LA COLONIE

COMÉDIE EN DEUX ACTES

Imitée de l'italien, et parodiée sur la Musique du Signore SACCHINI.

Représentée pour la première fois pour les Comédiens Italiens le 16 août 1775.

Prix, 1 liv. et 4. s., et 4 liv. 16 s. avec toute le Musique.

M. DCC. LXXV. Avec Approbation et Permission

À PARIS, Chez la Veuve Duchesne, Libraire, rue S. Jacquet au Temple du Goût.

De l'imprimerie de QUILLAU rue du Fouarra.

Représentée pour la première fois par les Comédiens italiens le 16 août 1775.


Texte établi par Paul FIEVRE, novembre 2023.

publié par Paul FIEVRE, décembre 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 30/04/2024 à 20:06:09.


AVERTISSEMENT

On vend aux adresses ordinaires de Musique des Recueils des airs de la Colonie prix 2 livres 8 sols.

La Collection complète, 3 livres 12 sols.

Chaque air séparé sur le pied de 4 sols la feuille.

Par cet arrangement les acteurs de province et de société, avec la Pièce imprimée et les airs détachés de leur rôle l'auront tout gravé bien meilleur marché que s'ils le faisaient copier. On vend aussi la Pièce imprimée avec toute la musique.


AU LECTEUR.

On a peu de chose à dire sur cette pièce. On se croit des droits légitimes sur l'indulgence du Public en faveur de la superbe Musique qu'on lui a fait entendre. Rien n'a jamais été donné avec moins de prétention que ce poème ; personne n'en a dit et n'en a pensé plus de mal que l'auteur mais s'il est permis de publier un ouvrage, malgré la faiblesse qu'on lui connaît, c'est dans ce cas ci, où la Musique devait dédommager de tout, devait imposer silence à tout Critique.

L'Auteur ne veut ni prendre sur lui seul ni charger l'auteur original de tous les défauts de cette Pièce. Obligé de conserver tous les morceaux de Musique il a dû s'attacher au même fonds de sujet et presque suivre la même marche, adopter les mêmes situations, puisque ces situations étaient exprimées en musique de là les vices de contexture, les entrées, les sorties mal motivées les langueurs de quelques scènes qui ne marchent pas assez vite vers l'action. Ces défauts font de l'original. On a récrit la pièce en entier, tous les défauts du dialogue appartiennent par conséquent au Traducteur.

Qu'on ne croie pas au reste qu'on veuille rejeter sur l'auteur inconnu de l'intermède Italien des fautes dont on est soi-même coupable. On ose dire au contraire qu'on a tant ajouté de motifs qui n'y étaient pas de liaisons qui manquaient, de vraisemblance, de bienséances, etc. qu'on en pourrait espérer le pardon du reste.

Veut-on avoir une idée du canevas Italien ? Il s'appelle l'Isola d'Amore (l'Île d'Amour.) la scène se passe aux Indes dans une île imaginaire. De jeunes Indiens qui prétendent au coeur de Marine ont dressé un arc de triomphe sous lequel elle doit passer. Le Gouverneur lui dit, sans lui en expliquer la raison que quand on arrive dans cette île, il faut se marier au bout de deux jours ou s'en aller. Ce Gouverneur est un étranger mais on ne fait ni d'où il est ni pourquoi il est dans cette île ni comment il en est le Gouverneur. Seulement il est amoureux de Marine arrivée depuis deux jours, et se trouve si honoré de ce qu'elle le choisit pour époux, qu'il renvoie les autres Indiens en les chargeant de railleries. Seul avec Marine il lui dit qu'il a autrefois aimé Bélinde, mais qu'elle lui est infidèle sans dire comment il l'a su. Marine à son tour, lui apprend qu'elle aimait Nardo un malheureux pêcheur qu'ils étaient dans leur petite barque, lorsque la tempête les a jetés sur ces côtes où elle suppose qu'il est péri. Il n'y a d'ailleurs aucune raison pour que le Gouverneur fasse un pareil choix. L'action marche comme dans la Colonie, avec un dialogue très différent, jusqu'à l'arrivée de Bélinde. Alors le théâtre change, elle parait disant qu'elle court après son amant. Loin d'être effrayée de la loi dont Nardo lui parle. Elle en fait des plaisanteries bien plates et lui propose néanmoins assez indécemment, de passer pour son mari. Même imbroglio que dans la Colonie, excepté que dans l'Isola d'Amore, le Gouverneur ne peut croire en aucune façon,que ce pêcheur, vêtu comme tel, fait le mari de Bélinde. Celle-ci fait des reproches à son Amant, sous le nom d'une amie, ce qui dure toute le pièce. Au second acte il y a une scène d'injures entre les deux femmes laquelle ne produit rien. Le Gouverneur qui a traité Bélinde d'une manière que des Français n'auraient jamais soufferte ne se doute seulement pas qu'elle puisse être innocente. Nardo vient lui dire qu'elle l'était, qu'il vient de la voir se jeter dans la mer, et lui apporte une lettre. Alors seulement, on apprend qu'un certain Leandre l'a perdue auprès de son amant. Vous croyez qu'il est au désespoir, il le dit d'abord ; mais il s'interrompt bientôt, pour faire une plaisanterie au pauvre Nardo. Il lui fait accroire qu'il va jouir des plus grands honneurs possibles. On va le mettre sur un beau bûcher, auprès du cadavre de sa femme (quoiqu'il sache bien maintenant qu'ils ne sont pas mariés) et l'on va les brûler tous deux. Quand ce persiflage a duré toute une ariette, le Gouverneur reprend son désespoir et court après Bélinde. Vient alors la scène qui a donné lieu à la dernière de la Colonie. En voici là traduction qui donnera une idée du style de la pièce originale.

NARDO. Hé bien Marine ; que t'est-il arrivé ?

MARINE. Comment ! rien du tout. Et toi que veux-tu ? qu'as-tu à dire ?

- N. Je dis que je donnerais un de mes yeux pour que Bélinde se retrouvât vivante.

- M. Et moi je les donnerais tous deux, pour que tu crevasses.

- N. La belle sentence !

- M. Pas tant que ton insolence.

- N. Et elle ne cède pas encore quelle obstination !

- M. (à part). Cependant je devrais le traiter un peu mieux. Qui fait... s'il arrivait...

- N. (aussi a part. ) Quittons cette orgueilleuse.

- M. Nardo écoute.

- N. Que veux-tu ?

- M. Je veux m'apaiser. Allons demande moi pardon.

- N. Comment me prends-tu pour une imbécile ? Te demander pardon plutôt à notre chat !

- M. Hé bien je m'en vas.

- N. Que m'importe ? Voici ton chemin. Je m'en vas par ici.

- M. Et moi par-là.

Ensuite le Duo qui ne contient que des railleries de la part de Nardo, et des injures de celle de Marine. Dans la première Ariette le Gouverneur prétend que l'arc de triomphe élevé pour y faire passer Marine, est le modèle de sa beauté. Cette comparaison excessivement Italienne aurait pu sembler étrange à nos Dames Françaises et n'aurait sûrement pas été de leur goût.

