******************************************************** DC.Title = L'EUNUQUE OU LA FIDÈLE INFIDÉLITÉ, PARADE DC.Author = GRANDVAL, Charles-François Racot de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parade DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 03/05/2020 à 17:09:29. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GRANDVAL_EUNUQUE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6461105j/f12.image DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'EUNUQUE OU LA FIDÈLE INFIDÉLITÉ Parade en vaudevilles mêlée de prose et de vers [M. DCC. LV.] ÉPITRE DEDICATOIRE. Air. Grand Duc de Sayoye. Gréez l'hommage De ce Pot-pourri ; Chez vous, mon Ouvrage Demande un abri : Au lieu de suffrage, Si vous dites Non ; Je casse de rage, Ma Flute à l'oignon. CONSEIL DE L'AUTEUR À SA MUSE. Air. Elle a bien autre chose qui surpasse cela. Si le Public, ma chère, Vous reçoit d'un air froid, Courez chez la Beurrière Implorer de l'emploi : Endurez, sans rien dire, Le mépris, le dégoût, Car, jusqu'à la Satyre, Le papier souffre tout. L'AUTEUR AU LECTEUR. Air. La beauté, la rareté, la curiosité. Je ne vanterai point, de ma burlesque Lyre, La Beauté. L'Apollon de Montmartre est le Dieu qui m'inspire ; La Rareté ! À cet aveu, Lecteur, aurez-vous, de me lire ; La Curiosité ? APPROBATION DE LA FOLIE. Air. Les Jolies d'Ef pagne. Plusieurs chemins conduisent au sublime ; L'Auteur qui croit sa Pièce faite au tour, Justifiera notre parfaite estime, En produisant son Ouvrage au grand jour. PERSONNAGES CASSANDRE, Vieillard. LE DOCTEUR, père ou cru père d'Isabelle. ISABELLE. LÉANDRE, Neveu de Cassandre et accordé en mariage à Isabelle. COLOMBINE, Suivante d'Isabelle. UN DOMESTIQUE. La scène est à Paris dans le Jardin ou dans la Salle de Compagnie de la Maison du Docteur. L'EUNUQUE SCÈNE PREMIÈRE. Cassandre, Isabelle, Colombine. ISABELLE. Air. Des Fraises.Trois rois j'ai vu le mois d'août,Sans retrouver Léandre ;J'ai beau le chercher partout, Je ne sais plus par quel boutM'y prendre ; m'y prendre, M'y prendre. CASSANDRE. Air. De tous les Capucins du mondesIl met bien si famille en peine,[Note : Prétentaine : Terme burlesque, qui ne se dit qu'en cette phrase proverbiale : ils ont été tout 1e jour courir la prétentaine ; pour dire, ils font allez deçà et delà. [F]]Courant ainsi la prétantaine. ISABELLE. Est-il mort ? COLOMBINE. Qu'est-il devenu ? CASSANDRE. Je ne sais ; mais en conscience Je n'ai pas encore entenduDans Paris crier sa sentence.Trois ans se font passés, depuis que votre père,Fameux Docteur, et moi, nous avons, pour vous plaire,Arrêté votre hymen avec ce mien neveu, Qui paraît aujourd'hui s'en soucier fort peu :Car le Contrat dressé, pour un pèlerinage,Notre Docteur forcé de se mettre en voyage,Décampe un beau matin qu'il faisait grand brouillard ;Votre futur aussi, le même jour, fuit, part Sans faire ses adieux ; et depuis cet esclandre,Vous ni moi, n'entendons parler de ce Léandre ;En vain, depuis trois ans, le drôle est attendu :Mais, mignonne, crois-moi, tu n'auras rien perdu. Air. Les Pèlerins de Saint Jacques.Léandre, pour chercher fortune Je ne sais où,Depuis très longtemps, à la LuneA fait un trou :Si prendre le titre d'épouxCause sa peine ; À sa place, voudriez-vousSouffrir que je le prenne ? Air. Un jour passé dans les tourments.Craignant de nuire à mon neveu.J'ai