TRAGÉDIE en MUSIQUE
ornée d'entrées de ballets, de machines et de changements de théâtre.
M .DC. LXXXVII.
[Philippe Quinault]
Suivant la copie imprimée, à Paris.
Représenté pour la première fois [le 5 janvier 1677] devant sa majesté à Saint-Germain-en-Laye.
publié par Paul FIEVRE, Mai 2009, septembre 2017.
© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:01:44.
ACTEURS du PROLOGUE
LA RENOMMÉE.
CHOEUR de la Suite de la RENOMMÉE, les Rumeurs, les Bruits, etc..
CINQ TROMPETTES.
Vingt SUIVANTS de la RENOMMÉE chantants.
NEPTUNE.
SUITE DE NEPTUNE, tritons et autres Dieux de la Mer.
SIX TRITONS, jouant de la flute.
DEUX TRITONS, chantants.
HUIT DIEUX MARINS de la suite de Neptune dansants.
APOLLON.
SUITE D'APOLLON, les neuf mmuses et les arts libéraux.
CINQ MUSES CHANTANTES.
CLIO.
CALLIOPE.
MELPOMÈNE.
THALIE.
URANIE.
QUATRE MUSES QUI JOUENT DES INSTRUMENTS.
ERATO.
EUTERPE.
TERPSICHORE.
POLYMNIE.
SEPT ARTS LIBERAUX.
ACTEURS de la TRAGÉDIE.
HIÉRAX, amant de la nymphe Io, et frère d'Argus.
PIRANTE, ami d'Hiérax.
IO, nymphe, fille du fleuve Inachus, aimée de Jupiter, persécutée par Junon, et reçue enfin au rang des divinités célestes sous le nom d'Isis.
MYCENE, nymphe, confidente d'Io.
MERCURE.
CHOEURS DE DIVINITÉS DE LA TERRE, et des Echos.
TROUPE DE DIVINITÉS DE LA TERRE, des eaux et des richesses souterraines.
JUPITER.
IRIS, confidente de Junon.
JUNON.
HÉBÉ, fille de Junon et déesse de la Jeunesse.
CHOEURS et TROUPES DES JEUX ET DES PLAISIRS de la troupe d'Hébé.
CHOEUR, et TROUPE DE NYMPHES de la suite de Junon.
ARGUS.
UNE NYMPHE, représentant Syrinx.
CHOEUR ET TROUPE DE NYMPHES COMPAGNES DE SYRINX.
UN DES SYLVAINS représentant le Dieu Pan.
CHOEUR ET TROUPE DE BERGERS suivants de Pan.
CHOEUR ET TROUPE DE SATYRES suivants de Pan.
CHOEUR ET TROUPE DE SYLVAINS suivants de Pan.
ERINNIS, furie.
CHOEUR ET TROUPE DE PEUPLES DE CLIMATS GLACÉS suivants de Pan.
DEUX CONDUCTEURS DES CHALYBES.
SUITE DE PARQUES, la Guerre, les Fureur de la Guerre, la Famine, Les maladies violentes et languissantes, l'Incendie, L'Inondation, etc.
LES TROIS PARQUES.
CHOEUR DE DIVINITÉS CÉLESTES.
CHOEUR ET TROUPES DES PEUPLES D'EGYPTE.
PROLOGUE
Le théâtre représente le Palais de la Renommée. Il est ouvert de tous côtés pour recevoir les nouvelles de ce qui se fait de considérable sur la Terre et de ce qui se passe de mémorable sur la Mer, que l'on découvre dans l'enfoncement. La divinité qui préside dans ce palais y paraît accompagnée de sa suite ordinaire : Les rumeurs et les bruits qui portent comme elle une trompette à la main, y viennent en foule de divers endroits du monde.
SCÈNE I.
[La Renommée, Suite,Le Choeur.
]
LA RENOMMÉE, et sa suite les Rumeurs et les Bruits.
Publions en tous lieux
Du plus grand des héros la valeur triomphante.
Que la Terre et les cieux
Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.
LA RENOMMÉE.
5 | C'est lui dont les Dieux ont fait choix |
Pour combler le bonheur de l'Empire François,
En vain pour le troubler, tout s'unit, tout conspire,
C'est en vain que l'Envie a ligué tant de rois.
Heureux l'Empire
10 | Qui suit ses lois ! |
Le CHOEUR.
Heureux l'Empire
Qui suit ses lois !
LA RENOMMÉE.
Il faut que partout on l'admire
Parlons de ses vertus racontons ses exploits,
15 | A peine y pourrons nous suffire |
Avec toutes nos voix;
LE CHOEUR.
Heureux l'Empire
Qui suit ses lois !
LA RENOMMÉE.
Il faut le dire cent-et-cent fois
20 | Heureux l'empire qui suit ses lois. |
Le CHOEUR.
Il faut le dire cent-et-cent fois
Heureux l'empire qui suit ses lois.
SCÈNE II.
La Renommée, Neptune et leur suite.
Deux tritons chantants.
Dieux marins jouant des instruments.
Les tritons et les autres Dieux marins accompagnent Neptune sortant de la Mer qui entre dans le Palais de la Renommée.
LES DEUX TRITONS.
C'est le Dieu des eaux qui va paraître
Rangeons nous près de notre Maître
25 | Enchaînons les vents les plus terribles |
Que le bruit des flots cède à nos chants.
Régnez Zéphirs paisibles,
Ramenez le doux printemps.
NEPTUNE à la Renommée.
Mon empire a servi de théâtre à la guerre,
30 | Publiez des exploits nouveaux |
C'est le même vainqueur
Si fameux sur la terre
Qui triomphe encor sur les eaux.
LA RENOMMÉE et NEPTUNE.
Célébrez son grand nom sur la terre et sur l'onde
35 | Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes mers |
Qu'il vole jusqu'au bout du monde
Qu'il dure autant que l'univers.
CHOEURS.
Célébrez son grand nom sur la terre et sur l'onde
Qu'il ne soit pas borné par les plus vastes mers
40 | Qu'il vole jusqu'au bout du monde |
Qu'il dure autant que l'univers.
SCÈNE III.
Neptune, la Renommée et leur suite, Apollon, les neufs Muses,
les Arts libéraux.
CALLIOPE.
Cessez pour quelque temps bruit terrible des armes
Qui troublez le repos de cent climats divers
Ne troublez point les charmes
45 | De nos divins concerts. |
CALLIOPE, THALIE et APOLLON.
Ne troublez point les charmes
De nos divins concerts.
CALLIOPE.
Recommençons nos chants,
Allons les faire entendre.
MELPOMÈNE.
50 | Dans une auguste Cour. |
THALIE.
La Paix, la douce Paix
N'ose encore descendre du céleste séjour.
CALLIOPE.
La Paix, la douce Paix
N'ose encore descendre du céleste séjour.
CALLIOPE, THALIE et APOLLON.
55 | Près du Vainqueur allons attendre son bienheureux retour. |
APOLLON à la Renommée.
Ne parlons pas toujours de la guerre cruelle,
Parlons des plaisirs et des jeux.
Les Muses et les Arts
Vont signaler leur zèle,
60 | Je vais favoriser leurs voeux |
Nous préparons une fête nouvelle
Pour le Héros qui les appelle
Dans cet asile heureux
LE CHOEUR.
Ne parlons pas toujours de la guerre cruelle,
65 | Parlons des plaisirs et des jeux. |
LA RENOMMÉE.
Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous
De montrer vos charmes les plus doux.
APOLLON, NEPTUNE et LA RENOMMÉE.
Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous
De montrer vos charmes les plus doux.
LE CHOEUR, plus vite.
70 | Hâtez-vous, Plaisirs, hâtez-vous |
De montrer vos charmes les plus doux.
ACTE I
Le théâtre représente des prairies agréables où le Fleuve Inachus serpente.
