LE CHÂTEAU-YQUEM

COMÉDIE EN UN ACTE

Représentée pour la première fois, te 24 mars 1889, sur la théâtre du GYMNASE.

1889. TOUS DROITS RÉSERVÉS.

PAR WILLIAM BRUNACH

PARIS, TRESSE ET STOCK, EDITEURS, 8, 9, 10, 11, galerie du Théâtre-Français. PALAIS-ROYAL

Imprimerie de L'ouest. A. NEZAN, Mayenne.

Représentée pour la première fois 24 mars 1889, sur le Théâtre du Gymnase.


Texte établi par Paul FIEVRE, août 2023.

publié par Paul FIEVRE, juillet 2023.

© Théâtre classique - Version du texte du 23/08/2024 à 14:20:09.


ACTEURS

GONTRAN DE SERGY, capitaine d'artillerie, 36 ans M. Maurice BRÉANT.

JOSEPH, domestique de Madame d'Aigrefeuille, 38 ans. M. Torin.

LA BARONNE D'AIGREFEUILLE, 30ans. Madame GUERTET.

BERTHE D'ESTRELLES, sa nièce 24ans. Marie AUGÉ.

La scène se passe dans le Poitou au château d'Aigrefeuille.


LE CHÂTEAU-YQUEM

Un petit salon de campagne assez élégant. Porte au fond ouvrant sur un autre salon. Porte à droite. Une pelite table avec un couvert pour trois personnes, au premier plan il droite. Un canapé à gauche.

SCÈNE PREMIÈRE.
Madame d'Aigrefeuille, puis Joseph.

MADAME D'AIGREFEUILLE, entrant par la droite et lisant une lettre.

J'ai beau tourner et retourner cette lettre, je n'y comprends absolument rien. Sinon que ma nièce arrive ce matin des eaux de Royat avec un capitaine d 'artillerie. Est-ce bien cela ? Voyons.

Elle lit.

« Ma chère tante, ma cure est terminée, je me porte à merveille. Mon mal de gorge a disparu, je chante comme un rossignol. Attendez-moi demain matin, lundi. J'arriverai par le train qui s'arrête à Chasseneuil a onze heures. » C'est aujourd'hui lundi, il est onze heures, la voiture est à la gare. Bon.

Elle lit.

« Ayez la complaisance, ma chère tante, de faire mettre trois couverts. J'ai invité à déjeuner avec nous un capitaine d 'artillerie, Monsieur Gaston de Sergy. Il arrivera, lui, par le train de onze heures et demie. »

Parlé.

Trente minutes de distance l'un de l'autre, il n'y a rien à dire, les convenances sont observées !

Elle lit.

« Je vous expliquerai tout cela sitôt après vous avoir embrassée. Votre nièce affectionnée. Berthe d 'Estrelles. Post scriptum. Faites préparer une chambre pour Monsieur de Sergy ! »

Parlé.

Voilà où je ne comprends plus ! Oh ? Mais là plus du tout... Que ma nièce Berthe, qui est veuve, qui a vingt quatre ans, qui ne veut pas se remarier, j'ignore pourquoi, invite à déjeuner chez sa tante, Madame d 'Aigrefeuille, un capitaine d 'artillerie, passe encore ! Elle ne pouvait le recevoir chez elle, c'est évident. Mais qu'elle lui fasse préparer une chambre ?... Je me demande si Berthe n'est pas devenue folle tout à fait... Enfin, je ne tarderai pas à savoir...

Joseph entre portant des couverts qu'il dépose sur la table.

JOSEPH.

Madame a sonné ?...

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Joseph, a-t-on préparé l'appartement de Madame d 'Estrelles ?...

JOSEPH.

Oui, Madame.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Et la chambre du pavillon, est-elle en ordre ? Nous attendons un hôte !

JOSEPH.

Oui, madame.

MADAME D'AIGREFEUILLE, allant a la fenêtre.

Ah ! Voici la voiture. Je vais au-devant de Berthe.

Elle va au fond et disparaît.

SCÈNE II.

JOSEPH, seul.

Un hôte ! Si ça pouvait être un mari pour la nièce de Madame. C'est pas gai de servir rien que des femmes, non, pas gai du tout. Aucun agrément ! Pas de cigares. Pas de liqueurs. Le vin de l'office. Pouah ! Quant aux vins d'extra... pas seulement de quoi noyer une guêpe !... Et le bon vin... Je trouve qu'il n'y a que ça qui console des déboires de l'existence ! Oh Madame !

Berthe et Madame d'Aigrefeuille reparaissent. Joseph s'incline et sort.

SCÈNE III.
Madame d'Aibrefeuille, Berthe.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Comme te voilà fraîche et jolie, ma chère Berthe, et quels yeux brillants !... Peste, ma nièce, m'est avis que vous ne vous êtes pas trop ennuyée pendant vos vingt-et-un jours de traitement ! Vous me rapportez des eaux une petite mine éveillée, un peu bien piquante et provocante pour une veuve inconsolable.

