******************************************************** DC.Title = ARICIE, BALLET DC.Author = PIC, Jean DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Ballet DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 31/10/2021 à 21:33:18. DC.Coverage = Pays imaginaire DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/PIC_ARICIE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1512165z.r=Pic%20aricie?rk=42918;4 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** ARICIE BALLET EN MUSIQUE REPRÉSENTÉ PAR L'ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. M. DC. XCVII. AVEC PRIVILEGE DU ROI Imprimé aux dépens de ladite Académie, par CHRISTOPHE BALLARD, seul Imprimeur du Roi pour la Musique. AVIS. Il n'y a d'édition avouée par l'Auteur que celle dont les exemplaires sont signés par l'Éditeur. Elle poursuivra les contrefacteurs, conformément à la loi. ACTEURS DU PROLOGUE. APPOLON. MELPOMÈNE, Muse. EUTERPE, Muse. POLYMNIE, Muse. MARSIAS, Satyre. TROUPE DE FAUNES ET DE SYLVAINS. TROUPE DE BERGERS ET DE BERGÈRES. TROUPE D'HABITANTS DES BORDS DE LA SEINE. ACTEURS DU BALLET. FERNAND, Prince d'Espagne. ALCIPE, suivant de Fernand. ARCAS, suivant d'Aricie. ARICIE, Princesse de l'île inconnue, amante de Fernand. DEUX PRINCESSES COQUETTES. ÉLISE, confidente d'Aricie, Amante d'Arcas. TROUPE DE PEUPLES que Fernand a subjugués. TROUPE DE BERGERS ET DE BERGÈRES. TROUPE D'AMANTS qui s'assemblent au Temple de l'Amour. ARISTANDRE, Magicien. TROUPE DE DÉMONS. FLORINDE, Magicienne. TROUPE DE PEUPLES DE L'ÎLE INCONNUE. PROLOGUE Le Théâtre représente un lieu agréable sur les bords de la Seine. SCÈNE PREMIÈRE. MARSIAS, seul. Les bois et les rochers s'animent par mes chants,À mes accords doux et touchantsTout doit céder, tout doit se rendre ;Taisez-vous, importuns oiseaux,Écoutez-moi, si vous voulez apprendre, Des sons plus savants et plus beaux.La plus fière beauté ne saurait se défendre,Dès que ma voix se fait entendre,De se soumettre à l'amoureuse loi.Le jaloux Apollon voudrait en vain prétendre, De l'emporter sur moi. Pendant que Marsias achève de chanter, Euterpe qui préside à la Musique Pastorale, Melpomène qui a inventé la Musique Tragique, et Polymnie qui préside aux Arts, l'écoutent avec indignation. SCÈNE II. Marsias, Melpomène, Euterpe, Polymnie. LES TROIS MUSES. Ton audace sera punie,Tes chants seront changés, en des cris furieux,Oses-tu jusques dans ces lieux,Braver le Dieu de l'harmonie ? MARSIAS. Est-ce le Dieu jaloux dont vous suivez, les loisQui vous fait mépriser les charmes de mes voix ?Qu'il jouisse de son partageSa lumière féconde éclaire l'Univers,Je dois sur lui remporter l'avantage, Par la douceur de mes concerts. POLYMNIE. Les Arts lui doivent leur naissanceSes bienfaits ont rendu tous les mortels heureux,Une juste reconnaissanceLui fait offrir partout de l'encens et des voeux. MELPOMÈNE. Crains le triste succès d'un orgueil téméraire,Tremble, Satyre ambitieux. EUTERPE. Crains un Dieu qui dans sa colèrePeut embraser et la Terre et les Cieux. On entend ici un prélude qui annonce l'arrivée d'Appollon. MELPOMÈNE. Quel son harmonieux vient de se faire entendre ? TOUTES TROIS. C'est Apollon qui va descendre. Let trois Muses entrecoupent le prélude en chantant les quatre Vers suivans, pendant qu'Appollon descend. Tremble, Satyre ambitieux,Crains le triste succès d'un orgueil téméraire,Crains un Dieu qui dans sa colère,Peut embraser et la Terre et les Cieux. SCÈNE III. Apollon, Les trois muses, Marsias. APOLLON, dans son Char. Les Dieux font à regret ressentir leur puissanceQuand elle doit servir leur courroux irrité,Mais ton crime a trop éclatéEt je dois punir une offenseQui de mon rang blesse la majesté ; Prenez,soin, Dieu des Bois, d'une juste vengeance,Rendez sa peine égale à mon ressentiment ;Et punissez son insolencePar le plus honteux châtiment. SCÈNE IV. Apollon, Les trois muses, Marsias, Trois Faunes et Trois Sylvains. MARSIAS, en voyant arriver les Faunes et les sylvains. Ciel ! Quelle injustice ! Ah ! Quelle cruauté ! LES MUSES. Va malheureux, cours au supplice,Que ton orgueil a mérité. MARSIAS se voyant entraîné par les Faunes et les Sylvains. Ô Ciel ! Quelle injustice !Ah ! Quelle cruauté ! SCÈNE V. Apollon, LES TROIS MUSES, Suite des Muses, et les habitants des bords de la Seine, qui viennent prendre part à