SCÈNE I.
HIÉRAX.
Cessons d'aimer une infidèle,
Évitons la honte cruelle
De servir, d'adorer qui ne nous aime plus.
75 | Achevons de briser les noeuds qu'elle a rompus. |
Dégageons nous, sortons d'un si funeste empire.
Hélas ! Malgré moi je soupire !
Ah ! Mon coeur quelle lâcheté !
Quel charme te retient dans un honteux martyre ?
80 | Tu n'as pas craint des fers qui nous ont tant coûté |
As-tu peur de ta liberté ?
Revenez, revenez Liberté charmante
Vous n'êtes que trop diligente
Lorsqu'il faut dans un coeur faire place à l'Amour;
85 | Mais que vous êtes lente |
Lorsqu'un juste dépit presse votre retour.
SCÈNE II.
PIRANTE.
C'est trop entretenir
Ces tristes rêveries;
Venez, tournez vos pas sur ces rives fleuries
90 | Regardez ces flots argentés, |
Qui dans ces vallons écartés,
Font briller l'émail des prairies
Interrompez vos soupirs
Tout doit être ici;
95 | Ce beau séjour est l'asile |
Du repos et des plaisirs.
HIÉRAX.
Depuis qu'une nymphe inconstante
A trahi mon amour et m'a manqué de foy
Ces lieux jadis si beaux n'ont plus rien qui m'enchante;
100 | Ce que j'aime a changé, tout est changé pour moi. |
PIRANTE.
La fille d'Inachus hautement vous préfère
A mille autres amants de votre sort jaloux;
Vous avez l'aveu de son père
En faveur d'Argus votre frère,
105 | La puissante Junon se déclare pour vous. |
HIÉRAX.
Si l'ingrate m'aimait, je serais son époux.
Cette nymphe légère
De jour en jour diffère
Un hymen qu'autrefois elle avait cru si doux.
110 | L'inconstante n'a plus l'empressement extrême |
De cet amour naissant qui répondait au mien.
Son changement paraît en dépit d'elle même
Je ne le connais que trop bien,
Sa bouche quelquefois dit encor qu'elle m'aime;
115 | Mais son coeur ni ses yeux ne m'en disent plus rien. |
PIRANTE.
Se peut-il qu'elle dissimule !
Après de serments, ne la croyez-vous pas ?
HIÉRAX.
Je ne les crus que trop, hélas !
Ces serments qui trompent mon coeur tendre et crédule;
120 | Ce fut dans ces vallons où par mille détours, |
Inachus prends plaisir à prolonger son cours;
Ce fut sur son charment rivage,
Que sa fille volage
Me promit de m'aimer toujours.
125 | Le Zéphir fut témoin, l'onde fut attentive |
Quand la nymphe jura de ne changer jamais,
Mais le Zéphir léger et l'onde fugitive
Ont enfin emporté les serments qu'elle a faits.
Je la vois, l'infidèle.
PIRANTE.
130 | Éclaircissez vous avec elle. |
SCÈNE III.
LA NYMPHE IO.
M'aimez vous ? puis-je m'en flatter ?
HIÉRAX.
Cruelle, en voulez vous douter ?
En vain votre inconstance éclate,
En vain elle m'anime à briser tous les noeuds
135 | Je vous aime toujours ingrate, |
Plus que vous ne voulez
Et plus que je ne veux
Je crains un funeste présage,
Un aigle dévorant
140 | Vient de fondre à mes yeux, |
Sur un oiseau qui dans ces lieux
M'entretenait d'un doux ramage
Différez votre hymen,
Suivons l'avis des Cieux.
145 | Notre hymen me déplaît qu'à votre coeur volage: |
Répondez moi de vous, je vous répond des Dieux.
Vous juriez autrefois
Que cette onde rebelle
Se ferait vers sa source une route nouvelle
150 | Plutôt qu'on ne verrait votre coeur dégagé; |
Voyez couler ces flots dans cette vaste plaine
C'est le même penchant qui toujours les entraîne.
Leurs cours ne change point et vous avez changé
IO.
Laissez moi revenir de mes frayeurs secrètes;
155 | J'attends de votre amour cet effort généreux. |
HIÉRAX.
Je veux ce qui vous plaît, cruelle que vous êtes,
Vous n'abusez que trop d'un amour malheureux !
IO.
Non, je vous aime encor !
HIÉRAX.
Quelle froideur extrême !
Inconstante, est-ce ainsi qu'on doit dire qu'on aime.
IO.
160 | C'est à tort que vous m'accusez, |
Vous avez vu toujours vos rivaux méprisés
HIÉRAX.
Le mal de mes rivaux
N'égale point ma peine,
La douce illusion d'une espérance vaine
165 | Ne les fait point tomber du faite du bonheur |
Aucun d'eux comme moi n'a perdu votre coeur;
Je ne suis point accoutumé
Quel tourment de cesser de plaire
Lorsqu'on a fait l'essai du plaisir d'être aimé.
170 | Je ne le sens que trop |
Votre coeur se détache
Et je ne sais qui me l'arrache
HIÉRAX.
Je cherche en vain l'heureux amant
Qui me dérobe un bien charmant
175 | Où j'ai cru devoir seul prétendre |
Je sentirais moins mon tourment
Si je trouvais à qui m'en prendre
Vous fuyez mes regards,
Vous ne me dites rien;
180 | Il faut vous délivrer d'un fâcheux entretiens; |
Ma présence vous blesse et c'est trop vous contraindre.
IO.
Jaloux sombre et chagrin,
Partout où je vous vois,
Vous ne cessez de vous plaindre
185 | Je voudrais vous aimer |
Autant que je le dois,
Et vous me forcez à vous craindre.
ENSEMBLE.
Non, non, il ne tient qu'à vous
De rendre notre sort plus doux
190 | Non, non, il ne tient qu'à vous |
De rendre mon coeur plus tendre
Non, non, il ne tient qu'à vous
De rendre mon coeur moins jaloux.
SCÈNE IV.
Micène, Io.
MICÈNE.
Ce prince trop longtemps dans ses chagrins s'obstine
195 | On pardonne au premier transport |
D'un amour qui se plaint à tort
Et qui sans raison se mutine.
Mais à la fin on se chagrine
Contre un Amour chagrin.
IO.
200 | Je veux bien te parler enfin sans artifice |
Ce prince infortuné s'alarme avec justice.
Le maître souverain de la terre et des cieux
Entreprend de plaire à mes yeux.
Du coeur de Jupiter l'amour m'offre l'empire.
205 | Mercure est venu me le dire |
Je le vois chaque jour descendre dans ces lieux.
Mon coeur autant qu'il peut
Fait toujours résistance.
Et pour attaquer ma constance,
210 | Il ne fallait pas moins que le plus grand des Dieux. |
MICÈNE.
On écoute aisément Jupiter qui soupire.
C'est un amant qu'on ose mépriser.
Et du plus grand des coeurs
Ce glorieux empire
215 | Est difficile à mépriser. |
IO.
Lorsqu'on me presse de me rendre
Aux attraits d'un amour nouveau,
Plus le charme est puissant
Et plus il serait beau
220 | De pouvoir m'en défendre. |
Quoi ! tu veux me quitter ?
Doù vient ce soin pressant ?
MICÈNE.
C'est pour vous seule ici que Mercure descend.
SCÈNE V.
Isis, Mercure, Choeur des divinités et des échos.
MERCURE.
Le Dieu puissant qui lance le tonnerre
225 | Et qui des cieux tient le sceptre en ses mains |
A résolu de venir sur la terre
Chasser les maux qui troublent les humains.
Que la terre avec soin à cet honneur réponde
Échos retentissez dans ces lieux pleins d'appas,
230 | Annoncez qu'aujourd'hui pour le bonheur du monde, |
Jupiter descends ici-bas.