On sent combien il a fallu changer ce style et ce canevas combien de raisons, de motifs de vraisemblances il a fallu introduire et cela sans déranger la contexture sans toucher aux situations, ni même au fond de chaque scène qui amenait l'ariette. Si l'on prend garde que tout ce travail était indépendant de celui qu'il a fallu faire, pour mettre des paroles françaises sous la musique, de manière à conserver tous les tableaux et à ne point faire saigner les oreilles, peut-être loin de reprocher à l'Auteur ses irrégularités, lui faudra-t-on quelque gré de ses efforts qui ont servi à faire rendre en France à la musique du célèbre Sacchini, la justice qu'elle mérite.


NOMS DES PERSONNAGES et des Acteurs

FONTALBE, Gouverneur de l'île M. Julien.

BÉLINDE, Amante de Fontalbe, M'Colombe.

MARINE, jeune Jardiniere Ma.demoif.le Fevre.

BLAISE, Jardinier, Amant de Marine M. Narbonne.

La Scène se passe dans une île nouvellement habitée.


ACTE PREMIER

Le Théâtre représente une avenue dans une forêt. Au bout de l'avenue un pavillon et la mer dans l'enfoncement.

SCÈNE PREMIÈRE.

FONTALBE, seul.

AIR.

Dès ce soir l'hymen m'engage,

Tendre amour plus de rigueur ;

Jeune objet, aimable et sage,

Va me rendre le bonheur.

5   Une ingrate, un infidèle

Trop longtemps fit mon malheur ;

J'ai fait choix d'une autre belle

Qui partage mon ardeur.

Oui ce soir.

10   Que Bélinde était charmante !

Tant d'attraits ! Tant de noirceur !

Souvenir qui me tourmente !

Malgré moi cette inconstante

Est encor chère à mon coeur.

Oui, le fort en est jeté, j'épouse Marine. Qu'importe sa naissance ? Ce coeur simple que les moeurs de la ville n'ont point corrompu, peut seul me faire oublier la trahison de l'infidèle Bélinde. Mais voici ma jolie villageoise.

SCÈNE II.
FontalbE, Marine.

MARINE.

Bonjour, Monsieur le Gouverneur.

FONTALBE.

Bonjour, ma belle enfant. Hé bien c'est aujourd'hui que vous allez faire un heureux.

MARINE.

Est-ce qu'il y a déjà huit jours que je suis dans votre île.

FONTALBE.

Oui le huitième jour expire. Il faut faire un choix ou partir.

MARINE.

Partir ! Qué'que-vous voulez que je devienne ? Se marier du moins on fait à quoi s'en tenir.

FONTALBE.

Par quel hasard êtes-vous abordée ici ? Car il ne m'a pas encore été possible de vous le demander.

MARINE.

J'étais Jardinière en France. Notr' maître et notr' maîtresse avaient affaire en Martinique. Ils m'emmenèrent ; nous arrivons ; point du tout v'la qu'au retour comme on était devant vot'île, v'la un vent, une tempête, des éclairs, le tonnerre... V'la le vaisseau qui se fracasse contre les rochers, v'la que tout périt, et mon pauvre maître et ma pauvre maîtresse noyés au fond de la mer. Pour moi j'eus le bonheur de me sauver je ne fais comment, pleurant leux accident et surtout la mort de ce malheureux Blaise qui nous accompagnait.

FONTALBE.

Quel était donc ce Blaise ?

MARINE.

Ah ! Blaise ? C'était le Jardinier mais il est mort.

FONTALBE.

Enfin ?

MARINE.

Enfin après bien des peines, je suis parvenue à votre nouvelle ville. On m'a présentée à vous, parce qu'ous êtes le Gouverneur ; on m'a dit votre loi qui ordonne à toutes les jeunes filles qui arrivent de prendre un mari sous huitaine ou bien de s'en aller. Je voulais partir d'abord, mais à présent j'aime mieux rester.

FONTALBE.

Qui peut donc suspendre si longtemps votre choix ? Est-ce le souvenir de Blaise ?

MARINE.

Non ; mais mon choix aurait qu'à ne pas plaire à celui qu'il regarde.

FONTALBE.

Vous êtes trop aimable pour craindre ce danger. D'ailleurs la loi vous soumet tous les jeunes gens de cette île. Avec quel plaisir je me suis mis moi-même sur les rangs !

MARINE (avec un air de confusion jusqu'à la fin de l'air.)

Vous, Monsieur Fontalbe !

FONTALBE, vivement.

Oui, belle Marine, je vous aime et vous pouvez d'un mot me rendre heureux.

MARINE ( toujours confufi. )

Hé bien, je vais donc vous dire... Ah ! Mais ne me regardez pas comme cela en face ; cela me rend toute confuse.

AIR.

15   Oui ma honte en est extrême,

Mon virage est tout en feu,

Ah détournez-vous un peu.

Oui le seul objet que j'aime?

S'il veut bien m'aimer de même.

20   C'est vous, vous-même,

J'en fais l'aveu.

FONTALBE.

Quelle grâce elle est extrême !

Quel bonheur Marine m'aime ;

J'en reçois le tendre aveu.

ENSEMBLE.

25   Le Dieu d'Amour qui nous enchaîne,

Est favorable à nos désirs,

Sans nous faire sentir la peine,

Il nous offre les doux plaisirs.

MARINE.

Mais c'est une drôle de loi que la vôtre car enfin si on ne voulait pas prendre de femme ou de mari... Ah ! Vous me direz on a toujours besoin de ça.

FONTALBE.

Pour bien comprendre cette loi, il faut que vous sachiez l'histoire de notre arrivée dans l'île. J'aimais Bélinde et je m'en croyais aimé. Une succession l'appelait à la Martinique ; j'armai trois frégates, et le conduisais avec deux de ses parentes. Une nuit l'infidèle disparut avec un de nos vaisseaux que commandait Dorval mon ami. Une lettre m'apprit qu'elle était mariée. Le lendemain ce malheur fut suivi d'un autre. Nous échouâmes contre cette île que nous trouvâmes belle et fertile. Ne pouvant en sortir nous résolûmes de l'habiter. J'étais Commandant de la flotte, je fus Gouverneur de la Colonie. Comme il n'y avait presque point de femmes parmi nous il fut résolu que toutes celles qui aborderaient auraient huit jours pour se choisir un mari parmi nos jeunes gens, car il faut songer à l'essentiel.

MARINE.

Ah ! C'est naturel et bien pensé.

FONTALBE.

Sinon, quelles s'en iraient dans une de nos petites barques ou il plairait aux vents et à la mer irritée de les conduire.

MARINE.

Hé bien je parie qu'elles se marient toutes.

FONTALBE.

Cela n'a pas encor manqué. Jusqu'ici toujours occupé du souvenir de Bélinde je me suis excepté du choix des nouvelles arrivées mais on murmurait de mon célibat ; je songeais à y renoncer ; je vous vis paraître et vous me déterminâtes.

MARINE.

Vous êtes bien poli mais j'ai peur que c'te Mam'sel Bélinde...

FONTALBE.

Je ne la verrai sans doute jamais, et tout entier à vous puis-je m'occuper d'une autre idée ?

