******************************************************** DC.Title = LA HALLE AUX BAISERS, MONOLOGUE. DC.Author = MÉLANDRI, Achille DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:08. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MELANDRI_HALLEAUXBAISERS.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA HALLE AUX BAISERS MONOLOGUE EN VERS Dit par Mlle REICHEMBERG, de la Comédie Française. DESSIN DE WILLETTE. 1883. Tous droits réservés A. MELANDRI Imprimerie RAOUL BONNET et Cie, 38 rue de Chateaudun. PERSONNAGES UNE FEMME. LA HALLE AUX BAISERS [UN HOMME]. L'Enfant-Dieu qui préside aux tendres rendez-vous, Prenant ma main, me dit : « Madame, voulez-vous Venir visiter mon royaume ? - Partons ! » Et nous voici dévorant les chemins, Rapides, pour parler la langue des humains, Comme des chevaux d'Hippodrome. Laissant bien loin de nous la grand'ville, Paris, Nous volions, escortés par les Jeux et les Ris, ( Les pleurs aussi... prêts à s'épandre ;) Je sentais que mon coeur battait en désarroi Alors que, suspendue au bras du joli roi, J'entrai dans le pays du Tendre. - Regarde ! dit Éros ; c'est "La Halle aux baisers" « Lorsqu'on sent des désirs l'un par l'autre aiguisés, On y vient. J'ai pour chaque peine Un baiser spécial plus doux que le velours, Caressant et léger, fine fleur des mamours. Tu vois? Ma demeure en est pleine...» « Or va, tourne, reviens et circule à loisir, Grapille, chippe, prends : c'est à toi de choisir. Tu peux piller mes étalages. Reine pour tout un jour, à toi l'avide essaim, Avec leurs aiguillons s'ébattant sur ton sein, Des caresses folles ou sages. » « À toi le bec béant, qu'aux jours du renouveau, La colombe amoureuse offre à son tourtereau, Bacio : baiser en italien. Le doux bacio d'Italie, Le Kiss anglais, si long, qu'on meurt en le donnant, Et celui que ravit l'insecte bourdonnant À la rose de mai jolie! » Il avait disparu. - Je m'avançai d'un pas... Hélas ! Je crus marcher au-devant du trépas : Sifflant comme un noeud de vipères, Je vis, dragons-gardiens du seuil éblouissant, Le baiser de Judas, horrible, se dressant, Et le baiser des belles-mères. J'eus peur ! Il en venait par les quatre chemins De toutes les couleurs solennels baise-mains Des galantins faisant la roue, Baisers d'amour vendus, honteux d'un tel affront. Baisers d'ami, baisers de prêtre, sur le front, Baisers de frère, sur la joue. Celui que la promise accorde au fiancé, Un baiser tout de blanc et d'azur nuancé - Couleur de ciel et de nuages - M'apparut, évoquant à mes yeux attendris Les serments emportés par les ans défleuris, Doux rêves passés... ô mirages ! À côté, j'admirai, teint d'un rose éclatant Le baiser alangui, fiévreux, inquiétant, Qui s'attarde, revient, lutine, Lorsque, - la marguerite étoilant les prés verts, - Musette, en folâtrant découvre le revers De sa robe de mousseline. Et, tout auprès, je vis les baisers empourprés, Plus rouges que les plis des étendards sacrés Ou que la robe des cerises ; Plus rouges que la mer aux baisers du soleil ; Plus rouges que la rose ouvrant son coeur vermeil, Pâmée aux caresses des brises. Or, comme je frôlais leurs doux nids apaisés, Voilà que j'ameutai ces essaims de baisers, Vrai réveil d'oiseaux à l'aurore : Car, me couvrant partout, avec de jolis bruits, D'un vol audacieux, tous ces croqueurs de fruits Semblaient crier : Encore, encore !... Espérant échapper, je courus me blottir Dans un coin où venaient chanter et retentir De vieux airs enfantins et mièvres... Ô surprise, ô bonheur ! J'étais chez les bébés : Leurs gros baisers offerts, et jamais dérobés, Tout joyeux me sautaient aux lèvres. - « C'est à toi de choisir, » avait dit Cupidon, Mon choix est fait. Messieurs, je demande pardon Pour la fin de cette équipée : Mais, de tous les baisers, certes, le plus charmant, C'est celui que bébé garde pour sa maman, Et puis... celui de sa poupée. ==================================================