CHOEUR des DIVINITÉS et des ÉCHOS.
Échos retentissez dans ces lieux pleins d'appas,
Annoncez qu'aujourd'hui pour le bonheur du monde,
Jupiter descends ici-bas.
MERCURE.
235 | C'est ainsi que Mercure |
Pour abuser les Dieux jaloux
Doit parler hautement à toute la nature.
Mais il doit s'expliquer
Autrement avec vous;
240 | C'est pour vous voir, |
C'est pour vous plaire,
Que Jupiter descend du céleste séjour.
Et les biens qu'ici bas sa présence va faire
Ne seront dûs qu'à son amour.
ISIS.
245 | Pourquoi du haut des cieux, |
Ce Dieu veut-il descendre ?
Mes voeux sont engagés.
Mon coeur a fait un choix
L'amour tôt ou tard doit prétendre
250 | Que tous les coeurs se rangent sous ses lois. |
C'est un hommage qu'il faut rendre
Mais assez de le rendre une fois.
MERCURE.
Ce serait en aimant une contrainte étrange
Qu'un coeur pour mieux choisir n'osât se dégager.
255 | Quand c'est pour Jupiter qu'on change |
Il n'est pas honteux de changer.
Que tout l'univers se pare
De ce qu'il a de plus rare
Que tout brille dans ces lieux.
260 | Que la terre partage |
L'éclat et la gloire des cieux.
Que tout rende hommage
Au plus grand des dieux.
SCÈNE VI.
Les divinités de la Terre, des eaux et des richesses souterraines viennent magnifiquement parées pour recevoir Jupiter et pour lui rendre hommage.
JUPITER.
Les armes que je tiens protègent l'innocence.
265 | L'effort n'en est fâcheux qu'à l'orgueil des titans. |
Vous qui suivez les lois,
Vivez sous ma puissance,
Toujours heureux, toujours contents.
Jupiter vient sur la terre.
270 | Pour la combler de bienfaits, |
Il est armé du tonnerre
Mais c'est pour donner la paix.
CHOEURS.
Jupiter vient sur la terre.
Pour la combler de bienfaits,
275 | Il est armé du tonnerre |
Mais c'est pour donner la paix.
ACTE II
Le théâtre devient obscurci par des nuages épais qui l'environnent de tous côtés.
SCÈNE I.
IO.
Où suis-je ? D'où vient ce nuage ?
Les ondes de mon père et son charmant rivage
Ont disparu tout à coup à mes yeux !
280 | Où puis-je trouver un passage ? |
La jalouse reine des Cieux
Me fait elle si tôt acheter l'avantage
De plaire au plus puissant des Dieux ?
Que vois-je ? Quel éclat se répand dans ces lieux.
Jupiter paraît et les nuages qui obscurcissent le théâtre, sont illuminés et peints des couleurs les plus brillantes et les plus agréables.
SCÈNE II.
Jupiter, Io
JUPITER.
285 | Vous voyez Jupiter; Que rien ne vous étonne. |
C'est pour tromper Junon et ses regards jaloux
Qu'un nuage vous environne;
Belle nymphe, rassurez-vous
Je vous aime et pour vous le dire,
290 | Je sors avec plaisir de mon suprême empire. |
La foudre est dans mes mains,
Les Dieux me font la cour,
Je tiens tout l'Univers sous mon obéissance;
Mais si je prétends en ce jour
295 | Engager votre coeur à m'aimer à son tour, |
Je fonde moins mon espérance
Sur la grandeur de ma puissance
Que sur l'excès de mon amour.
IO.
Que sert-il qu'ici-bas votre amour me choisisse ?
300 | L'honneur me vient trop tard, j'ai formé d'autres noeuds |
Il fallait que ce bien pour combler tous nos voeux,
Ne me coûtât point d'injustice,
Et ne fit point de malheureux
JUPITER.
C'est une assez grande gloire
305 | Pour votre premier vainqueur, |
D'être encore dans votre mémoire
Et de me disputer si longtemps votre coeur.
IO.
La gloire doit forcer mon coeur à se défendre.
Si vous sortez du Ciel pour chercher les douceurs
310 | D'une amour tendre, |
Vous pouvez aisément attaquer d'autres coeurs
Qui feront gloire de se rendre.
JUPITER.
Il n'est rien dans les Cieux il n'est rien ici-bas
De si charment que vos appas;
315 | Rien ne peut me toucher d'une flamme si forte; |
Belle Nymphe vous l'emportez
Sur les autres beautés,
Autant que Jupiter l'emporte
Sur les autres Divinités !
320 | Verrez-vous tant d'amour avec indifférence ? |
Quel trouble vous saisit ? Où tournez vous vos pas ?
IO.
Mon coeur en votre présence
Fait trop peu de résistance
Contentez-vous, hélas !
325 | D'étonner ma constance, |
Et n'en triomphez pas.
JUPITER.
Et pourquoi craignez vous Jupiter qui vous aime ?
IO.
Je crains tout, je me crains moi-même.
JUPITER.
Quoi ! voulez vous me fuir
IO.
C'est mon dernier espoir.
JUPITER.
330 | Écoutez mon amour. |
IO.
Écoutez mon devoir. |
JUPITER.
Vous avez un coeur libre et qui peut de défendre
IO.
Non, vous ne laissez pas mon coeur en mon pouvoir
JUPITER.
Quoi ! vous ne voulez pas m'entendre
IO.
Je n'ai que trop de peine à ne le pas vouloir.
335 | Laissez-moi... |
JUPITER.
Quoi si tôt. |
IO.
Je devais moins attendre; |
Que ne fuyais-je hélas ! Avant que de vous voir.
JUPITER.
L'amour pour moi me sollicite
Et je vois que vous me quittez
IO.
Le devoir veut que je vous quitte,
340 | Et je sens que vous m'arrêtez |
SCÈNE III.
Mercure, Jupiter.
MERCURE.
Iris est ici-bas et Junon elle-même
Pourrait vous suivre dans ces lieux.
JUPITER.
Pour la nymphe que j'aime
Je crains ses transports furieux.
MERCURE.
345 | Sa vengeance serait funeste, |
Si votre amour était surpris.
JUPITER.
Va, prends soin d'arrêter Iris,
Mon amour prendra soin du reste.
SCÈNE IV.
Mercure, Iris.
MERCURE.
Arrêtez, belle Iris, différez un moment
350 | D'accomplir en ces lieux ce que Junon désire. |
IRIS.
Vous m'arrêtez vainement
Et vous n'aurez rien à me dire.
MERCURE.
Mais, si je vous disais que je veux vous choisir
Pour attacher mon coeur d'une éternelle chaîne ?
IRIS.
355 | Je vous écouterais peut-être avec plaisir, |
Mais je vous croirais avec peine.
MERCURE.
Refusez vous d'unir votre coeur et le mien.
IRIS.
Jupiter et Junon nous occupent sans cesse
Nos soins sont assez grands sans que l'amour nous blesse,
360 | Nous n'avons pas tous deux de loisir d'aimer bien. |
MERCURE.
Si je fais ma première affaire
De vous voir et de vous plaire.
IRIS.
Je ferai mon premier devoir
De vous plaire et de vous voir.
MERCURE.
365 | Un coeur fidèle |
A pour moi de charmants appas:
Vous avez mille attraits,
Vous n'êtes que trop belle:
Mais je crains que vous n'ayez pas.
370 | Un coeur fidèle. |
IRIS.
Pourquoi craignez-vous tant
Que mon coeur se dégage
Je vous permets d'être inconstant,
Sitôt que je serai volage.
MERCURE et IRIS, ensemble.
375 | Promettez moi de constantes amours, |
Je vous promets de vous aimer toujours.
MERCURE.