renfermé mon feuDix-huit mois, six et douze ; Mais, c'est plus fort que jeu,Souf...frez que je... vous épouse ;En guise de mon cher neveu. COLOMBINE. Air. Vous qui vous moquez par vos ris.Avant tout qu'il se fasse doncTraiter de sa jaunisse, Que son asthme, sa fluxion,[Note : Cautère : Petit ulcère artificiel, arrondi, que l'on ouvre dans les parties où abonde le tissu cellulaire. [L]]Son cautère guérisse :Après quoi ce vaillant champion,Entrera dans la lice. Air. Réveillez-vous, belle endormie.Que pourriez-vous faire, à votre âge, D'un homme aussi cassé que lui ?Tenez, écoutez le langageQue tient toujours un vieux mari ? Air. Pour la Baronne.J'ai la migraine,Ma femme, sans moi, couchez-vous ; J'ai la migraine,Cette nuit, passez-vous d'époux :Et tant que dure la semaine,Il vous répété avec sa toux,J'ai la migraine. CASSANDRE. Air. Les Trembleurs.Facilement ColombineCroit que l'on peut, sur ma mine,Me manger à la sourdine,La laine dessus le dos ;Mais je jure la mort diantre, Que je veux que l'on m'éventre,Si je ne fais dans ton ventreRentrer ses mauvais propos. ISABELLE. Air. Ma raison s'en va beau train.Vainement prétendez-vousUn jour être mon époux. Quoi ! Vieux Radoteur,Votre air séducteurPeut-il plaire aux fillettes ?Amour ! quand vous blessez un coeur,Mettez mieux vos lunettes, Lon làMettez mieux vos lunettes. Air. Dondaine, dondaine.Léandre a quitté la maison ; Bis.Il eut sans doute une raison,Dondaines, dondaines : Polichinelle, dit-on,A bien les siennes.Peut-être la colère où me met son oubli,Me ferait sur le champ accepter le parti.Je ne le sais que trop, et par expérience, Notre sexe est fragile ainsi que la faïence,Et bien que vous soyez impotent, vieux, Hibou,Vous paraissez être homme, et c'est toujours beaucoup.Mais de peur que ma vertu ne succombe encore à la tentation, voici ce que j'ai résolu depuis hier, en jurant par le Styx, comme un charretier embourbé. Air. Vous voulez me faire chanter.Pour vous prouver qu'à mon amant,Je me conserve entière, Écoutez ici le fermentQue l'Amour m'a fait faire.Je n'écouterai point les voeuxD'un jeune ou d'un caduque,Que je n'aie vu par mes yeux, Qu'il est vraiment eunuque. COLOMBINE. Allons, Monsieur, du courage ! Air. Il faut que je file, file.Vous pouvez la satisfaire ;Saisissez l'occasionPour parvenir à lui plaire,Sans nulle réflexion Allez donc vous faire faireVite l'opération. CASSANDRE. Air. Amis sans regretter Paris.Qu'il paraît d'inhumanitéDans cette fantaisie !C'est de dessein prémédité Vouloir m'ôter la vie. COLOMBINE. Quoi ! Vous balancez ? Ah, vous n'êtes pas un amoureux délicat. Air. Quand on a prononcé ce malheureux oui.Pour vous dédommager d'une flamme charnelle,Vous deviendrez dodu, vous aurez la voix belle,Vous n'aurez plus de barbe ; et par ce coup d'éclatVous lui gagnez le coeur, et régalez son chat. CASSANDRE. Air. Un certain je ne sais quoi.Je vous verrais rire de moi,D'avoir cette faiblesse :Si je n'ai plus tant de jeunesse,Au moins faut-il toujours sur roiAvoir un certain je ne sais qu'est-ce, Avoir un certain je ne sais quoi. ISABELLE. Air. Lanla derirette, lanla derira.Se peut-il que l'amour naisseAvec la caducité !De mes attraits, lequel est-ce: Qui pourrait avoir tenté Votre LanlaLanderirette ?Votre LanlaLanderira ? CASSANDRE. Air. Du haut en bas.Du haut en bas, Vous inspirez la paillardise,Du haut en bas,Je ne vous