mère... Clara !

SCÈNE IX.
Ursule, Clara.

URSULE.

C'est déjà toi ?

CLARA.

Oui ; j'ai pris l'omnibus.... Et j'apporte de la besogne pour huit jours. Qu'est ce que c'est que ce couvert .

URSULE, hésitant.

Je t'attendais...

CLARA.

Tu as mis une nappe... Quel luxe !

URSULE.

Le linge blanc égaye un souper.

CLARA.

Du vin, du jambon, des côtelettes aux cornichons... et des mendiants... Ça a l'air d'une repas de noces !...

CLARA.

Le jambon me prouve que tu as pensé à moi... C'est toujours ce que je demande pour le dessert... Allons ! À table !

URSULE.

Commence.

CLARA.

Est-ce que tu n'as plus faim ?

URSULE.

Si... mais... je crois que j'ai sommeil...

CLARA.

Je ne veux pas manger seule... Viens donc !

URSULE.

Non, décidément, je ne souperai pas...

CLARA.

Es-tu fantasque ?

SCÈNE X.
Les mêmes, Le Concierge.

LE CONCIERGE.

Une lettre pressée pour Mademoiselle Clara.

CLARA.

Donnez...

À part.

Quel contretemps !...

Devant Ursule.

Il me dit qu'il attend encore ses papiers.

URSULE.

Ah ! C'est de Denise ma cousine...

Elle lit.

« Perfide Clara, j'ai trouvé une homme installé chez vous... Je l'ai provoqué, je l'ai tué, la police est sur mes traces... Sauvez-moi la vie... J'attendrai chez le marchand de vin en face, que vous me fassiez signe, et je grimpe vos cinq étages.

Votre affectueux, mais bien malheureux ami,

TIBURCE. »

Parlé.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

URSULE, à part.

Cette lettre est louche... Je saurai bien ce que c'est... Éloignons-là d'abord...

Haut.

Allons, Clara, achèves-tu ton souper ?

À part.

Il me semble toujours entendre son pas dans l'escalier.

CLARA.

Je n'ai plus faim... Il est tard... Nous garderons cela pour demain.

À part, en s'en allant.

Quand elle sera endormie, je lui ferai signe de monter... Il m'expliquera... ce que cela veut dire ?

Elle entre à droite.

SCÈNE XI.
Ursule, regardant sur l'escalier, puis Séverin.

URSULE, écoutant.

Cette fois, c'est bien lui... Je meurs d'effroi.

Elle va fermer la porte de Clara, à droite.

SÉVERIN.

Sauvez-moi !... Cachez moi !... Ou je suis un homme perdu...

URSULE.

C'est une frime !... Je le connais !... Mais d'où venez-vous ?

SÉVERIN.

Ah ! Volage ! Perfide ! Vous qui disiez que vous étiez vertueuse, et que vous aimiez à vous lever l'aurore... Savez-vous qui est venu chez vous à la place de l'aurore aux doigts de rose ? Un homme ! À la poigne féroce, avec lequel j'ai eu des mots...

URSULE.

Un homme... Ciel !...

SÉVERIN.

Puis, nous sommes allés nous entre'égorger dans les carrières de Montmartre... et je j'ai tué !

URSULE, fort.

Ô homicide !...

SÉVERIN.

Plus bas... Pour défendre votre honneur qui était compromis sur ma face...

URSULE.

Vous avez mon estime, Tourniquet, et, de plus, mon amour...

SÉVERIN.

Ce n'est pas ce qu'il me faut ce soir, c'est une cachette... En passant sur la place du Théâtre, j'ai cru voir un gendarme qui lisait sur ma figure... Il a suivi le même chemin que moi... Tenez, écoutez, on monte : l'on vient de m'arrêter... Je suis mort à mon tour !... Chut ! N'entendez vous pas ?...

URSULE.

Vous me faites peur...

SÉVERIN.

C'est moi qui ai peur... Voyons, cachez moi.

URSULE.

Où....

SÉVERIN.

Quelque part... Dans la chambre de la grand-mère...

Il monte à la porte de gauche ; Ursule le retient.

URSULE.

Ah ! Monsieur...

SÉVERIN.

Eh bien ! Dans la vôtre...

URSULE.

Que dirait le monde ?...

SÉVERIN.

Dans le danger, on se met où on peut... Mais, sapristi ! La gendarmerie monte...

URSULE.