Que la feinte entre nous finisse
IRIS.
Parlons sans mystère en ce jour;
ENSEMBLE.
Le moindre artifice
380 | Offense l'amour. |
IRIS.
Quel soin presse ici-bas Jupiter de descendre.
MERCURE.
Le seul bien des mortels lui fait quitter les cieux;
Mais quel soupçons nouveau Junon peut elle prendre ?
Ne suivrait elle pas Jupiter en ces lieux.
IRIS.
385 | Dans les jardins d'Hébé Junon vient de descendre. |
MERCURE.
Un nuage entrouvert la découvre à mes yeux ;
Iris parle ainsi sans mystère !
C'est ainsi que je puis me fier à ta foi.
IRIS.
Ne me reprochez pas que je suis peu sincère,
390 | Vous ne l'êtes pas plus que moi. |
Junon paraît au milieu d'un nuage qui s'avance.
MERCURE et IRIS.
Gardez pour quelque autre
Votre amour trompeur,
Je reprends mon coeur,
Reprenez le vôtre.
SCÈNE V.
Iris, Junon.
Le nuage s'approche de terre et Junon descend.
IRIS.
395 | J'ai cherché vainement la fille d'Inachus. |
JUNON.
Ah ! Je n'ai pas besoin d'en savoir davantage,
Non, Isis, ne la cherchons plus.
Jupiter dans ces lieux m'a donné de l'ombrage,
J'ai traversé les airs, j'ai percé le nuage
400 | Qu'il opposait à mes regards ; |
Mais en vain j'ai tourné les yeux de toutes parts,
Ce Dieu par son pouvoir suprême
M'a caché la nymphe qu'il aime,
Et ne m'a laissé voir que des troupeaux épars !
405 | Non, non, je ne suis pas une incrédule épouse |
Qu'un puisse tromper aisément;
Voyons qui feindra mieux de Jupiter amant
Ou de Junon jalouse.
Il est maître des Cieux, la terre suit sa loi;
410 | Sous sa toute puissance, il faut que tout fléchisse; |
Mais puisqu'il ne prétend s'armer que d'artifice
Tout Jupiter qu'il est, il est moins fort que moi.
Dans ces lieux écartés, vois que la terre est belle.
IRIS.
Elle honore son maître et brille sous ses pas.
JUNON.
415 | L'amour cet amour infidèle, |
Qui du plus haut des cieux l'appelle,
Fait que tout lui rit ici-bas.
Près d'une maîtresse nouvelle
Dans le fond des déserts, on trouve des appas.
420 | Et le ciel même ne plaît pas |
Avec une épouse immortelle.
SCÈNE VI.
Jupiter, Junon, Mercure, Iris, Jupiter.
JUPITER.
Dans les jardins d'Hébé vous deviez en ce jour
D'une nouvelle nymphe
Augmenter votre cour;
425 | Quel dessein si pressant dans ces lieux vous amène. |
JUNON.
Je ne vous suivrai pas plus loin. Je viens de votre amour
Attendre un nouveau soin :
Ne vous étonnez pas qu'on vous quitte avec peine,
Et que de Jupiter on ait toujours besoin.
430 | Vous m'aimez, et j'en suis certaine. |
JUPITER.
Souhaitez, je promets que vos voeux seront satisfaits.
JUNON.
J'ai fait choix d'une nymphe et déjà la Déesse
De l'aimable Jeunesse
Se prépare à la recevoir;
435 | Mais je n'ose, sans vous, disposer de personne. |
Si j'ai quelque pouvoir,
Je n'en prétends avoir
Qu'autant que votre amour m'en donne
Ce don de votre main me sera précieux.
JUPITER.
440 | J'approuve vos désirs ; |
Que rien n'y soit contraire;
Mercure ayez soin de lui plaire,
Et portez à son gré, mes ordres en tous lieux;
Que tout suive les lois de la reine des cieux.
IRIS et MERCURE.
445 | Que tout suive les lois de la reine des Cieux. |
JUPITER.
Parlez, et qu'hautement votre choix se déclare.
JUNON.
La nymphe qui me plaît ne vous déplaira pas,
Vous ne verrez pas ici-bas
De mérite plus grand ni beauté plus rare;
450 | Les honneurs que je lui prépare |
Ne lui sont que trop dûs,
Enfin, Junon choisit la fille d'Inachus.
JUPITER.
La fille d'Inachus.
JUNON.
Déclarez pour elle.
Peut-on voir à ma suite une nymphe plus belle,
455 | Plus capable d'orner ma cour, |
Et de marquer pour moi,
Le soin de votre amour;
Vous me l'avez promise et je vous le demande.
JUPITER.
Vous ne sauriez combler d'une gloire trop grande
460 | La nymphe que vous choisissez; |
Junon commande
Allez, allez, Mercure obéissez.
JUNON.
Junon commande
Allez, allez, Mercure obéissez.
SCÈNE VII.
Hébé, Troupe de Jeux et de Plaisirs, Troupe de Nymphes de la suite de Junon et d'Hébé.
Le théâtre change et représente les jardins d'Hébé, déesse de la Jeunesse. Les jeux et les plaisirs s'avancent en dansant devant la déesse Hébé.
HÉBÉ.
465 | Les plaisirs les plus doux |
Sont faits pour la jeunesse.
Venez, venez jeux charmants, venez tous;
Cardez vous bien d'amener avec vous
La sévère Sagesse.
470 | Fuyez, fuyez, sombre tristesse |
Noirs chagrins, fuyez loin de nous
Vous êtes destinés pour l'affreuse vieillesse
Les plaisirs les plus doux
Sont faits pour la jeunesse.
LE CHOEUR.
475 | Les plaisirs les plus doux |
Sont faits pour la jeunesse.
Les jeux, les plaisirs et les nymphes de Junon se divertissent par des danses et par des chansons, en attendant la nouvelle nymphe dont Junon vont faire choix.
DEUX NYMPHES.
Aimez, profitez du temps,
Jeunesse charmante
Rendez vos désirs contents.
480 | Tout rit tout enchante |
Dans les plus beaux ans:
L'amour vous éclaire
Marchez sur ses pas
Cherchez à vous faire
485 | Des noeuds pleins d'appas. |
Que vous sert de plaire,
Si vous n'aimez pas ?
CHOEURS.
Que ces lieux ont d'attraits !
Goûtons-en bien les charmes,
490 | L'Amour n'y fait jamais verser de tristes larmes |
Les soins et les alarmes,
N'en troublent point la paix.
Jouissons dans ces retraites
Des douceurs les plus parfaites;
495 | Suivez-nous, charmants plaisirs, |
Comblez tous nos désirs.
SCÈNE VIII.
Io, Mercure, Iris, Hébé, Les Jeux, Les Plaisirs, Troupe de Nymphes de la suite de Junon.
MERCURE et IRIS conduisant Io.
Servez, Nymphe, servez avec un soin fidèle,
La puissante reine des Cieux.
Suivez dans ces aimables lieux
500 | La jeunesse immortelle |
Tout plaît et tout rit avec elle.
Hébé et les nymphes reçoivent Io.
HÉBÉ.
Que c'est un plaisir charmant
D'être jeune et belle !
Triomphez à tout moment
505 | D'une conquête nouvelle. |
Que c'est un plaisir charmant
D'être jeune et belle !
ACTE III
Le théâtre change et représente la solitude dont Argus fait sa demeure près d'un lac, au milieu d'une forêt.
SCÈNE I.
Argus, Io.
ARGUS.
Dans ce solitaire séjour
Vous êtes sous ma garde,
510 | Junon vous y laisse: |
Mes yeux veilleront tour à tour
Et vous observeront sans cesse.
IO.
Est-ce là le bonheur que Junon m'a promis.
Argus apprenez-moi quel crime j'ai commis.