BERTHE, éclatant de rire.

Inconsolable ! Ah j'espère que vous n'avez jamais cru à l'éternité de mes regrets !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Qu'est-ce à dire ?

BERTHE, solennellement.

Ma tante. À propos, vous avez reçu ma lettre ?

MADAME D'AIGREFEUILLE, désignant la table.

Comme tu vois puisque voilà trois couverts ; maintenant m'expliqueras-tu ?...

BERTHE.

Comment ! C'est ici dans ce petit salon que nous déjeunerons ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Dame Tu fais tes invitations sans me consulter 1. Je t'aurais prié d'attendre quelque jours! Le château est en réparations. Je fais changer l'ameublement de la salle a manger. On repeint le plafond. Enfin impossible d'y recevoir personne, pas même un capitaine d'artillerie.

BERTHE.

Attendre, dites-vous ?... Ah mais non ! Tant, pis, on s'excusera! Et la chambre?. Est-elle prête au moins ?. Laquelle avez-vous choisie ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

La chambre du pavillon.

BERTHE.

A l'autre bout du château!Non. ce n'est pas ça du tout! Vite, donnez l'ordre qu'on dispose la chambre d'honneur.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

La chambre d'honneur.

Riant.

Ah! ça. c'est donc un maréchal de France, ton capitaine d 'artillerie. Tu es tout a fait folle ! Je m'en doutais ! Mais malheureuse, tu oublies que cette chambre donne directement dans celle que tu habites, quand tu me fais le plaisir de me demander l'hospitalité.

BERTHE, avec mutinerie.

Parfaitement... C'est pour ça !

MADAME D'AIGREFEUILLE, levant les bras au ciel.

Berthe !

BERTHE, éclatant de rire.

Tiens, c'est vrai, vous ne savez pas.

Elle rit.

En effet, mon idée a dû vous paraître un peu.

Elle rit.

Mais quand vous saurez dans quel but ce rapprochement.

Sérieuse.

Écoutez-moi. Je suis sérieuse.. Pour deux minutes! Vous allez voir, ma tante Je suis veuve.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Crois-tu me l'apprendre ?... Après?.

BERTHE, embarrassée.

Après. Il y a trois ans de cela.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Je le sais aussi. Ensuite !

BERTHE.

Eh bien ensuite. Je trouve qu'il y a assez longtemps. trop longtemps que cela dure. Voilà !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Tu veux te remarier?

BERTHE.

J'y suis a peu près résignée

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Comment. Tu es déjà lasse d'avoir recouvré ta liberté ?...

BERTHE.

Ma liberté. Oh ma tante, tôt ou tard on s'aperçoit que c'est bien un peu triste,, cette liberté qui vous charmait si fort dans les premiers temps du veuvage. Et vous-même, je ne garantirais pas qu'un jour.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Moi Me rattacher au pied le boulet du mariage... Merci, par exemple !

BERTHE.

Cependant, mon oncle, le baron d 'Aigrefeuille ?...

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Oh le meilleur des hommes. Mais tiens. viens voir...

Elle se dirige vers un petit meuble, l'ouvre et montre des fioles dans le fond.

Approche-toi, regarde.

BERTHE.

Qu'est-ce que c'est que ces petites fioles ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Lis !

BERTHE, lisant.

« Baume tranquille. Eau-de-vie camphrée. »

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Pour frictionner tes rhumatismes de Monsieur d 'Aigrefeuille.

BERTHE, lisant.

« Laudanum de Sydenham. »

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Pour appeler le sommeil quand ses douleurs l'empêchaient de dormir. Voilà, ma chère nièce les remèdes qui m'ont guérie, moi, de la fantaisie du mariage, s'ils n'ont pu guérir les rhumatismes de ton oncle ! Et j'ai passé dix années de mon existence à le soigner du matin au soir, et le plus souvent du soir au matin ! Si tu crois que-j'ai envie de recommencer !

BERTHE, lisant.

Mais, ma tante, tous les hommes n'ont pas des rhumatismes.

MADAME D'AIGREFEUILLE, gravement.

Aucun d'eux n'en est à l abri ! Qui te dit que ce jeune et vigoureux danseur qui vient de t'emporter tout a l'heure dans une valse folle, demain ne sera pas perclus?. Que faut-il, pour cela? Une nuit passée sous un ciel humide! Brrr. Non, vois-tu, ne parlons plus de cela. Voila cinq ans que je suis veuve et je n'ai jamais pu entendre parler de me remarier sans qu'immédiatement je ne me sois revue la main fourrée dans un gros gant de laine en train de frictionner ce pauvre baron.

Elle fait le geste de frictionner.

