******************************************************** DC.Title = LE MAGASIN DES MODERNES, OPÉRA COMIQUE DC.Author = PANARD, Charles-François DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra comique DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 29/12/2024 à 21:08:17. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/PANARD_MAGASINDESMODERNES.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1506308k DC.Source.cote = BnF LLA 8-RF-12544 DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE MAGASIN DES MODERNES OPÉRA COMIQUE EN UN ACTE AVEC UN PROLOGUE Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Foire en 1738. 1763. Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Foire en 1738. ACTEURS DU PROLOGUE. APOLLON. MERCURE. LA NOUVEAUTÉ. LE POÈTE. LA RIME. LE COMPOSITEUR. MERVEILLEUX, en folle. La Scène est à l'Opéra. LE MAGASIN DES MODERNES SCÈNE PREMIÈRE. Apollon, Mercure. MERCURE. AIR. Quand on a prononcé.Salut au blond Phoebus. APOLLON. Honneur au Dieu Mercure. MERCURE. Quel sujet important aujourd'hui me procureL'avantage de voir le Seigneur Apollon ?Et pourquoi quittez-vous le célèbre vallon ? APOLLON. Ignorez-vous que j'ai un rôle dans le prologue de Thétis ; ce qui fait que je suis obligé de me rendre tus les jours à l'Opéra. MERCURE. Pour moi, je suis si occupé, que je n'ai pas le temps de m'informer de ce qui s'y passe. APOLLON. J'ai appris que Jupiter vous avait exilé de l'Olympe, et que vous êtes établi dans ce pays-ci ; je viens voir comme vous vous y comportez. MERCURE. À merveille, grâce à mon industrie. APOLLON. AIR. Mon père, je viens devant vous.Je sais que vous conduisez bien Une amoureuse confidence. MERCURE. Bon ! Le métier n'en vaut plus rien ;Mes substituts en abondanceDe cet emploi s'acquittent mieux ;Mercure est moins Mercure qu'eux. APOLLON. Qu'est ce qui vous occupe à Paris ? MERCURE. Un emploi nouveau que j'ai imaginé. Je suis à la tête du Magasin des Modernes, et distributeur des termes communs. APOLLON. AIR. Que faites-vous, Marguerite ?Non, rien n'est plus ordinaire,On s'en sert dans tous climats ;Il en est dans chaque affaire,Il en est dans tous états.L'ordinaire des amants est de louer la beauté de leurs maîtresses, de gagner la femme de chambre. Ceux des Plaideurs, de faire des présents aux secrétaires. AIR.Ceux de Fanchon sont de ranger Sous ses lois un jeune étranger,Pour le grugerPour le manger. Ceux des médecins sont de faire saigner,Clystériser, Purger.Les dépôts sont ceux des notaires.Ceux du plumet sont d'allerSe logerChez quelque bon Douairière Qu'on puisse aisément gruger. MERCURE. Dans l'intérieur du magasin ? J'ai fait mettre au-dessus de la portes cette inscription. Servantes, quittez vos paniers.Jeunes auteurs, ici prenezCe qui vous accommode :Rapapillotez, raccommodez, rabobinez.Jeunes auteurs, ici prenez Marchandise à la mode.Celui qui en fait la distribution sous mes ordres s'appelle Cothurne. À droit, j'ai placé ce qui concerne l'Opéra et la Comédie. APOLLON. Tous deux ensemble. MERCURE. AIR. Une jeune fille.