vois que des appas :Mais quelle aimable friandise,Quand je vous verrai sans chemise Du haut en bas ! Air. V'la c'que c'est qu'd'aller aux bois.De vous voir il est dangereux,V'là c'que c'est qu'd'avoir des yeux,Tout en vous est si gracieux,Votre peau doucette, Blanchette et douillette,Va faire un jeune homme, d'un vieux ;V'là c'que c'est : qu'd'avoir des yeux. ISABELLE. Pour vous réciproquer. Air. Le même.En vous je ne vois qu'un chassieux,Vlà c'que c'est qu'd'avoir des yeux. Tout en vous, me paraît crasseuxJ'ai bonne visiére,Les ondes, pour plaire,Ne vaudront jamais leurs neveux ; V'là c'que c'est qu'd'avoir des yeux. Quoi ! L'on m'appellerait moi, Madame Cassandre ?Ce discours, des deux yeux, se peut-il bien entendre ! CASSANDRE. Oui ; vous le prenez sur ce ton-là ! Eh bien sachez donc que le Docteur arrive aujourd'hui ; il est mon ami, et quoique le nom de Cassandre vous déplaise, je vous jure moi que vous le porterez, et que je vous épouserai à votre barbe. COLOMBINE. Quoi donc ? Vieux Chat-Huant. CASSANDRE. Air. Hélas, ce fut sa faute.Cessons tous ces discours picquants ; Bis.Cet hymen, dans fort peu de temps,Aura lieu de vous plaire. Et malgré vous, malgré vos dents,Je vous le ferai faire,Lon laJe vous le ferai faire. ISABELLE. Oh ! Parbleu je vous en défie. CASSANDRE. Air. Lére-la, Lére Lan Lère.Et pour m'assurer ce bonheur, Je vais au-devant du docteur,Qui débarque à la Grenouillère,Lére la, Lére lan Lére,Lére la, Lére lan la. Il sort. COLOMBINE, à Cassandre. Fin de l'Air... Il faut que je file, fils.Allez donc vous faire faire Vite l'opération. SCÈNE II. Isabelle, Colombine. COLOMBINE. Vous voyez ; j'ai fait ce que j'ai pu pour détourner ce vieux pénard de vous épouser ; mais s'il gagne l'esprit de votre père, comment ferons-nous ? ISABELLE. Air. Un inconnu pour vos charmes soupire.Pour que son coeur prenne bientôt la mouche,Je lui dirai que trois fois trois amants,M'ont mise en couche,Depuis trois ans ; Il connaîtra par mes aveux prudents,Que je ne fais point la petite bouche. COLOMBINE. Ah ! Ma foi, vous avez raison ; à quelque chose le malheur est bon. Mais il est à craindre en ébruitant votre aventure, qu'elle ne produise le même effet sur l'esprit de Léandre, s'il revient ; et qu'il ne se dégoûte de vous : Et franchement vous ne l'avez pas trop bien traité pendant son absence. Air. Vous m'entendez bien.Tête à tête avec Arlequin,Il vous a fait ce que Tarquin,Par excès de tendresse. ISABELLE. Hé bien ? COLOMBINE. Fit un jour à Lucrèce...Vous m'entendez bien. Air. Vous avez bien de la bonté.Plusieurs nuits avec Pantalon,Bien loin d'être farouche,Tous deux couchés de votre long, Vous étiez bouche à bouchePar la même facilité,Vous accordâtes votre coucheÀ Scaramouche :Pour eux en vérité Vous eûtes bien de la bonté. ISABELLE. Air. Le premier jour du mois de Mai.C'est la faute à ce mois de Mai,Quand se réveille la nature.Je leur plus, et je les aimai,C'est la faute à ce mois de Mai. Tous les trois m'ont mise à l'essai,Je dirai si l'on en murmure, C'est la faute à ce mois de Mai,Quand se réveille la Nature. COLOMBINE. Je crois effectivement que dans ce temps-là on est fort embarrassé. Air. Comment faire ?Malgré nous il vient un désir, Ce désir ne tend qu'au plaisir,Au plaisir peut-on se soustraire ?La pudeur conseille nenni,Mais le coeur dit, vas-y, vas-y ;Comment faire ? ISABELLE. Air. Nanon dormait.Léandre absentA causé ma déroute,En l'attendant,On m'a, sans qu'il m'en coûteUn denier de façon, Montré, montré,Montré comme on fait un garçon. COLOMBINE. Air. Mamie, Margot.Ah ! Qu'il fera beau carillonSi le fort vous rassemble !Un Arlequin, un Pantalon, Un Scaramouche ensemble,Ont cajolé sa mie,Ont cajolé sa mie Margot,Ont cajolé sa mie. ISABELLE. Air. J'étais malade d'amour.Tous les trois me faisaient leur cour J'en étais assiégée :À ces trois amants, tour à tour, Je me fuis adjugée.J'étais, j'étais malade d'amour,Ils m'en ont soulagée. COLOMBINE. Pourquoi disparaissait-il aussi ? Les absents ont toujours tort. ISABELLE. Air. Tes beaux yeux, ma Nicole.J'ai puni ton absence,En lui jouant d'un tour,À la seule vengeanceMes fils doivent le jour :J'en ai fait trois, sans peine ; Dans mes transports bouillants,J'aurais fait la douzaine,Si j'en eusse eu le temps. COLOMBINE. Air. Dans le fond d'une écurie.Une vengeance aussi douce,Doit avoir beaucoup d'appas. Aussi je jure tout bas,Si quelque amant me courrouce,Que je mettrai tout mon soin,À la Pousse... Pouffe... Pousse...Que je mettrai tout mon soin À la pousser bien plus loin. ISABELLE. Je suis bien de ton avis, et nous sympathisons toutes deux à merveille. Si Léandre revient, et que mes trois grossesses lui donnent un peu d'humeur, parce qu'il n'y aura point participé, pour apaiser sa colère... Air. Faire l'Amour la nuit et le jour.Je lui dirai, tout doux,À d'autres j'eus affaire ;Mais je pensais à vous,En m'occupant à faire L'AmourLa nuit et le jour.Tu en es témoin, Colombine, puisque j'ai eu l'attention de faire porter le nom de Léandre à tous mes enfants. COLOMBINE. Un sentiment si délicat ne peut que lui plaire infiniment ; il vous épousera tout de suite. S'il n'a que le reste des autres, c'est encore un bon reste, qu'on ne doit pas jeter aux chiens. Air. Menuet de Monsieur de Granval.Une rose, déjà flairée,Ne répand-elle plus d'odeur ?Et d'une bouteille entamée, Négligera-t-on la liqueur? ISABELLE. Ah ! Colombine,que tu as d'esprit ! Et que tes maximes me plaisent ! COLOMBINE. Mais, Mademoiselle, vous qui aimez tant l'Amour ; qui prenez tant de plaisir à le faire, je m'étonne que vous n'ayez pas accordé à Léandre ce que vous avez si facilement prodigué aux autres. Est-ce qu'il ne vous a jamais pressée de... ISABELLE. Pour faire ce faux pas, je suis trop vertueuse.Sans doute que je suis de Léandre amoureuse ;Mais un homme choisi pour m'épouser un jour,Avant le temps marqué ne peut cuire à mon four. Un époux est toujours le dernier, Colombine,De ceux qu'à nos faveurs le doux destin destine.Il est bien vrai qu'un jour il ne s'est pas falluL'épaisseur d'un cheveu, qu'il n'ait tout obtenu. Air. Cela m'est bien dur.Brûlant de la plus vive flamme, Il vint tomber à mes genoux,Je le repoussai, mais mon âmeDisait tout bas, avancez-vous,À ses transports j'aurais été soumise,Si dans sa franchise, Il m'eût dit d'un ton ferme et sûr,Cela m'est bien dur.Il ne persista point, et sa molle indolenceEut peur de surmonter ma faible résistance.C'est ainsi qu'Annibal, s'arrêtant en chemin, A manqué le grand coup de dompter le Romain,Mais finirons ici notre entretien, ma chère,J'aperçois à l'instant le retour de mon père. SCÈNE III. Le Docteur, Cassandre, Isabelle, Colombine. Léandre, déguisé en esclave Turc ayant une fausse barbe. LE