******************************************************** DC.Title = LES ÉPOUX PAR CHICANE, PARODIE DC.Author = TACONET, Toussaint-Gaspard DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:12. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/TACONET_EPOUXPARCHICANE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES ÉPOUX PAR CHICANE PARODIE D'HYPERMNESTRE En deux Actes, en Vers Libres, mêlée d'Ariettes. M. DCC. LIX. AVEC APPROBATION et PRIVILÈGE DU ROI. Par M. T...... EN NORMANDIE ; Et se trouve, À PARIS, Chez Cuissart, Libraire, dans le milieu du Quai de Gevres. Représenté pour le première fois en 1759 à Saint-Germain-en-Laye. ACTEURS FURIBON, Fermier, Chicanneur. ANTOINETTE, Fille de Furibon. MICHAU, Meunier. FRANÇOISE, Servante de Furibon. PATAU, Huissier, ami de Furibon. THIBAUT, Garde-Moulin. FURET, Commissionnaire. PAYSANS. MEUNIERS. La Scène est au Mans. ACTE I Le théâtre représente un gros Village : on voit d'un côté le Moulin à eau d'un meunier, et une ferme dans le lointain. SCÈNE PREMIÈRE. Michau, Antoinette. MICHAU. Enfin voici le jour où tout me favorise ;Nos pères vont ici terminer tout procès :L'Objet dont mon âme est éprise,Antoinette est le sceau d'une si douce paix. ANTOINETTE. Cette paix flatte autant mon âme Que la vôtre y trouve d'appas.Je vous dirai bien plus : une secrète flammePour vous.... Mais ma pudeur... MICHAU. Quel est cet embarras ?Si j'eus le bonheur de te plaire,Pourquoi, belle Antoinette, en ferais-tu mystère ? Air : des Fraises. Pour moi, toujours sous ta loi Je serai plus sincère : Je fais serment de ma foi, Et veux sans cesse avec toi Le faire, le faire, le faire. Oui, ma petite femme, avec toi chaque jourje veux augmenter de tendresse,Et je compte sur du retour.Mais tu ne réponds rien au transport qui me presse?Je serais fâché qu'il te blesse. ANTOINETTE. Air Noté, n°1.Dans le silence de l'amourIl s'explique mieux qu'on ne pense;Ce qu'on prend pour indifférenceN'est souvent qu'un adroit détour :Mais un tendre coeur lit d'avance. Dans le silence de l'amour. MICHAU. Ah ! Trop heureux Michau ! Que cet aveu me touche !Malgré tant de procès nourris,Antoinette et Michau vont donc se voir unis ! ANTOINETTE. Oui, mon coeur aujourd'hui cesse d'être farouche. Air : Et j'y pris bien du plaisir.La forte délicatesseD'examiner pour choisir,Et de voir si la tendresseRépond à notre désir !Pour moi bien moins difficile, Je te prends sans réfléchir :Un époux nous est utile,Et j'y prends bien du plaisir.Oui, je te le répète encore,Depuis ce matin je t'adore : Car si je te disais que c'est depuis longtemps,Je mentirais : sans nos parents sévères,Tu m'aurais fait plutôt le destin le plus doux. MICHAU. Enfin me voilà ton époux :Nous verrons désormais s'accorder nos deux pères. Air des Fleurs de Rhétorique.Tout va dans notre maisonVenir comme un champignon ;Nos biens se joindront,Et profiteront En vivant de ménage. Tu verras des miens, tels qu'ils sont :Si j'en fais bon usage,Lon là,Si j'en fais bon usage. ANTOINETTE. Air du Prévôt des Marchands.Que j'aime à te voir satisfait Du choix que nos parents ont fait !Pour finir toute procédure,Ils nous ordonnent de l'amour ;Le mien dans cette conjonctureNe demande qu'à voir le jour. DUO. Air Noté, N°2.Vive, vive l'allégresse;Entre nous plus de procès. ANTOINETTE. Mon coeur va payer les frais. MICHAU. Le mien tiendra sa promesse. ENSEMBLE. Vive, vive l'allégresse ; Entre nous plus de procès. MICHAU. Trop de peine,Trop de haineConduit la chicane au port :Les Plaideurs ont toujours tort . Les Procureurs les secondent,Les