À la même SourceIls vont se pourvoir,Et pour leur ressourceTous deux n'ont qu'un tiroir. C'est à la Bagatelle que j'ai confié Ce dépôt. APOLLON. La Bagatelle doit avoir bien de l'occupation. Je défie qu'elle puisse y suffire. Tout cela est fort bien imaginé, et je suis persuadé que vous avez un grand débit. MERCURE. Il est prodigieux. Tragédie, comédie, épithalames, madrigaux, rondeaux, étrenne, bouquets, on me demande tout, excepté des élégies. APOLLON. J'en sais bien la raison. Le Français ne s'amuse guère à gémir des rigueurs d'un ingrate ; dès qu'il n'est plus aimé, il quitte la partie qu'il gagnerait peut-être avec le temps. J'ai fait autrefois six vers qui expriment assez bien les différents caractères de plusieurs Nations à ce sujet. Les voici.Quand un objet fait résistance, L'Anglais fier et vain s'en offense,L'Italien est désolé,L'espagnol est inconsolable,L'Allemand s'en console à table, Le Français est tout consolé.Voici l'heure, à peu près, que je dois me rendre sur ce ceintre du théâtre lyrique ; je suis obligé de vous quitter. MERCURE. Il faut que vous soyez bien bon d'y aller tous les jours comme vous faites. AIR. Et zeste, zeste, zeste.J'admire, en vérité,Le plaisant équipageOù pour votre voyage,Là, vous êtes monté ; La grand Flambeau céleste,De culbuter court le hasard ;Et zeste, zeste, zeste,Un maître à danse, dans son char,Est plus leste. APOLLON. D'accord, mais le Phaéton qu'on me donne est assez bien décoré. MERCURE. Il est vrai, mais vos chevaux n'ont ni bouche ni éperons. APOLLON. J'aperçois le Nouveauté. Elle me parait pas trop content. Je vous laisse avec elle. SCÈNE II. Mercure, La Nouveauté, Mercure. MERCURE. AIR. Éveillez-vous, Belle endormie.Ce grand Magasin de MercurePar vous jamais n'est fréquenté. LA NOUVEAUTÉ. Rien n'est plus nouveau, je vous jure,Que d'y trouver la Nouveauté [MERCURE]. AIR. Monsieur Mouflard.Vous, à Paris ! On dit que cette ville, Depuis longtemps loin d'elle vous exile ? LA NOUVEAUTÉ. J'y trouve encore un asileChez quelque auteur de renom.Mais je prévois que je n'y resterai pas longtemps, et que la force de l'exemple des obligera de m'abandonner. MERCURE. Je le crois comme vous. AIR.... La nouveauté.Quand on prend un nouveau chemin,Le succès est très incertain. Bien souvent la Critique outrage,Et taxe de téméritéCeux qui risquent dans leur ouvrageLa Nouveauté.Quel est le motif de votre visite ? LA NOUVEAUTÉ. De vous faire mes adieux. MERCURE. Comment ! Vous voulez nous quitter ? LA NOUVEAUTÉ. Que voulez-vous que je fasse dans ce pays-ci ? Dès que je parais sur un Théâtre, AIR. Le long deçà, le long delà.On ne m'y supporte guère ; La Critique, méchamment,Pour me déclarer le guerre,Fait camper son régimentLe long deçà, le long delàLe long du Parterre, Par derrière et par devant.La plupart des pièces qui ont paru cette année ont éprouvé sa rigueur ; cependant je suis sûre, AIR. C'est ce qui nous lote, lon la.Que jamais on ne rempliraUn plan si bien que celui-là, Quelque effet que l'on fasse :Auteur, acteur et caetera, Rien n'était à sa place. MERCURE. Qu'une femme en colère est éloquente ! LA NOUVEAUTÉ. Enfin il n'y a point d'outrage que je n'éprouve tous les jours. J'ai pris mon parti, et j'y renonce. MERCURE. Adieu donc. Bon voyage. Mon magasin n'en ira que mieux. Quelle foule nous allons voir ! LA NOUVEAUTÉ. Ouida ? Puisque vous le prenez sur ce