DOCTEUR. [Note : Barrière de Vaugirard : Une des portes qui permettait d'entrer dans Paris. Vaugirard est intégré au XVème arrondissement de Paris.]Bonjour, Isabelle, bonjour Colombine ! Ah ! Que je suis aise de revoir mes Dieux Pénates. J'ai rencontré mon ami Cassandre qui m'a dit ton goût pour les Eunuques ; je t'en ai arrêté un à la Barrière de Vaugirard. Il te servira à ce qu'il pourra. Regardez-le. ISABELLE. Je vous suis obligée, mon père.Plus mon oeil curieux, en effet, l'examine...Quelque chose lui manque, on le voit à sa mine. LE DOCTEUR. Air. La fille à la Druton.[Note : Poissy : Ville à 30 km à l'ouest de Paris.]Il allait à Poissy,Près de Salamanque:Les Turcs l'ont pris,Ce font des JuifsTout lui manque. On a pris ses habits,On a pris tous ses Louis,On l'a trop circoncis,Tout lui manque.Mais laissons cela. Tu t'en amuseras tantôt si tu peux. À Léandre.Va-t-en, mon ami ; on t'appellera quand on aura besoin de toi. Léandre sort. [SCÈNE IV]. Le Docteur, Cassandre, Isabelle, Colombine. LE DOCTEUR, à Isabelle. Viens donc que je t'embrasse. Air. Attendez-moi sous l'Orme.Privé de ma famille Depuis trois ans et plus,En embrassant ma fille,J'embrasse une Vénus.Ah ! Qu'elle est embellie ?Voyez de bout en bout Combien elle est grandie. COLOMBINE. Vous ne voyez pas tout. LE DOCTEUR. Sais-tu bien que j'arrive de Turquie ! Pour y aller, c'est tout comme à Rome, il y a plusieurs routes, mais j'ai laissé toutes les plus longues ; et j'ai pris la courte. ISABELLE. J'aurais fait comme vous, mon père. COLOMBINE. Nous avez-vous bien apporté des raretés, de ces contrées lointaines ? LE DOCTEUR. Oh ! Pour-çà, oui. Air. Nous jouissons dans nos hameaux.Au Pays du grand Mahomet,J'ai fait bien des emplettes ;J'ai quatre pintes de Sorbet, Des pipes, des lunettes. ISABELLE. Je vous quitte aisément du soinD'apporter ces merveilles :Heureux qui revient de si loinAvec ses deux oreilles ! LE DOCTEUR. Et toi, ma fille, ne t'es-tu point ennuyée pendant mon séjour d'absence ? ISABELLE. [Note : Avant la découverte de l'Amérique.]Non, mon père ; et j'ai appris un peu de Géographie. Je sais/ ce que c'est qu'une embouchure ; j'ai beaucoup de connaissance des trois parties du Monde*, et je sais leurs noms sur le bout du doigt. Air. Tes beaux yeux, ma Nicole.Loin de votre patrie,Quand vous restez trois ans,Pour apprendre en TurquieComme on fait des turbans,Pour devenir habile, Et chasser mes ennuis,Sans trop quitter la villeJ'ai vu bien du pays. COLOMBINE. Air. Le bout du monde.Tandis qu'un Docteur en voyageaBravant et corsaire et naufrage, À mille périls s'exposait.Sans aller sur l'Onde,Sa fille touchaitAu bout, au bout, au bout du monde. LE DOCTEUR. As-tu bien eu soin de faire faire les réparations nécessaires à notre maison ? Air. Menuet de Monsieur Grandval.Lorsque l'on a pignon sur rue, Une maison veut bien des soins. COLOMBINE. Bon ! Bon ! Vous verrez qu'elle est crue,En trois ans, de six pieds au moins. LE DOCTEUR. Comment ! Tu as bâti ! ISABELLE. Où, mon père, sur le devant. On y était trop à l'étroit, mais à présent qu'il est élargi, tout le monde y pourra loger à son aise. LE DOCTEUR. As-tu bien pris garde au feu ? ISABELLE. Ah ! Mon père, je le crains comme un ange, trois hommes que j'avais pris à mon service pour cela, y ont renoncé à cause de la fatigue. Air. Ramonez-ci, ramoneç-là.Le soir et la matinée,Vous