MARINE.

Mais vous n'êtes pas encor tout entier à moi.

FONTALBE.

Nous zerons dès ce soir unis l'un à l'autre. Je voudrais ne te quitter jamais.

AIR.

Dis-moi donc quand je te quitte,

30   Quelle peine en moi s'excite !

Je ne fais ce qui m'agite ;

Je soupire malgré moi.

Ah je devine

Chère Marine.

35   C'est mon coeur que je te donne,

C'est mon coeur qui m'abandonne

Pour voler auprès de toi.

Daigne l'entendre

Ce coeur si tendre.

40   Daigne le prendre

En amitié.

Ce coeur implore ta pitié.

SCÈNE III.
Marine et ensuite Blaise.

MARINE.

JE vais donc me marier aujourd'hui... à un Gouverneur cela est-il croyable. Qui m'aurait dit il y a six semaines seulement dans six semaines tu feras grande Dame, tu feras Princesse, quasi Reine. ... Bah ! J'aurais cru qu'on se serait moqué de moi. Ce pauvre Blaise s'il était ici... Oh ! Celui-ci vaut mieux. D'abord parce que c'est un Monsieur... et puis il est ben gracieux ben poli. Mais aussi je n'oserai pas le gronder le tarabuster comme Blaise car nous avions des querelles !... Ah ! Je l'aimais bien... mais il est mort, il n'y faut plus songer.

BLAISE (qui est entré sur la fin du monologue examinant avec étonnement tout ce qu'il voit.)

C'est une avenue... Voilà un pavillon... J'ons vu des maisons par là-bas. Allons faut espérer que je n'en mourrons pas et que je trouverons à qui parler. Mais v'la-t-il pas... Eh !... C'est.... c'est elle. C'est toi, ma chère Marine !

MARINE.

Ah ! Ciel ! Ah ! Tu m'a fait une peur ! Eh ! Mais c'est toi, Blaise ! Eh ! Tu n'es donc pas mort ?

BLAISE.

Moi mort ! Non pas que je sache. Je fis v'nu ici de rochers en rochers, et je ne me somm' pas sauvé tout seul, non. J'ons tiré avec moi eune malle toute pleine d'argent, de linge, d'habits galonnés, je vendrons tout ça dans le pays pis qu'il y a du monde, et s'il y fait bon, je nous y établirons... Mais dis moi donc, m'n'enfant, dis-moi comment t'es-tu sauvée ? Je t'ons bian crue au fin fond de la mer ; je t'ons bian pleurée. Mais que je t'embrasse ! Je sis si aise de te voir... et toi tu ne dis rien, est-ce la joie qui te rend muette ?

MARINE.

Sûrement... Je m'attendais si peu...

À part.

Comment li conter tout ça.

BLAISE.

Ça se peut bian, ça me fait ç't'effet la queuquefois. Par exemple, quand j'ons vu que les poisions ne me vouliont pas dans leux compagnie, j'étions là sur le rivage, tout ébahis, comme ça, ah !

MARINE, soupirant.

Tu feras ben plus ébahi quand tu sauras tout.

BLAISE.

Hé bien conte-moi donc vite conte, conte. Connais-tu déjà queuques-uns ici ?

MARINE, un petit air de vanité.

Oui, je connais le Gouverneur, et d'un.

BLAISE.

C'est bon ça. Hé bien, faut li dire qu'il me fasse son jardinier et tu seras sa jardinière.

MARINE, un peu de fierté.

Sa jardinière dea ! Oh ! Je ferai mieux que ça.

BLAISE.

Hé ben, qu'il te fasse sa cuisinière, sa dame d'honneur qu'il te fasse tout ce qu'il voudra, pourvu qu'il nous marie.

MARINE, avec embarras.

Qu'il nous marie... mais... il se marie aussi, lui !

BLAISE.

Tant mieux. J'irons la noce, j'y danserons ensemble. Ne feras-tu pas ben aise d'y venir ?

MARINE, toujours un peu de vanité au travers de son embarras.

Vraiment, il faudra bien que j'y aille. Mais c'est que tu ne fais pas qui il épouse.

BLAISE.

Ma foi non ; ça m'est égal tout comme à toi.

MARINE.

Ça t'est.. ça t'est égal... c'est que...

Avec impatience.

C'est que tu es venu bien tard aussi.

BLAISE.

Comment ben tard ! Depis huit jours que j'ons fait naufrage, j'ons fait bien des pas. Ce sont des chemins de diable quand on ne connaît pas sa route. Je me sis pardu pus de cent fois ; mais je te trouve et je sis content queuque nous fait le reste ?

MARINE.

Ça fait c'est que... Il y a une loi ici que tu ne fais pas.

BLAISE, avec impatience.

C'est que, c'est que, hé ben queu loi? V'la un quart d 'heure que t'as l'air embarrassé, que tu ne sais que dire. Explique-toi donc.

MARINE.

Faut ben que j'm'explique, tu le saurais toujours. Les filles qui arriv'ici font obligées de prendre un mari... C'est pas ma faute... Je voulais putôt mourir, on ne l'a pas voulu ; je voulais m'en aller, on ne l'a pas voulu et puis dans une petite barque grande comme la main.

Elle en indique une qui est sur le rivage.

Là-dessus le Gouverneur est venu, il m'a fait bien des politesses il m'a dit qu'il m'aimait m'a priée de le choisir...

BLAISE.

Hé bien, hé bien...

MARINE.

Dame, je t'ai cru mort, noyé, mangé des loups, je ne sais quoi, et...

BLAISE.

Et tu l'as choisi !

MARINE, vivement et comme soulagée de son embarras.

Oui tiens, il m'attend, je m'en vais le trouver.

BLAISE, l'arrêtant.

Attends, attends, scélérate, infidèle !

MARINE.

Ah ! Blaise, ne te fâche pas ; ce n'est pas ma faute.

AIR.

Le Ciel fait que toujours j'ai dit non,

Mais la loi le voulait tout de bon.

45   Il fallait faire un choix sans façon

Ou quitter à l'instant le canton.

Par de noires d'affreuses baleines,

Je t'ai cru dévoré sur ma foi,

Aussitôt tout mon sang dans mes veines

50   Et s'arrête et se glace d'effroi.

Mais bientôt dans le fond de mon âme

Cette glace devient une flamme.

Un beau prince me prend pour fa femme

Il m'attend, adieu donc, laisse-moi,

55   Adieu, console-toi.

SCÈNE IV.

BLAISE, seul.

Hé mais... Je n'en reviens pas !... La scélérate !... Oh je vas trouver le Gouverneur, je vas crier, je vas....

S'arrêtant.

Oui pour qu'il me renvoie avec la petite çaramonie...

Faisant le geste de donner des coups de bâton.

Morgué !... Mais après tout, je sommes ben sot.

AIR.

N'est-ce point une folie,

Quand l'ingrate ainsi m'oublie,

De gémir, de m'affliger ?

Il est vrai mais la coquine,

60   Si je vois encor sa mine

Le pourrai-je sans enrager ?

Pauvre Blaise, enrage, enrage.

Mais n'est-il pas cent fois plus sage

De montrer un plus grand courage ?