ARGUS.
515 | Vous êtes aimable |
Vos yeux devaient moins charmer.
Vous êtes coupable
De faire trop aimer
Ne me déguisez rien, de quoi m'accuse-t-elle
520 | Quelle offenses à ses yeux me rend si criminelle ? |
Ne pourrai-je apaiser son funeste courroux.
ARGUS.
C'est une offense cruelle
De paraître belle
À ses yeux jaloux
525 | L'amour de Jupiter a trop paru pour vous |
IO.
Je suis perdue, ô ciel ! si Junon est jalouse.
ARGUS.
On ne plaît guère à l'épouse
Lorsqu'on plaît trop à l'époux.
Vous n'en serez pas mieux d'être ingrate et volage
530 | Vous quittez un fidèle amant, |
Pour recevoir un plus brillant hommage
Mais c'est un avantage
Que vous payerez chèrement.
J'ai l'ordre d'enfermer vos dangereux appas
535 | La Déesse se défend que vous voyez personne |
IO.
Aux rigueurs de Junon Jupiter m'abandonne.
Non, non Jupiter ne m'aime pas.
SCÈNE II.
Hiérax, Argus.
HIÉRAX, voyant Io, qui entre dans la demeure d'Argus.
La perfide craint ma présence
Elle me fuit en vain et j'irai la chercher.
ARGUS.
540 | Non ! |
HIÉRAX.
Laissez moi lui reprocher |
Sa cruelle inconstance
ARGUS.
Non, non, on ne la doit point voir
HIÉRAX.
Quoi ! Junon me devient contraire ?
ARGUS.
L'ordre est exprès pour tous, perdez un vain espoir.
HIÉRAX.
545 | L'amitié fraternelle a si peur de pouvoir ? |
ARGUS.
Non, je ne connais plus ni d'ami, ni de frère,
Je ne connais que mon devoir
Laissez la nymphe en paix,
Ce n'est plus vous qu'elle aime.
HIÉRAX.
550 | Quel est l'heureux amant qui s'en est fait aimer ? |
Nommez le moi.
ARGUS.
Tremblez à l'entendre nommer.
C'est un Dieu tout puissant, c'est Jupiter lui-même.
HIÉRAX.
Ô Dieux !
ARGUS.
Dégagez vous d'un amour si fatal
Sans balancer il faut vous y résoudre
555 | C'est un redoutable rival |
Qu'un amant qui lance la foudre.
HIÉRAX.
Dieux tout puissants ! ah ! vous étiez jaloux
De la félicité que vous m'avez ravie,
Dieux tout puissants ! ah ! vous étiez jaloux
560 | De me voir plus heureux que vous. |
Vous n'avez pu souffrir le bonheur de la vie
Et je voyais vos grandeurs sans envie.
J'aimais, j'étais aimé.
Mon sort était trop doux.
ARGUS.
565 | Heureux qui peut briser |
Qui peut briser sa chaîne
Finissez une plainte vaine
Méritez l'infidélité;
Un coeur ingrat vaut-il la peine
570 | D'être tant regretté. |
HIÉRAX et ARGUS.
Heureux qui peut briser
Qui peut briser sa chaîne
ARGUS.
Liberté, liberté.
SCÈNE III.
Argus, Hiérax, une nymphe qui représente Syrinx, troupe de Nymphes en
habits de chasse.
SYRINX, Choeurs des Nymphes.
Liberté, liberté !
Une partie des nymphes dansent dans le temps que les autres chantent.
HIÉRAX et ARGUS.
575 | Quelles danses ! quels chants et quelle nouveauté ! |
SYRINX, CHOEURS.
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.
HIÉRAX et ARGUS.
Que voulez-vous ?
CHOEUR des NYMPHES.
Liberté, liberté.
HIÉRAX et ARGUS.
580 | Que voulez-vous ? il faut qu'on nous réponde. |
SYRINX et les NYMPHES.
S'il est quelque bien au monde,
C'est la liberté.
SCÈNE IV.
Argus, Hiérax, Syrinx, troupes de Nymphes, Mercure, déguisé en berger, Troupe de Bergers de Satyres et de Sylvains.
MERCURE, CHOEURS de NYMPHES, de BERGERS, de SATYRES, et de SYLVAINS.
Liberté, liberté
S'il est quelque bien au monde
585 | C'est la liberté. |
Liberté, liberté
MERCURE, déguisé en berger parlant à Argus.
De la Nymphe Syrinx l'on chérit la mémoire,
Il en regrette encor la perte chaque jour;
Pour célébrer une fête à sa gloire
590 | Ce Dieu lui même assemble ici sa cour |
Il veut que du malheur de son fidèle amour.
Un spectacle touchant représente l'histoire
ARGUS.
C'est un plaisir pour nous; poursuivez j'y consens
Je ne m'oppose point à ces jeux innocents.
Argus va prendre place sur un siège de gazon proche de l'endroit où Io est enfermée et fait planer Hiérax de l'autre côté.
MERCURE, parlant à part à toute la troupe qu'il conduit.
595 | Il donne dans le piège, achevez sans remise |
Achevez de surprendre Argus et tous ses yeux.
Si vous tentez une grande entreprise,
Mercure vous conduit, l'amour vous favorise
Et vous servez le plus puissant des Dieux.
Mercure, les berges, les satyres, et les sylvains rentrent derrière le théâtre.
SCÈNE V.
Argus, Hiérax, Syrinx, Troupe de Nymphes.
SYRINX et le CHOEUR des NYMPHES.
600 | Liberté, liberté |
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.
SYRINX.
L'empire de l'Amour n'est pas moins agité
Que l'empire de l'onde
605 | Ne cherchons point d'autre félicité |
Qu'un doux loisir dans une paix profonde
S'il est quelque bien au monde
C'est la liberté.
Liberté, liberté !
Dans le temps qu'une partie des Nymphes chante, le reste de la troupe danse.
SCÈNE VI.
Un des Sylvains représentant le Dieu Pan, Troupe de Bergers, troupe de Satyres, troupe de Sylvains, Syrinx, troupe de Nymphes, Argus et Hiérax.
Les Bergers et les Sylvains dansants et chantants viennent offrir des présents de fleurs et de fruits à la nymphe Syrinx et tâchent de lui persuader de n'aller point à la chasse et de s'engager sous les lois de l'Amour.
DEUX BERGERS.
610 | Quel bien devez-vous attendre |
Beautés qui chassez dans ces lieux
Que pouvez-vous prendre
Qui vaille un coeur tendre
Soumis à vos lois ?
615 | Ce n'est qu'en aimant |
Qu'on trouve un sort charmant
Aimez enfin à votre tour
Il faut que tout cède à l'amour.
Il sait frapper d'un coup certain
620 | Le cerf léger qui fuit en vain |
Jusque dans les antres secrets
Au fond des forêts
Tout doit sentir ses traits.
Lorsque l'amour vous appelle,
625 | Pourquoi fuyez-vous ses plaisirs ? |
La Rose nouvelle
N'en est que plus belle
D'aimer les Zéphirs.
Ce n'est qu'en aimant
630 | Qu'on trouve un sort charmant, |
Aimez enfin, à votre tour;
Il faut que tout cède à l'amour :
Il sait frapper d'un coup certain
Le cerf léger qui fuit en vain :
635 | Jusques dans les antres secrets |
Au fonds des forêts,
Tout doit sentir ses traits,
PAN.
Je vous aime Nymphe charmante;
Un amant, un mortel cherche à plaire à vos yeux
SYRINX.
640 | Pan est un Dieu puissant, je révère les Dieux; |
Mais le nom d'amour m'épouvante.
PAN.
Pour vous faire retrouver le nom d'amant plus doux.
J'y joindrai le titre d'époux.