la vengeance d'Appollon. APOLLON. Muses chantez, dans ses retraitesLes exploits glorieux du Héros que je sers,Inventez de nouvelles fêtes,Préparez, de charmants concerts,Célébrez par vos chants les nouvelles conquêtes, Du plus grand Roi de l'Univers. CHOEUR. Inventons de nouvelles fêtes,Préparons de charmants concerts,Célébrons par nos chants les nouvelles conquêtes,Du plus grand Roi de l'Univers. APOLLON. Partout où je répands ma lumière fécondeOn entend retentir le bruit de ses exploits,Tous les Peuples du mondeSeraient charmés, de vivre sous ses lois,Si leur destin dépendait de leur choix. Tandis que je suivrai ma brillante carrière,Muses, ne songez qu'à lui plaire. Apollon s'envole. SCÈNE VI. Les muses suite des Muses, les Habitants des bords de la Seine. MELPOMÈNE. À l'ombre de ces bois, sur ce bord enchantéJouissez d'une paix profonde,Un héros que l'on craint sur la terre et sur l'onde, Veille pour votre sûreté. UNE BERGÈRE. Dans ce charmant séjourLes plaisirs de l'amourSont pour les coeurs fidèles,Nos flammes y sont mutuelles, Nous aimons sans détour ;Nous fuyons les ardeurs nouvelles, ,Dans ce charmant séjourLes plaisirs de l'amourSont pour les coeurs fidèles. UN BERGER. Un coeur volageN'a pour partageQue des rigueurs,Un amant tendrePeut seul prétendre À nos douceurs ;Quand il languit, quand il soupireUn doux espoir doit flatter ses désirs,Il voit bientôt succéder les plaisirs, À son martyre. CHOEUR. Inventons de nouvelles fêtes,Préparons de charmants concerts,Célébrons par nos chants les nouvelles conquêtes,Du plus grand Roi de l'Univers. PREMIÈRE ENTRÉE. Le Théâtre représente un bois auprès d'un lieu agréable où l'on prépare une fête champêtre à la Princesse de l'île inconnue. SCÈNE PREMIÈRE. Fernand, Alcipe. ALCIPE. Seigneur, il faut bannir une indigne tendresse, Le grand coeur de Fernand doit être sans faiblesse,Sur ces bords inconnus au reste des humainsVous aimez sans espoir, et vos soupirs sont vains. FERNAND. Hélas est-il aisé quand l'amour est extrême,De renoncer à ce qu'on aime ! ALCIPE. Votre gloire est connue en cent divers climats.... FERNAND. Dans un honteux repos ma gloire est obscurcie,Je ne le vois que trop, hélas !Mais je ne puis quitter les funestes appas,Qui tiennent mon âme asservie. D'un sort digne d'envieJe goûtais la douceurRien ne manquait à mon bonheur,J'aimais, j'étais aimé de la belle Aricie. ALCIPE. La fin d'un tendre engagement N'est pas l'ouvrage d'un moment.La beauté qui vous a soumis à son empire,Brûle toujours des mêmes feux ;Non pour avoir brisé ses noeudsUn seul jour n'a pu lui suffire. Cette Princesse en ce jourAssemble ici sa Cour,On lui donne en ces lieux une fête champêtre,Seigneur y devez-vous paraître ! FERNAND. Je cherche le silence, et l'horreur des forêts, Va, laisse-moi rêver en paix. SCÈNE II. Deux Princesses coquettes, Fernand rêve dans un des côtés du théâtre, pendant qu'elles parlent sans le voir. PREMIÈRE PRINCESSE. Allons nous mêler à la fête,Que l'on apprête,Allons danser au son des chalumeaux,L'amour sous ces ormeaux Nous promet plus d'une conquête. TOUTES DEUX. Allons nous mêler à la fête,Que l'on apprête. SECONDE PRINCESSE, à Fernand. Seigneur quel noir chagrin dans ces lieux vous arrête,Quel soin vous fait rêver au murmure des eaux ? TOUTES DEUX. Allons nous mêler à la fête,Allons danser au son des chalumeaux. FERNAND. Laissez-moi dans ma rêverie,Laissez-moi m'occuper des soins de mon amour,Je perds sans espoir de retour Le seul bien qui pouvait m'attacher à la vie.L'inhumaine AricieMalgré mon tendre amour me bannit pour jamais ;Laissez-moi dans ma rêverie,Laissez-moi m'occuper de mes tristes regrets. PREMIÈRE PRINCESSE. Pour se venger d'une infidèle,Il faut savoir changer comme elle,Votre maîtresse a des appas ;Mais on en peut trouver qui ne lui cèdent pas. SECONDE PRINCESSE. Une volage Que rien n'engage,Peut-elle vous avoir asservi sous sa loi ?De ses trompeurs appas il fallait vous défendre,À quoi ne doit-on pas s'attendre,Quand on s'engage sur la foi D'une volageQue rien n'engage ? FERNAND. À la jeunesse, à la beauté,Quel coeur peut faire résistance ?Il n'est point de pouvoir plus fort, plus redouté, Que le pouvoir de la beauté,Lorsque avec la jeunesse elle est d'intelligence. PREMIÈRE PRINCESSE. Peut-on se faire un embarras,De perdre un coeur volage ?Vengez-vous, si