65   Qu'un nouvel objet nous engage,

A mon tour devenons volage

Et brisons nos premiers noeuds.

Vengeons-nous de ces nouveaux feux.

Oui sans doute, ô bonne cervelle !

70   Punissons cette infidèle

J'étais bête d'y songer,

Je fais bien de m'en venger.

À Paris le fond du Théâtre est occupé par une montagne d'où descend Bélinde et Blaise dit : que j'aperçois là-haut.

Mais quelle est cette belle Dame que j'aperçois dans le bois ? Je crois la reconnaître... Oui je l'ons vue dans notre vaisseau... C'était elle qui était toujours si triste qui avait eune tante. Elle eSt morgué gentille. Pardi laissons-la venir, faut voir... Ah ! Si ce n'était pas eune si grande Dame !...

Il s'éloigne.

SCÈNE V.
Bélinde et ensuite Blaise.

BÉLINDE.

AIR :

Ciel où suis-je ? Dieux quelles craintes !

Écho seule redit mes plaintes.

75   Que me faudra-t-il devenir ?

Je mourrai de ma détresse ;

Mais mourante, j'irai sans cesse,

Malgré même les vents jaloux,

Sur les traces de mon époux.

     

80   Ah ! Fontalbe, Fontalbe, ô toi que je chéris !

À mon amour quel lieu te cèle ?

Entends de Bélinde fidèle

Les soupirs et les cris.

Sur un faible soupçon le cruel me délaisse ;

85   Pour lui j'ose braver et la mer et les vents.

Faut-il en vain le chercher si longtemps ?

Je cède à ma faiblesse.

À peine hélas je me soutiens.

Jamais, jamais, doux repos, tu ne viens

90   Dissiper de mon coeur les ennuis et les craintes.

     

Écho seule redit mes plaintes.

Que me faudra-t-il devenir ?

Lieux paisibles ! Léger zéphir,

Toi qu'agite ma voix plaintive,

95   Vois ma peine, rend la moins vive,

Ou rend moi l'objet de mon désir.

     

BLAISE, s'approchant avec timidité.

Madame j'ons l'honneur.

BÉLINDE, avec effroi.

Que voulez-vous ?

Se rassurant.

Ah ! Je crois vous avoir vu... N'est-ce pas vous ?...

BLAISE.

Oui Madame, c'est Blaise qui a fait le passage avec vous, qui a eu l'honneur de vous rendre de petits services, et tout disposé à vous servir encore.

BÉLINDE.

Blaise j'accepte vos offres avec bien de la joie. Dans un pays inconnu, sans guide, sans secours, que deviendrais-je si vous m'abandonniez ?

BLAISE.

N'ayez pas peur. Madame est toute fine seule apparemment ?

BÉLINDE.

Hélas oui ; j'ai perdu dans le naufrage les deux parentes qui m'accompagnaient. Mais commencez par me dire où je suis quel est ce pays ? Quel est le peuple qui l'habite ?

BLAISE.

J'arrivons comme vous mais j'ons déjà eu le temps d'apprendre que ma maîtresse, eune coquine dont je voulions faire ma femme, va m'être enlevée par le Gouverneur.

BÉLINDE.

Enlevée ! Est-ce que ces gens sont des pirates ?

BLAISE.

Ça Se pourrait bien. Tant y a qu'il l'épouse. Ah ! C'est qu'il y a eune loi ici.

BÉLINDE.

Quelle est-elle ?

BLAISE.

Ah eune loi indigne. C'est... ( mais ça ne vous fera peut-être rien à vous. ) C'est que toutes les filles qui arrivent dans l'île sont obligées d'y prendre un mari sous huitaine ou de s'en aller.

BÉLINDE.

Que m'importe !

BLAISE.

Oh je l'ai ben dit.

BÉLINDE.

Je n'ai pas envie de rester plus de huit jours et je partirai.

BLAISE.

Ah ! C'est eune aut'affaire. Mais voyez-vous çte petite nacelle qu'est là sur le rivage ? C'est là-dedans qu'on s'en va. Ainsi à la première bourrasque votre serviteur.

BÉLINDE.

Tout est contre moi !... Je partirai, je mourrai, que m'importe ?

BLAISE.

Mourir ! Ça ne sart de rien. Je songe à un moyen... T'nez ayez confiance en moi. Je somm' un bon vivant ; commencez par me dire le sujet de votre voyage.

BÉLINDE.

Hélas ! Je n'ai pas d'intérêt à vous le cacher. L'année dernière j'allais en Amérique dans un vaisseau dont le Commandant était prêt de m'épouser. Nous fûmes séparés par, la trahison la plus atroce. Dorval son ami intime vint une nuit sous un faux prétexte et nous persuada de passer dans un autre vaisseau qu'il commandait. J'aperçus bientôt que j'étais trahie. Je fus vengée par le ciel. Dorval tomba dans la mer comme il était sur le tillac. Le vaisseau reprit alors la route de l'Amérique qu'il avait quittée, mais je n'y trouvai point Fontalbe. Sans doute il me croit infidèle. Peut-être a-t-il échoué comme moi dans cette île ; s'il est sauvé, c'est mon espoir, ses soupçons ne tiendront pas contre mes larmes.

BLAISE.

Oh ! Pardi quand eune femme pleure al'fait de nous ce qu'all'veut.

BÉLINDE.

S'il est ici, sans doute il est connu du Gouverneur ; allez le prévenir de mon arrivée... Mais cette loi, comment l'éviter ?

BLAISE.

C'est à quoi j'en voulais venir. Faites semblant d'être mariée avec moi. La loi ne vous regardera plus et vous pourrez rester ici tant que vous voudrez.

BÉLINDE.

Je compte sur votre honnêteté Blaise, et je me fie vous. Vous contentez donc à faire tout ce que je vous demanderai.

BLAISE.

Tout comme si j'étions vot'mari véritable et pour qu'on le croie mieux, je vas mettre un bel habit qu'était dans eune valise que j'ons sauvée avec nous. Je nous requinquerons dans not'langage on le croira de reste, allez laissez faire. Je serions pas le premier benêt qui aurait épousé une si belle femme.

AIR :

Être aux ordres de Madame,

Sera ma plus douce loi.

Un mari près de Sa femme

100   Serait moins humble que moi.

À part.

D'être unis ayons la mine,

Pour faire enrager Marine

D'avoir méprisé ma foi.

Haut.

Un mari près de sa femme

105   Serait moins soumis que moi.

À part en sortant.

Elle enragera dans l'âme

D'avoir méprisé ma foi.

SCÈNE VI.
Bélinde ensuite Fontalbe.

BÉLINDE.

Le ciel se lassera-t-il de me persécuter ? J'ai perdu mes parents, ma fortune, toute ressource. J'ai perdu mon amant qui m'aurait tenu lieu de tout. Mais que vois-je serait-il possible ! Mes yeux me trompent-ils ?.. Ah ! Non j'en crois mon coeur. C'est lui...

FONTALBE, à part.

Ciel ! Bélinde en ces lieux ! Elle ne m'y attendait pas l'infidèle ! Feignons de ne la pas connaître.