avocats y répondent :Et le succès tardifEst à l'infinitif. ENSEMBLE. Vive, vive l'allégresse; Entre nous plus de procès. SCÈNE II. Furibon, Michau, Antoinette. FURIBON. Air : Où s'en vont ces gais Bergers ?Oui, mon coeur en est charmé,Un tel parti m'honore,Et mon esprit désarméN'a plus rien qu'il abhorre. Où est-il mon gendre bien aimé ?Que je l'embrasse encore. (bis) Il l'embrasse.Eh bien, qu'est-ce, mes chers enfants ?Vos coeurs ne sont-ils pas contents ?Avez-vous à présent à vous plaindre d'un père ? MICHAU. Moi, je ne pense qu'au contraire. ANTOINETTE. Moi j'ai les mêmes sentiments. FURIBON. Bon, tant mieux, je m'en félicite.Vos soeurs et vos frères sont tousSur le même article que vous, Et chacun au mieux s'en acquitte. ANTOINETTE, les yeux baissés. Obéir à son père est une loi prescrite ;C'est toujours un devoir pour nous :Mais lorsqu'on le remplit avec un tendre époux,Le devoir a bien du mérite. FURIBON. Air : Voulez-vous être heureux amants.Cependant pour notre desseinJe craignais de te voir débattre. ANTOINETTE. Mon cher Michau s'y prit trop bienPour que je puisse le combattre. Air Noté, N°3L'objet qu'on aime, En nous parlant,Prend sur nous-mêmeTrop d'ascendant,Pour qu'on refuseCe qu'il nous dit. L'Amour qui musePerd son crédit. MICHAU. Air : La bonne aventure.Quel plaisir quand notre coeurAime avec usure !L'intérêt de notre ardeur N'altère point sa valeur. ENSEMBLE. La bonne aventure,Ô gai,La bonne aventure. FURIBON. Mais j'étais en peine de vous. On vient de commencer la danse :Chacun vous demande, et l'on penseA faire sauter les époux.Rendez-vous au salon; un peu de complaisance. ANTOINETTE. Air : Manon dormait.C'est de bon coeur Que j'y vais faire entrée;Je suis d'humeurÀ danser la bourrée :J'aime les violons;Allons, allons, Allons nous en servir, allons. Michau et Antoinette sortent. SCÈNE I.I. Furibon, Patau. FURIBON, à part. Oui, oui, dansez, chantez, je battrai la mesure. PATAU. J'attendais leur sortie : or sus, la plume en main. Il tire l'écritoire. FURIBON. Il faut, mon cher Patau, prendre une route sûre, Pour assigner Michau demain de grand matin. PATAU. Suffit ; comptez sur mon adresse.Je suis connu dans le canton ;Mais quand j'aurais moins de renom,[Note : Exploit : Se dit aussi des actes et expéditions que font les sergents. Un exploit de saisie et d'exécution ; d'emprisonnement, d'offres, de sommation. Les exploits doivent être signés du sergent et de deux records, et contrôlés. [T]]Un fabriqueur d'exploits méconnaît la paresse. Air : Robin turelure.Dix ans, vingt ans, si l'on veut Je fais plaider sans conclure;Le reste va comme il peut,Turelure :Entre mes mains, je vous jure,Procès dure, dure, dure. FURIBON. Air : Quand la Mer rouge apparut.Si le mien peut se gagner,Comme je l'espère,Je ne veux rien épargnerPour te satisfaire :Je te ferai pour tes soins Cent écus de rente au moins,Pour que tu gra gra, pour que tu pi pi,Que tu gra, que tu pi,Pour que tu grapilleEn huissier qui brille. PATAU. Oh ! Vous vous moquez tout-à-fait.Je n'aspire qu'à votre estime.Qui moi, vous parler d'intérêt ?C'est votre bien seul qui m'anime. Air Noté, N°4.Le plus petit exploit Toujours me plaît :Pour le porter, fusse en Turquie,Fusse au fin fond de l'Arabie,J'irais tout droit,Sans me plaindre de la partie. Le plus périt exploitToujours me plaît. FURIBON. Je n'ai jamais douté de ton intelligence;Tu sais qu'il nous en saur dans cette circonstance. PATAU. Laissez faire à Patau, il n'en manquera pas. FURIBON. Ce que je crains en pareil cas,C'est ma fille, c'est sa tendresse :Elle est folle