m'eussiez vue acharnée À chanter à ces gens-là,Ramonez-ci, ramonez-là,La la laLa cheminée du haut en bas. LE DOCTEUR. Je parie que tu ne travaillais guère, et que tu étais toujours pendue à la fenêtre de la rue. ISABELLE. Air. Que je regrette mon Amant !Non, jamais je ne m'y mettais, Les voisins vous diront, mon père,Que pour suivre mon goût, j'étais,Presque toujours sur le derrière :Là je conçois assidument ; Colombine en faisait autant. Isabelle et Colombine ensemble.Je filais,Tricotais,Et cousaisAssidumentColombine en faisait autant. COLOMBINE. Je filais,Tricotais,Et cousais,Assidument,Isabelle en faisait autant. ISABELLE. Aussi je gage bien qu'il n'est guère de fillesQui se vante d'avoir épointé plus d'aiguilles. LE DOCTEUR. Tant mieux, c'est preuve de travail. Mais qu'as-tu fait de plus encore ? Car je veux tout savoir. ISABELLE. Air. Trois enfants gueux.Trois gros garçons, mon père, ici font nésCe fut là mon plus fréquent exercice : J'ai fait sevrer déjà les deux aînés, Le plus petit tète encor sa nourrice. LE DOCTEUR. Fort bien, ma fille, fort bien. Est-il beau de rester toujours les jambes croisées ? Air. Je ne suis né ni Roi, ni Prince.On sait trop par quelle malice,Le vice dans les coeurs se glisse,Il est fils de l'oisiveté,Plutôt que d'être à ne rien faire, Il vaut donc mieux, en vérité,S'occuper à peupler la Terre.D'ailleurs, je te dirai que c'est moi qui en suis cause. Te voyant prête à te marier, je n'ai entrepris mon voyage en Turquie, que dans la crainte que tu ne fusses aussi stérile que moi ; car ordinairement les filles les tiennent de leurs pères. Air. Du Cap de Bonne-Espèrance.N'ayant pu, par impuissanceFaire un petit nouveau-né,En Docteur, plein de science, J'ai fort bien imaginé,D'aller jusque à la Mecque ;Supplier, en Langue Grecque,Le Prophète Marabou,De t'en donner tout ton saoul. Mon pèlerinage a fait son effet, et sans doute, Mahomet a exaucé mes voeux, même avant que je l'eusse intercédé. C'est vraiment un coup du Ciel ! CASSANDRE. Air. Grimaudin.Il est, en prenant cete affaire,Plus doux que miel ;Pourquoi baptiser ce mystère,Un coup du Ciel ?Pour moi je suis bien convaincu ; Que c'est plutôt un coup fourré.Vous voilà trois enfants qu'elle vous a mis sur les bras, qu'en ferez-vous ? LE DOCTEUR. Même Air.Ne peut-on pas avoir la guerre ?Et dans ce cas,Les trois garçons, dont elle est mère,Seront goujats. C'est un charmant, et noble emploiDe faire des hommes au Roi. COLOMBINE. Mais, Monsieur, rien ne m'échappe. Vous venez de dire que vous n'aviez jamais eu d'enfants ; votre fille Isabelle ne vous appartient donc pas ? LE DOCTEUR. Tais-toi. Ce font des secrets de famille dans lesquels tu ne dois point entrer. Mais voici tout le mystère. Air. Un inconnu.Dans le moment que j'épousai sa mère,Je la savais grosse, comme un tambour ?Et la commère M'épousa pourPrendre un manteau qui couvrit nuit et jourTous les enfants qu'elle viendrait à faire.Et comme la Loi ordonne que les enfants que fait la femme soient ceux du mari, voilà pourquoi il n'y a que moi qui suis son père, en dépit d'elle, de toi, de tout le monde, et de moi-même. CASSANDRE. En tiens-tu, Colombine ? Te voilà muette. Voilà ce que c'est que d'être Docteur, on ferme la bouche à tout le monde. Mais, mon ami, allons donc voir les petits enfants qui font tout de même que si vous étiez grand-père. LE DOCTEUR, en