COMÉDIE.
1889
Adolphe CARCASSONNE.
PARIS C. MARPON et E. FLAMMARION, ÉDITEURS, rue Racine, 26 près de l'Odéon.
ÉMILE COLIN - IMPRIMERIE DE LAGNY.
Texte établi par Paul FIEVRE juin 2021
Publié par Paul FIEVRE juillet 2021.
© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:48.
PERSONNAGES
ROSE, 7 ans.
ROSETTE, 7 ans.
MADAME DE LANCY, mère de Rose.
Extrait de "Nouveau Théâtre d'enfants, Dix pièces en prose, à jouer dans les familles et dans les pensionnats, Paris, Marpon et Flammarion, Le Jay Libraires, 1889. pp. 193-210.
ROSE ET ROSETTE
Un petit salon chez Madame de Lancy. Porte au fond et a gauche. Un guéridon au milieu. Fauteuils.
Au lever du rideau, Rose est en scène. Rosette entre par le fond avec un bouquet à la main.
ROSETTE, présentant le bouquet.
Je viens vous souhaiter une bonne fête et vous offrir ce petit bouquet pour Maman et pour moi.
ROSE.
Merci pour toi, ma chère Rosette, et pour ta mère qui ne m'a pas oubliée.
ROSETTE.
Maman vous oublier ! Oh ! Non ; elle parle de vous tous les jours et elle dit qu'elle n'a jamais vu de maîtresse aussi bonne que Madame de Lancy.
ROSE.
C'est comme Maman qui dit toujours que ta mère a été sa plus gentille femme de chambre. Comment va celle bonne Émilie ?
ROSETTE.
Elle est très bien et je suis contente que vous me parliez d'elle, car elle m'a dit de vous demander quelque chose.
ROSE.
Dis-moi vite ce qu'elle veut.
ROSETTE.
Une de nos voisines a une jeune fille qui s'appelle Marthe et qui est du même âge que moi. La voisine veut qu'avec sa petite Marthe nous jouions à la Dame dans une fête de famille. Je ne connais pas ce jeu ; Marthe, non plus. Pouvez-vous me dire ce que c'est ? Vous ferez bien plaisir à Maman et à moi.
ROSE.
Je le puis, ma chère Rosette. Beaucoup de dames viennent voir Maman ; je connais donc très bien ce jeu et je vais le jouer devant toi.
ROSETTE.
Que vous êtes bonne ! Merci.
ROSE.
Ce n'est pas difficile, tu n'as qu'à bien suivre ce que je dis.
Elle roule deux fauteuils au milieu de la scène, puis, elle va vers la porte du fond en tendant les mains.
- Bonjour, chère, je suis charmée de vous revoir.
Changeant de voix comme si l'autre dame parlait.
- Que vous êtes aimable !
Elle s'approche du fauteuil de gauche et elle indique celui de droite.
- Asseyez-vous.
Elle continue à changer de voix chaque fois que la visiteuse est censée parler.
- Quel joli chapeau vous avez ! Il vous va à merveille.
- Vous trouvez ? Il me semble qu'il m'allonge un peu la figure.
- N'en croyez rien, vous êtes belle comme un ange... Voyons, qu'avez-vous fait ? Qu'êtes-vous devenue ?
- J'ai été à Marseille.
- Au pays du soleil ?
- Oui, mais ce n'est pas le soleil que j'y ai trouvé.
- Ah ! Et quoi donc ?
- Le mistral.
- J'ai entendu parler de lui, mais je ne le connais pas.
- Ne désirez pas faire sa connaissance, ma chère. C'est une chose insupportable. La bise qui passe sur les ponts de Paris est un zéphir auprès de ces coups de vent qui vous mettent les robes sur la tête.
ROSETTE, interrompant
Oh ! Les robes sur la tête ! Ce n'est pas joli, ça.
ROSE.
Bien sûr que ce n'est pas joli, mais le mistral n'a pas d'éducation... Tu comprends bien le jeu, n'est-ce pas ?
ROSETTE.
Très bien.
ROSE.
Alors, je continue.
ROSETTE.
Oui, oui.
ROSE.
- Vous allez rester à Paris quelque temps encore, j'espère.
- Jusqu'à mon départ pour Étretat... J'admire votre toilette.
- Je suis charmée qu'elle soit à votre goût... À propos, étiez-vous hier au concert Lamoureux ?
- Hélas ! Oui.
- Pourquoi, hélas ?
- Je m'y suis mortellement ennuyée.
- C'était du Wagner, cependant ; vous n'aimez peut-être pas ce genre.
- Le genre m'importe peu, mais je n'aime pas la musique de qui n'aime pas mon pays.
ROSETTE, interrompant encore.
C'est très bien, ça.
ROSE.
C'est Maman qui l'a dit l'autre jour en parlant avec une dame et je l'ai retenu.
ROSETTE.