vous êtes sage, Votre maîtresse a des appas,Mais on en peut trouver qui ne lui cèdent pas. FERNAND. C'est sur mon destin déplorableQue j'ai les yeux ouverts,Je ne vois rien d'aimable, Que le bien que je perds. SECONDE PRINCESSE. Pouvez-vous faire cet outrageÀ qui veut dissiper votre fatale erreur ?Soupirez, gémissez dans un triste esclavage,Je me ris de votre langueur. PREMIÈRE PRINCESSE. On ne fait guère de conquêteAvec cet air chagrin,Il faut l'abandonner à son fatal destin,Allons nous mêler à la fête,Que l'on apprête. TOUTES DEUX. Allons nous mêler à la fête,Que l'on apprête. SCÈNE III. FERNAND, seul. Que mon sort est à plaindre ?Accable de rigueurs, haï, désespéréDe mille noirs chagrins en secret dévoré, Il faut sans cesse me contraindre,Que mon sort est à plaindre !Pourquoi tant murmurer ? Recourons au trépas ;Eh ! Qu'ai-je affaire de la vieSans l'aimable Aricie, Sans ses charmants appas.Cachons-nous elle rêve en cette solitude,Vous que déjà mes pleurs ont touchés, tant de fois,Témoins de mon inquiétude,Qui suivez mes ennuis, et mes pas dans ces bois, Joignez, pour l'attendrir vos concerts à ma voix. SCÈNE IV. ARICIE, seule. Auteur des peines que j'endure,Amour sors de mon coeur, venge-moi de l'injureQue fait l'ingrat que j'aime à mes faibles appas,Anime mon dépit, allume ma colère, Contre une âme légère,Qui doit m'aimer et qui ne m'aime pas.On me donne en ces lieux une fête nouvelle,Pour un autre que lui je feins de m'enflammer,Mais mon amour sans cesse me rappelle Du côté d'un ingrat qui cesse de m'aimer,En ces lieux écartez, qui l'engage à me suivre ? SCÈNE V. Fernand, Aricie, Suite de Fernand, Suite d'Aricie. FERNAND. Vous voyez un amant qui va cesser de vivre,Vous avez prononcé l'arrêt de mon trépas ;Mais c'est peu des malheurs où mon destin me livre, Pour rendre hommage à vos appas.Votre coeur peut-il suivre une chaîne nouvelle,Quand j'adore toujours le pouvoir de vos yeux ?Songez au prix d'un coeur fidèle,Rien n'est si rare sous les Cieux. SUIVANT DE FERNAND. Amants qu'amour unit de ses noeuds les plus doux,Évitez les soupçons jaloux,Fuyez, les plaintes vaines,Gardez-vous de briser vos chaînes,Gardez-vous, gardez-vous, D'écouter un fatal courroux. LE CHOEUR. Évitons les soupçons jaloux,Fuyons les plaintes vaines,Gardons-nous de briser nos chaînes,Gardons-nous, gardons-nous D'écouter un fatal courroux. SUIVANT DE FERNAND. Il faut aimer dans la jeunesse,Il faut quitter les vains détours ;Nos coeurs sont faits pour la tendresse,Et les plaisirs pour nos beaux jours. ARICIE, à Fernand. Malgré les conseils qu'on me donne,Je suivrai le penchant où mon coeur s'abandonne,Si vous voulez me changer en ce jour,Il faut encor pour vous intéresser l'Amour. DEUXIÈME ENTRÉE. Le Théâtre représente une prairie bordée d'un bois, où la Princesse Aricie doit trouver au bout d'une route une fête champêtre. SCÈNE PREMIÈRE. ÉLISE, seule. Ruisseau, d'où vient votre murmure, Heureux ruisseau, votre sort est trop doux,Vous ne connaissez point d'autre loi parmi vous,Que le penchant de la nature ?Rien ne s'oppose à votre cours,Vous le suivez sans vous contraindre Hélas ! S'il en était ainsi de mes amours,On ne m'entendrait jamais plaindre.Amour vois quelle est ta rigueur,J'aime un indifférent qui méprise ma flamme,Arcas brûle pour moi d'une sincère ardeur, SCÈNE II. Arcas, Élise. ARCAS. Te verrai je toujours insensible à mes feux ?Ne veux-tu point finir ma peine ÉLISE. Je n'aurais point brisé mes noeuds,Si tu n'avais brisé ta chaîne. ARCAS. Pour rallumer tes feux, je feignis de changer, Tu ne me voyais plus qu'avec indifférence,Tu te lassais de ma constance,Et ton coeur s'allait dégager,Je cessai de te ménager,Mais ce ne fut qu'en apparence, Afin de te mieux engager. ÉLISE. Je ne prétends point te contraindre,Tu peux ailleurs feindre de t'enflammer,Peut être à force de le feindreÀ la fin tu pourras aimer. ARCAS. Mon ardeur a pour toi toujours été constante,Il faut me pardonner cette ruse innocente. ÉLISE. Il ne faut plus songer à tes liens rompus,Quand on a pu me faire cet outrageMon coeur pour jamais se dégage, Et l'on n'y revient plus. ARCAS. Veux-tu m'ôter toute espérance ?Quoi : sans avoir égard à ma persévéranceCet injuste dessein serait-il résolu ? ÉLISE. Pourquoi l'as-tu voulu ? ARCAS. Tu quittes pour jamais une chaîne si belle,Ton âme devient