BÉLINDE, à part.

Dieux quelle froideur ! Il m'a vue et n'a pas volé dans mes bras !...

Haut.

Monsieur, je suis.

À part.

Je ne puis parler.

FONTALBE.

À part.

Quelle fausseté !

Haut.

Madame que désirez-vous de moi ?

BÉLINDE.

Daignez me venger d'un ingrat qui sur un simple soupçon sans daigner m'entendre m'abandonne, me méprise...

FONTALBE.

Madame s'il est vrai qu'on vous outrage injustement, comme je fuis Gouverneur de cette île...

BÉLINDE, avec surprise et douleur.

Vous êtes...

FONTALBE.

Gouverneur de l'île.

BÉLINDE.

Ciel ! Et vous vous mariez aujourd'hui. Ah Fontalbe, il est donc vrai que tu m'abandonnes.

FONTALBE.

Qu'osez-vous dire infidèle ? Venez-vous ici me braver ? Venez-vous avec votre époux ?...

BÉLINDE.

Mon époux ! Hélas ! Un seul homme au monde pouvait l'être, mais cet homme est un barbare...

FONTALBE.

Hésitant.

Vous n'êtes point mariée !...

À part.

Cette lettre, sa fuite....

Haut.

N'espérez pas me tromper. Vous êtes infidèle j'en ai des preuves certaines : je ne dois plus m'exposer à vous voir et je vais tout ordonner pour votre départ.

BÉLINDE.

AIR :

Oui je pars au désespoir,

Pour jamais ne te revoir...

110   Mais écoute un mot encore ;

Sache au moins que je t'adore ;

Et suis moi, si tu m'abhorre,

Je ne veux, n'attends plus rien.

Peut-on être plus à plaindre ?

115   Non jamais on n'eut à craindre

Un supplice égal au mien.

Tu me quittes... mais écoute...

Ne me laisse pas ce doute.

Ah cruel ! Encore ! Ajoute...

120   Cruel ajoute à mon malheur.

Ah ma peine est trop forte

Le désespoir m'emporte ;

Je cède à ma douleur.

FONTALBE, la serrant dans ses bras.

Bélinde ! Rassurez vos sens je vous écoute. Serait-il bien possible que tu ne fusses pas...

BÉLINDE.

Mais qui t'a dit cette imposture ? Un autre que Fontalbe ! Peux-tu le penser ?

SCÈNE VII.
Fontalbe, Bélinde, Blaise, en habit galonné et tout l'air d'un marin.

BLAISE, accourant.

Ma chère femme, je n'ons pas trouvé...

FONTALBE.

Sa femme !

BÉLINDE.

Ô ciel ! Dans quel moment !...

Elle lui fait des signes.

BLAISE.

À part.

C'est apparemment le Gouverneur, appuyons.

Haut.

Non, ma chère femme : et je te dirai, ma chère femme... Monsieur le Gouverneur, si c'est vous, je vous présentons ma femme.

Bas à Bélinde.

Oh ! J'entends bien vos signes.

FONTALBE.

Malheureux !

BÉLINDE.

Ne croyez pas... Un moment de grâce.

FONTALBE.

Infidèle puis-je encor vous entendre ?...

Il sort furieux.

BÉLINDE, voulant l'arrêter et retombant dans les bras de Blaise.

Fontalbe !

BLAISE.

Heben, heben, v'la qu'a se trouve mal à présent. Qu'est-ce donc que tout ça vent dire ? Portons là dans ce pavillon. Aurez-vous ben la force d'aller jusque-là ?

Il l'entraîne dans le pavillon.

SCÈNE VIII.
Marine, ensuite Blaise

MARINE.

Monsieur Fontalbe ! Monsieur le Gouverneur ! Où est-il donc ? Je le cherche partout. Un jour de noce ! Qu'il ne devrait pas me quitter... Je ne sais pas, mais je commence à craindre.

QUARTETTO.

Tout succède à ma tendresse,

125   Tout m'invite à l'allégresse ;

Pourquoi donc cette tristesse

Dont je ne fuis pas maîtresse

Trouble-t-elle ainsi mon coeur,

Quand je suis près du bonheur ?

BLAISE, sortant du pavillon.

130   La voilà cette volage ?

Je veux l'accabler d'outrage

Et lui bien dire son fait.

Tu n'es qu'une péronnelle ;

J'ai fait choix d'une autre belle,

135   Je te quitte tout-à-fait.

MARINE.

Mais écoute ; point de colère.

Dis-moi, Blaise, qu'ai-je pu faire ?

À ma place, qu'aurais-tu Fait ?

BLAISE, toujours furieux.

Ton audace, volage,

140   Accroît ma rage.

Si j'écoute mon courage

Je veux faire ici tapage.

Tiens tu vois.

Il entend du bruit.

De la prudence.

145   Monseigneur ici s'avance ;

Décampons en d[i]ligence ;

Il n'y fait pas bon pour moi.

Il s'éloigne.

MARINE, ironiquement.

Ah ! Le brave personnage

Tu me quittes, bon voyage.

150   N'est-ce pas un grand dommage ?

Grand dommage ah ! Par ma foi.

SCÈNE IX.
Fontalbe, Marine, ensuite Bélinde.

FONTALBE.

L'Amour enfin me ramène.

MARINE.

Il vient finir ma peine.

ENSEMBLE.

Mon âme de sa chaîne

155   Attend tout son bonheur.

FONTALBE.

C'est lui qui nous couronne.

MARINE.

À vous je m'abandonne.

ENSEMBLE.

Le même instant vous donne

Et ma main et mon coeur.

BÉLINDE, fort du pavillon et paraît tout-à-coup au milieu d'eux en les séparant.

160   Arrête coeur infidèle !

Du ciel crains le courroux.

MARINE.

Que veut Mademoiselle ?

FONTALBE.

Pourquoi s'occuper d'elle ?

FONTALBE et MARINE.

Mais, mais rassurez -vous. Mais mais expliquez-vous.

BÉLINDE.

165   Malheureuse, mais innocente,

Trop facile et trop faible amante,

Si ma flamme fut confiante,

En voilà donc le retour !

La tempête ici me jette.

170   Sans parents et sans retraite.

C'est toi seul que je regrette...

Tu méprises mon amour...

Hé bien, cruel quitte-moi si tu l'oses.

Mais songe bien aux maux que tu me causes.

175   Et si ton âme peut s'y résoudre

Du ciel la foudre

Me vengera.

SCÈNE X.
Les mêmesn Blaise, qui sejl approché au commencement du dernier morceau de Bélinde.

[ENSEMBLE]

BLAISE.

Trop facile et trop fidèle

J'eus le diable au corps pour elle.

180   Mais c'est une péronnelle  [ 1 Péronnelle : Terme de dénigrement. Jeune femme sotte et babillarde. [L]]

Et je veux la laisser là.

MARINE.

Imbéciles que vous êtes !

Trouble-t-on comme vous faites,

Trouble-t-on des gens honnêtes ?

185   Loin d'ici, partez tous deux.

BÉLINDE.

Loin d'accabler une amante,

Croyez- moi, soyez prudente.