de son Michau. PATAU. Voyez-vous ça ! La bonne pièce !Vraiment c'est un petit coeur chaud : Tant mieux, nouvelle procédure;Nous devons soutenir les lois.Des époux s'aimer ! Quelle injure !Oh ! nous en produirons bons et loyaux exploits. FURIBON. Je suis sûr de Catau, de Suson, de Nannette ; Charlotte, Madelon, toutes m'ont bien promis De me livrer mes ennemis :Mais je m'alarme d'Antoinette. Air : Le tout par nature.Elle n'a pas réponduÀ ce que j'ai résolu ; Et je me suis aperçu,À travers son murmure,Qu'elle aimait son prétendu,Le tout par nature.Je puis punir Michau dans l'aîné de ses fils. Il a certains contrats qui pourraient bien me nuire,Et dont je connais seul le prix :S'il allait s'aviser de lire,Comme un sot je me verrais pris.Contre ce souvenir je n'ai point le coeur fermé ; Je connais trop par quel moyenJ'ai su m'adjuger cette ferme. PATAU. Laissons-là le scrupule, il n'est utile à rien. Air : Tout roule aujourd'hui dans le Monde.Bien ou mal acquis, il n'importe;Défendez-vous pour votre honneur. Heureux celui qui se comporteEn pareil cas avec valeur.Bannissez votre inquiétude;C'est réfléchir hors de saison.En dépit de la multitude, Quand on est riche, on a raison.Assignons, chicanons ; mais quelqu'un va paraître,Car j'entends murmurer au loin. FURIBON. Afin de voir qui ce peut être,Allons nous cacher dans ce coin. Ils se retirent. SCÈNE IV. Antoinette, Françoise. FRANÇOISE. Air : De tous les Capucins du monde.Pourquoi quitter la Compagnie. ANTOINETTE. Tout ce tintamarre m'ennuie :Le grand Monde n'est pas iciL'amusement où je m'arrête,Et mon tendre coeur aujourd'hui Aimerait mieux le tête-à-tête. FRANÇOISE. Quand on est tous amis, qu'est-il donc tant besoinD'en agir avec la contrainte. ANTOINETTE. Je n'ai point de plaisir sans crainte,Quand je le prends devant témoin. Air Noté, N° 5.Au coeur né sensibleL'éclat est nuisible. Il veut soupirer loin du bruit.L'amour invisibleD'un réduit paisible Sait tirer le fruit. FRANÇOISE. L'Amour a des charmes, sans doute :Vous en parlez d'un ton qui fait que je le goûte. Air : Comment faire.Votre époux vous aimera bien. ANTOINETTE. Jusqu'à présent je n'en sais rien. Il est vrai qu'il me considère :Tantôt il vint me le jurer;Mais je voudrais m'en assurer.Comment faire ? FRANÇOISE. Air : Lon, lan, là, derirette.Ce soir, avant qu'il soit plus tard, Il faudrait le prendre à l'écart,Lon, lan, là, derirette. ANTOINETTE. S'il refusait.... FRANÇOISE. Oh ! que nenni,Lon, lan, là, deriri. Air : Je ne suis né ni Roi ni Prince.Le croyez-vous donc si novice ? ANTOINETTE. Ah ! Tu lui ferais injustice,De le soupçonner un momentD'imprudence ou de stratagème. FRANÇOISE. Tâchez qu'il vous prouve souventSi c'est de la sorte qu'il aime. SCÈNE V. Furibon, Antoinette, Ftançoise. ANTOINETTE. Air : Vous avez bien de la bonté.Mon cher Papa, me cherchez-vousDisposez d'Antoinette. FURIBON, à part. Ma fille, il s'agit entre nousD'une affaire secrète ;Mais je veux la cacher à tous : Toi seule as dans cette occurrenceMa confiance. ANTOINETTE. Mon père, en véritéVous avez bien de la bonté. FRANÇOISE, à part. Notre Maître vient à sa fille Donner encor quelque leçon.Laissons-les ; je veux au salonAller choisir quelque bon drille,Pour faire avec lui rigaudon. Elle sort. SCÈNE VI. Furibon, Antoinette. FURIBON. Nous sommes seuls ici; c'est un point nécessaire. Je ne t'ai rien caché sur différents sujets;Mais voici le plus beau, le plus grand des secretsQue te puisse apprendre ton père.Te sens-tu disposée à servir mes projets ? ANTOINETTE. Air : Réveillez-vous, Belle endormie.Me