infidèle ;Quoi, c'est un arrêt absolu ? ÉLISE. Pourquoi l'as-tu voulu ? ARCAS. Deviens sensible à mon martyre, Je suis plus que jamaisSoumis à ton empire,je suis plus que jamais,Sensible à tes attraits.Pour toi nuit et jour je soupire, Vois tous les maux que tu me fais,Cruelle veux-tu que j'expire,Ah ! Rends-moi ma première paix,Sur l'amour que je te promets,Ton coeur n'aura rien à me dire. ÉLISE. Non je ne veux jamais aimer,Je crains un coeur volage,En vain l'amour veut m'enflammer,Je fuis son esclavage,J'aimerais si j'étais moins sage, Sans craindre le danger ;Mais hélas ! Quel amant s'engagePour ne jamais changer ? SCÈNE III. Arcas, Alcipe traverse le Théâtre. ARCAS. Écoute un mot Alcipe, arrête ? ALCIPE. Que prétends-tu de moi ? ARCAS. Je veux m'éclaircir avec toiSur un doute qui m'inquiète ;L'amour me tient sous son pouvoir,je crois que tu n'es pas à t'en apercevoir ALCIPE. Je ne m'aperçois guère De tout ce que tu fais,Si l'amour en courroux t'accable de ses traits,Si tu ne peux toucher l'objet qui t'a su plaire,C'est ton affaire,Je m'aperçois guère de tout ce que tu fais. ARCAS. Tu vois la beauté qui m'engage,Si tu ne l'aimes pas, pourquoi me faire ombrage ? ALCIPE. Qui t'a dit que pour moi ses yeux sont sans appas ? ARCAS. Quoi ! Tu brûles pour elle, et tu me l'ose dire ? ALCIPE. Ton chagrin me fait rire. Quelle raison pourrais-je avoirDe cacher à tes yeux une flamme si belle ?D'une ardeur sincère et fidèleElle flatte mon espoir. ARCAS. Non, elle m'a promis une flamme éternelle, Ce doux espoir à moi seul est permis. ALCIPE. Non, elle ne tient pas ce qu'elle t'a promis.Tu te flattes d'un avantageQue sur toi j'ai su remporter ;Je suis assez content de la rendre volage, Et je veux bien te laisser pour partageLa douceur de te flatter. TOUS DEUX. Tu crois obtenir la victoire,Mais tu n'en as pas la gloire ;Prétends-tu m'enlever son coeur ? Tu n'es pas un rival qui doive faire peur. SCÈNE IV. ALCIPE, seul. Je suis peu touché de la gloireQu'on peut obtenir en aimant ,Mais je prends plaisir au tourmentD'un amant qui s'en fait accroire. Élise aurait encor mille fois plus d'appas,Que mon coeur ne les craindrait pas.En ces lieux déjà l'on s'avance,C'est la fête qui commence. SCÈNE V. Aricie, Élise, Les deux Princesses coquettes, Troupe de Bergers et de Bergères, Suite d'Aricie. UNE BERGÈRE. Accordez, vos musettes Avec vos chalumeaux,Que le bruit de vos chansonnettes,Réponde au concert des oiseaux. LE CHOEUR. L'amour dans ces retraites,Enchaîne tous les coeurs, Chantons, célébrons les conquêtesDu vainqueur des vainqueurs. UNE PRINCESSE COQUETTE. Dans l'amoureux EmpireSouvent on languit on soupire,Mais sans amour la vie est sans appas, On n'a rien à se dire,Quand on n'aime pas. UNE BERGÈRE. C'est dans nos bois que l'amour a des charmes,C'est dans nos bois que son empire est doux,Préparons-nous. À ses douces alarmesRendons lui les armes ,Cédons à ses coups. UNE PRINCESSE COQUETTE. Amants ne quittez point vos chaînes,Si l'amour a des peines, Il rend contents les coeurs qu'il fait souffrir,Ce Dieu charmant dans vos maux s'intéresse,Il ne vous blesseQue pour vous guérir. LE CHOEUR. L'amour dans ses retraites, Enchaîne tous les coeurs ;Chantons, célébrons les conquêtes,Du vainqueur des vainqueurs. TROISIÈME ENTRÉE. Le Théâtre représente un bois où l'on voit un temple consacré à l'Amour. SCÈNE PREMIÈRE. Fernand, Alcipe. FERNAND. Arrêtons nous dans ce bocage,Mille amants empressés, Viennent rendre hommageÀ l'Amour qui les a blessés ;Et j'y pourrai trouver l'ingrate qui m'engage. ALCIPE. Languirez-vous toujours dans un triste esclavage. FERNAND. L'Amour nous fait brûler des plus vives ardeurs, Nous cédons quand il veut aux lois qu'il nous impose ;C'est l'amour qui disposeDe la liberté des coeurs. SCÈNE II. ÉLISE, seule. Chantez petits oiseaux, vous n'avez rien à craindre.La peur de n'être pas aimés, Ne vous engage point à feindre ;Et vous suivez sans vous contraindreLes doux transports de vos coeurs enflammés,Chantez, petits oiseaux, vous n'avez rien a craindre.Que vois-je, ô Ciel ! C'est l'objet qui m'enflamme. SCÈNE III. Élise, Alcipe faisant plusieurs tours dans le bois. ÉLISE. L'Indifférent Alcipe aime enfin à son tour,L'amour le fait rêver dans ce sombre séjour. ALCIPE. L' Amour n'a point encor blessé mon âme,Pour me garantir de ses traits,J'ai