Je n'aurai pas de peine
645 | A m'engager dans une aimable chaîne |
Pour ne jamais changer.
Aimez un Dieu qui vous adore.
SYRINX.
Un époux doit être encore
Plus à craindre qu'un amant
PAN.
650 | Dissipez de vaines alarmes, |
Éprouvez l'amour et ses charmes
Connaissez les plus doux appas.
Non, ce ne peut être
que faute de la connaître
655 | Qu'il ne vous plaît pas. |
SYRINX.
Les maux d'autrui me rendront sage.
Ah ! Quel malheur
De laisser engager son coeur !
Pourquoi faut-il le plus beau de son âge
660 | Dans une mortelle langueur ? |
Ah, quel malheur !
Pourquoi n'avoir pas le courage
De s'affranchir de la rigueur
D'un funeste esclavage ?
665 | Ah ! Quel malheur |
De laisser engager son coeur !
PAN.
Ah ! Quel dommage
Que vous ne sachiez pas aimer !
Que vous sert-il d'avoir tant d'attraits en partage,
670 | Si vous en négligez le plus grand avantage ? |
Que vous sert-il de savoir tout charmer ?
Ah, quel dommage
Que vous ne sachiez pas aimer !
CHOEUR des SYLVAINS, de SATYRES, et de BERGERS.
Aimons sans cesse.
CHOEUR des NYMPHES.
675 | N'aimons jamais. |
CHOEUR de SILVAINS, SATYRES et BERGERS.
Pour vivre en paix.
N'aimons jamais.
SYRINX.
Le chagrin suit toujours les coeurs que l'amour blesse.
PAN.
La tranquille sagesse
680 | N'a que des plaisirs imparfaits. |
CHOEUR de SILVAINS, SATYRES et BERGERS.
Aimons sans cesse.
CHOEUR des NYMPHES.
N'aimons jamais.
SYRINX.
On ne peut aimer sans faiblesse.
PAN.
Que cette faiblesse a d'attraits !
CHOEUR de SILVAINS, SATYRES et BERGERS.
685 | Aimons sans cesse. |
CHOEUR des NYMPHES.
N'aimons jamais.
CHOEUR de SILVAINS, SATYRES et BERGERS.
Cédons à l'Amour qui nous presse
Pour vivre heureux aimons sans cesse
CHOEUR des NYMPHES.
Pour vivre en paix
690 | N'aimons jamais |
CHOEUR de SILVAINS, SATYRES et BERGERS.
Aimons sans cesse.
CHOEUR des NYMPHES.
N'aimons jamais
Pour vivre en paix
SYRINX.
Faut-il qu'en vain discours un si beau jour se passe ?
695 | Mes compagnes courons dans le fond des forêts. |
Voyons qui d'entre nous se sert mieux de ses traits
Courons à la chasse.
DOUBLE CHOEURS.
À la chasse !
Courons à la chasse, à la chasse.
SYRINX, revenant sur le théâtre suivie de Pan.
Pourquoi me suivre de si près.
PAN.
700 | Pourquoi fuir qui vous aime ? |
SYRINX.
Un amant m'embarrasse. |
SYRINX et les CHOEURS derrière le théâtre.
Courons à la chasse, à la chasse.
PAN revenant une seconde fois sur le scène suivant toujours Syrinx.
Je ne puis vous quitter, mon coeur s'attacher à vous
Par des noeuds trop forts et trop deux.
SYRINX.
Mes compagnes, venez... C'est en vain que j'appelle.
PAN.
705 | Écoutez, ingrate, écoutez |
Un Dieu charmé de vos beautés;
Qui vous jure un amour fidèle.
SYRINX, fuyant.
Je déclare à l'Amour une guerre immortelle.
TROUPE de BERGERS qui arrêtent Syrinx.
Cruelle, arrêtez !
TROUPE de SYLVAINS et de SATYRES qui arrêtent Syrinx.
710 | Arrêtez cruelle. |
SYRINX.
On me retient de tous côtés
TROUPE de SYLVAINS et de SATYRES qui arrêtent Syrinx.
Cruelle, arrêtez !
SYRINX.
Dieux, protecteurs de l'innocence,
Naïades, Nymphes des eaux.
715 | J'implore ici votre assistance. |
Syrinx se jette dans les eaux.
PAN, suivant Syrinx dans la lac où elle s'est jetée.
Où vous exposez-vous ? Quels prodiges nouveaux
La nymphe est changée en roseaux !
Le vent pénètre dans les roseaux, et leur fait former un bruit plaintif.
Hélas ! hélas ! Quel bruit ! Qu'entends-je ! Ah ! Quelle voix nouvelle !
La Nymphe tâche encor d'exprimer ses regrets.
720 | Que son murmure est doux ! Que sa plainte a d'attraits. |
Ne cessons point de nous plaindre avec elle.
Ranimons les restes charmants
D'un nymphe qui fut si belle,
Elle répond encore à nos gémissements,
725 | Ne cessons point de nous plaindre avec elle. |
Pan donne des roseaux aux bergers, aux satyres et aux sylvains qui en forment un concert de flûtes.
PAN.
Les yeux qui m'ont charmé ne verront plus le jour
Était-ce ainsi, cruelle amour,
Qu'il fallait te venger d'une beauté rebelle,
N'aurait-il pas suffi de t'en rendre vainqueur
730 | Et de voir dans les fers son insensible coeur, |
Brûler avec le mien d'une ardeur éternelle ?
Que tout ressente mes tourments.
PAN, et deux BERGERS accompagnés du concert de flutes.
Ranimons les restes charmants
D'un nymphe qui fut si belle,
735 | Elle répond encore à nos gémissements, |
Ne cessons point de nous plaindre avec elle.
Argus commence à s'assoupir, Mercure déguisé en berger s'approche de lui, et achève de l'endormir en la touchant de son caducée.
PAN.
Que ces roseaux plaintifs soient à jamais aimés.
MERCURE.
Il suffit Argus dort, tous ses yeux sont fermés,
Allons, que rien ne nous retarde
740 | Délivrons la nymphe qu'il garde. |
SCÈNE VII.
Io, Mercure, Troupe de Sylvains, de Satyres et de bergers, Argus, Hiérax.
MERCURE, faisant sortir Io de la demeure d'Argus, qu'il ouvre d'un coup de caducée.
Reconnaissez Mercure et fuyez avec nous;
Éloignez-vous d'Argus, avant qu'il se réveille.
HIÉRAX.
Argus avec cent yeux sommeille;
Mais croyez vous endormir un amant jaloux ?
745 | Demeurez ! |
MERCURE.
Malheureux ! d'où te vient cette audace ? |
HIÉRAX.
J'ai tout perdu j'attends le trépas sans effroi.
Un coup de foudre est une grâce
Pour un malheureux comme moi.
Éveillez vous, Argus, éveillez-vous, vous vous laissez surprendre.
HIÉRAX et ARGUS.
750 | Puissante reine des cieux |
Junon venez nous défendre.
MERCURE frappant Argus et Hiérax de son caducée.
Commencez d'éprouver la colère des Dieux.
Argus tombe mort, et Hiérax changé en oiseau de proie s'envole.
CHOEURS de SATYRES, de SYLVAINS, et de BERGERS.
Fuyons.
IO.
Vous me quittez ? Quel secours puis-je attendre !
CHOEURS de SATYRES, de SYLVAINS, et de BERGERS.
Fuyons, Junon vient dans ces lieux.
SCÈNE VIII.
Junon sur son char, Argus, Io, Erinnis, La Furie.
JUNON.
755 | Revois le jour, Argus que ta figure change. |
Et vous Nymphe apprenez comment Junon se venge.