voilà prête à vous entendre, Vous avez tout pouvoir sur moi ;Après vous je n'en laisse prendreQu'à l'époux dont je suis la lois. FURIBON. Tu dois savoir ma haine extrêmePour le père et les fils, pour ton époux lui-même. En s'unissant à moi, je connais leurs desseins :A mes intentions ils n'ont donné les mainsQue pour augmenter leur fortune.Sers-nous dans la cause commune.Ton époux dans son Cabinet A des contrats et des quittancesQui font toutes mes espérances;C'est à toi d'accomplir l'ambitieux projet.Cette nuit saisis-toi des pièces :Au bas de la fenêtre où ton père attendra, Jettes le porte-feuille et toutes ses richesses ;Ton contrat d'hyménée à coup sûr y sera :D'abord on vous le cassera,Et par raison ou par finesse,Ensuite on vous séparera. ANTOINETTE, évanouie. Ah ! Je succombe de faiblesse. Air : Sous un ormeau. Dans mon esprit Quel soudain changement agit! Il n'est plus à moi; Et mon coeur est plein d'effroi, Froid. Quoi! mon père, en ces lieux Vous voulez que ma main... Ah ! Grands Dieux Moi priver un époux Des effets qui serviraient chez nous ! Songez-vous bien Que c'est lui ravir tout son bien. Après cet effort, Tout de chez nous par ce tort Sort. FURIBON. Air : Ciel ! l'Univers va-t-il donc se dissoudre. C'est justement l'espoir qui me lutine, Depuis long-temps il m'occupe en ces lieux Je me doutais bien, coquine, Que tu combattrais mes voeux ; Mais sois mutine, Si tu le veux, Je saurai bien ici Dans ma colère Me satisfaire : Un autre va me servir aujourd'hui. Il veut sortir. ANTOINETTE, l'arrêtant. Ah ! mon père, arrêtez. FURIBON. Je vais de ce pas mêmeCharger un autre du projet.Toi, si tu trahis mon secret,Crains tout de mon courroux extrême :Toi seule a combattu contre mes intérêts, Et pour toi seule aussi je cours à la vengeance.Tes soeurs avec mes voeux bien plus d'intelligence,M'assurent déjà du succès. ANTOINETTE. Quoi, mes soeurs vont trahir l'amour et la nature ? FURIBON. Dès ce soir même ; qu'en dis-tu ? ANTOINETTE, pleurant. Je dis qu'elles n'ont pas une bonne teintureDe l'hymen ni de sa vertu. FURIBON. Air : De son joli Jardinet.Je pardonne encor l'injure,Pourvu que tu dise ici,Oui, oui, oui, oui, Oui, oui, oui, oui. ANTOINETTE. Je le voudrais, je vous jure ;Mais mon coeur dit tout de bon,Non, non, non, non,Non, non, non, non. FURIBON. Cela suffit ; ma mignonne,Vous verrez lorsque j'ordonne,Si je veux être obéi ;Vous verrez lorsque j'ordonne,Si je veux être obéi. Il sort. SCÈNE VII. ANTOINETTE. Air : Margoton, mamie.Peut-on voir paraîtrePlus de cruauté ?Il me faut en vérité,Pour me, pour me, pour me remettre ;Il me faut en vérité, Un peu plus d'humanité.A cette extrémité me verrais-je forçée !Que faire dans cet embarras ?Cependant le temps presse : hélas !Une nuit est sitôt passée ; Je comptais l'employer... Il n'en démordra pas.Je ne connais que trop mon père ;Mais je me meurs, si j'obéis.Tâchons de m'introduire en secret au logisDe mon nouvel époux. J'espère... Quand je devrais cacher les effets... Ciel ! Que faire ? Air : Sans le savoir.[Note : Fariboles : contes ; choses vaines qui ne méritent aucune considération. [F]]Mais je m'amuse aux fariboles ;Laissons d'inutiles paroles,Pour ne penser qu'à non devoir.Cher époux, on veut ta ruine ! Mais prévenons un trait si noir ;Car autrement je l'assassine,Sans le savoir. ACTE II SCÈNE PREMIÈRE. Le théâtre représente une Nuit. MICHAU. Que mon inquiétude augmente,Quand je vois que chacun y prend si peu de part ! Tous se sont réunis pour prendre leur départ.Antoinette seule est absente,Cela me passe : en pareil casUne