toujours avec soin respecté sa puissance, Et grâce à mon indifférence,Je goûte un assez, douce paix. ÉLISE. Il est doux quelquefois de lui rendre les armes,L'intérêt de nos coeurs nous force a lui céder,L'amour seul peut nous accorder Des plaisirs pleins de charmes. ALCIPE. L'Amour me fait trembler, la douceur de ses chaînesMe saurait tenter mes désirs,Et pour être exempt de ses peines,Je le quitte de ses plaisirs. ÉLISE. Tout nous parle d'amour dans ce charmant bocage,Écoutez les oiseaux sous ces feuillages verts,Ils expriment dans leurs concertsLa douceur de leur esclavage. ALCIPE. Je n'entends rien a leur langage, Si l'Amour avait des douceurs,Qui pourrait engager tant de coeurs à le craindre ?Tout l'Univers se plaint de ses rigueurs,Et je n'aime point à me plaindre. ÉLISE. Il faut aimer pour être heureux, Il n'est plus temps d'être amoureux,Quand a passé le bel âge ;Que sert d'avoir un coeur, si l'amour ne l'engage ?Et que peut-il aimer, s'il ne ressent ses feux ? ALCIPE. J'aime à voir en paix du rivage Des malheureux amants le funeste naufrage,J'aime à leur voir former des voeux,Pour des maîtresses infidèles ,Et s'applaudir souvent des faveurs de leurs belles,Lorsqu'un rival caché les partage avec eux. ÉLISE. L'Amour vous forcera tôt ou tard à vous rendre. ALCIPE. Je saurai toujours m'en défendre. ÉLISE. Il a bientôt allumé son flambeau ,Pour soumettre les coeurs qui bravent sa puissance. ALCIPE. Que son triomphe sera beau S'il peut vaincre ma résistance ? SCÈNE IV. Aricie, Élise. ÉLISE. Tous les coeurs vous rendent les armes,Je vois avec plaisir des triomphe si beaux,L'Amour qui s'intéresse au pouvoir de vos charmes,Dans vos fers tous les jours met des amants nouveaux. ARICIE. Les soins que l'on prend pour me plaireFont trop d'honneur à mes faibles appas,Mais l'amour ne plaît guère,Quand l'amant ne plaît pas. ÉLISE. Pour suivre une flamme nouvelle, Vous avez rendu malheureuxL'amant le plus fidèle,Et le plus amoureux. ARICIE. Votre amitié pour moi toujours a su paraître,c'est à vous que mon coeur veut se faire connaître, Cet amant dont le sort semble vous attendrir,N'est pas le plus à plaindre.J'ai cru voir son ardeur pour moi se ralentir,Et pour l'empêcher de s'éteindreÀ des liens nouveaux j'ai feint de consentir. ÉLISE. Pouvez-vous sans trembler voir le péril extrêmeOù vos rigueurs vont l'engager ?Eh ! Que peut on avoir à ménager,Quand il faut sauver ce qu'on aime ? TOUTES DEUX. Eh ! Que peut-on avoir à ménager, Quand il faut sauver ce qu'on aime ? ARICIE. Je ne saurais briser mes noeuds,Je veux, quoi qu'il m'en coûte, éprouver sa constanceTâchez si vous m'aimez, d'entretenir ses feux,Et s'il le faut encor, rendez-lui l'espérance. SCÈNE V. ARICIE, seule. Cessez, vaine fierté, cessez de me contraindre,Si mon vainqueur m'aime toujours,Pourquoi m'engagez vous à feindre.Pourquoi vouloir troubler nos tranquilles amours ?Cessez vaine fierté, cessez de me contraindre Aimez, mon cher amant, vous n'avez rien à craindre.Vous régnez toujours dans mon coeur,Vous l'embrasez d'un feu que je ne puis éteindre.Je connais vos ennuis, je sais votre langueur.Mais je ne suis pas moins à plaindre, Si j'exerce sur vous une extrême rigueur,C'est pour éprouver vôtre ardeur,Aimez, aimez, vous n'avez rien à craindre. Elle le voit.Je le vois ; dans ces lieux il a suivi mes pas,Revenez ma fierté, ne m'abandonnez pas. SCÈNE VI. Aricie, Fernand. FERNAND. Voulez-vous m'éviter sans cesse ? ARICIE. Voulez-vous m'arrêter toujours ? FERNAND. Voyez l'excès, de ma tristesse. ARICIE. Est-ce à moi d'en borner le cours ? FERNAND. C'est de vous seulement que j'attends du secours. En vain vous m'ôtez l'espérance,En vain de mes rivaux vous approuvez les soins,Je ressens vos mépris, je vois votre inconstance,Et je ne vous aime pas moins. ARICIE. Il faut vous dégager ; dans une amour nouvelle Vous pourrez trouver des appas. FERNAND. Eh ! Le puis-je cruelle !Puis-je vous oublier hélas !Pour me rendre infidèleL'exemple et les conseils ne me suffisent pas. Dans le tourment qui me possèdeCe barbare conseil peut-il me soulager ?Inhumaine, est-ce à vous à m'offrir ce remèdeAprès m'avoir promis de ne jamais changer ? ARICIE. Tant que j'ai régné sur votre âme Aux soins de vos rivaux mon coeur a résisté,Je voyais tous les jours expirer votre flamme,J'ai voulu prévenir votre