Mais tout cela ne me dit pas pourquoi Monsieur Gontran de Sergy, capitaine d 'artillerie, déjeune ici ce matin, et pourquoi surtout tu veux qu'on lui donne la chambre d'honneur qui communique avec la tienne!

BERTHE.

Eh bien. ma tante, voici la chose en deux mots Monsieur de Sergy est un charmant cavalier, distingue, spirituel. Bref, il me plaît. et il m'aime. 11 m'a fait sa cour très régulièrement aux eaux de Royat, où il était venu, lui aussi, pour soigner son pharynx. Le pharynx. ça ne se frictionne pas! il paraît que je lui ai tourné la tête et, de mon côté. je vous l'avoue. je n'ai pas été tout-à-fait insensible à la manière dont il m'a montré qu'il m'aimait. Enfin.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Enfin! Tu l'aimes. un peu.

BERTHE.

Beaucoup !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Passionnément ?

BERTHE.

Presque H m'a demandé si je voulais être sa femme.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Et naturellement tu as répondu oui.

BERTHE.

Je lui ai répondu que je lui ferais connaître ma décision au château de Fontenay, près de Chasseneuil, le lundi 24 septembre 1884, en présence de ma chère tante, madame la baronne d 'Aigrefeuille.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Voilà tout ?

BERTHE.

Voilà tout.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Je te sais un gré infini de cette marque de déférence, mais je ne comprends pas, entre nous, puisque tu aimes Monsieur de Sergy, et que tu es disposée a l'épouser. pourquoi tu ne lui as pas donné a comprendre qu'il était agréé.

BERTHE.

C'est ici que commence l'explication délicate de la chambre d'honneur! Avant d'accorder ma main à Monsieur de Sergy, je veux.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Tu veux.

BERTHE.

Je veux le voir dormir.

MADAME D'AIGREFEUILLE, avec un en.

Hein! Perds-tu l'esprit ?... Dormir.... alors... tu prétends t'introduire dans sa chambre pendant que.??? Oh ma nièce.

BERTHE, riant.

Ma tante... Il en sera comme j'ai dit, avec votre permission, car le bonheur de ma vie en dépend !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Le bonheur de ta vie ? Vrai. j'ai beau me creuser la tête, je ne devine pas en quoi le bonheur de ta vie peut dépendre. Voyons. ne me fais pas chercher, explique-toi clairement!

BERTHE, embarrassée.

Voilà ! Il n'est pas absolument nécessaire que je le vois dormir.. Ce qu'il faut... ce qui est indispensable... c'est que je l'entende... ou plutôt que je ne l'entende pas... dormir !

MADAME D'AIGREFEUILLE, vivement.

J'y suis ! Ton mari ronflait.

BERTHE.

Comme un sabot ! Et voyez-vous, ces ronflements sont des rhumatismes à moi !... C'est le cauchemar des deux années que j'ai passées avec Monsieur d 'Estrelles ! C'est le vice rédhibitoire qui me ferait repousser l'homme que j'aimerais le plus au monde !... Ronfler !... Comprenez-vous bien, ce que cette infirmité a d'odieux? Voyez-vous cela d'ici ? Une jeune femme aimée, adorée, qui s'endort sur l'épaule de son époux, comme doivent s'endormir les anges, ivres de félicité céleste ; elle est bercée par la musique de cette voix amoureuse qui l'a endormie en lui murmurant « Je t'aime.. » Tout à coup !... Brou !... Vous entendez ça !... Comme un roulement de tonnerre, comme la machine d'une locomotive, comme une chaudière a vapeur qui éclate à vos oreilles Brou! On sursaute, effarée, épouvantée. On finit pas réveiller le dormeur Il se retourne et brrou. ça recommence! Et comme cela jusqu'au matin !... Oh ! Je frissonne encore rien qu'a ce souvenir! Et voilà ce qui fait qu'avant de donner ma main à Monsieur de Sergy, je tiens a savoir d'abord comment il se comporte. après qu'il est endormi ! Ayant, j'ai idée que je puis me fier à lui.

MADAME D'AIGREFEUILLE, riant.

Ah! ça Berthe... tu es d'une légèreté ce matin. Et puis je trouve que tu exagères. Car si l'on épouse un homme qui... Eh ! bien... on en est quitte pour faire chambre a part.

BERTHE, saluant.

Bien obligée. Je ne me marie pas pour dormir seule.

Riant.

J'ai peur la nuit...

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Eh! bien, ma pauvre enfant, fais coucher ta femme de chambre auprès de toi et reste veuve.

BERTHE.

Je le resterai, ma tante, si Monsieur de Sergy. Comprenez-vous maintenant qu'il faut absolument que j'entre dans sa chambre cette nuit ?

MADAME D'AIGREFEUILLE, sévère.

