******************************************************** DC.Title = SUR LA LISIÈRE D'UN BOIS, COMÉDIE DC.Author = HUGO, Victor DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 10/08/2022 à 08:44:31. DC.Coverage = Grèce DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/HUGO_LISIEREDUNBOIS.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8617137c DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** SUR LA LISIÈRE D'UN BOIS COMÉDIE EN UNE SCÈNE ET EN VERS 1886. PAR VICTOR HUGO. PERSONNAGES LÉO. LÉA. UN SATYRE. SUR LA LISIÈRE D'UN BOIS LÉO. Ô charme tout-puissant de la pudeur farouche !Ma bouche ne doit pas même effleurer ta bouche ;Ta robe est le rideau du temple, et je ne veuxD'aucun souffle approchant trop près de tes cheveux ;Tiens ton voile baissé, Léa. Je te respecte. Ne crains rien de moi. LE SATYRE. dans le bois.Phrase absolument suspecte. LÉO. Cache ta beauté, viens, et, si je m'échappaisJusqu'à regarder, fais le voile plus épais.Tout ce que ton fichu couvre, je le devine ;Mais va, je n'oserais toucher ta chair divine, Comme on n'ose toucher l'aile d'un papillon.Tu laisses dans mon âme un lumineux sillon ;Tu semblais une rose ouverte dans des flammes ;Envolons-nous ; mêlons les ailes de nos âmes ;Soyons un couple honnête et céleste, et si pur Qu'on ne nous puisse plus distinguer de l'azur.Restons dans l'idéal. Je t'adore. LÉA. Je t'aime. LÉO. Non. Pas même un baiser. Rêvons. LE SATYRE. C'est un système.Mais cela ne va pas très loin. LÉO. Soyons heureux,Restons chastes ; c'est là l'amour profond... LE SATYRE. Et creux. LÉO. Aimer, c'est oublier la terre ; c'est refaireL'Éden rose au-dessus de cette sombre sphère.Oh ! L'amour est un ange. LE SATYRE. Et c'est un chenapan. LÉO. Commençons par prier. Levant les yeux au ciel.Dieu ! Toi qu'on nomme... LE SATYRE. Pan. LÉA. On frappe. LÉO. C'est l'écho. LÉA. Levant les jeux au ciel.Dieu des hauteurs sacrées, Toi qui rayonnes, toi qui bénis... LE SATYRE. Toi qui crées. LÉA. Sois avec nous. LE SATYRE. Il est toujours dans quelque coin.Soyez tranquilles. LÉO. Dieu ! Je te prends à témoin.Je la respecte. LE SATYRE. Encore ! Ah ! La pauvre petite ! LÉO. Levant les jeux au ciel.Amour et pureté ! LE SATYRE. [Note : Référence à deux pièces de théâtre qui se firent concurrence : une de Pierre Corneille et l'autre de Jean Racine.]Bérénice avec Tite. LÉO. Dieu fit ton âme ainsi que l'abeille son miel ;Avec toutes les fleurs. Oh ! la mer et le cielS'unissent pour former Cythérée Aphrodite ;Tout l'univers pensif et doux la prémédite ;Et pour faire un chef-d'oeuvre aussi complet que toi. Il faut à Dieu, dans l'ombre où tremble notre foi,L'éternité. LE SATYRE. Le temps de fumer un cigare. LÉO. Restons purs. Fleurs, oiseaux, soyez nos guides. LE SATYRE. Gare ! LÉA. Je t'aime. LÉO. Les oiseaux ont des chants infinis,Des langueurs, des soupirs, de longs essors... LE SATYRE. Des nids. LÉO. Sois comme l'hirondelle. LE SATYRE. Une bohémienne. LÉO. Tu serais dans la chambre à côté de la mienne,La nuit, seule en ton lit, eh bien, il suffiraitPour m'empêcher d'entrer dans ton réduit discretQue j'eusse, ô ma Léa, présente à la pensée Ta candeur d'un regard trop amoureux froissée,Ta grâce, ta beauté fraîche comme le jour... LE SATYRE. Et que la porte fût fermée à double tour. LÉO. La femme contient Dieu. Tout nous vient de toi, femme !Nous t'empruntons l'amour, nous t'empruntons la flamme, Nous le prenons le vrai, le juste... LE SATYRE. Et le menton. LÉO. Ton nom est Rhée, Aglaure, Hébé, Pallas... LE SATYRE. Goton. LÉO. Comme en avril la rose éclot dans les ravines,Toutes les vérités célestes et divinesFleurissent dans nos coeurs sitôt que nous aimons. Le haut des coeurs est blanc comme le haut des monts ;L'amour est ici-bas la grande cime humaine.Chaque pas fait vers Dieu vers la femme nous mène.Rien de mauvais peut-il nous venir d'elle ? NonLa femme, sous la forme auguste de Junon, Dans cette vérité qu'on appelle la fable,Verse au zénith un flot de lueur ineffable ;Le ciel est étoile par ses seins immortels.Oh ! Dans le voisinage innocent des autels.Le feu charnel s'épure, et l'on devient deux anges. Sous les cloîtres croulants, pleins de clartés étrangesL'ombre aime avoir un couple errer, tendre et charmantLes amours ont toujours hanté pieusementLes colonnes du temple. LE SATYRE. Et les piliers des halles. LÉA. Amour ! LÉO. Sublimité des choses idéales ! LÉA. Oh ! Que de profondeurs splendides nous voyons ! LÉO. La vie autour de nous se disperse en rayons. LÉA. Quand une aube s'achève, une aube recommence. LÉO. Tout au-dessus de l'homme est bleu. Le ciel immenseN'est que flamme et lumière. LE SATYRE. Excepté quand il pleut. LÉO. Vivons ! Du pur amour serrons le chaste noeud.Oh ! Quel travail charmant ! Garder ton innocence !L'adorer ! N'être plus qu'un esprit, qui t'encense !Sonder tes yeux profonds ! Épier tes désirs !T'inventer une suite aimable de plaisirs ! Baiser tes pieds, subir tous tes caprices, êtreTon esclave fidèle et doux, ton chien, ton prêtre !Vouloir ce que tu veux ! Se creuser le cerveauPour l'offrir à chaque heure un délire nouveau !T'ouvrir des paradis inconnus ! Faire éclore Sur ton front le sourire et dans ton coeur l'aurore !Ne jamais oublier un instant le devoirDe chercher ce qui peut te charmer, t'émouvoir.Te plaire ! Et tous les jours recommencer ! LE SATYRE. Va, pioche. LÉO. Viens ! LÉA. Où ? LÉO. Dans ce bois. LÉA. Mais... LE SATYRE. Fin de l'idylle : un mioche. H.H, 16 juin 1873. ==================================================