ton-là. AIR. L'autre nuit j'aperçus en songe.Quoique je vous sois incommode,Je resterai dans ce séjour ;Et je me joindrai dès ce jourAvec ma parente la Mode ; Et n'étant plus dans les écrits,Je vais me réduire aux habits. MERCURE. Hé bien, que ferez-vous ? LA NOUVEAUTÉ. AIR. Je ne suis né ni Roi ni Prince..Je veux qu'un ridicule étrange,De tant d'injustice me venge ;Par moi, chez un peuple enchanteur, On admettra l'extravagance,D'avoir quatre pieds en hauteur,Et vingt cinq de circonférence. MERCURE. Fort bien. LA NOUVEAUTÉ, déclamant. Pour moi, de grave personnagesSeront coiffés en hérisson, J'empaquetterai leurs visagesDans une perruque en buisson.On verra des gens à requête,Sous leur crinière ensevelis ;Et pour mieux surcharger leur tête, Il en faudra dépouiller dix. MERCURE. Courage. LA NOUVEAUTÉ. AIR. Quand je tiens de ce jus d'octobre.Le jeune abbé, fringant et leste,Frappe d'un nouveau vertigo,Par son rabat du bleu céleste,Fera renchérir l'indigo. Ce n'est pas tout. MERCURE. Encore. LA NOUVEAUTÉ. L'effort de ma vengeance tombera sur nos Petits-Maîtres subalternes. MERCURE. La matière est abondante. LA NOUVEAUTÉ, déclamant. On les verra publiquement,Pour canne tenir une gaule,Se promener en sifflotant,Et saluer avec l'épaule.Ils tourneront à chaque instant, Et leurs mains toujours inquiètes,Tiendront tout à tout Cure-dent,Mouchoir, Tabatière, Lorgnettes.Triple doublure à leurs habits,En rendra l'enflure très vaste ; Grandes boucles, souliers petits,Formeront un parfait contraste.On engeancera le CastorPoint en avant, bouton derrière,De façon que la laisse d'or Se fasse jour pour la gouttière.Sous la forme d'un entonnoir,On fera les manches nouvelles,Et leur grandeur nous fera voirUn petit corps entre deux ailes. Par un noeud le menton haussé,N'aura plus son mouvement libre ;Un large ruban empesé,Tiendra leur tête en équilibre.Pour mettre, par un trait plus foi, Le comble à tant d'extravagances,Le Manchon placé sous le cou,Des deux coudes feront voir deux anses.Adieu. Elle lui donne on soufflet. MERCURE. Bonjour. Me voilà défait d'une grande babillarde. SCÈNE III. Mercure, Le Poète. MERCURE. J'aperçois une espèce de poète. Il compte sur ses doigts ; c'est apparemment une auteur qui n'est pas bien versé dans la mesure des vers. LE POÈTE, saluant Mercure. AIR. Je ne veux point troubler votre ignorance.Le ciel, en moi, mit des talents sans nombre,Pour les polir je viens dans ce séjour ; Depuis longtemps mon mérite est à l'ombre,Je veux enfin l'exposer au grand jour. MERCURE. Qui êtes vous ? Que voulez-vous ? LE POÈTE. AIR. Quand on a prononcé.Mon père a neuf ans, Qui tous neuf sont illustres :Je suis l'aîné des neuf, Mon âge est de neuf lustres ;Rimeur depuis neuf ans, comme depuis neuf mois, Je viens depuis neuf jours pour la neuvième fois. MERCURE. Oh, oh, quel jargon ! Celui-ci sort un peu du style commun. LE POÈTE. AIR. Comme un coucou.J'ai dessein de faire un chef d'oeuvreQui soit connu dans l'univers ;Pour moi mettez le main à l'oeuvre. MERCURE. Que voulez-vous ? LE POÈTE. Dix-neuf cent vers. MERCURE. Dix-neuf cent ! C'est une tragédie apparemment. LE POÈTE. Vous devinez juste ; mais aussi je sais faire d'autres ouvrages. J'ai eu trois maîtresses