épouse est impatiente.Ma foi, notre moitié, je ne vous comprends pas. Mais voyons encor par là-bas. Air : Jamais la nuit ne fut se noire.Jamais la nuit ne fut si sombre!De son obscurité naissent mes déplaisirs.Voudrait-on m'enlever l'objet de mes désirs?A ce triste tableau, je suis froid comme un ombre. Je voudrais te prouver ma foi;Accours, accours, mon aimable Antoinette :Faudra-t-il donc passer la nuit sans toi ?Que de moments perdus ! (bis.) Ah ! que je les regrette ! Air : Mon p'tit coeur, vous n'm'aimez guère.Où dois-je porter mes pas ? Cet embarras me déroute.Ah! que dans un pareil casA mon amour il en coûte !Tantôt haut et tantôt bas,Hélas ! Je n'y vois goutte ;Tantôt haut et tantôt bas,Hélas !Je n'y vois pas.De quel côté faut-il que j'aille ? Je crains encor qu'on ne me raille. Air de la Magnotte.Dois-je donc, Dieu des Amours,Chercher jusqu'a l'aurore ?J'ai fait mes quatorze toursPour l'objet que j'adore ; Faisons le quin, faisons le quin,Faisons le quinze encore. Il cherche en tâtant.Pour moi des bons Maris les chagrins sont précoces.Serais-je fait cocu dès le jour de mes Noces ? THIBAUT, dans la coulisse. Air : Voici les Dragons qui viennent.Ah ! Quelle supercherie Pour Maître Michau ! MICHAU. N'entends-je pas que l'on crie ?Mais ce n'est point raillerie :Je vois Thibaut... Bis. SCÈNE II. Michau, Thibaut. MICHAU. Qu'as-tu ? quel est donc ce désordre ? Antoinette est-elle avec toi ? THIBAUT. Qui votre femme ? Oh ! Par ma foi,Elle vous donne ici bien du fil à retordre.Quoi ! Vous ignorez le panneau ? MICHAU. Oui. THIBAUT. Je tremble pour votre peau. MICHAU. Air : Des Nymphes allaient par le coche.Explique toi : que veux tu dire ? THIBAUT. À minuit chacun se retire,La Musique ivre allait ronfler :Moi bien fâché que l'on m'en prive,Tout aussitôt chez un convive, Je l'emmène pour faire allerCeux qui voudront cabrioler.L'assemblée au mieux se comporte,Lorsque tout d'un coup à la porteNous entendons nommer Michau : Plus loin, votre frère Jacot,Redoublant le bruit, fait que j'ouvre ;Avec un flambeau je découvre Votre beau-père, qui sortaitDe chez votre frère Cadet, Et qui courait à toutes jambes.Vos autres frères plus ingambes,Étaient bien prêts de l'attraper ;Mais Furibon sut échapper,En se sauvant par la ruelle. Pour moi tout rempli d'un vrai zèle,J'aurais fort bien pu l'arrêter ;Mais je voulais tout vous conter. MICHAU. Que veut dire cette aventure ? THIBAUT. Je ne sais; mais dans le murmure J'entends parler de trahison.Votre beau-père en veut, dit-on,A tous les Papiers de vos frères,Pour chicaner après sur le bien de vos pères.N'auriez-vous pas chez vous aussi ?... MICHAU. Je connais Furibon et mon erreur ensemble ;Mais j'entends quelque bruit. THIBAUT. Ne craignez rien ici. MICHAU. Oh! je n'ai pas peur... Mais je tremble. SCÈNE III. Antoinette, sortant de chez Michau, tenant une lanterne d'une main et un porte-feuille de l'autre, Michau, Thibaut, un peu éloignés. MICHAU. Air : Point de bruit, etc.Ah! grands Dieux ! Quoi! c'est elle !La cruelle !L'infidèle !Ah ! grands Dieux !Quoi ! c'est elle ! La cruelle !L'infidèle !Dans ces lieuxQui pourrait l'y conduire,Si ce n'est pour me nuire ? Mais, hélas! j'en suis certain :Mon Porte-feuille à sa mainProuve iciMa défaite.Antoinette ? ANTOINETTE. Qui me guette? MICHAU. Est-ce ainsiQu'on en use ?Par la ruse.... ANTOINETTE. On t'abuse : Prends ceci. Elle lui présente le Porte-feuille, et pose la lanterne sur un banc de pierre qui est à la porte du Moulin. MICHAU, refusant le porte-feuille. Quoi ! Lorsque pour servir un chicaneur insigneTu vas