sortant avec Cassandre. Colombine ! Reste avec ma fille tandis qu'elle causera avec cet eunuque qui vient ici. Que sait-on ? S'il lui allait prendre une envie de femme grosse ? COLOMBINE. Air. Le Mirliton.Hardiment seuls je les laisseQu'est-ce qu'il arrivera ? Je réponds de leur sagessePuisqu'entre eux deux il n'y aQu'un seul mirliton, mirliton, mirlitaine,Qu'un seul mirliton, don don. Elle sort. SCÈNE V. Léandre, Isabelle. LÉANDRE, déguisé comme il a déjà paru. Air. Nous sommes précepteurs d'Amour.Madame, parlez sans façon, Pourrai-je ne pas vous déplaire ?Et soufFrirez-vous un garçon, Qu'on a privé du droit d'en faire ? ISABELLE. Oui, mon cher Eunuque, vous m'avez plu d'abord. Il y a comme ça des physionomies qui vous reviennent tout d'un coup, et qui vous feraient faire toutes sortes de choses. Comment vous appelez-vous ? LÉANDRE. Ah ! Madame, depuis que je suis ce que vous savez, je cache mon nom à toute la Terre du monde. Nommez-moi comme il vous plaira, mais surtout... Air. Quand je tiens de ce jus Octobre.N'exigez point, belle IsabelleQue mon vrai nom paraisse au jour ; ISABELLE. Eh bien, je veux qu'on vous appelleDorénavant, Monsieur, tout court.Que je maudis cette infâme Turquie de vous avoir accommodé comme ça ! Cela fait dresser tous les cheveux d'horreur. Air. Com' vla' qu'est fait !Vous avez assez bonne mine ;Vous paraissez être bien fait ;Je vous vois la jambe très fine, Léandre fait un entrechat.Vous semblez avoir du jarret. LÉANDRE. Mais d'une créature humaine,Je ne suis hélas qu'un extrait !Vous diriez, sensible à ma peine,Si le reste à vos yeux s'offrait, Com'v'la qu'est fait!Com'v'la qu'est fait! ISABELLE. En vérité c'est bien dommage qu'un si joli homme. LÉANDRE. Air. Allez donc, jouez violon.À quoi peut servir ma figure ?Je songe à ma triste aventureQui jamais n'aura guérison. Un crocheteur m'est préférable :Si le jour il travaille en Diable,Avec sa femme, en sa maison,Le soir il peut... jouez violon ;Ta la la la, etc. ISABELLE. Mais si ces Mahométans continuent, il ne restera pas en France un homme entier. Il n'y en a pas déjà trop. Air. Menin qu'était plus fort.Devrait-on séparerUn homme de lui-même ?Cette fureur extrêmeNe se peut digérer.Voudraient-ils, sur la Terre, Ces Turcs, ces assassins,être les seuls à faireCe qu'on fait d'ordinaire ;Quand on fait les humains. LÉANDRE. Votre état me touche sensiblement. Et si vous étiez comme je voudrais, je ne pourrais m'empêcher de vous avouer la passion que vous m'inspirez.[Note : Il manque une réplique d'ISabelle entre les deux de Léandre.] LÉANDRE. Madame, est-il bien vrai ? Ah ! Que ne suis-je borgne et aveugle ? Puisque dans l'instant que je vous ai vue, mes yeux se sont si fort troublés... qu'enfin je vous adore. Ô Ciel ! Quoi nous nous aimons ? ISABELLE. Air. Le Démon malicieux et fin.Oui, pour vous, mon coeur s'est attendri, Mais vous ne serez point mon mari :[Note : Éclanche : Épaule de mouton séparée du corps de l'animal. [L]]J'épouserais plutôt un éclanche,[Note : Rasibus : Terme populaire Tout contre, tout près. [L]]Qu'un homme que l'on a fait rasibus ;Un gigot brille au moins par son manche ;Et s'il est tendre, il rend beaucoup de jus. Cependant, au plutôt je veux être épousée.Depuis que de ces lieux Léandre est éclipséJ'adorai trois ingrats, qui tous m'ont refusée ;Et chacun, en fuyant, un enfant m'a