Loin d'accabler une amante,

Reprenez vos premiers noeuds.

FONTALBE.

190   Terminons et point d'injure.

Oui, Marine est ma future.

À Bélinde lui montrant Blaise.

Vous, suivez-le sans murmure

Puisqu'il est votre mari.

Infidèle ! Coeur parjure !

195   Qui veux m'abuser ainsi,

Tous les deux sortez d'ici.

MARINE.

Qu'est-ce traître ? C'est donc ta femme.

BLAISE.

Pourquoi pas ?

MARINE.

Comment infâme !

BÉLINDE.

Écoutez...

FONTALBE.

Sortez Madame.

BÉLINDE.

200   Vous voulez m'arracher l'âme

Mais écoutez moi d'abord.

BLAISE.

Je me ris de ma disgrâce,

De t'aimer j'avais De grand tort.

BÉLINDE.

Il n'est plus à ma disgrâce

205   De remède que la mort.

FONTALBE et MARINE.

Mais comment avez-vous l'audace.

Mais comment as-tu l'audace

De dire un mot encore.

ACTE II

SCÈNE PREMIÈRE.
Fontalbe, Marine.

Le Pavillon du fond est ouvert, et parait destiné à célébrer les noces de Fontalbe. On y voit en étalage une grande parure pour Marine.

FONTALBE.

Quoi, cet homme dont l'air est grossier, quoiqu'il soit assez richement mis c'est Blaise, ce jardinier que vous aviez pour amant !

MARINE.

Lui-même. Mais qu'est-ce que ça nous fait ? Nous parlions de notre mariage.

FONTALBE.

J'y songe ; mais il appelle Bélinde sa femme.

MARINE.

Je n'y conçois rien. Mais encore une fois qu'est-ce que ça nous fait ? Êtes-vous jaloux de lui ? Tenez m'est avis que vous ne m'aimez plus du tout.

FONTALBE, assez froidement.

C'est m'outrager, chère Marine.

MARINE.

Non cette Demoiselle qui est venue là, que vous aimiez avant moi, malgré son infidélité, vous trotte toujours par la tête.

FONTALBE, plus tendrement.

Rassure-toi chère Marine ; je n'y songe plus. Je ne veux aimer que toi. Quelles preuves en veux-tu ?

MARINE.

Mais... les plus fortes.

FONTALBE.

Tu vois que je songe aux préparatifs de notre hyménée. Voilà déjà tes habits de noce en attendant le reste.

AIR :

Pendant cet air Marine examine les étoffes.

À tes charmes cette parure

210   Va donner un nouvel essor :

L'art seconde la nature,

Et la rend plus belle encor.

Mais quelle flamme ! Quelle lumière !

Elle essaye les diamants.

Je crois être dans les cieux.

215   Le soleil qui nous éclaire

Brille moins que tes beaux yeux.

Conserve un trait de cette flamme ;

Ne lance pas tout dans mon coeur.

Qu'elle embrase aussi ton âme

220   Et partage mon ardeur.

MARINE.

Si vous pensez tout ce que vous dites ça me rassure un petit brin. Mais je ne serai bien tranquille, que quand nous serons mariés tout-à-fait, tout-à-fait.

FONTALBE.

J'en vais hâter le moment : je te rejoins pour ne te plus quitter.

SCÈNE II.
Marine et ensuite Blaise.

MARINE.

Oh ! Il m'aime ! Il m'épousera. J'en ferai charmée quand ce ne serait que pour faire enrager ce brutal de Blaise qui n'a tant seulement pas pleuré ma perte. Oh ! Je ne lui pardonnerai jamais ça. Le voici comme je vais le traiter !

Elle se retire au fond pour examiner ses parures.

BLAISE.

À part.

Ouf ! Je ne la voyons jamais sans un certain je ne sais quoi, tout comme du temps que je nous aimions. Oh ! Ça se passera.

MARINE.

C'est assez drôle... Et puis des diamants ! Oui ça m'ira fort bien.

BLAISE.

Diable voilà qu'est beau. Ce font les présents de noce ?

MARINE, d'un ton précieux et affecté.

Ah ! Bonjour, mon ami. Vous trouver ça beau ?

BLAISE, à part.

Mon ami ! Ça prend déjà des tons.

MARINE.

Ah ! À propos, dites-moi donc, depuis quand est-ce que vous êtes mariés ?

BLAISE.

Queuque ça vous fait ?

MARINE.

Ah ! Rien du tout... Votre femme n'est pas trop jolie mais c'est encor trop bon.

BLAISE, à part.

Elle est ma foi charmante, jusque dans son impertinence.

MARINE.

Hein ! Que dites-vous là ?

BLAISE.

Je dis que je partons ce soir, et que je vians vous dire adieu.

MARINE.

Vous partez ! C'est fort bien fait. Adieu, mon ami ! Je suis ben aise de vous avoir vu. Mais vous ne partez que ce soir, c'est bon. Je vous enverrai par mes gens un petit cadeau, pour que vous vous souveniez de moi.

BLAISE, n'y pouvant plus tenir.

Un petit cadeau !... Tien[s]... Madame point de ces tons-là ; vous vous valiez mieux... Quand tu n'étais qu'une petite paysanne. Ton mariage n'est pas si sûr que tu crois. Si nos deux amants brouillés veniont à le raccommoder...

MARINE, beaucoup de fierté.

Mais vous vous oubliez, je pense ! Vous m'avez dit adieu, partez ; partez vous dis-je.

AIR :

Qu'est-ce donc qui vous arrête ?

Allez Blaise vous pourvoir.

Ce propos me rompt la tête,

Renoncez à tour espoir.

225   Hein ? Mais vous faites la mine !

Non je ne suis plus Marine.

Je ne dois jamais vous voir.

Dès ce soir j'épouse un Prince,

Et bientôt cette province

230   Sera toute en mon pouvoir.

SCÈNE III.
Bélinde, Marine, Blaise.

BÉLINDE.

Blaise, j'ai un mot à vous dire.

MARINE.

Blaise, votre chère femme vous appelle, je vous laisse ensemble.

BÉLINDE.

AIR :

Quel sort t'amène

Âme inhumaine ?

Pour toi ma peine

A des appas.

Marine lui fait une grande révérence et sort.

235   Ô fort funeste

Que je déteste

Il ne me reste

Que le trépas.

SCÈNE IV.
Bélinde, Blaise.

BLAISE.

Bon. Laissez-là dire espérez toujours. Ils ne sont pas encore mariés.

BÉLINDE.

Non, Blaise je n'espère plus. J'ai vu tous les préparatifs de cette union ; dans une heure... Mais je ne l'attendrai pas. Écoute. C'est toi qui m'as perdue. Mais ce n'est pas ta faute. Depuis ce moment le cruel ne veut plus m'entendre mais je ne mourrai point sans être justifiée.

BLAISE, alarmé.

Comment, comment ! Il ne faut pas mourir.

BÉLINDE.

Prends ce billet...

BLAISE.

Ah ! Madame, je ne souffrirons pas.

BÉLINDE.