jusqu'à la trahison,Ne crois-tu pas avoir raison ? ANTOINETTE. Je permets ton courroux; mais je n'en suis pas digne, Et tu me gronde hors de saison. Air : Ma commère, quand je danse.Ne crois pas que je ressembleÀ mes soeurs sur ce point-là :Même en ce moment je trembleQu'on ne m'empêche cela, L'un par ici, l'autre par là,Là, là, là, là, là, là, là, là, là, là.On nous trahissait ensemble,Mais j'ai paré ce coup-là. MICHAU. Quoi ! Mes frères trompés par tes soeurs elles-mêmes ! Que diras-tu de ce beau coup ?Et je ne saurais pas punir ce stratagème !...J'aimerais mieux être... coucou,Ou quelqu'autre chose de même :Déja le nom d'époux lui ressemble beaucoup. ANTOINETTE. Air : Ah ! vous m'avez ravi mon âme.N'accuse donc que la chicane.Mon père, il est vrai, se dément :Je consens que tu le condamne ;Mais moi j'agis ouvertement. Air : Ton humeur est, Cathereine.En faveur d'un coeur sincère Qui pour toi sut tout risquer,Songe bien que c'est mon pèreQue tu prétends attaquer.Malgré son tort que je blâme.Que je puisse t'arrêter : Et par-là prouve à ta femmeQue tu sais la contenter.Voilà ton porte-feuille ; et grâce à mon courage,Il ne manque rien à Michau. MICHAU. Tu ne me connais pas, j'ai le sang bien plus chaud ; Je prétends venger cet outrage. ANTOINETTE. Il ne te manque rien; à quoi bon cet éclat ?Si tu ne m'en crois pas, tu peux le voir encore. Elle lui donne le Porte-feuille.Tiens, prends, fouille avec moi; tout est en bon état.Vois ce parchemin que j'adore : Cher époux, c'est notre contrat. MICHAU, après avoir regardé le contrat qu'Antoinette tient. Oui, j'y vois Furibon ; c'est un nom que j'abhorre. ANTOINETTE. Air : Le tout par nature.Contre un lien si charmantMontre moins d'emportement.Te repens-tu, cher Amant, De notre signature ?Toi qui le demandait tant ;Le tout par nature. MICHAU. Air des Troqueurs : On ne peut trop tôt. (Noté N°, 6.)Oui, oui, je veux bienCalmer la tempête; C'est par ta requêteQue mon coeur s'apprêteÀ servir le tien.Ton contrat m'arrête,Je ne dis plus rien : Mon amour se prête,Dans ce tête-à-tête,À ton chagrin.Ton âme inquièteSera satisfaite : J'y tiendrai la main,Pourvu qu'AntoinetteMette à ce moyenUn peu du sien. ANTOINETTE, mettant le contrat dans sa poche. Mais j'entends la voix de quelque homme ; Retire-toi, mon cher Michau :J'irai te retrouver chez la tante à Thibaut. MICHAU. Je m'en vais y dormir un somme. Il sort. SCÈNE IV. ANTOINETTE, reprend sa lanterne. Mais je ne vois personne. Hélas !Auraient-ils rencontré mon père ? Ils vont se faire quelque affaire,Si l'on ne les sépare pas. Prélude de l'AIR : Un jour le malheureux Lisandre.Mais pour se peigner à la turque,Je crois voir chacun empressé,Mon époux a le nez cassé ! Mon père a perdu sa perruque!De qui part le coup que j'entends?Et qui vient de casser les dentsDe mon époux ou de mon père ?Ils sont tombés... Ah ! Quel Sabbat ! Elle laisse tomber la lanterne.Ô Ciel ! Je n'ai plus de lumière !Comment voir la fin du combat ? Elle s'assied sur le banc de pierre.Reposons-nous un peu. Elle bâille.Ah ! Le sommeil me ronge.Je crains, si je m'endors, de faire encore un songe.Que dirai-je à mon père en cette extrémité ? Elle dit ce dernier vers en s'endormant. SCÈNE V. Antoinette, Furibon, Un Paysan tenant un flambeau. FURIBON, réveillant Antoinette. Antoinette ? Antoinette ? En ce lieu sans clarté ?