en trois mois ; et il y a trois ans que pour le troisième je fis trois couplets sur l'air des triolets. MERCURE. Et ne les avez vous pas faits à trois heures du matin ? Faites nous part de cette merveille. LE POÈTE. Volontiers . Écoutez. AIR. Du confiteorVos yeux font naître mille feux,Vos rigueurs causent mille alarmes,Pour vous on forme mille voeux,On admire en vous mille charmes,Que fixent mille amants et plus. MERCURE. Cela ne vaut pas mille écus.Voilà ce qui s'appelle des vers nombreux. LE POÈTE. AIR. Du Prévôt des Marchands.Cent et cent fois je vous ai ditQue pour vos yeux mon coeur languit :Cet et cent fois votre âme injusteFut sourde à mes tendres accents. MERCURE. Tout cela, si mon compte est juste,Monte à cinq mille quatre cent. LE POÈTE. AIR précédent.Loin de vous je compte les jours. MERCURE. Je crois qu'il comptera toujours. Bas.Il m'impatiente à la fin ; il faut que je m'en défasse. Haut.Tenez, Monsieur, puisque vous souhaitez des vers. AIR. Têtes en tourelouriretteDe ce qui est nécessaire, Cothurne est le dépositaire,Du tragique il a le débit :Allez-là faire votre emplette ;Tâtez en toutelouriretteSi le coeur vous en dit. LE POÈTE. J'y vais, et quand ma provision sera faite, j'aurai l'honneur de vous la faire voir. SCÈNE IV. La Rime, Mercure, Merveilleux. MERVEILLEUX. Seigneur, il y a là-bas une dame qui ne fait que chanter, et qui demande à vous parler. MERCURE. Qu'elle entre. LA RIME. AIR.Les sergentsSont des gensRongeant, mangeant,Grugeant les gens. Bis. MERCURE. Il est impossible de s'y méprendre, c'est la Rime. LA RIME. AIR.Dans le Palais, Que de délais !Pour un procès,Que de placets !Que de chicane et que de frais !Que l'on y mange d'argent frais ! MERCURE. C'est elle assurément. LA RIME. Les sergentsSont des gensRongeant, mangeant,Grugeant les gens. Bis.Seigneur, je me rends à vos ordres. AIR. Des TrembleursSouffrez que je vous exprime Le zèle ardent qui m'anime ;Le plus tendre sentiment :Vous possédez mon estime,Je veux être votre intime ;Voulez-vous bien que la Rime Vous embrasse en ce moment ? MERCURE. Ah, Madame, volontiers. Mais j'ai à vous avertir que vous avez une ennemie mortelle. LA RIME. On le dit, mais je n'en sais rien. MERCURE. Ignorez vous que la Raison... LA RIME. La Raison ? Bon ! Je ne sais ce que c'est, et je ne l'ai jamais connue. MERCURE. J'en suis persuadé ; mais je veux vous bien remettre avec elle. Hola, Merveilleux, dites à la Raison qu'elle se rende ici, que la Rime souhaite lui parler. MERVEILLEUX. J'y cours, Seigneur. LA RIME. Eh pourquoi, s'il vous plaît, la Raison est-elle fâchée contre moi ? Est-ce parce que je chante aux filles ? AIR.Défiez vous de ces conteurs ;Tous complimenteursSont menteurs ;Leurs douceurs Ne sont que fadeurs.On ne trouve dans leurs ardeursQue des froideurs. MERCURE. Je conviens que cette maxime est bonne. LA RIME. Est-ce parce que je fait dire à un Cadedis :Qu'en valeur toujours il prima,Et que du monde il supprima Quiconque avec lui s'exprima ?Que jadis auprès du LibanSes aïeux contre le TurbanDe Toulouse et de MontaubanConduisirent l'arrière-ban ? MERCURE. À merveille ! LA RIME. Est-ce parce qu'on m'a entendu dire que près des femmes : AIR.Sans quibusTout est