Écoute-moi, te dis-je, sans m'interrompre. Tu vois cette petite barque sur le rivage ; je vais m'y confier au gré des flots. Ils ne seront peut être pas plus cruels que mon amant. Prends ce billet porte-le à Fontalbe. Il y verra mon innocence. Je ne pourrai plus être à lui, mais il l'aura du moins que je méritais son coeur.

BLAISE, très attendri.

Non, tenez ; si vous voulez partir absolument. Attendez-moi ici ; je nous embarquerons ensemble.

BÉLINDE.

Non Blaise ; j'en ai plus besoin de tes services. Je puis risquer ma vie qui m'est odieuse ; je ne dois pas souffrir que tu exposes la tienne. Laisse-moi ; va promptement ; c'est le dernier service que tu pourra me rendre.

BLAISE, à part en sortant.

Oh ! Il faut empêcher... Il ne faut pas qu'alle meure.

SCÈNE V.

BÉLINDE, seule.

Si le ciel est inexorable,

240   À la peine dont il m'accable ;

Que la mort plus favorable,

Me délivre enfin du jour.

Ah ! Cette heure ma dernière ;

Le jour fuit de ma paupière.

245   Mes yeux perdent la lumière,

Mais il me reste encor l'amour.

J'entends du bruit évitons tous les regards.

Elle fort.

SCÈNE VI.
FONTALBE enfuite MARINE.

FONTALBE, d'abord seul et rêvant.

Cet homme qui se dit le mari de Bélinde est Blaise un jardinier ! Il est clair que ce mariage n'est qu'une feinte. Oui je l'ai traitée avec trop de rigueur ; je devais au moins l'entendre.

MARINE.

Me voila, hé bien tout est-il prêt ? Ne me ferez-vous plus attendre ?

FONTALBE, assez froidement.

Non, Marine tout est prêt... Mais je voudrais avoir ou est Bélinde.

MARINE.

Comment Bélinde, et que vous importe ?

FONTALBE.

C'est que je vois que sa présence vous inquiète, et je voudrais la faire partir sur le champ.

MARINE.

À la bonne heure. Tenez voici quelqu'un qui vous en dira des nouvelles.

À Blaise qui arrive.

Où avez vous donc laissé cette belle Dame ?

SCÈNE VII.
Les Précédents, Blaise.

BLAISE, tristement.

Qui ? Bélinde ? Ah ! Je la crois bien loin à présent.

FONTALBE.

Comment, bien loin ! Où donc ?

BLAISE.

Où ? Parguenne, au fond de la mer, peut-être.

FONTALBE.

Au fond de la mer ! Elle s'est jetée ?

BLAISE.

Non ; v'la comment ça s'est fait. All'a dit qu'all'vous aimait trop pour vous voir à eune autre, et qu'alle aimait mieux s'en aller. Pour ça, elle avait arrêté eune de vos petites barques. J'ons voulu à toutes forces, l'en empêcher ; al'ne m'a pas écouté. J'ons couru à la ville pour vous le dire vous n'y étiais pas. Pendant ce temps-là, il a fait un coup de vent terrible ; et en revenant, j'ons regardé de dessus ce rocher, et j'ons vu la petite nacelle sens dessus dessous, au milieu de la mer.

FONTALBE, qui a écouté ce récit avec intérêt.

Mais il fallait du moins... Ô Dieux !

BLAISE.

Au reste, all' s'y attendait. Al'm'avait chargé de vous dire qu'alle était toujours fidèle et pour preuve, al'vous envoyait ce papier.

FONTALBE, voyant le seing.

Dorval ! Mon ami c'est en effet son écriture. Voyons.

Il lit.

« Je n'ose m'expliquer moi-même charmante Bélinde, et je vous écris. Pardonnez à mon amour, une trahison qu'il m'a suggérée. C'était renoncer à mon bonheur que de vous laisser au pouvoir de Fontalbe. Il vous croit infidèle et vous êtes à moi voilà mon crime. La passion la plus violente en fera-t-elle l'excuse ! De quel oeil verrez-vous le malheureux Dorval ? » Le monstre ! Bélinde est innocente, ô ciel ! Et j'ai causé sa mort !... Gardes, Matelots, Habitants ! Que tout se rassemble à ma voix. Courez, cherchez Bélinde, je ne puis vivre sans elle. Si je ne la retrouve, je m'en prends à toute la nature, à toi traître.   [ 2 L'intérêt croît dans la manière de lire à mesure qu'il s'assure de la fidélité de Bélinde.]

vers Blaise.

BLAISE.

Moi, Monseigneur !

FONTALBE.

Oui tu es la cause de mon malheur. Si Bélinde m'est ravie si Fontalbe ne peut réparer son injustice, n'attends ici que la mort la plus affreuse.

Il sort.

BLAISE, à genoux pleurant.

Mais Monseigneur est-ce ma faute ? Marine, prie pour moi.

MARINE.

Mais,Monseigneur notre mariage ?...

SCÈNE VIII.

BLAISE, seul.

RÉCITATIF OBLIGÉ.

Me voilà bien chanceux !

Demain peut-être hélas, on va me pendre,

Mais le destin me poursuit donc toujours !

Malheureux Blaise ! Ah ! Devais tu t'attendre

250   Dans cette île maudite, à terminer tes jours ?

Décampons... Sauvons-nous... Où trouver de secours ?

Mon coeur palpite et la mort m'est présente.

La mort effrayante

Terrible menaçante.

255   Suis-je dans les prisons ?

L'ombre m'épouvante.

Fuyons.

Ô ciel ! Qu'entends-je ?

De verrous et de fers

260   Un bruit étrange.

C'en est fait, pauvre Blaise, adieu tout l'univers.

La colère sur la face

C'est le juge qui vient là.

De son doigt il me menace ;

265   Écoutons ce qu'il dira.

« Téméraire quelle audace

Qui t'amène en ces climats ? »

La tempête ici me chasse ;

Mais je vous demande grâce,

270   Paix-là, paix-là, je m'en vas.

Loin d'entendre rien ne l'arrête,

Il crie, il jure, tempête,

La vengeance suit ses pas.

Tu vois bien que l'on apprête,

275   Pauvre Blaise, ton trépas.

Mais on vient, c'est le Gouverneur, décampons... Que vois-je ? Il a retrouve Bélinde, oh ! J'en ferons donc quitte pour la peur.

SCÈNE IX.
Fontalbe et ensuite Bélinde, Blaise, Matelots, Gardes.

FONTALBE.

C'est toi !... C'est toi que je presse.

Rends-moi toute ta tendresse ;

Et je veux garder sans cesse,

Mes serments et nos amours.

BÉLINDE.

280   Si ton coeur reprend sa chaîne,

Si l'amour vers moi t'amène,

Je n'ai plus souffert de peine ;

Je ne songe qu'à nos amours.

FONTALBE.

Je fus cruel.

BÉLINDE.

Ah ! Je t'adore.

285   Je suis trop heureuse encore,

Si tu veux m'aimer toujours.

ENSEMBLE.

Que ta main qu'ici je presse,

Soit garant de ta tendresse.

Défendons à la tristesse

290   De troubler d'aussi beaux jours.

BÉLINDE.

Ah ! J'ai peine à soutenir l'excès de ma joie.