Cela, je te le défends, Berthe.

BERTHE.

Mais cependant.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

N'insiste pas, hein ? Je ne souffrirai pas sous mon toit une pareille inconvenance. Un hôte est sacre! Je ne souffrira.! pas, te dis-je, que l'on surprenne traîtreusement les secrets de son alcôve...

BERTHE, impatientée.

Des secrets Des secrets Voilà un secret, qu'on ne raconte pas Mu. sourdine toujours! Et s'il s'endormait pourtant ici, ou )a, comme il arrive parfois a un voyageur fatigué. Vous ne m'obligeriez pas, je suppose, de me boucher les oreilles par discrétion Non Et même je te permets d'essayer de le surprendre endormi. dans ce salon. par exemple, après l'avoir laissé seul assez longtemps pour qu'il ait eu le temps de s'ennuyer et de...

BERTHE, regardant le petit meuble.

Oh ma tante ! Quelle idée. une trouvaille. Je tiens mon moyen. Joseph, allez dans l'armoire de l'office chercher une bouteille de ce vieux Château Yquem. qu'on ne sert que dans les grandes occasions, vous savez ? Si je sais! (Se calmant.) Oui, madame, je sais.

À part et joyeux.

Voilà que ça commence.

Il va pour s'en aller et revient.

Madame, est-ce qu'une seule bouteille suffira ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Dis vite, le temps passe.

BERTHE, sautant sur la sonnette.

Vous allez voir !

Joseph paraît.

SCÈNE IV.
Les mêmes, Joseph.

JOSEPH.

Madame a sonné.

BERTHE.

Joseph, allez dans l'armoire de l'office chercher une bouteille de ce vieux Château Yquem. qu'on ne sert que dans les grandes occasions, vous savez ?

JOSEPH, vivement.

Si je sais !

Se calmant.

Oui, Madame, je sais.

A part et joyeux.

Voilà que ça commence.

Il va pour s'en aller et revient.

Madame, est-ce qu'une seule bouteille suffira ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Certes. D'ailleurs il ne m'en reste presque plus.... six bouteilles à peine.

JOSEPH, à part.

Bing ! Elles sont comptées. Pas mèche !

Il sort.

SCÈNE V.
Berthe, Madame d'Aigrefeuille, puis Joseph.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Voyons voyons que veux-tu faire ?

BERTHE, à l'armoire.

Vous allez voir, ma tante. Où donc est le laudanum ? Ah ! Je le tiens !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Mais enfin ? Explique-moi ?.

BERTHE, voyant entrer Joseph.

Chut! Joseph 1

JOSEPH, apportant la bouteille.

Voila le Château Yquem, Madame ! Je l'ai tenu contre moi, comme ça, madame... comme une mère tiendrait son enfant!

BERTHE.

Débouchez cette bouteille.

MADAME D'AIGREFEUILLE, bas à Berthe.

Ah J'y suis !

Voilà, madame.

À part.

Dieu, quel bouquet ! Peut-être qu'on m'en laissera un verre. Un tout petit verre !

BERTHE, à Joseph.

Maintenant... Allez guetter l'arrivée de notre hôte, Monsieur de Sergy...

JOSEPH.

Monsieur de Sergy ?... J'en ai connu un Monsieur de Sergy. J'ai servi sous ses ordres, dans le temps, au régiment, quand je faisais mon involontariat ! C'était mon lieutenant.

BERTHE.

Il est capitaine, à présent!

JOSEPH, à part.

Un capitaine d'artillerie !... Il boira tout !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Eh bien, Joseph !

JOSEPH.

J'y vais, Madame...

SCÈNE VI.
Berthe, Madame d'Aigrefeuille.

BERTHE.

Vite... À l'ouvrage ! En faut-il, beaucoup pour endormir un homme ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Je connais les doses, moi !...

Elle verse quelques gouttes du flacon dans la bouteille.

Cela suffira... Au fait, un militaire...

Elle verse un peu plus.

S'il ne dort pas avec ça...

Elle s'arrète.

Eh bien, mais, je songe, et nous ? Si nous en buvons ?...

BERTHE.

Nous ne boirons que de l'eau.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Quelle raison donner ?

BERTHE.

Nous trouverons un prétexte. Vous ?... Eh bien, vous avez une gastralgie... une épouvantable gastralgie.   [ 1 Gastralgie : Douleur nerveuse d'estomac, sans fièvre. [L]]

MADAME D'AIGREFEUILLE, riant.

Merci !

BERTHE.

Si vous préférez une autre maladie, cela m'est indifférent, cherchez ! Pour moi, je trouverai autre chose. Je cours m'habiller.... Vous le recevrez gentiment, n'est-ce pas, votre futur neveu ; car j'espère... Oh ! oui, je veux espérer que son sommeil sera calme comme celui d'un enfant de trois jours. Ah ! Ma tante, ma tante pourvu qu'il n'aille pas ronfler !