Phoebus,Rebus,[Note : Bibus : Terme de mépris, employé uniquement dans la locution de bibus, qui signifie sans valeur, sans importance. ]Bibus ;Que jeune, Vieux,Cadet,Homme mûr et doyen,Aucun ne peut, sans ce moyen,De Cythère être citoyen ? Est-ce à cause de cette chanson qu'un buveur m'a prié de faire contre les enfants d'Esculape ? AIR.Médecin mal instruit,Qui voudrait aujourd'huiDe mon corps faire un puits,Va-t'en vite et t'enfuis, Ton breuvage m'a toujours nuis. Si j'avais recours à lui,Je serais dans deux jours cloué dans un étui.Vive Celui[Note : Muid : Ancienne mesure de capacité, qui variait suivant les provinces. [L]]Qui sort du muid.De ma santé c'est la plus ferme appui. Vive celui qui sort du muid ;C'est par luiQue je suisTous les jours sans ennui. Bis. MERCURE. Il faut convenir avec vous que c'est la vérité. LA RIME. Faites la donc venir cette Raison ? Qu'elle m'explique ce dont il est question. MERCURE. Hola, Merveilleux, avez vous dit à la Raison de se rendre ici ? SCÈNE V. Mercure, La Rime, Merveilleux. MERVEILLEUX. AIR. Ô turlutaine.[Note : Prétentaine : Terme familier usité seulement dans cette locution : courir la prétantaine, courir çà et là, sans nécessité. [L]]J'ai couru la prétentaine Pour vous l'amener ici MERCURE. Vous flattez-vous qu'elle vienne ? MERVEILLEUX. Ô turlutaine. MERCURE. La verrons-nous aujourd'hui ? MERVEILLEUX. Turlutu, tantaléri. Il sort. MERCURE. Vous voyez bien que ce n'est pas de ma faute. LA RIME. AIR. Les petits tourelourirette.Croyez-moi ne la cherchez plus,Vos efforts seraient superflus ;Elle n'a rien que je regrette,Son absence me fait du bien,Et je m'en tourelourirette, Je m'en passe bien. Bis. SCÈNE VI. Mercure, Le Poète. LE POÈTE. AIR. Laire lan laire.Ô trois ou quatre fois heureux ! MERCURE. Notre compteur revient joyeux. LE POÈTE. Que de beaux vers je m'en vais faire,Laire la, etc. MERCURE. Vous me tenez parole. Voyons un peu le choix que vous avez fait. LE POÈTE. Volontiers. AIR. Je ne suis né ni Roi ni Prince.Vingt maximes par accolades,Six quiproquo, douze tiradesSont dans cette poche en paquets ;Là, des récits, des confidences,Trente songes, vingt-six portraits, Et dix-huit reconnaissances. MERCURE. Quelle provision ! LE POÈTE. Oh pour cela vos gens n'ont accablé de bienfaits. AIR. Buvons à nous quatre.Ils ne sont pas chiches,J'en suis fort content :Ils m'ont donné galammentSix-cents hémistiches, Et les quatre au cent.Oh palsambleu, j'ai de quoi briller. AIR. Bannissons d'ici l'humeur noire.Que de compliments, que d'éloges !Mon nom va voler jusqu'aux cieux ;Parterre, Amphithéâtre, Loges,Sur moi, tout fixera les yeux. MERCURE. Tout le monde se sert de ces hémistiches ; mais il y a façon d'en faire usage. Voyons un peu comme vous arrangez cela. LE POÈTE. Bon ! Il n'est rien de plus aisé, et j'ai la tête si meublée, que je puis faire un impromptu dont je me flatte que vous serez satisfait. MERCURE, bas. [Note : Revenant-bon : Vieilli. Profit provenant d'une affaire, d'une activité, d'un métier. [L]]Le revenant-bon de mon emploi est de ma divertir des fous. Haut.Allons, Monsieur, je vous écoute. Commencez. LE POÈTE, déclamant. Je vais te révéler un important secret ;Écoute, chez Arcas, écoute, et sois discret.