infidélité FERNAND. Vous usez d'une vaine adresse,Pour donner une excuse à votre trahison. ARICIE. Je n'ai point changé sans raison,Vous avez le premier trahi notre tendresse.Je cédais au penchant de mon coeur prévenu,Mes feux trop violents comblaient votre espérance ;Et j'avais oublié qu'un amour trop connu Ralentit d'un amant les soins et la constance,Non, c'est vous qui me trahissez,Non, vous m'aimez moins que vous ne pensez. FERNAND. Malgré les maux que vous me faitesje sens que vos attraits peuvent tout enflammer ; je vous aime toujours, ingrate que vous êtes,Plus que je ne dois vous aimer.Pouvez-vous oublier une chaîne si belle ?Nous nous étions promis de la rendre éternelle. ARICIE. Je ne veux plus me souvenir D'une tendresse si charmante,Quand je veux y penser ma honte s'en augmente ;Cessez, de m'en entretenirJe ne veux plus m'en souvenir. FERNAND. Qu'entends-je ? Ô Ciel ! ARICIE. Non, vous ne devez pas prétendreDe me faire reprendreDes noeuds que j'ai brisés.C'est une erreur de l'entreprendreVous les avez, trop méprisez ; Non, vous ne devez pas prétendreDe me faire reprendreDes noeuds que j'ai brisés. FERNAND. Croyez-vous qu'il me soit possibleDe me faire un destin paisible, Si vous m'abandonnez ?Je sens déjà l'horreur d'un désespoir funeste,Et de mes jours infortunés Vous bornerez bientôt le déplorable reste,Si vous m'abandonnez ? ARICIE. Qu'est devenu votre courage ?Vous devez le mettre en usagePour vaincre un sort qui vous paraît affreux. ENSEMBLE. L'espérance est le partage,Le désespoir est le partage, Des amants malheureux. FERNAND. Vous me quittez ! ARICIE. Les amants en ce templeS'assemblent en ce jour,J'y vient à leur exemplePour accomplir un voeu que j'ai fait à l'Amour. SCÈNE VII. Fernand, Élise. ÉLISE. Quoi ? Toujours sombre et solitaire ? FERNAND. J'ai perdu pour jamais l'objet qui m'a su plaire. ÉLISE. Il faut toujours espérer en aimant,L'Amour veut éprouver, peut-être,Si votre coeurs sait aimer constamment ; Ce Dieu peut faire naîtreVos plaisirs de votre tourment ;Il faut toujours espérer en aimant. FERNAND. La rigueur de mon sort ne peut-être adoucie,Non, non, je ne me trompe pas, J'ai lu dans les yeux d'Aricie,L'arrêt de mon trépas. ÉLISE. Soyez toujours tendre et fidèle,Après une rigueur cruelleVous verreZ finir votre ennuI, L' Amour vous aIdera, reposez-vous sur luI.Allons assister à la fête,Que pour ce Dieu charmant en ces lieux on apprête, SCÈNE VIII. Troupe d'amants et d'amantes qui sont venus rendre hommage à l'Amour. DEUX AMANTES. Jeunes coeurs gardez-vous de prétendreQue l'Amour ne vous enflamme pas, Tôt ou tard il saura vous apprendreQue tout cède à ses charmants appas. DEUX AMANTS HEUREUX. Dans ce charmant séjourNotre bonheur dépend de notre amour. L'AMANT. La grandeur brillante Me rend pas content,Un rang éclatantN'a rien qui nous tente. L'AMANTE. Notre âme asservieSous d'aimables lois S'attache à son choix,Et voit sans envieLe destin des Rois. L'AMANT. Pourquoi se contraindreL'Amour comble nos voeux, Ses maux rendent heureux.On a beau le craindreOn a beau s'en plaindre,On aime mieux sentir ses feuxQue de les éteindre. L'AMANTE. Un coeur qui soupireAime son martyre,Il n'en veut point guérirDans l'excès du mal qui l'accable,L'ennemi qui le fait souffrir Lui paraît aimable. ENSEMBLE. Dans ce charmant séjourNotre bonheur dépend de notre amour. CHOEUR. L'Amour tient sous ses lois le Ciel, la terre et l'onde,Ses traits sont redoutés jusqu'au centre du monde, Chantons, redisons tour à tour,Que tout l'Univers nous répondeQu'il n'est point de pouvoir qui ne cède à l'Amour. SCÈNE IX. Aricie, Élise. ÉLISE. Fernand brûle pour vous d'une flamme constante,Quittez une vaine terreur. ARICIE. Je ne suis point contenteD'une commune ardeur,Et je veux pour toujours m'assurer de son coeur.Sur le sort que je dois attendreAllons consulter Aristandre. QUATRIÈME ENTRÉE. Le Théâtre représente l'Antre d'Aristandre. SCÈNE PREMIÈRE. ARISTANDRE, seul. Mon art surprend les mortels et les Dieux,Du plus sombre avenir je perce le nuage,Je commande aux esprits du ténébreux rivage,Je fais pâlir la lumière des Cieux,Et je puis attendrir le coeur le plus sauvage. Amants qui gémissez dans un triste esclavageVenez, accourez en ces lieux. SCÈNE II. Aristandre, Aricie. ARICIE. Pour fixer mon incertitudeJe viens implorer ton secours,D'une