Elle sort.

SCÈNE VII.
Madame d'Aigrefeuille, seule, puis Joseph.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Alors, pour faire plaisir a cette petite évaporée, il va faLLoir passer pour une valétudinaire aux yeux de ce capitaine. Si l'on pouvait se dispenser de cette comédie. Au fait, pourquoi ne pas essayer de le faire causer. Qui sait? Il ne se méfiera pas, et adroitement, je pourrais peut-être lui faire avouer.

JOSEPH, annonçant.

Monsieur Gontran de Sergy.

À part, ouvrant sa main.

Il m'a déjà donné un pourboire ! C'est de bon augure !

Il sort.

SCÈNE VIII.
Gontran, Madame d'Aigrefeuille.

GONTRAN, s'avançant et saluant.

Madame la baronne d 'Aigrefeuille ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Oui, monsieur. Et la tante de Madame d 'Estrelles. Soyez le bienvenu au château de Fontenay, Monsieur de Sergy.

GONTRAN.

Je vois, Madame, que vous êtes informée du motif de ma visite.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Oui. monsieur! Mais je vous avertis que je suis décidée à ne vous point écouter avant d'avoir accompli envers vous les premiers devoirs de l'hospitalité. Après le déjeuner, je vous donnerai audience pour la demande officielle que vous brûlez de m'adresser. j'en suis sûre.

GONTRAN.

Oh oui, madame. Madame d 'Estrelles, m'a annonce que c'était vous qui me diriez si j'ai le bonheur d'être agréé par elle,et je vous avoue que mon impatience n'a d'égale que la passion sincère, profonde, qu'elle m'a inspirée.

MADAME D'AIGREFEUILLE, à part.

Pauvre garçon ! Ce serait fâcheux, s'il allait. Asseyez-vous, monsieur.

Haut.

Alors, monsieur, vous êtes très amoureux de ma nièce ?

GONTRAN.

Oh madame Très amoureux. c'est-à-dire que.

MADAME D'AIGREFEUILLE, l'interrompant.

Mais là, pour tout de bon?. Vous savez les hommes. les hommes jeunes, s'entend, et surtout dans votre profession. sont généralement des cerveaux brûlés. des casse-coeurs aimant ici aujourd'hui, demain ]a. Oh ne niez pas.

À part.

Je tiens mon moyen.

Haut.

Je ne vous demande pas de comptes sur les malheureuses que votre uniforme. et votre air martial. ont pu entraînera. cependant je serais aise de savoir.

GONTRAN.

Eh bien, mais, elle est un peu curieuse, la tante !

Haut.

Vous seriez aise, Madame, de savoir...

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Vous allez rire... Mais nous autres provinciales qui vivons enfermées dans un vieux château, entre un livre d 'heures et les journaux de Paris, il nous vient parfois des curiosités. brûlantes, oui. c'est le mot, pour certains détails de cette vie de plaisir. que nous ne connaissons que par ouï dire.

GONTRAN, gêné.

Hum! mille pardons, madame, mais je ne comprends pas bien.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Je voudrais savoir comment il se fait que des hommes du monde, a l'éducation raffinée, puissent s'astreindre parfois à mener une existence commune avec certaines personnes de moeurs faciles. dont. les habitudes vulgaires.

GONTRAN, à part.

Où diable veut-elle en venir ?

Haut.

Excusez-moi. mais je ne comprends pas bien.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Tenez, par exemple un mien cousin qui me faisait l'honneur de me prendre pour confidente de ses fredaines, m'a conté qu'un jour il avait renvoyé de chez lui, presque furieusement, une très belle personne qui pendant toute la nuit avait. vous ne devinez pas ?

GONTRAN, sèchement.

Non, madame.

À part.

Voilà une conversation bizarre pour une première entrevue.

MADAME D'AIGREFEUILLE, charmante.

Eh bien, Monsieur, elle avait. ronfle !

GONTRAN, feignant de rire.

Ah ! ah très drôle.

À part.

Sapristi je devine, Madame d 'Estrelles est affligée de ce défaut. et on veut connaître mes idées sur ce genre de récréation nocturne.

MADAME D'AIGREFEUILLE, à part.

Il hésite.

GONTRAN, à part.

Tant pis ! Elle est si charmante ! Je tâcherai qu'elle dorme le moins possible.

Haut.

Eh bien, Madame, permettez-moi de vous dire que votre cousin me semble avoir été un peu trop... délicat !

MADAME D'AIGREFEUILLE, vivement.

Vous trouvez.

GONTRAN, avec feu.

Je dirai plus, Madame ! j'affirme, moi, que cette respiration sonore doit être pleine de charmes pour l'oreille d'un amant... ou d'un mari véritablement épris. On ne la voit plus. et on l'entend encore, cette voix qui vous poursuit jusque dans votre sommeil, comme le ronron charmant d'une chatte endormie, vous rappelant t'être adoré qui murmure)a, près de vous.