Eh bien ! Entrez dans cette armoire... Pour moi, je me barricade, et je n'ouvre à personne...

Elle le fait entrer dans l'armoire.

SÉVERIN.

Qu'est-ce qu'il y a là-dedans...

URSULE.

De la confection.

SÉVERIN.

Ah ! Me voilà dans de beaux draps...

URSULE.

Non ! Vous êtes dans la soie...

SÉVERIN.

Je crois qu'on frappe...

URSULE.

Silence !...

Elle ferme l'armoire, et rentre dans sa chambre.

SÉVERIN.

Il ouvre la porte de l'armoire.

Jurez-moi qui vous m'avez été fidèle...

URSULE.

Qu'il est bête ! Quand on vous dit que : oui... Quel intérêt aurais-je à vous tromper aujourd'hui ?

SÉVERIN.

Elle a raison, tu as raison... Je te crois.

URSULE.

Fermez donc l'armoire, et ne me tutoyez pas...

Elle entre dans sa chambre, à gauche.

SCÈNE XII.
Clara, sortant de sa chambre, puis Tiburce.

CLARA.

Ursule doit dormir... J'ai fait signe à ce pauvre garçon de monter.

Elle va vers la porte.

Entrez, malheureux...

TIBURCE, entrant très en colère.

Oui, j'entre, fille coupable... Parce que j'ai froid... Oui, j'entre, créature fallacieuse... parce que je n'ai pas où aller...

CLARA.

Plus bas donc...

TIBURCE.

Il ne dort donc pas l'invalide ?...

CLARA.

Non.

TIBURCE.

Répondez... Vous avez un amant ?

CLARA.

Je n'ai que vous.

TIBURCE.

Quel est l'homme en cravate blanche que j'ai tué, et qui allait souper avec vous ?...

CLARA.

Un homme qui allait souper...

TIBURCE.

Voilà le couvert mis.

CLARA.

Ah ! C'est mon Mentor qui me faisait mystère de cette intrigue...

TIBURCE.

Quel mentor ?

CLARA.

Vous saurez tout... Je suis pure comme le jour...

TIBURCE.

Ça n'est pas rassurant... Il est onze heures du soir.

CLARA.

Je vous le jure.

TIBURCE.

Bien vrai ?... J'ai si froid et si peur que j'ai bien envie de pardonner...

CLARA.

Douteriez-vous de mon amour ?

TIBURCE.

C'est qu'il m'a donné un coup de pied plein de jalousie...

CLARA.

Il n'était pas pour vous.

TIBURCE.

Il aurait dû me demander mon nom, avant de frapper... Saprelotte ! J'entends remuer... C'est le réveil de la jambe de bois... Où fuir ?...

Il se dirige vers la chambre, Clara se met devant lui.

CLARA.

Respectez cet asile, Monsieur Tiburce ; il est inviolable !

TIBURCE.

Si je sors je suis pris... Si je reste, je suis assommée... Cachez-moi !...

CLARA.

C'est Ursule qui se réveille ! Entrez vite dans cette armoire...

Elle l'enferme dans l'armoire et rentre chez elle. Obscurité profonde.

SCÈNE XIII.
Ursule, seule, puis Tiburce.

URSULE.

Il est tard, il n'y a personne dans la rue à cette heure... Il peut fuir sans être vu... Je vais délivrer le pauvre prisonnier...

Elle ouvre l'armoire, et prend par la main Tiburce.

Il n'y a plus de danger pour vous, tout le monde est endormi dans la maison...

TIBURCE.

Déjà m'en aller ?

URSULE.

Vous vous trouviez bien dans cette armoire ?...

TIBURCE.

La cloison est si légère, que j'entendais soupirer dans la chambre voisine... C'était au moins un buffle qui avait fait une longue course... ou bien l'invalide...

URSULE.

Vous rêviez...

TIBURCE, lui prenant la taille.

Je voudrais ne pas m'en aller...

Clara sort de sa chambre et va délivrer Séverin ; ils descendent en scène.

SCÈNE XIV.
Les Mêmes, Séverin, Clara.

CLARA, ouvrant l'armoire.

Venez donc... Il est temps de partir...

SÉVERIN.

Ouf ! Que diable fourrez-vous donc dans cette armoire ? Est-ce que vous y mettez vos mannequins ?...

CLARA.

Mais non... La peur vous fait voir toutes sortes de choses qui n'existent pas.

CLARA.

Vous avez rêvé.