cruelle inquiétude Tu peux sauver mes jours. ARISTANDRE. Pour répondre à tes voeux je puis tout entreprendre,Et mon pouvoir pour toi ne sera point borné.Où faut-il m'employer ? ARICIE. J'ai peine à te l'apprendre,Et tu vas en être étonné. Ne trompe point mon espérance,Pour connAître le coeurDe celui qui fait ma langueur,Il faut me découvrir aujourd'hui ta science. ARISTANDRE. Qu'entends-je ! Ô Ciel ? ARICIE. Pour connaître sa foi Je veux ne me fier qu'à moi.Il me jure toujours une tendresse extrême.Pour cacher leur légèreté,Tous les amants parlent de même,Et l'on ne saurait trop prendre de sûreté, Avec ce que l'on aime. ARISTANDRE. Mon pouvoir est connu jusqu'au centre du monde,Je veux que l'Enfer te réponde.Esprits soumis à mes loisVenez, répondez à ma voix, Montrez à me servir votre ardeur sans égale,Hâtez-vous découvrez un mystère caché,Sortez, de la nuit infernale,Apportez la robe fatale,Où mon pouvoir est attaché. On voit sortir de dessous le théâtre quatre démons qui apportent la robe mystérieuse, qui communique la science d'Aristandre. SCÈNE III. Aristandre, Aricie. Troupe de Démons. UN DÉMON. Ta voix a pénétré dans la nuit éternelle,Nous suivons tes désirs avec un soin fidèle.L'Amour se fait trop redouter,Il ne cesse point d'agiterLes coeurs qui lui rendent les armes, Trop heureux qui peut éviterLe pouvoir de ses charmes.Que sans cesse la crainteSuive vos ardeurs,L'Amour n'est souvent qu'une feinte Pour surprendre vos coeurs. CHOEUR. Que sans cesse la crainteSuive vos ardeurs,L'Amour n'est souvent qu'une feintePour surprendre vos coeur. LE MÊME DÉMON. Quand l'Amour cherche à vous soumettreDéfendez-vous d'abord de vous laisser charmer,Avant que de céder à l'ardeur qu'il fait naître ;Il faut connaîtreCe qu'on doit aimer. Le Démon donne à Aristandre la robe qu'il a apportée. SCÈNE IV. Aristandre, Aricie. ARISTANDRE. Par ce puissant secours tu peux te faire entendreJusques dans le sombre séjour,Ton pouvoir va s'étendre,Plus loin que la clarté du jour. CINQUIÈME ENTRÉE. Le théâtre change et représente un autre endroit de l'île inconnue, voisin de l'Antre d'Aristandre. SCÈNE PREMIÈRE. Fernand, Alcipe. FERNAND. Il faut m'éclaircir en ce jour Du sort de mon amour,C'est dans ces demeures secrètesQue de l'obscur avenirOn consulte les Interprètes. ALCIPE. Votre coeur dans ses maux aime à s'entretenir. La beauté qui vous a su plaireTriomphe de votre embarras ;Aux yeux d'une maîtresse fièreLes peines d'un amant ont toujours des appas.L'excès du mal qui vous accable Flatte sa vanité,Et vous auriez trouvé sa fierté plus traitableSi vos chagrins avaient moins éclaté. FERNAND. Il faut que sans témoins cet oracle se rende,Ne suivez point mes pas, qu'en ces lieux on m'attende. SCÈNE II. Élise, Alcipe. ÉLISE. Quel sort vous conduit en ce bois,Vous qui ne ressentez, ni l'amour ni sa flamme ? ALCIPE. Vous devez connaître mon âme,Je fuis les amoureuses lois. ÉLISE. Rien n'est si doux que l'amoureux empire Rien n'est si fort que les traits de l'Amour,Tout ce qui respireS'enflamme et soupire,Tout aime à son tour,Si vous avez, un coeur vous aimerez un jour. ALCIPE. Non, l'Amour ne peut me surprendre,Son pouvoir ne m'étonne pas,On peut être assuré toujours de s'en défendre,Quand on résiste à vos appas. ÉLISE. Vous ne devez point vous contraindre L'Amour doit toujours alarmer,Je suis la première à le craindreje ne saurais blâmer,Un coeur qui se défend d'aimer. ENSEMBLE. De mille soins fâcheux la tendresse est suivie, Évitons un fatal lien,Heureux un coeur qu'Amour oublie ?Heureux un coeur qui n'aime rien ? SCÈNE II. Arcas, Élise. ARCAS. Je ne dois point venir en ces lieux écartés,Pour m'éclaircir du sort que mon coeur doit attendre, Tes yeux me font assez entendreQue mes voeux les plus doux sont toujours rebutés. ÉLISE. Lorsque j'étais sensible à ton amour extrêmeJe te parlais de bonne foi,Aujourd'hui que mon coeur ne sent plus rien pour toi Je te parle de même. ARCAS. Ai-je pu m'attirer cette extrême froideurEt mériter cette injustice ? ÉLISE. Soit que j'aime ou que je haïsse,Je ne saurais cacher mon coeur. ARCAS. Ciel ? ÉLISE. Je t'offre un secours facilePour te faire un sort tranquille.Et pour laisser mon coeur en paix,Si le désespoir est utile,Pour étouffer tes vains regrets, Je te promets de ne t'aimer jamais. ARCAS. Je manquerais de courageAprès un