- En couvez-vous douter. - Tu connais Laonice.- Laonice, Seigneur ? - Soit raison, soit caprice,Je sens pour cet objet les feux les plus constants. - Et depuis quand, Seigneur ? - Assez et trop longtemps.- Seigneur, ignorez-vous, et faut-il vous apprendreQue l'on est malheureux quand on a le coeur tendre ?Oubliez-vous ?... - Finis tes discours superflus,Le sort en est jeté ; non, ne m'en parle plus. - Puis-je me taire et voir qu'on trahit votre flamme ?- Quoi ! Malgré le beau feu qui règne dans mon âme,La Princesse pourrait brûler d'une autre ardeur ?- N'en doutez pont, Seigneur. - Ah, comble de douleur !Armez-vous, Dieux vengeurs, grands Dieux, lancez la foudre ; Impitoyables Dieux ! Dieux, mettez les en poudre.J'en atteste les Dieux, les Dieux m'en sont témoins.Justes Dieux, c'en est fait ; Dieux, quels prix de mes soins !Ciel ! Que viens-je de voir ! Ciel, que viens-je d'entendre ! Ciel, que m'apprenez-vous ! Ciel, que viens-je d'apprendre ! Courons, allons, Arcas. - Arrêtez un moment.- Où la princesse est-elle ? - En son appartement.Je la vois, elle vient ; c'est elle qui s'avance.Arcas, retirez-vous. Il jette son chapeau. MERCURE, bas. Qu'est ceci ? LE POÈTE. C'est le confident qui sort.Je tremble en sa présence Il feint d'aller au-devant de la Princesse.Quel bonheur vous amène, en croirai-je mes yeux ? Quoi, Madame, c'est vous : vous, Madame, en ces lieux !Je revois les attraits dont mon âme est ravie !Pouvais-je m'en flatter ! Ô sort digne d'envie !Unique et cher objet de mes voeux les plus doux,Je puis donc à la fin mourir à vos genoux. Que mon coeur est charmé, que mon âme est contente !Que mon bonheur est doux, que sa douceur m'enchante ! Princesse, au nom des Dieux, apaisez ce courroux.Princesse, au nom des Dieux, parlez, expliquez vous. À Mercure.Elle ne répond rien... Vous gardez le silence ? Malheureux que je suis, que faut-il que je pense !Malgré cette rigueur, vous le dirais-je hélas !L'amour et ses rigueurs ont pour moi des appas ;Et quoiqu'on puisse faire, et quoiqu'on puisse dire,Je chérirai toujours l'amour et son empire. - Prince, quand on vous voit, on voit un grand vainqueur ;Mais tout vainqueur est homme, et tout homme est trompeur ;Bientôt, si mon amour payait votre tendresse,Vous changeriez. - Moi ? - Vous. - Que votre crainte cesse.- Non, ne vous flattez pas. - Ah quelle cruauté ! Dans ce fatal moment que je suis agité !Que le trouble me saisit, quelle horreur m'environne !Je ne me connais plus, je frémis, je frissonne.Tremblant, désespéré, dans l'état où je suis,Je sens à chaque instant redoubler mes ennuis. Destin, fortune, contre moi tout conspire ;Je n'y survivrai pas, il faudra que j'expire.J'expirerai, Madame, au sortir de ce lieu.- Prince, qu'allez-vous faire ! - Adieu, Princesse, adieu. Il sort. SCÈNE VII. Mercure, Le Compositeur. MERCURE. Je défie à tous nos auteurs de coudre mieux que lui. LE COMPOSITEUR. Seigneur, je vais vous dire en peu de mots le sujet qui me conduit à vous. AIR. Que j'estime mon cher voisin.Depuis longtemps je conçois là. MERCURE. Est-ce une comédie ? LE COMPOSITEUR. MERCURE. Mon talent est pour l'OpéraEt non pas pour Thalie. MERCURE. Pour l'Opéra ? LE COMPOSITEUR. [Note : Démogorgon : personnage de la mythologie inventé par Boccace. Il eut une fortune littéraire qui en fit un démon des ténèbres.]Oui. Qu'y a-t-il là d'extraordinaire ? J'ai amené avec moi des musiciens pour exécuter une ouvrage dont je veux vous faire par. Le sujet est Démogorgon, roi des Fées. MERCURE. Le titre promet beaucoup. C'est donc à la Musique, que vous travaillez, mais qui est l'auteur des paroles ? LE COMPOSITEUR. Bon ! J'ai des talents pour les vers comme pour la musique, et je travaille pour le grand Opéra. MERCURE. Vous ne pouvez pas mieux faire que de les contacter à ce théâtre ; c'est le plus fréquenté. AIR. Quand je tiens de ce jus d'OctobreÀ toute heure on voit sur ces tracesLa doux printemps et les zéphirs, L'Amour, les Attraits et les Grâces,Les Ris, les Jeux et les Plaisirs. LE COMPOSITEUR. Je sais cela par moi-même ; cependant j'ai recours à votre Magasin. MERCURE. Je vais vous mettre à même. J'ai provision de tout ce que vous pouvez me demander. Je m'en vais vous le faire voir. Hola, Merveilleux, apportez votre tiroir. LE COMPOSITEUR. Que diable ! Il n'y a pas là deux cents mots. MERCURE. Il n'y en as tout au plus que soixante et dix, et c'est assez pour un opéra. AIR. Le Seigneur turc a raison.Sur ces mots vus et revus,Tout son bien se fonde ;Par paire on les a cousus, De peur qu'on ne les confonde :Ils sont si bien assemblés,Qu'ils resteront accouplésJusqu'à la fin du monde. LE COMPOSITEUR. Héros glorieux, exploits fameux... Tous ces mots sont ordinaires. MERCURE. AIR. Le fameux Diogène.De la douce harmonie La puissance infinie,Par les chants les plus beaux,Tellement les manie,Et si bien les varie,Qu'ils paraissent nouveaux. LE COMPOSITEUR. Qu'est ce que ce paquet renferme ? MERCURE. Ce sont des épithètes dont vos auteurs lyriques se servent LE COMPOSITEUR. Verdure, Murmure, Boccage, Ramage, Ombrage... Et j'ai employé une partie de tout cela de mon ouvrage. MERCURE. À propos de votre ouvrage, vous m'avez promis de ma le faire entendre. LE COMPOSITEUR. Volontiers. Allons, Messieurs les musiciens, jouez l'ouverture. Il chante.Amour, cruel amour, que fais-tu dans mon coeur ?Pourquoi, trop funeste vainqueur,Me fais-tu, malgré moi, ressentir ta puissance ?Non, je ne suis pas fait pour toi,Non, non, tu n'est pas fait pour moi ; D'une tranquille indifférenceLaisse-moi goûter la douceur.Amour, etc. MERCURE. Fort bien. LE COMPOSITEUR. Arrive un confident qui vient me débiter quelque maxime pour me prouver que je dois me livrer à la tendresse, et qu'un grand coeur peut bien avoir une faiblesse ; je me rends à ses raisons. Je le charge même du soin d'aller parler à celle que j'adore. Il sort. C'est là la sujet du Divertissement, chose étonnante ! De pauvres misérables esclaves, qui ont langui vingt ans dans les fers ; c'est une charme que de leur voir passer un entrechat. MERCURE. Je reconnais l'Opéra à ce trait. LE COMPOSITEUR. Le Fée jalouse vient m'annoncer que j'ai un rival : la fureur me transporte. Je maudis l'amour. Je fait un tapage de tous les diables. J'implore les Furies. Il chanteVengez-moi d'un cruel outrage,Démons, accourez tout, Servez ma rageEt mon courroux.La Fée arrive, Choeur des démons, messieurs les musiciens.Nous accourons