Je le crois bien... Maintenant, Mademoiselle Rose, je comprends le jeu et je vous remercie.
ROSE.
Veux-tu essayer de finir la scène ?
ROSETTE.
Volontiers.
Elle s'assied sur le fauteuil de droite.
- Vous n'irez plus à ces concerts.
- J'irai quand on y jouera une autre musique.
Se levant.
- Quoi ! Vous partez déjà ?
? Il le faut, ma chère ; je dois aller voir toutes mes amies ; j'ai commencé par vous.
- Merci.
Faisant mine de l'accompagner vers le fond.
- Quand vous reverrai-je ?
- Le plus tôt sera le mieux pour moi.
- Et pour moi, donc !
- Que vous êtes charmante !
- À bientôt.
- À bientôt.
Elle salue et elle revient en scène
- Ouf ! Elle est partie.
ROSE.
C'est cela et tu peux jouer à la Dame aussi bien que moi.
ROSETTE.
Je vous remercie encore.
Elle fait quelques pas vers le fond.
ROSE.
Mais, ma chère Rosette, c'est aussi ta fête aujourd'hui. Je te la souhaite bonne en t'embrassant de tout mon coeur.
Elle l'embrasse ; puis, après un silence.
Veux-tu voir les cadeaux que j'ai reçus ?
ROSETTE.
Oui, Mademoiselle Rose.
Rose sort par la gauche et elle revient d'abord avec une petite voiture, puis, avec une poupée et un berceau qu'elle met sur le guéridon
ROSETTE.
Oh ! Les jolis cadeaux ! La belle poupée !
ROSE.
Ce n'est pas tout, regarde.
Elle lui met un bracelet sous les yeux.
ROSETTE.
Un bracelet... Il est aussi bien joli.
ROSE.
On m'a gâtée, n'est-ce pas ?
Après un nouveau silence.
Dis-moi, de tous ces cadeaux quel est celui que tu aimes le plus ?
ROSETTE, montrant la poupée.
Celui-là.
ROSE.
Vrai, tu trouves cette poupée jolie ?
ROSETTE.
Bien jolie.
ROSE.
Moi, non.
ROSETTE.
Comment ! Cette poupée ne vous plait pas ?
ROSE.
Non, elle est trop pâle... puis, elle est malade.
ROSETTE.
Il me semble qu'elle se porte bien.
ROSE.
Non, moi qui la connais déjà, je puis t'assurer qu'elle est malade et même très malade.
Comme frappée d'une idée subite.
Écoute-moi, Rosette : comme je ne peux pas la soigner assez bien, veux-tu la soigner toi-même ?
ROSETTE.
Oh ! Oui.
ROSE, prenant la poupée sur le guéridon.
Si tu la sauves, elle deviendra ta petite fille et elle restera avec toi. Le veux-tu ?
ROSETTE.
Je n'ose pas dire oui... Vous êtes trop bonne pour moi.
ROSE.
C'est entendu et la voilà.
Elle met la poupée dans les bras de Rosette
ROSETTE, à la poupée.
Je t'aime déjà, ma chérie. Je vais bien te soigner pour que tu sois vite guérie et que nous puissions venir revoir mademoiselle Rose.
ROSE.
Je l'espère bien... Mais j'y pense... Quand un malade a besoin d'être soigné, la première chose qu'il lui faut, c'est un bon lit. Tiens, voilà le berceau où tu mettras ta chère poupée.
Elle prend le berceau sur le guéridon et elle le met près de Rosette.
ROSETTE.
Oh ! Non, je n'accepte pas cela, mademoiselle Rose, c'est beaucoup trop. Je soignerai ma petite malade et quand elle sera fatiguée, je la mettrai dans mon lit.
ROSE.
Non, non, elle est habituée à son berceau et elle ne dormirait pas dans ton lit. Accepte donc.
ROSETTE.
Non, je n'accepte pas. Votre mère, si elle le savait, vous gronderait...
Madame de Lancy parait à la porte de gauche.
MADAME DE LANCY.
Non, mes enfants, je ne gronderai pas Rose pour ce qu'elle veut faire et l'approuve entièrement.
À Rosette, en venant en scène.
Accepte donc la poupée et le berceau. Aujourd'hui même, je remplacerai l'une et l'autre à ma chère Rose.
ROSETTE, frappant des mains.
Alors, j'accepte ! Oh ! Que je vais aimer ma chère poupée et que je vous aime aussi, Mademoiselle Rose !
Elle l'embrasse, puis, elle vient faire une révérence devant Madame de Lancy.
Merci, Madame.
MADAME DE LANCY.
J'enverrai tout cela chez toi, ma chère Rosette.
ROSE.
Que tu es gentille et que je t'aime, petite mère.
MADAME DE LANCY.
Tu as fait une bonne action, ma fille, et une bonne action est toujours récompensée.
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