SÉVERIN.

Dans l'obscurité on rêve à ses amours...

Il lui prend la taille.

CLARA.

Eh bien ! Monsieur... Je crois que vous vous émancipez ?

Ils sont à droite de la scène ; Ursule et Tiburce à gauche.

URSULE, à Tiburce, bas.

Quand nous serons mariés.

TIBURCE.

Supposons que nous le somme, et laissez-moi prendre un baiser.

URSULE.

Sur la main seulement, et vous partirez après...

Tiburce lui baise la main.

TIBURCE.

Quelle petite main douce !... Laissez-là dans la mienne...

URSULE, à part.

C'est drôle... J'ai senti des favoris !... Je savais bien que la peur faisait blanchir les cheveux, mais je ne pensais pas que ça fît pousser la barbe...

CLARA, de son côté.

Non, non, je ne veux pas... C'est inutile d'insister... J'ai des principes.

SÉVERIN.

Un homme qui a exposé sa vie a bien le droit de demander une récompense...

CLARA.

Je veux bien vous accorder ma mains à baiser, à condition que vous partiez tout de suite...

SÉVERIN.

Accepté !...

Il baise le main.

Ô délices !...

CLARA.

Tiens ! Il n'a plus de barbe !... Est-ce qu'il s'est rasé de peur de la gendarmerie ?...

URSULE.

Ah ! Mais vous devenez entreprenant ; ce n'est pas convenable... Allez-vous en !

CLARA.

C'est assez, monsieur ; il faut vous retirer, ou je rentre chez moi et je m'enferme...

Les deux femmes font un mouvement en arrière ; les deux hommes marchent derrière elles, mais chaque homme rencontre sa maîtresse. La scène reprend.

SÉVERIN.

Pourquoi me fuyez-vous ?...

TIBURCE.

Si vous vous en sauvez, ça n'est pas de jeu...

URSULE, à Séverin.

Vous n'êtes pas encore parti ?

CLARA, à Tiburce.

Je suis décidée à ne rien accorder de plus.

TIBURCE.

Encore un baiser, et je pars...

SÉVERIN.

Un mot d'amour, et je m'enfuis...

Séverin saisissant Ursule par le bras.

URSULE.

Tenez, voilà pour vous !...

Elle lui donne un soufflet.

Je n'ai rien senti ! C'était donc postiche tout à l'heure ?...

CLARA.

Allons ! Voilà que vous tapez dans vos mains pour vous réchauffer, maintenant !... Vous allez réveiller la maison...

TIBURCE.

Moi, mes mains sont libres, et je les emploie à vous tenir captive.

Il l'embrasse.

CLARA, lui donnant un soufflet.

Sa barbe a repoussé !...

SÉVERIN.

Il y a un écho dans la chambre !

URSULE.

Grands dieux ! Il y a du monde ici, taisez-vous !...

CLARA, à Tiburce.

On chuchote... Faites silence !

Moment de silence.

URSULE.

Rien !

SÉVERIN.

Rien !

CLARA.

Rien !

TIBURCE.

Rien !...

Tous les uns après les autres.

SÉVERIN.

Si j'allumais une chimique ?   [ 2 Chimique : allumette chimique, allumette au phosphore.]

Il prend un briquet.

TIBURCE.

Il faut voir clair dans ce dédale.

Il prend un briquet. Aussitôt que la lumière ce fait, les deux femmes se précipitent dans leurs chambres, les deux hommes allument ensemble la bougie placée sur la table, se regardent avec effroi et se lèvent en criant.

SCÈNE XV.
Séverin, Tiburce.

TIBURCE, SÉVERIN, ensemble.

C'est un revenant !

TIBURCE.

Eh quoi ! Vous n'êtes pas mort ?

SÉVERIN.

Et vous ?

TIBURCE.

Entier.

SÉVERIN.

Complet.

TIBURCE.

Mais vous êtes tombé.

SÉVERIN.

De peur.

TIBURCE.

Moi aussi.

SÉVERIN.

Donnons-nous la main, nous sommes faits pour nous comprendre.

TIBURCE.

Ah ça ! Est-ce que c'est vous que j'embrassais tout à l'heure ?

SÉVERIN.

J'espère bien que non.

Les deux femmes entr'ouvrent la porte.

TIBURCE.

Non, ça n'est pas la même main.

SÉVERIN.