MADAME D'AIGREFEUILLE, à part.

Toi, tu ronfles! Pauvre Berthe!

Haut et froidement.

C'est une affaire de goût, monsieur. Je connais des gens qui ne partageraient pas le vôtre.

GONTRAN, gravement.

Tant pis, madame, tant pis, moi, vous voyez j'avoue.

MADAME D'AIGREFEUILLE, à part.

Je ne le vois que trop !

Berthe paraît

SCÈNE IX.
Les mêmes, Berthe.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Arrivez, ma nièce ! Monsieur le capitaine Gontran de Sergy brûle de vous présenter ses hommages.

GONTRAN, se précipitant vers elle.

Oh ! Madame.

Il lui baise la main.

BERTHE, timidement.

Monsieur de Sergy !

Elle lui retire ses mains et s'en va vers Madame d'Aigrefeuille. Bas.

Vous permettez ? Deux mots ma tante.

GONTRAN.

Je vous en prie. Comme vous voilà rêveuse, vous m'effrayez.

MADAME D'AIGREFEUILLE, de même.

Hélas ! Ma pauvre Berthe, j'ai bien peur.

BERTHE.

Il a avoué !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Pas tout à fait... mais...

BERTHE.

Je veux tenter l'expérience.

À sa tante.

Pourvu que notre petite préparation n'aille pas lui faire de mal. Si nous en avionS trop mis?2

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Ne crains rien.

SCÈNE X.
Les mêmes, Joseph.

JOSEPH, entrant, portant des plats.

Madame la baronne est servie

GONTRAN, offrant son bras à madame d'Aigrefeuitte pour la conduire à table.

Madame !...

BERTHE, les suit.

Vous nous excuserez, Monsieur, de cette réception familière. Le château est en réparation.

Madame d'Aigrefeuille designs la place à Gontran. Ils s'installent à déjeûner.

GONTRAN.

Je vous suis au contraire, madame, on ne peut plus reconnaissant de cet accueil tout intime qui me comble de joie.

Ils mangent.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Un peu de ce poulet, capitaine ?2

GONTRAN.

Mille remerciements, madame. Permettez !

Il lui offre du Château_Yquem.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Merci, capitaine, je ne bois jamais devin, j'ai une gastralgie.

Le capitaine offre à Berthe.

BERTHE, refusant.

Et moi capitaine. je suis au régime pour ma gorge, vous savez ? Ordre de la faculté, je ne bois que de l'eau !

GONTRAN, posant la bouteille en souriant.

Tiens c'est comme moi

BERTHE, atterée.

Comment !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Vous ne buvez que de l'eau ?

JOSEPH, à part, avec indignation.

Un capitaine d'artillerie ! Oh ! oh ! oh !

GONTRAN.

C'est la fin de la cure, un peu d'inflammation encore.

BERTHE, dépitée.

Ce n'est pas sérieux ! Un homme ne se soumet pas à ces ordonnances-là ! C'est bon pour nous... Allons ! versez-vous, capitaine !

GONTRAN.

Non vrai j'ai promis de m'abstenir.

Berthe fait un geste de colère, Madame d'AigrefeuiUe lui fait signe de se taire.

MADAME D'AIGREFEUILLE, avec dignité.

Monsieur de Sergy, vous me permettrez d'insister !... 11 est de tradition que les hôtes qui passent pour la première fois le seuil du château de Fontenay, offrent une libation a la dame châtelaine et vident leur coupe on son honneur.

Riant.

Dussent-ils en mourir... Refuser serait une offense pour moi et nous-mêmes, malgré notre santé. nous approcherons de nos lèvres ce vin avec lequel nous aurons répondu à votre toast. Allons, capitaine, votre verre !...

Elle prend la bouteille et verse.

GONTRAN, tendant vivement son verre.

Avec joie, Madame, puisque c'est pour vous rendre hommage.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Berthe.

Elle verse un peu de vin dans le verre de Berthe et dans le sien.

GONTRAN, se levant.

Je bois avec vous, Madame la baronne d 'Aigrefeuille, à vous, Madame Berthe d 'Estrelles, aux deux plus gracieuses châtelaines des temps passés, présents et futurs.

Il boit.

MADAME D'AIGREFEUILLE, levant son verre.

Au capitaine Gontran de Sergy, notre hôte !...

BERTHE, à part.

Enfin !

Elle goûte au vin et remet son verre sur la table.

JOSEPH, à part.

À peine si elle y a trempé ses lèvres ! Un vin pareil !

GONTRAN.

Ah ! c'est étrange... ce vin... C'est du Château Yquem... Je crois ?

BERTHE.

