******************************************************** DC.Title = LE PROVERBE MANQUÉ. DC.Author = NADAUD, Gustave DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 18/04/2022 à 19:02:59. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/NADAUD_PROVERBEMANQUE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bptk2079440 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE PROVERBE MANQUÉ 1881. Tous droits réservés. PAR M. GUSTAVE NADAUD F. Aureau. - Imprimerie de Lagny. PERSONNAGE MONSIEUR. MADAME. LE PROVERBE MANQUÉ MONSIEUR, il regarde sa montre. Il est tard, n'est-ce pas ? Oui, ce n'est pas ma faute : C'est ma femme. Chez nous la femme a la main haute. MADAME. Quand cela serait vrai, serait-ce bien le casD'initier le-monde à nos petits débats ? MONSIEUR. Non. MADAME. Nous sommes ici pour jouer un proverbe. MONSIEUR. Alors, dépêchons-nous. Ce salon est superbe ;Mais le théâtre, où donc est-il ? MADAME. Je n'en sais rien. MONSIEUR, au public. Ni vous. À la rigueur, on s'en passerait bien. MADAME. Si nous nous en passions ? Il suffit qu'on nous fasse,Pour un petit proverbe, une petite place. MONSIEUR. Que de monde, grands dieux ! On en a mis partout,Et ces messieurs qui sont là-bas au bout, debout,Ils ne pourront rien voir. MADAME. Mais ils pourront entendre. MONSIEUR. Ils m'inspirent dès lors l'intérêt le plus tendre. Criant au fond.Monsieur, m'entendez-vous ? Oui ? MADAME. C'est donc pour le mieux. MONSIEUR. Savent-ils quel danger en résulte pour eux ? MADAME. Ainsi, point de théâtre ? MONSIEUR. Un fauteuil, une chaise. MADAME. Et deux mètres carrés, nous serons fort à l'aise. MONSIEUR. Deux mètres, cela fait deux ou trois de mes pas. MADAME. Trois ou quatre des miens. Ils arpentent la scène. MONSIEUR, aux dames voisines. Ne vous dérangez pas. Supposons qu'un beau jour les plantes d'un parterre,Sans façon franchissant leur bordure de lierre,Envahissent l'allée et coupent le chemin,Au lieu de les pousser du pied et de la main,Le jardinier leur dit : « Verveines et lavandes, Vous qui savez ainsi sortir des plates-bandes,Fleurs de notre jardin, poussez à votre gré :Ne vous dérangez pas, je me dérangerai. »Puis cela nous fera gagner quelques minutes. MADAME. Commençons. MONSIEUR. Commençons, mais accordons nos flûtes. Où sera la coulisse ? MADAME. Et puis nous oublions. MONSIEUR. Quoi donc encore ? MADAME. Il faut que nous nous habillions. MONSIEUR. C'est juste; des acteurs jouant sans leurs costumes,C'est le renversement de toutes les coutumes.C'est encore un quart d'heure. MADAME. Un quart d'heure, tu crois ? MONSIEUR. Oui.. MADAME. Mais s'il t'en faut un, il m'en faut deux ou trois. MONSIEUR. Trois quarts d'heure de femme, et de ma femme encore,Nous pourrions commencer au lever de l'aurore,Et quand nous reviendrons en habits Pompadour, L'aiguille de ma montre aura fait demi-tour.Si nous nous en passions?, MADAME. De quoi? MONSIEUR. De nos costumes. MADAME. C'est le renversement de toutes les coutumes. MONSIEUR. Oui, c'est moi qui l'ai dit. Mais, mais, il se fait tard. MADAME. Il est vrai qu'on pourrait gagner une heure et quart. MONSIEUR, au public. Soyez-nous indulgents, messieurs ; qu'il vous suffiseDe savoir que madame est jolie et marquise. MADAME, même jeu. Que monsieur est bien fait, galant et chevalier. MONSIEUR. Du rouge, de la poudre, une queue, un panier. MADAME. Un habit apaiiions, un jabot de dentelle.Vous le voyez d'ici. MONSIEUR. Vous la connaissez telle. Ah ! J'oubliais. La scène, on ne sait pas pourquoi,Se passe à Trianon... MADAME. Et Louis seize est roi. MONSIEUR. Nous avons quatre acteurs nous d'abord. MADAME. Puis Lisette. MONSIEUR. Et puis maître Frontin, mon valet. MADAME. Ma soubrette. MONSIEUR. Mais ils ne sont pas là. MADAME. Si nous nous passions d'eux ? MONSIEUR. Soit ; ils ne font qu'entrer et sortir. MADAME. Reste deux. MONSIEUR, tendant la main à