[Note : Pendard : Par exagération, celui, celle qui est digne de pendaison, qui ne vaut rien du tout. [F]]Dis-moi : que fais-tu là pendarde ?En t'amusant à la moutarde,Fais-tu ce que je t'ai dicté ? ANTOINETTE. J'ai tout fait pour le mieux : on aurait vu mon zèle, Si le destin jaloux n'eût soufflé la chandelle. FURIBON. Air : Un jour que j'avais mal dansé.Ne crois pas par ce beau discoursMe jouer ainsi de tes tours :Je te connais sans doute.Tu vois bien clair pour ton plaisir ; Mais c'est lorsqu'il faut m'obéir,Que ton coeur n'y vois goutte. ANTOINETTE. Air : Voulez-vous être heureux amants ?Le moyen d'être satisfait?Vous voulez ce qu'on ne peut faire.Désobliger n'est pas mon fait; J'ai toujours aimé le contraire. FURIBON. Air : Ma Mère, j'ai dix-sept ans.Voilà donc le créditQue ton père a sur ton esprit ;Au lieu de m'approuver,C'est toi qui prétends me braver : Quelle trahison !Moi qui suis si bon.Plus on fait de bruit,Moins on réussit.Qu'on est à plaindre, hélas ! Quand on a des enfants ingrats !Et qu'on est malheureux,Quand on n'a pas plus d'esprit qu'eux ! SCÈNE VI. Michau, Furibon, Antoinette, Thibaut,Patau avec un flambeau. MICHAU, à Patau. Jamais nuit ne fut plus obscure :Ma foi, sans vous je m'égarais. PATAU. Voici notre chemin. MICHAU, apercevant Furibon. Mais qu'est-ce que je vois ?Ciel ! Où m'amène-t-on ? PATAU. Oui, voilà l'enclouure.Je vous devais, ma foi, ce tour de ma façon. MICHAU. Tiens, je m'acquitte aussi vis-à-vis d'un fripon. Il lui donne un soufflet, et se sauve. Thibaut le suit, et emporte le flambeau du Paysan qui éclairait Furibon. ANTOINETTE, courant après eux. Ah ! Cher époux ! SCÈNE VII. Furibon, Patau la main sur sa joue. FURIBON. Il faut les suivre :Mais, Patau, ne nous quittons pas.Ils ont pris le flambeau que portait Nicolas. PATAU. Je voudrais bien aussi que quelqu'un me délivre D'un soufflet qui ne me plaît pas. FURIBON. Un soufflet ? Bon, tant mieux : voilà de quoi poursuivre. Air : Nous autres bons villageois.Cher ami, ce soufflet-làVa nous rendre un fort bon office ;Je suis charmé de cela, Pour les attaquer en Justice.Je consens ici de bon cour Que l'on t'en donne un meilleur,Afin de les mieux excéder... PATAU. J'aime mieux ne pas plaider. Bis. FURIBON. Air : N'y a plus d'enfants.Serais-tu fâché de la chose? PATAU. Tâchons de gagner notre cause,Sans qu'il m'en coûte quelque dent :J'ai déjà la fièvre à la joue. FURIBON. Pour un soufflet faire la moue ! Tu fais l'enfant. Bis. MICHAU, dans la coulisse. Air de l'Anonyme.Compagnons, montrez tous du courage :Cherchons bien, il doit être en ces lieux. PATAU. C'est Michau ; bonsoir, je déménage. FURIBON. Ne crains rien, nous serons bons pour eux : De valeur donnons un témoignage. PATAU. Serviteur; ils sont trop contre deux. Il se sauve, Furibon le suit. SCÈNE VIII. Michau, Antoinette, Thibaut avec un flambeau, Meuniers avec des gaules. MICHAU. Sur l'Air précédent.Compagnons, montrez tous du courage :Cherchons bien, il doit être en ces lieux. ANTOINETTE, à Michau. Air : Mon joli petit Corbillon.Ah ! Que votre fureur s'apaise : Vous m'allez voir expirer sous vos coups.Ne pourrai-je éteindre la braiseQui rallume un si funeste courroux ?Laissez-moi l'étouffer ici,Mon joli petit, Mon petit joli,Mon joli petit cher mari. MICHAU. Je songe à venger mon injure,Mon père, vous-même, en un mot :On prend votre époux pour un sot : Le souffrirez-vous sans murmure ? THIBAUT. Il faudrait nous cacher par-là,Afin de les mieux reconnaître. MICHAU. C'est bien dit, j'approuve cela. Aux Meuniers.Retirez-vous, amis : quand Thibaut sifflera, Soyez d'abord prêts à paraître. Ils sortent. SCÈNE IX. Michau, Antoinette, Thibaut. ANTOINETTE, à Michau. Air : Je viens devant vous.Je ne puis donc pasCalmer, hélas !Votre colère ?Voulez-vous percer Un cour qui vient