Sors, barbare Erinnis, sors du fond des Enfers ;
Viens, prends de servir ma vengeance fatale
Et d'en montrer l'horreur en cent climats divers
760 | Épouvante tout l'univers |
Par les tourments de ma rivale
Viens la punir au gré de mon courroux;
Redoutable ta rage infernale
Et fais s'il se peut qu'elle égale
765 | La fureur de mon coeur jaloux. |
La Furie sort des Enfers, elle poursuit Io et l'enlève ; Junon remonte dans le Ciel.
IO, poursuivie par la Furie.
Ô Dieux ! Ô Dieux ! Où me réduisez vous ?
ACTE IV
Le théâtre change et représente l'endroit le plus glacé de la Scythie.
SCÈNE I.
Des peuples paraissent transis de froid et quelques uns se cachent dans de petites maisons roulantes.
CHOEUR des PEUPLES et des CLIMATS GLACÉS.
L'hiver qui nous tourmente
S'obstine à nous geler
Nous ne saurions parler
770 | Qu'avec une voix tremblante |
La neige et les glaçons
Nous donnent de mortels frissons
Les frimas se répandent
Sur nos corps languissants;
775 | Le froid transit nos sens |
Les plus durs rochers se fendent.
La neige et les glaçons
Nous donnent de mortels frissons
SCÈNE II.
Io, La Furie, les Peuples des climats glacés.
IO.
Laisse-moi, cruelle Furie,
780 | Cruelle, laisse moi respirer un moment |
Ah ! Barbare, plus je te prie,
Et plus tu prends plaisir d'augmenter mon tourment.
LA FURIE.
Soupire, gémis, pleure,
Crie je me fais de tes peines un spectacle charmant.
IO.
785 | Laisse moi, cruelle Furie |
Cruelle laisse moi respirer un moment
Quel horrible séjour ! Quel froid insupportable !
Tes serpents animés par ta rage implacable.
Ne sont-ils pas d'assez cruels bourreaux ?
790 | Pour punir un coeur misérable, |
Viens-tu chercher si loin des supplices nouveaux ?
LA FURIE.
Malheureux habitants d'une demeure affreuse,
Connaissez de Junon le funeste courroux:
Par sa vengeance rigoureuse
795 | Vous voyez une malheureuse |
Qui souffre cent fois plus que vous.
IO et LA FURIE, ensemble.
Vous voyez une malheureuse
Qui souffre cent fois plus que vous.
CHOEUR des PEUPLES et des CLIMATS GLACÉS.
Ah ! Quelle peine
800 | De trembler de languir dans l'horreur des frimas. |
IO.
Ah ! Quelle peine
D'éprouver tant de maux, sans trouver le trépas
Ah ! quelle vengeance inhumaine !
LA FURIE.
Viens changer de tourments, passe en d'autres climats.
IO.
805 | Ah ! Quelle peine ! |
CHOEUR des PEUPLES et des CLIMATS GLACÉS.
Ah ! quelle peine
De trembler de languir dans l'horreur des frimas.
SCÈNE III.
Le théâtre change et représente des deux côtés les forges des Chalyhes qui travaillent à forger l'acier ; la mer paraît dans l'enfoncement.
CHOEUR des CHABYLES.
Tôt tôt tôt.
PREMIER CONDUCTEUR des CHABYLES.
Que chacun avec soin s'empresse.
SECOND CONDUCTEUR.
810 | Forgez, qu'on travaille sans cesse. |
LES DEUX CONDUCTEURS.
Qu'on prépare tout ce qu'il faut
Tôt tôt tôt.
Le choeur des Chabyles répète ces deux derniers vers, dans le temps que plusieurs Chalybes travaillent dans les forges, quelques autres vont et viennent avec empressement pour apporter l'acier des mines et pour disposer ce qui est nécessaire au travail qui se fait.
LES DEUX CONDUCTEURS et le CHOEUR des CHABYLES.
Que le feu des forges s'allume :
Travaillons d'un effort nouveau :
815 | Qu'on fasse retentir l'enclume |
Sous les coups pesants du marteau.
Entrée des forgerons.
SCÈNE IV.
Io, La Furie, des conducteurs des Chalybes et choeurs des Chalybes.
IO, au milieu es feux qui sortent des forges.
Quel déluge de feux vient sur moi se répandre.
Ô ciel !
Les chalybes passent auprès d'Io avec des morceaux d'épées, de lances et de haches à demi forgées.
LA FURIE.
Le ciel ne peut t'entendre,
Tu ne te plains pas assez haut.
LES DEUX CONDUCTEURS et le CHOEUR des CHABYLES.
820 | Tôt, tôt, tôt. |
IO.
Junon serait moins inhumaine.
Tu me fais trop souffrir, tu sers trop bien sa haine.
LA FURIE.
Au gré de son dépit jaloux
Les maux les plus cruels seront encore trop doux.
IO.
825 | Hélas ! Quelle rigueur extrême |
C'est en vain que Jupiter m'aime
La haine de Junon jouit de mon tourment
Que vous haïssez fortement,
Grand Dieux ! Qu'il s'en faut bien que vous aimiez de même !
Les CONDUCTEURS et le CHOEUR des CHALYBES.
830 | Qu'on prépare tout ce qu'il faut |
Tôt, tôt, tôt, tôt, tôt.
Les feux des forges redoublent et les Chabyles environnent Io avec des morceaux d'acier rouges et brûlants.
IO.
Ne pourrai-je cesse de vivre ?
Cherchons le trépas dans les flots.
LA FURIE.
Partout ma rage doit te suivre
835 | N'attends ni secours ni repos. |
Io fuit et monte au haut d'un rocher d'où elle se précipite dans la mer. La Furie s'y jette après la Nymphe.
CHOEUR des CHALYBES.
Qu'on prépare tout ce qu'il faut
Tôt tôt tôt.
SCÈNE V.
Suite des Parques: la guerre, les fureurs de la guerre, les maladies violentes et languissantes, la famine, l'incendie, l'inondation etc.
.
.
chantants et dansants.
Le théâtre change et représente l'antre des Parques.
La suite des Parques témoigne le plaisir qu'elle prend à terminer la sort des humains.
Choeur de la suite des Parques.
Exécutons l'arrêt du sort
Suivons ses lois les plus cruelles.
840 | Présentons sans cesse à la Mort |
Des victimes nouvelles
LA GUERRE.
Que le fer.
LA FAMINE.
Que la faim.
L'INCENDIE.
Que les feux
L'INONDATION.
Que les eaux.
TOUS ENSEMBLES.
Que tout serve à creuser mille et mille tombeaux
LES MALADIES VIOLENTES.
Qu'on s'empresse d'entrer dans les royaumes sombres
845 | par mille chemins différents |
LES MALADIES LANGUISSANTES.
Achevez d'expirer, infortunés mourants,
Cherchez un long repos dans le séjour des ombres.
LE CHOEUR.
Exécutons l'arrêt du Sort,
Suivons ses lois les plus cruelles ;
850 | Présentons sans cesse à la Mort |
Des victimes nouvelles.
LA GUERRE.
Que le fer.
LA FAMINE.
Que la faim.
L'INCENDIE.
Que les feux
L'INONDATION.
Que les eaux.
TOUS ENSEMBLE.
Que tout serve à creuse mille et mille tombeaux.
SCÈNE VI.
Io, La Furie, La Suite des Parques.
Un fond de l'antre des Parques s'ouvre et les trois Parques en sortent.
IO, parlant à la suite des Parques.
C'est contre moi qu'il faut tourner
855 | Votre rigueur la plus funeste, |
D'une vie odieuse arrachez moi le reste
Hâtez vous de la terminer.
Le CHOEUR de la SUITE des PARQUES.
C'est aux Parques de l'ordonner.
IO.
Favorisez mes voeux, Déesses souveraines
860 | Qui réglez du Destin immuables lois, |
Finissez mes jours et mes peines,
Ne me condamnez pas à mourir mille fois.