madame. Reste un, si tu veux bien. MADAME. Je n'ai pas de rancune. MONSIEUR. Puisque ma femme et moi... MADAME. C'est tout un... MONSIEUR. C'est toute une.Théâtre, habits, valets supprimés, commençons,Au lever du rideau. Mais nous nous en passons, Pour cause. MADAME. Je suis seule et je sonne Lisette. MONSIEUR. Supprimant les valets, supprimons la sonnette. MADAME. C'est juste. Alors j'explique... MONSIEUR. Un peu trop longuement... MADAME. Que mon mari défunt était... MONSIEUR. Un garnement. MADAME. Et que ne voulant pas renouveler l'épreuve, Je suis bien décidée à toujours rester veuve. MONSIEUR. Eh bien, voilà la scène expliquée en deux mots,Nette, claire, précise. Alors à quel proposLa jouer ? Tout le monde ici la sait de reste.Puis elle dure au moins... MADAME. Si nous la supprimions ? MADAME. Douze minutes. MONSIEUR. Peste ! MADAME. Oh ! oui ! Supprimons-la. MONSIEUR. Ici la veuve chante une romance en la. MADAME. Passons-la. MONSIEUR. J'entre alors, j'interromps la romance. MADAME. C'est, à vrai dire, ici que la pièce commence. MONSIEUR. J'entre donc par la gauche et je m'explique ainsi. (Voyons, la porte est là, la fenêtre est ici) :« Madame, je passais, lorsqu'une ritournelle... »Ah ! Diable, nous voici dans la grande querelle,Vous savez, le combat de Gluck et Piccini ? MADAME. À moins d'un gros quart d'heure on n'en a pas fini ! MONSIEUR. Supprimer ces débats, ces brouilles, ces disputes,Ce serait donc gagner au moins quinze minutes.Si nous les supprimions ? MADAME. Ce serait mon avis. MONSIEUR. Ma femme, vos conseils doivent être suivis.Il me vient une idée assez extravagante. MADAME. Mon mari, votre idée est peut-être excellente. MONSIEUR. Si nous ne jouions pas ? MONSIEUR. Pas du tout.À quoi bon les laisser s'ennuyer jusqu'au bout ? MADAME. S'ennuyer est bien dur. MONSIEUR. Ce proverbe, à vrai dire,N'est ni bon ni mauvais. Or, du meilleur au pire, La différence est mince, et, sans être bien fin,Dès le commencement on devine la fin.On sait bien, en amour, que, plus on se malmené,Plus on doit s'épouser à la dernière scène.Si nous ne jouons pas, compte combien d'heureux Nous faisons nous d'abord, ici cela fait deux,Puis la bonne moitié de ceux qui nous entendent,Et tous ceux qui, de loin; sans rien entendre, attendent. MADAME. J'ai compris tout à l'heure une dame, là-bas,Qui disait doucement : « Ils n'en finiront pas ! » MONSIEUR. Je viens d'apercevoir un monsieur, ici contre,Qui d'un regard furtif interrogeait sa montre. MADAME. Oui, Madame, c'est long. MONSIEUR. -Oui, Monsieur, il est tard.Mais ce n'est pas vous seuls.qui pensez au départ.Songez à vos cochers qui sont là sur un siège, Bravant le froid, la pluie, et peut-être la neige ;Songez à vos portiers dont le-sommeil completDatera de ces mots : « La porte, s'il vous pLait. » MADAME. Songez à vos valets de l'un et l'autre sexeQui sont là, s'étirant dans un repos perplexe ; Ils savent (les valets aiment à tout savoir)Qu'on levait vous jouer un proverbe ce soir. MONSIEUR. Or, on sait à Paris ce que jouer veut dire.Les païens n'avaient pas inventé ce martyre :Renverser l'existence et se donner l'ennui. De commencer demain pour finir aujourd'hui.Songez à vos santés. Une formule anciennePlace dans le sommeil la meilleure hygiène. MADAME. Songez à vos enfants, à ces petits amisQui sont depuis longtemps dans l'alcôve endormis; MONSIEUR. Assez, femme ; voilà la raison meilleureOn ne peut pas parler d'enfants sans que je pleure. MADAME. Ils ont peut-être soif ? MONSIEUR. Ils ont peut-être faim ? MADAME. Portons-leur un baiser. MONSIEUR. C'est le mot de la fin. Fausse sortie. MONSIEUR, à la cantonade. Le rideau ! baissez-donc le rideau !... je suis bête. MADAME. Mon mari, vous avez ce soir perdu la tête,Et de votre public vous vous êtes moqué. MONSIEUR. Cela s'appellera le Proverbe manqué. ==================================================