En effet. Ne le trouvez-vous pas bon.

GONTRAN.

Si... si... excellent !

À part.

Il a un drôle de goût.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Il est très vieux, très vieux.

BERTHE.

Et vous devez savoir que quand le vin est très vieux. ça en change un peu le goût.

GONTRAN, à part.

C'est peut-être cela.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Monsieur de Sergy, je vous suis fort reconnaissante d'avoir consenti à nous faire raison.

GONTRAN.

Oh ! Madame, c'est trop naturel.

JOSEPH, à part.

Madame y a goûté à peine, elle aussi Ça ne sait pas boire, les femmes !

MADAME D'AIGREFEUILLE, à Gontran qui passe la main sur son front.

Qu'avez-vous, monsieur? Seriez-vous indisposé ?

GONTRAN, avec des gestes las.

Non, madame !... Un peu de fatigue, peut-être. Excusez-moi, ce n'est rien.

BERTHE, se lève vivement.

Vous ne souffrez pas, au moins ?...

GONTRAN, luttant contre le sommeil et se levant.

Non, non. Mais je ne sais vraiment ce que j'éprouve. Je vous demande pardon. je me sens la tête d'une lourdeur.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Je vous en prie, capitaine, venez vous reposer un peu, sur ce canapé.

GONTRAN, protestant.

Oh madame, je suis confus. Mille pardons, mais c'est plus fort que moi.

Il ferme les yeux, en réprimant un bâillement et se dirige vers le canapé sur lequel il tombe.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Dormez un instant, si cela doit vous faire du bien.

GONTRAN.

En vérité, c'est plus fort que moi.

BERTHE, à sa tante.

Il est endormi ?

MADAME D'AIGREFEUILLE, bas.

Pas encore, nous le gênons. Allons-nous-en, nous reviendrons tout à l'heure.

GONTRAN, s'endormant.

Madame ! Madame, pardon, je vous en supplie.

MADAME D'AIGREFEUILLE, haut.

Allons, viens, Berthe, laissons en repos Monsieur de Sergy.

BERTHE, en s'en allant, à part.

Dans cinq minutes mon sort sera fixé.

Elles sortent.

SCÈNE XI.
Joseph, Gontran, endormi.

JOSEPH.

Il en reste du Château Yquem. Il reste même à peu près tout.

Il boit les deux verres de Madame d'Aigrefeuille et de Berthe.

Au fait, pas besoin de me gêner, il ne bouge pas, notre hôte !

Il revient à la table et boit à même la bouteille.

Onctueux !... Admirable... exquis... je ne veux pas qu'il en reste une goutte.

Achevant de boire.

C'est fait.

Regardant le capitaine.

Il ne s'est pas réveillé au moins. Tiens, ça tourne ! Pourquoi donc que ça tourne.

Il baîlle.

Ah ! mais, qu'est-ce que, j'ai! Moi aussi, je tombe de sommeil. Elle est drôle celle-là ! Voila que je ne peux plus supporter le bordeaux, a présent ! Ouff !

Il se laisse tomber derrière le canapé où dort Monsieur de Sergy.

SCÈNE XII.
Berthe, Madame d'Aigrefeuille, Gontran et Joseph, endormis.

Madame d'Aigrefeuille et Berthe reviennent sur la pointe du pied tendant l'oreille.

BERTHE, radieuse.

Eh bien, ma tante, entendez-vous quelque chose ?... Il dort !... Il dort profondément... Et pas le moindre. 0 bonheur! Mon cher Gontran, je serai ta femme.

Elle lui envoie un baiser du bout des doigts. À ce moment éclate un ronflement formidable.

Ah ! L'horreur Miséricorde ! C'est épouvantable, ma tante ! Réveillez-le; qu'il s'en aille. Tout de suite Je ne veux plus le voir. Jamais !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Berthe, calme-toi.

BERTHE.

Jamais Je veux qu'il parte. ou c'est moi qui abandonnerai le château. Éveillez-le, congédiez le. Qu'il soit parti dans dix minutes. Ah ! Quelle abomination !

Elle se sauve désespérée. Les roulements cessent.

SCÈNE XIII.
Madame d'Aigrefeuille, Gontran, Joseph.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Allons, réveillons-le.

Elle se rapproche.

Monsieur Gontran !

Elle le touche.

Hé ! Monsieur le capitaine !

GONTRAN, en sursaut.

Hein ! Quoi ! Sacrebleu ! C'est bête de me réveiller comme ça. Ah ! C'est vous, Madame mille pardon... Je crois que je m'étais endormi. Je vais mieux. je vous remercie!

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Hélas! oui, vous vous étiez endormi! Et pour votre malheur !

GONTRAN, subitement debout.

Pour mon malheur ?

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Voyons, Monsieur de Sergy !.. Un peu de courage ! J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer... Madame d 'Estrelles.

