******************************************************** DC.Title = NOUVEAUX DIALOGUES DES MORTS, DIALOGUE PREMIER DC.Author = MILLEVOYE, Charles DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Dialogue des morts DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:10. DC.Coverage = Pays mythologique DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MILLEVOYE_DIALOGUELUCIENBOILEAU.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LUCIEN BOILEAU NOUVEAUX DIALOGUES DES MORTS DIALOGUE PREMIER M. DCCC. XXVII. DE MILLEVOYE À PARIS, CHEZ FURNE, LIBRAIRE, rue Saint-Jacques, au-dessous de la Fontaine Saint-Benoît, au Temple du Goût. PERSONNAGES. LUCIEN. BOILEAU. LUCIEN, BOILEAU. LUCIEN. Là régnait Despréaux, leur maître en l'art d'écrire (VOLT., Temple du Goût.)Salut, trois fois salut au maître en l'art d'écrire. BOILEAU. Quoi ! Tu n'amènes pas nos frères en satire? LUCIEN. C'était chose impossible, et nous y tombons mal.Gilbert, les yeux hagards, hurle avec Juvénal ;Perse de mots précis bourre un vers laconique ; Horace rit des trois. BOILEAU. Et Régnier le cynique ? LUCIEN. Il est fort occupé. Travaillant de son mieuxA rendre ses écrits dignes d'honnêtes lieux,[Note : Macette : Nom d'une satire de Régnier.]Il relisait Macette, et dès lors je soupçonneQu'il n'aura plus le front de la lire à personne. BOILEAU. Que fait Aristophane ? LUCIEN. Il devient plus civil,Car il insulte moins ; mais il est toujours vil.Quoi qu'il en soit, parmi ses terrestres dépouilles,[Note : Les Grenouilles : Nom d'un drame satirique d'Aristophane.]Il semble avoir laissé son fiel à ses grenouilles (a). BOILEAU. De l'observer de près j'aurais été jaloux. LUCIEN. J'aime fort les méchants tels qu'Horace et que nous :Les autres, je les hais, et de toute mon âme.Point de pacte entre nous et le railleur infâme[Note : Ménippe : Cynique très-frondeur, souvent mis en scène dans les Dialogues de Lucien.]Près de qui mon Ménippe était un vrai mouton.Il dénigra Socrate ; et tu sais de quel ton Il vouait au mépris cette Athène immortelleQui riait aux éclats lorsqu'il se moquait d'elle. BOILEAU. Quant à moi, je ne fus que l'effroi des rimeurs. LUCIEN. Tu parlas trop de vers, et point assez de moeurs ;Et ta critique enfin, plus maligne qu'austère, Tomba plus sur l'esprit que sur le caractère.Pour moi, laissant en paix sommeiller leurs écrits,Je ne me brouillai point avec nos beaux esprits.Plus hardi, je lançai mes vives apostrophesAux charlatans parés du nom de philosophes ; J'osai faire avanie à certains demi-dieux :J'attaquai tour à tour les vices odieux,Hypocrisie, orgueil, cupidité, bassesse ;Mes traits les plus aigus assaillirent sans cesseCes vautours attroupés auprès des testateurs, Et qui du jour funèbre accusent les lenteurs.Rabaissant les exploits de nos foudres de guerre,Je pesai le néant des gloires de la terre ;Et, sans nuire à personne, en mes tableaux mouvants,Sous le masque des morts je peignis les vivants. BOILEAU. Ton siècle fut traitable, et sur lui la critiquePouvait à pleines mains verser le sel attique :Le mien, un peu guindé, s'en offensait encor ;Mais celui-ci, dit-on, est le vrai siècle d'orPour la satire. LUCIEN. En grand il faudrait peindre l'homme. Tu ménageais Paris. BOILEAU. Toi, tu cajolais Rome. LUCIEN. Du nom d'adulateur tu fus gratifié. BOILEAU. De juge partial tu fus qualifié. LUCIEN. D'Alexandre-le-Grand je raccourcis la taille. BOILEAU. Un jour, au grand Louis prêt à livrer bataille, J'adressai de Pyrrhus l'épisode admiré. LUCIEN. Louis au fond du coeur t'en savait fort bon gré :Il aimait peu la guerre, et bénissait, je gage,[Note : Allusion à ce vers de Boileau en parlant de Louis XIV : Se plaint de sa grandeur qui l'attache au rivage.]Sa grandeur qui toujours l'attachait au rivage. BOILEAU. Un historiographe ose à peine in petto Convenir... LUCIEN. Tu n'as point fatigué ta Clio. BOILEAU. Racine y suppléa ; seul il en eut la gloire.Du débotter royal il consignait l'histoire;Et le peuple, certain de n'être pas trompé,Savait juste en quel bourg son prince avait soupé. Mais un siège fameux m'ayant remis en veine,Monté sur le trépied, j'enfantai, non sans peine,Une ode... LUCIEN. Oui, je le sais, une ode sur Namur,Qui passe pour modèle, au moins en style dur.Le ricaneur Gilbert me l'a souvent citée. BOILEAU. Racine, cependant, me l'avait fort vantée. LUCIEN. En louant ces vers-là, c'est aux siens qu'il songeait.Mais, dis, n'as-tu pas eu quelquefois le projetDe prêter à des morts un piquant dialogue ? BOILEAU. Ce genre où tu brillais de mon temps fut en vogue. J'y consacrai ma prose. LUCIEN. Il fallait des vers ; carOn ne va point à pied quand on possède un char. BOILEAU. Tu t'es borné toi-même à ta prose caustique. LUCIEN. Je n'eus point, par malheur, l'organe poétique,Ni le divin talent dont le ciel t'a doté. BOILEAU. De te traduire en vers je fus souvent tenté.Mais je crois qu'on l'essaie, et que prêt à paraître... LUCIEN. J'entends. Ah ! L'écolier vient à défaut du maître. BOILEAU. Qu'importe ! on jugera son savoir-faire. LUCIEN. Eh bien !Passe pour l'écolier, pourvu qu'il soit le tien. ==================================================