Mais qu'est ce que vous revenez faire ici ? Si c'est pour la grand-mère, c'est bien, il ne faut pas rougir pour ça?

TIBURCE.

Et vous, vous êtes peut-être le grand-père de l'invalide ?

SÉVERIN.

Quel invalide ?

TIBURCE.

Quelle grand-mère ?

SÉVERIN.

Là.

Il montre la porte de gauche.

TIBURCE, montrant l'autre porte. Ursule est sur le seuil.

Là.

SÉVERIN.

Connais pas...

TIBURCE.

Inconnue.

CLARA.

Tournez-vous.

URSULE.

Regardez de ce côté.

SÉVERIN.

Celle que j'aime.

TIBURCE.

Vous me prenez mon mot ; approchez, mesdemoiselles.

SCÈNE XVI.
Ursule, Séverin, Tiburce, Clara.

URSULE.

Maintenant que tout est éclairci, et que vous n'êtes plus rivaux, puisque chacun a sa chacune, vous pouvez battre en retraite, car vous ne pouvez rester plus longtemps ici.

TIBURCE.

Nous renvoyer à cette heure-ci, c'est inhumain.

SÉVERIN.

C'est plus qu'inhumain, c'est cruel.

CLARA, va ouvrir la porte du fond..

Allons, allons.

TIBURCE.

Mais que dira le portier en nous voyant sortir à cette heure ?

URSULE.

Ah Diantre!

SÉVERIN.

Il nous prendra pour des amants.

CLARA.

Ou des voleurs.

TIBURCE.

Position perplexe.

SÉVERIN.

Mais si l'amant doit s'en aller, le mari peut rester, hein ?

URSULE.

Ceci est une bonne parole.

TIBURCE.

Le mari peut rester, a dit mon ex-antagoniste...

CLARA.

Pour de bon.

URSULE.

Pour de vrai.

SÉVERIN, TIBURCE.

Et pour toujours.

CLARA, va ouvrir la fenêtre.

Ils peuvent rester car voici le jour.

SÉVERIN.

Le jour, déjà ! L'aurore d'Ursule ; ceci me rappelle que j'ai une faim d'enragé.

TIBURCE.

Et comme le couvert est mis, nous allons déjeuner de bon appétit.

CLARA.

Ce sera le déjeuner des fiançailles, car j'espère que vous avez vos papiers.

TIBURCE.

Ils sont en règle.

URSULE.

Quand je pense que vous avez failli vous tuer tous deux d'un seul coup...

CLARA, à Ursule.

Vois cependant où pouvaient vous conduire tes cachotteries, si nos amoureux avaient été braves.

URSULE.

Je frémis rien qu'en y pensant... Que veux -tu ? On a beau se gendarmer contre ces gredins d'hommes... Il arrive toujours un moment où ils sont plus forts que nous.

TIBURCE, à Clara.

À table ! À propos, est-ce que l'invalide ne prend pas sa part du festin ?

CLARA.

L'invalide ! Mais je n'ai jamais eu que son sabre.

TIBURCE.

Alors on peut parler haut.

SÉVERIN, à Ursule.

J'espère que la grand-mère bénira notre union.

URSULE.

Elle y consent. On n'a qu'à allonger les deux bras du mannequin.

SÉVERIN.

Et le rouet ?

URSULE.

Il n'a tourné que dans votre cervelle.

CLARA.

Comme les hommes sont confiants !

URSULE.

Aussi nous n'en abuserons pas à table.

AIR : J'en guette un petit.

TIBURCE.

70   Je ne sais pas pourquoi je tremble encore,

Autour de moi je n'ai pas d'ennemis.

SÉVERIN.

J'ai beau m'unir à celle que j'adore,

De ma frayeur je ne suis pas remis.

CLARA.

En se frappant tous les deux avec rage,

75   De son côté chacun d'eux s'est cru mort.

URSULE.

Mais vous, messieurs, si vous frappez bien fort,

Peut- être ils reprendraient courage.

ENSEMBLE.

Après tant de cris et d'alarmes,

Tous les quatre nous voilà pris.

80   À l'amour nous rendre les armes.

LES HOMMES.

Et nous voilà tous deux maris,

LES FEMMES.

Et nous y gagnons des maris.

 



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Notes

[1] Joseph Arpin ou le Terrible Savoyard : lutteur de lutte gréco-romaine en plein renouveau au milieu du XIXème sicècle.

[2] Chimique : allumette chimique, allumette au phosphore.

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