GONTRAN.

Berthe !...

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Madame d 'Estrelles a changé subitement d'idée. Elle m'a chargée de vous apprendre qu'elle est absolument résolue à ne pas se marier. Tous nos regrets, Monsieur.

GONTRAN.

Pardon, Madame ! Vous m'avez dit l'instant que j'avais dormi... pour mon malheur !... Que s'est-il donc passé pendant ces quelques minutes où j'ai cédé, malgré moi.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Quelque chose de très grave, Monsieur. Nous avons constaté chez vous, pendant votre sommeil, une infirmité qui rend impossible votre mariage avec ma nièce.

GONTRAN, bondissant.

Une infirmité qui rend impossible. Moi, moi !... Gontran de Sergy, capitaine d'artillerie !... Savez-vous bien, madame, que sans le respect que je vous dois, je vous dirais carrément que vous. Mais comme je vous respecte infiniment, je ne vous le dis pas !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Vous ne me comprenez pas, capitaine, j'ai voulu dire.

GONTRAN, impétueusement.

Non pas, Madame, vous m'avez dit que Madame d 'Estrelles me refusait pour mari à cause d'une infirmité constatée pendant mon sommeil. Or, Madame, je demande, je veux, j'exige que l'on me dise quelle est cette infirmité... que j'ignore...

MADAME D'AIGREFEUILLE, s'emportant.

Eh ! Mon Dieu, monsieur, puisqu'il faut vous l'avouer... c'est que... c'est qu'en dormant... vous ronflez comme un tuyau d'orgue !

GONTRAN, stupéfait, s'oubliant.

Je ronfle... moi ! Jamais Amanda.... ni Coralie... ni Clémence ne m'ont dit. Oh sapristi !

MADAME D'AIGREFEUILLE, riant.

Nous venons de vous entendre là, tout a l'heure !... Ma nièce est désolée, croyez-le bien, sieur, mon- si désolée qu'elle quittera le château, a l'instant, si vous.

GONTRAN.

Si je ne prends congé de vous immédiatement, n'est-ce pas, Madame ?... Soit, je me retire ! Mais pas avant d'avoir salué Madame d 'Estrelles.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Quoi vous exigez...

GONTRAN.

J'exige que Madame d 'Estrelles ait le courage de me répéter ces paroles, oui, Madame... C'est bien le moins que l'on puisse accorder un galant homme que l'on traite d'une si cruelle façon.

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Soit !

Elle va au fond.

Berthe.

À part.

Elle refuserait de venir si.;;

Haut.

Berthe ! Il est parti !

SCÈNE XIV.
Les mêmes, Berthe.

BERTHE, entrant.

Bien vrai ?

Apercevant Gontran, à Madame d'Aigrefeuille.

Quelle trahison !

MADAME D'AIGREFEUILLE.

Pardonne-la moi... Monsieur de Sergy refuse de s'éloigner avant de t'avoir entendue lui dire.

GONTRAN.

Que vous prenez un prétexte, le premier venu, Madame.

BERTHE.

Un prétexte... Non pas, Monsieur, je vous l'affirme... Chaque femme se fait un idéal pour le mari qu'elle choisira. Le mien, c'est d'en avoir un dont le sommeil soit paisible, absolument paisible... Et avec vous, le doute n'est pas permis ! Car, tout a l'heure, là... Je vous ai entendu-là...

À ce moment, un ronflement formidable se fait entendre.

Ah!

GONTRAN.

Moi ?

BERTHE.

Mais certainement !

Le ronflement redouble.

Ah !

MADAME D'AIGREFEUILLE, poussant un cri et appelant.

Joseph !... Joseph !...

À ce moment, Joseph se lève et paraît derrière le canapé, l'air ahuri tout ensommeillé.

JOSEPH.

Madame a sonné ?

GONTRAN, allant le faire lever.

Ah ! Je comprends ! Le voila, le coupable !

JOSEPH.

Coupable, moi !... Je n'ai rien pris, Madame...

Il retombe sur le canapé, et se met à ronfler.

MADAME D'AIGREFEUILLE, furieuse.

Le malotru.

Il ronfle sans discontinuer. Berthe et Gontran se bouchent les oreilles.

Joseph ! Joseph !

Joseph ronfle plus bruyamment encore. La baronne essaie en vain de le réveiller.

BERTHE, à Madame d'Aigrefeuille

Laissez-le dormir, ma tante ! Je suis si heureuse que ce ne soit pas lui...

Elle montre Gontran.

GONTRAN.

Jamais je n'ai eu cette infirmité, je vous le jure !...

Bas à Berthe.

Et il me tarde de vous le prouver.

Joseph continue à ronfler.

Rideau.

 



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Notes

[1] Gastralgie : Douleur nerveuse d'estomac, sans fièvre. [L]

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