SCÈNE VII.
Les Trois Parques, Io, La Furie, Suite des Parques.
Les trois Parques.
Le fil de la vie
De tous les humains
865 | Suivant notre envie |
Tourne dans nos mains.
Suivant notre envie.
IO.
Tranchez mon triste sort d'un coup qui me délivre
Des tourments que Junon me contraint à souffrir;
870 | Chacun vous fait des voeux pour vivre |
Et je vous en fais pour mourir.
LA FURIE.
Jupiter l'a soumise aux lois de son épouse ;
Elle a rendu Junon jalouse;
L'amour d'un Dieu puissant a trop su la charme.
875 | Elle est trop punie encore. |
IO.
Est ce si grand crime d'aimer
Ce que tout l'Univers adore ?
LES PARQUES.
Nymphe, apaise Junon si tu veux voir la fin
De ton sort déplorable ;
880 | C'est l'arrêt du Destin |
Il est irrévocable.
IO.
Hélas ! comment fléchir une haine implacable !
LES PARQUES, LA FURIE, LE CHOEUR DE LA SUITE DES PARQUES.
C'est l'arrêt du Destin,
Il est irrévocable.
ACTE V
Le théâtre change et représente les rivages du Nil et l'un des embranchements par où ce fleuve entre dans la mer.
SCÈNE PREMIÈRE.
IO, sortant de la mer, d'où elle est tirée par la Furie.
885 | Terminez mes tourments, puissant maître du monde, |
Sans vous, sans votre amour hélas !
Je ne souffrirais pas.
Réduite au désespoir, mourante, vagabonde,
J'ai porté mon supplice en mille affreux climats ;
890 | Une horrible Furie attachée à mes pas, |
M'a suivie au travers du vaste sein de l'onde;
Voyez de quels maux ici bas,
Votre épouse punit mes malheureux appas
Délivrez moi de ma douleur profonde,
895 | Ouvrez-moi par pitié, les portes du trépas. |
Terminez mes tourments puissant maître du monde.
Sans vous, sans votre amour, hélas !
Je ne souffrirais pas.
C'est Jupiter qui m'aime ! Eh ! Qui le pourrait croire ?
900 | Je ne suis plus dans sa mémoire, |
Il n'entend point mes cris, Il ne voit point mes pleurs
Après m'avoir livré aux plus cruels malheurs,
Il est tranquille au comble de la gloire
Il m'abandonne au milieu des douleurs.
905 | À la fin je succombe heureuse si je meurs. |
Io tombe accablée de ses tourments, et Jupiter touché de piété, descend du ciel.
SCÈNE II.
Jupiter, Io et La Furie.
JUPITER.
Il ne m'est pas permis de finir votre peine
Et ma puissance souveraine
Doit suivre du Destin l'irrévocable loi :
C'est tout ce que je puis par un amour extrême
910 | Que de quitter le Ciel et ma gloire suprême |
Pour prendre part aux maux que vous souffrez pour moi.
IO.
Ah ! mon supplice augmente encore !
Tout le feu des Enfers me brûle et me dévore;
Mourrai-je tant de fois, sans voir finir mon sort ?
JUPITER.
915 | Ma tendresse pour vous rend Junon inflexible |
Elle voit mon amour il lui paraît trop fort;
Son courroux se redouble et devient invincible.
IO.
N'importe en ma faveur soyez toujours sensible.
JUPITER.
C'est trop vous exposer à son jaloux transport,
920 | J'irrite en vous aimant sa vengeance terrible. |
IO.
Aimez moi, s'il vous est possible
Assez pour la forcer à me donner la mort.
Junon descend sur la terre.
SCÈNE III.
Jupiter, Junon, Io, La Furie.
Jupiter et Junon prennent place au milieu des divinités, et y font placer Isis.
JUPITER.
Venez, venez Déesse impitoyable
Venez, voyez, reconnaissez
925 | Cette Nymphe mourante autrefois trop aimable. |
C'est assez la punir, c'est vous venger assez;
L'éclat de sa beauté ne la rend plus coupable,
Par la cruelle horreur du tourment qui l'accable,
Son crime et ses appas sont ensemble effacés.
930 | Sans jalousie et sans alarmes |
Voyez ses yeux noyés de larmes
Que l'ombre de la mort commence de couvrir.
JUNON.
Ils n'ont encor que trop de charmes
Puisqu'ils savent attendrir.
JUPITER.
935 | Une juste pitié peut elle vous aigrir ? |
Votre courroux fatal ne doit-il pas s'éteindre ?
JUNON.
Ah ! vous la plaignez trop, elle n'est pas à plaindre
Non elle ne peut trop souffrir.
JUPITER.
Je sais que c'est de vous que son sort doit dépendre.
940 | Ce n'est qu'à vos bontés qu'elle doit recourir. |
Il n'est rien que de moi vous ne deviez attendre,
Si je puis obliger votre haine à se rendre.
IO.
Ah ! Laissez moi mourir.
JUNON.
Prenez soin de la secourir.
IO.
945 | Vous l'aimez d'un amour trop tendre |
Non elle ne peut trop souffrir.
JUPITER.
Quoi ! Le coeur de Junon quelque grand qu'il puisse être
Ne saurait triompher d'une injuste fureur
JUNON.
De la terre et du Ciel Jupiter est le maître
950 | Et Jupiter n'est pas le maître de son coeur ? |
JUPITER.
Hé bien ! il faut que je commence
À me vaincre en ce jour.
JUNON.
Vous m'apprendrez à me vaincre à mon tour.
JUPITER et JUNON, ensemble.
Jupiter.
Abandonnez votre vengeance
955 | Je vous rends mon amour . |
Junon.
J'abandonnerai ma vengeance,
Rendez moi votre amour.
JUPITER.
Noires Ondes du Styx, c'est par vous que je jure.
Fleuve affreux écoutez le serment que je fais.
960 | Si cette Nymphe, enfin, reprend tous ses attraits, |
Si Junon fait cesser les tourments qu'elle endure,
Je jure que ses yeux ne troubleront jamais
De nos coeurs réunis la bienheureuse paix.
Noires Ondes du Styx, c'est par vous que je jure.
965 | Fleuve affreux écoutez le serment que je fais. |
JUNON.
Nymphe, je veux finir votre peine éternelle
Que la Furie emporte aux Enfers avec elle
Le trouble et les horreurs dont vos sens sont saisis !
La Furie s'enfonce dans les Enfers et Io se trouve délivrée de ses peines.
Après un rigoureux supplice
970 | Goûtez les biens parfaits que les Dieux ont choisis : |
Et sous le nouveau nom d'Isis
Jouissez d'un bonheur qui jamais ne finisse.
JUPITER et JUNON, ensemble.
Dieux, recevez Isis au rang des immortels !
Peuples voisins du Nil, dressez lui des Autels !
Les divinités du Ciel descendent pour recevoir Isis; les peuples d'Egypte lui dressent un autel et la reconnaissent pour la Divinité qui les doit protéger.
Divinités qui descendent du Ciel dans la gloire, Peuples d'Egypte chantants, quatre égyptiens chantants, peuples d'Egypte dansants.
CHOEUR des DIVINITÉS.
975 | Venez, venez, Divinités nouvelle, |
CHOEUR des PEUPLES d'EGYPTE.
Isis, Tournez sur nous vos yeux
Voyez l'ardeur de notre zèle.
CHOEUR des DIVINITÉS.
La céleste Cour vous appelle
JUPITER et JUNON.
Isis est immortelle
980 | Isis va briller dans les Cieux. |
Isis jouit avec les Dieux
D'une gloire éternelle.
Jupiter et Junon et les Divinités montent au ciel, et y conduisent Isis, dans le char des choeurs des Divinités et des Parques. Ils répètent ces quatre vers.
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