vous embrasser ? SCÈNE X. Furibon, Patau dans le fond du Théâtre, les Acteurs précédents. MICHAU. Suite de l'Air.Pouvez-vous y penser et vous taire ?Répondez, ma chère. ANTOINETTE. Je ne pense à rien,Et voudrais bien Vous voir le faire.Entrez, cher époux,Dans des sentiments un peu doux. Elle tire le Contrat de sa poche ; et Furibon approche doucement. Air : Tes beaux yeux, ma Nicole.Tantôt plein de tendresse,Ton cour ici jura De m'obéir sans cesseEn faveur du Contrat.Ce serment de ta boucheEst tout ce qu'il me faut;Pourquoi veux-tu, farouche, Le retirer si-tôt? FURIBON, arrache le Contrat à Antoinette. C'est trop vous pousser la fleurette.Avancez, Lubin, Nicolas. Les Paysans viennent armés de fourches et de fléau. ANTOINETTE. Ô Ciel ! Malheureuse Antoinette! MICHAU. Accourez, gros Guillot, Mathurin, grand Thomas. La suite de Michau paraît.Nous verrons qui des deux aura sujet de rire. FURIBON, à Michau. Eh bien, oui, oui, nous le verrons.Je tiens votre contrat : trembles, je le déchire,Si tu ne chasses tes mitrons. À Michau. THIBAUT, levant le fléau. Voulez-vous ?... Un moment, n'allons pas en jeune homme. PATAU, prenant le fléau d'un paysan. Donnez-moi ce fléau,que je vous les assomme ANTOINETTE. Arrêtez !... FURIBON, tenant le contrat. Je déchire... ANTOINETTE. Ô funeste transport ! PATAU. Ah! c'est trop barguiner, exploitons. En voulant frapper Michau, Parau donne un coup de fléau à Furibon, qui lâche le Contrat pour porter les deux mains à sa tête ; Patau se sauve avec les Paysans. FURIBON. Je suis mort. ANTOINETTE, ramassant le contrat. Ciel !... MICHAU. Prends notre contrat. Allons, chère Antoinette, Je suis content ; il a son fait. ANTOINETTE, à Furibon, qui est assis sur le banc de pierre. Mon père, ah ! Juste Ciel ! Quelle bosse à la tête ! SCÈNE XI. Furibon assis, Michau, Thibaut, Meuniers. FURET, se frottant les épaules. Au secours ! Au secours ! ANTOINETTE. Mais que veut donc Furet? Air : Ahi, ahi, ahi, Jeannette.Qu'as-tu donc tant à crier? FURET. Aisément on le devine.Quelqu'un vient de m'étriller,Mais d'une façon divine...Ahi, ahi, ahi,Ahi, ahi, ahi, l'échine, L'échine, ahi, ahi, ahi. FURIBON. C'est Furet que j'entends! qu'as-tu donc, mon garçon ? FURET. Chez certain Procureur, j'ai selon ma coutumePris un paquet à votre nom.De Paris jusqu'ici le chemin fut très bon, Mais j'ai mal fini mon volume :Tout auprès de notre maisonOn a frappé sur moi comme sur une enclume,Ensuite on m'a chassé tout net,En me retenant mon paquet. FURIBON. Air : Belle Brune.Ah ! La tête !Ah ! La tête ! FURET. On m'a prisDeux chapons cuitsDans un pâté de requête. Ah ! La tête!Ah ! La tête!Cher Furet, avec Nicolas,Conduis-moi jusqu'à notre Ferme.Toi, Michau, dans peu tu verras... MICHAU. Va, va, je t'attends de pied ferme. Furibon sort ; et Thibaut emmène les meuniers. SCÈNE DERNIÈRE. Michau, Antoinette. ANTOINETTE. Cher époux, n'aigrissons plus rien ;Le temps calmera cette affaire :Mais je veux que le chirurgienAille du moins saigner mon père. MICHAU. Air : Depuis, que je sais que la bonté ;On ne saurait blâmer ton désir,Et la nature y prend du plaisir :Fille bien née à son PapaDoit toujours ce soin-là.Notre cour bien souvent Ment,Paraissant affligé :J'aiLa preuve que le tienTient Le naturel du mien. ANTOINETTE. AU PUBLIC. Même Air.Messieurs, si notre pièce aujourd'huiN'a pas l'honneur d'avoir votre appui, Attendez à demain au soir,Et revenez nous voir : Ce n'est pas trop d'un jourPourVous rendre satisfaits ;MaisNotre zèle assidu, Dû,Espère être reçu. ==================================================