FONTALBE.

Viens te reposer dans ce pavillon... Ce jour est le plus beau de ma vie.

BLAISE, resté seul.

Bon !... V'la qu'est donc raccommodé ! Ah ! Ma pauvre Marine, je te tenons ! Je te ferons enrager à mon tour. La voici gardons not'fier, jusqu'à ce que je n'y puissions plus tenir.

SCÈNE X.
Marine, Blaise.

MARINE, qui a vu Fontalbe et Bélinde dans le pavillon.

Il l'a donc retrouvée !... Et v'la mon règne fini... Revenir à Blaise, et surtout revenir la première c'est dur.

BLAISE, à part.

Al'se consulte.

MARINE, d'un ton sort radouci.

Ah ! Blaise, te voilà !

BLAISE, avec ironie.

Oui, Madame, prêt à recevoir vos ordres.

MARINE, à part.

Il se moque de moi, il me rend le change.

BLAISE, l'ironie la plus marquée.

Qu'est-ce que Madame désire ? M'apporte-t-elle le petit cadeau qu'elle m'avait promis.

MARINE, avec un soupir et d'un ton fort doux.

Non.

BLAISE, toujours ironiquement.

Madame veut-elle que j'aille avertir Monseigneur Fontalbe, son futur époux ?

MARINE.

Fontalbe ! Je ne me soucie guère de lui. Je l'épousais parce qu'il m'y forçait, par la circonstance, la loi ; mais je ne l'aimais pas.

BLAISE.

Cependant, Madame l'avait choisi sur tous les autres.

MARINE.

Vraiment oui. Il est Monsieur le Gouverneur, on est ben aise d'être Madame la Gouverneuse... Mais le coeur... Ah ! Quand le coeur s'est donné une fois.

BLAISE, d'un air de raillerie chargée.

He ben, le coeur, qu'est-ce qu'il deviant ?

MARINE.

La vanité ne vaut pas l'amour ; il en revient toujours à son premier choix.

BLAISE, à part.

La bonne friponne !

MARINE, à part.

Je crois que ça le touche.

BLAISE.

Mais oui, ça se voit queuquefois. Par exemple, Fontalbe et Bélinde s'aimant mieux que jamais à présent.

MARINE.

Ah !... Et comment l'a-t-il donc retrouvée ? Ce coup de vent.

BLAISE.

C'est jugement ça qui nous l'a rendue. Ce coup de vent a détaché la nacelle au moment qu'alle allait s'y mettre, et Bélinde est restée sur le rivage où on l'a trouvée.

MARINE.

Je fuis fort aise qu'ils se raccommodent... C'est un grand plaisir de se raccommoder !

Sans le regarder.

DUETTO.

Je n'ai pas une âme méchante ;

Que l'on m'aime, qu'on se repente

Je suis bonne je suis confiante;

Toi tu n'es qu'un amant trompeur.

BLAISE, d'un air ironique.

295   Est-ce moi ?

MARINE.

  Vous ! Non je vous jure,

Non, je parle d'une autre injure :

Vous ne méritez pas mon coeur.

BLAISE, avec raillerie.

Si tu n'es plus inconstante,

Si tu veux qu'on se repense,

300   Sois encore mon Amante ;

Viens, approche, reprends mon coeur.

MARINE, avec joie.

Est-ce moi ?

BLAISE.

Vous ! Non Madame.

Non je parle d'une autre flamme.

Vous aimer est trop d'honneur.

MARINE, impatientée.

305   Voyez l'imbécile

Qui fait l'homme habile !

BLAISE, se moquant d'elle.

Que Madame excuse.

C'est que je m'amuse

De votre souci.

MARINE.

310   Perfide, volage,

Va-t-en loin d'ici ;

As-tu le courage

De railler ainsi ?

Ensemble.

MARINE.

J'étouffe de rage.

315   En vain les amants

Promettent l'empire ;

Ils ne font que rire

De tant de serments.

Ton coeur me rejette !

320   J'ai fait mon malheur.

Fillette jeunette

Veut être coquette;

Bientôt la pauvrette

Connaît son erreur.

BLAISE.

325   J'étouffe de rire.

Faisons quelque temps

Durer son martyre.

Qu'elle apprenne a rire

Mais à ses dépends.

330   La noce s'apprête

Je vais à la fête ;

Danser de bon coeur.

SCÈNE XI.

MARINE, seule.

Fort ben ! V'la deux amants de perdus en un jour !...

Vivement.

Avec tout ça je ne veux pourtant pas rester fille.

QUARTETTO FINALE.

D'une chimère vaine,

J'ai perdu tout espoir.

335   Quels maux l'amour l'entraîne !

Vers Blaise il me ramène,

Encor trop incertaine

S'il veut me recevoir.

SCÈNE XII.
Fontalbe, Bélinde, Marine.

FONTAtBE et BÉLINDE.

D'Amour goûtons les charmes,

340   Sans crainte et sans alarmes.

L'ivresse après les larmes,

En a plus de douceur.

FONTALBE.

C'est toi !

BÉLINDE.

J'en doute encore.

FONTALBE.

Je t'aime.

BÉLINDE.

Ah ! Je t'adore.

ENSEMBLE.

345   De la plus douce aurore

L'éclat luit à mon coeur.

Il annonce le bonheur.

SCÈNE XIII.
Blaise, les précédents.

BLAISE.

J'vous fais ma révérence ;

Qu'avez-vous à m'ordonner ?

350   Au pays de ma naissance

Je suis prêt de retourner.

FONTALBE.

Adieu donc, mais que ta femme

De ces lieux parte avec toi.

BLAISE.

Qui ? Marine ? Non, sur mon âme

355   Ne m'en faites pas la loi.

Elle veut être Madame,

Tout est dit entre elle et moi.

MARINE.

Ah ! Blaise daigne m'entendra.

Si tu veux encor me reprendre,

360   Je ferai fidèle et tendre ;

Mais si tu me tiens rigueur,

Je mourrai de ma douleur.

MARINE et BÉLINDE.

Quand je reviens

Elle revient

Ton âme est aussi trop fière.

365   Que l'amour triomphe enfin.

BLAISE.

Il faudrait avoir l'âme de pierre,

Pour ne pas terminer son chagrin.

Tien[s], la paix, je te donne ma main.

TOUS EN CHOEUR.

Règne, règne à jamais la confiance

370   Qui nous donne les jours les plus beaux.

L'amour peut tourmenter l'innocence,

Mais il met toujours fin à ses maux,

Règne, règne à jamais la constance,

Qui nous donne les jours les plus beaux.

 


J'ai lu, par l'ordre de M. le Lieutenant-Général de Police, la Colonie Comédie Ariettes en deux actes : et je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en empêcher ni la représentation, ni l'impression. À Paris ce 22 Juillet 1775.

CRÉBILLON.

Vu l'Approbation, permis de représenter, et d'imprimer ce 22 Juillet 1775.

ALBERT.


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Notes

[1] Péronnelle : Terme de dénigrement. Jeune femme sotte et babillarde. [L]

[2] L'intérêt croît dans la manière de lire à mesure qu'il s'assure de la fidélité de Bélinde.

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