à ta voix :Qu'il gémisse,Qu'il frémisse, Qu'il périsse mille fois,L'ingrat qui cause son supplice. MERCURE. Vous faites de votre voix tout ce que vous voulez. LE COMPOSITEUR. La Princesse, à qui on fait une fasse confidence, vient se plaindre aux échos de ma légèreté. Une longue ritournelle lui donne le temps de faire deux ou trois trous de théâtre, et d'arranger sa queue ; après quoi elle chante ce qui suit. Allons, Messieurs, La Ritournelle. Il chante.Doux charme des coeurs amoureux,Espoir ne trouble plus mon âmeL'ingrat Démogorgon vient d'éteindre ma flamme, Mon coeur de tous les coeurs est le plus amoureux. MERCURE. Fort bien. Vous caractérisez de mieux en mieux. LE COMPOSITEUR. J'arrive à la fin de son air. Nous nous expliquons. La paix se fait pas un duo. Le divertissement tombe des nues. La fête vient des antipodes. Les quatre parties du monde, qui se trouvent heureusement rassemblées dans mon antichambre, entrent sur deux colonnes. La Bourbonnais chante une petit air. Dumoulin et la Mariette exécutent un Pas de Deux. Grands choeurs, Messieurs, pour terminer mon Opéra. Il chante.Chantons, chantons la brillante victoireD'un superbe ennemi couronné par le gloire.Qu'il triomphe à jamais au Temple de Mémoire.Que sur les Mers Que dans les AirsJusqu'aux EnfersOn entende le bruit de nos charmants concerts. MERCURE. Venez, que je vous couronne. LE COMPOSITEUR. Vous êtes donc content ? MERCURE. Ravi. Que d'heureuses dispositions ! AIR. Ô turluraine/Des beaux fruits de votre veine,Tout Paris sera rempli. LE COMPOSITEUR. Je vais effacer sans peine... MERCURE. Ô Turlutaine. LE COMPOSITEUR. Quinault, ainsi que Lully. MERCURE. Turlutu, tantaléri.Mais quoi vous terminez votre Opéra sans divertissement ? LE COMPOSITEUR. Oh, Monsieur, cela est trop juste. MERCURE. Merveilleux, Les danseurs sont-ils prêts ? SCÈNE DERNIÈRE. Mercure, Le Compositeur, Merveilleux, acteurs du divertissement. MERVEILLEUX. Seigneur, il n'attendent que vos ordre. MERCURE, chante. AIR. Vous, qui voyez les dames.Que la danse commencePar les chants les plus doux :Chantez et dansez tous. CHOEUR. Chantons, etc. VAUDEVILLE. ***************** Erreur dans l'interprétation du texte (ligne 372, programme : edition_txt_TOUT.php)Supposons qu'on associe Du Maine trente bourgeois,Quarante de Normandie, Un Picard, trois Champenois,Combien dans cet assemblageTrouvera-t-on de coeurs droits, Trois ;Si l'on en veut davantageJe garantie le calculNul.Que ta liqueur souveraine, Cher Bacchus, nous réjouit,Par toit la plus grande peineDans l'instant s'évanouit.Un manoeuvre, un pauvre diable;Qui fait souvent, en cognant, Han,Se croit un Roi lorsqu'à tableIl porte une verre à son but Hut.Si c'est un honneur de boire, Et de sabler proprement,Français, cède cette gloireAu redoutable Allemand.Quelquefois quand tu te piques,Tu boiras à ta Philis. Bis :Mais les gosiers germaniquesSablent d'une trait un plein brocCloc.Pour être chéri des belles, Les véritables ressortsQu'il faut mouvoir auprès d'elle,Ce sont ceux des coffres-forts.Tous les charmes qu'on possède,Sans cela, sont des trésors Morts ;Mais fut-on fait comme un zède,L'argent redresse le corpsTorts. ==================================================