tel aveu si je suivais tes pas ;Pour me venger de tes appasJe t'abandonne à ton humeur volage. SCÈNE IV. Aricie, Élise. [ARICIE]. Pour soulager ma peine extrême,De quel espoir ai-je pu me flatter ?En voulant m'éclaircir quel soin vient m'agiter ?J'ai peur de me trahir moi-même ;Lorsque l'on a cessé de plaire à ce qu'on aime, C'est toujours un bonheur que d'en pouvoir douter,Pour soulager ma peine extrêmeDe quel espoir ai-je pu me flatter ? ÉLISE. Pour calmer votre inquiétudePeut-être prendrez-vous trop de soin en ce jour, Il faut se réserver un peu d'incertitudeLorsque l'on veut avoir du plaisir en amour. ARICIE. Fernand me cherche en ce bocage,Mon coeur va me trahir je n'ai pas le courageDe soutenir le trouble où je le vois ; je sens que la pitié va découvrir ma flamme,Et je dois me fier à quelqu'autre qu'à moiPour lire dans son âme. SCÈNE V. FERNAND, seul. Rochers inaccessibles,Écoutez le récit de mes vives douleurs ; Vous cesserez d'être insensiblesLorsque vous saurez mes malheurs. SCÈNE VI. Aricie, Florinde, Fernand. ARICIE. Il est seul, hâtez-vous d'éclaircir un mystèreD'où dépend mon bonheur ;Pour sentir le repos de retour dans mon coeur Amour c'est en vous que j'espère. Aricie se cache dans un endroit d'où elle peut les entendre. SCÈNE VII. Aricie, Fernand, Florinde. FERNAND. Vous qui pouvez m'instruireDu sort de mes amours,Hâtez-vous de me direQuel en sera le cours. FLORINDE. Vous brûlez pour une inhumaine,Elle n'a pu garder sa chaîne ;Vos feux sont tendres et constants,Mais vous avez, bien l'air de soupirer longtemps. FERNAND. Ne puis-je me flatter de l'espoir agréable De la toucher un jour par mes soins amoureux ? FLORINDE. Cessez d'entretenir vos feux,Elle sera pour vous toujours inexorable. FERNAND. Quoi ! Toujours amoureux et toujours misérable,Je ne verrai jamais finir Mon destin déplorable ? FLORINDE. Je ne vois rien dans l'avenirQui vous soit favorable. FERNAND. Ô Ciel ! Quel affreux désespoir !Son coeur est-il en son pouvoir ? FLORINDE. L'Amour s'est pour jamais emparé de son âme,Rien ne peut la changer,Et vos malheurs loin de la dégager,Ne font que redoubler sa flamme. FERNAND. Ah ! Que m'apprenez-vous ! Quel malheur ! FLORINDE. Vous aimez, sous un astre en courroux. FERNAND. À cet Oracle épouvantableMon coeur ne veut point s'arrêter. FLORINDE. Téméraire, apprenez votre sort effroyablePuisque vous en voulez, douter... FERNAND. Cessez, de vouloir me troubler,Mon destin tel qu'il soit ne me fait point trembler ;J'adore malgré lui la beauté qui m'enflamme ;Si je ne puis toucher son âmeLa vie est pour moi sans appas ; Dites-lui que l'amour malheureux et fidèleDont je brûle pour elleM'a contraint à chercher un funeste trépas. Il tire son épée pour se tuer, Aricie sort avec précipitation du lieu où elle était, et se jette sur son épée. ARICIE. Arrêtez, Ciel! Ô Ciel ! Qu'allez-vous entreprendre ?Après un tel amour je vous dois tout apprendre. FERNAND. Que vois-je ? Ô Dieux ? ARICIE. , Vous voyez devant vousCette même PrincessePour qui l'Amour vous fait sentir ses coups,Et qui fait son bonheur de garder sa tendresse. FERNAND. Est-ce un charme ? ARICIE. Oubliez, les innocents détours, Que m'a fait prendre une tendresse extrême !Si j'ai d'un art terrible emprunté le secours,Pour s'assurer de ce qu'on aimeÀ quoi n'a-t'on pas recours ? TOUS TROIS. Ah que l'Amour aurait de charmes ! Si l'on pouvait aimer sans trouble et sans alarmes ? ARICIE. Peuples que le destin soumet à ma puissance.Célébrez en ce jour l'amour et sa constance. SCÈNE VIII. Fernand, Aricie, Alcipe, Élise, Suite de Fernand, les Peuples de l'île inconnue. FERNAND. L'Amour a fini mes alarmes,Un calme heureux succède au trouble de mes sens, Et j'ai trop peu versé de larmesPour les douceurs que je ressens. ÉLISE. Dans l'amoureux empireOn a bien à souffrir,Les biens où l'on aspire Sont longtemps à venir.On languit, on soupire,Dans un cruel martyre ;Mais un heureux momentFinit un long tourment. HABITANS DE L'ÎLE INCONNUE. Il faut brûler d'une ardeur éternellePour avoir un beau rang dans l'empire amoureux ;Jeunes coeurs qui prenez une chaîne nouvelleAimez, d'un amour fidèle,Tôt ou tard vous serez, heureux. LE CHOEUR. Célébrons la puissanceDe l'Amour et de la constance ,Célébrons les plaisirs charmantsDes fidèles amants. ==================================================