laissé.Patience, attendons ; dans cette grande Ville, [Note : Enjôler : Abuser par des manières ou paroles flatteuses. [L]]J'en puis enjôler un qui soit moins difficile. LÉANDRE. Air. Vlà le plaisir des Dames.Vous avez donc eu trois amants ? ISABELLE. Vlà le plaisir des Dames. LÉANDRE. Léandre en croyait vos serments,Il comptait sur des feux constants : Mais sans rougir,Récompenser trois flammes ! ISABELLE. V'là l'plaisir des Dames,V'là l'plaisir.Je ne fuis pas venue au monde pour abolir les lois. Ah ! Si vous étiez entré à notre service trois ans plutôt, vous auriez été témoin de tous les amusements que mes amants me procuraient. Air. Là-haut sur ces montagnes.Qu'il serait beau d'entendre Tous les murs de ces lieux! S'ils pouvaient vous apprendreNos plaisirs, et nos jeux :De combien de tendressesDe baisers, de caresses, Fut témoin l'escalier ; Et selon mon caprice,La cuisine et l'office,La cave, et le grenier. LÉANDRE. Mais, Madame, je vous avertis que Léandre va bientôt paraître en ces lieux. Je l'ai vu à Reims, à mon retour de Constantinople ; et il m'a même chargé de vous remettre de sa part trois pièces de tapisseries du Levant, qu'il vous envoie. ISABELLE. Ah ! Que de joie ! Je vais revoir Léandre, dis-tu ? Il est à Reims ? Eh ! Que fait-il là depuis trois ans ? LÉANDRE. Vous savez qu'il se plaignait depuis longtemps d'être trop resserré. Ce mal a toujours augmenté, et il s'est vu tellement constipé, qu'il ne pouvait plus rendre une seule bouchée. Il a consulté nombre de Médecins ; Enfin, Air. Vous veillez lorsque tout sommeille.Par un innocent artifice, Il a recouvré la santé.À Reims, il vit de pain d'épice ;Par ordre de la Faculté. ISABELLE. Mais on en vend dans cette ville,Pourquoi se soustraire à nos yeux ? LÉANDRE. Sans doute, il est bien plus utileDe le manger dessus les lieux.S'il vous épouse à son arrivée, comment ferez-vous pour lui déguiser la bréche qu'on a faite à son honneur ? ISABELLE. Lorsque nous irons nous coucher pour notre mariage... Air. Les filles de Montpellier.Tu fermeras le rideau,J'éteindrai notre chandelle,Pour attraper le nigaud, Je fuirai dans la ruelle,Aïhe, Aïhe, Aihe,D'un ton de Pucelle,Criant, Aïhe, Aïhe, Aïhe. LÉANDRE. Ah ! Madame, Léandre est Grec ; il s'apercevra de tout. ISABELLE. Eh bien ! Au bout du compte, je m'imagine qu'il ne m'en voudra pas tant de mal. Air. Vous voulez me faire chanter.Mon père n'est qu'un franc cocu, Grâce aux soins de ma mère Et Léandre, est bien convaincuQu'un cocu fut ton père :Au moment qu'il s'apercevraQue je ne suis plus fille ; Je compte qu'il prendra celaComme un bien de famille. LÉANDRE. [Note : Il ne se mouche pas du pied : c'est un homme habile, intelligent, résolu. [L]]Non, non. Il n'est pas homme à se moucher du pied, et surtout quand il verra une progéniture étrangère, c'est alors qu'il ne fera pas maître de sa colère. Air. Le temps se barbouille.Je prévois bien de la brouille,Quand Léandre arrivera,C'est peu de vous chanter pouille Je crois qu'il, vous rodera,Le temps se barbouille, bouille, bouille,Le temps se barbouillera. ISABELLE. Air. Sans dessus dessous, sans devant derrière.Ce serait un désagrément. Bis.Il faut cacher à mon amant, Que par trois fois l'on m'a fait mère,Sans dessus dessous, sans devant derrière,Avant qu'il devînt mon époux,Sans devant derrière, sans dessus dessous.J'imagine déjà un bon moyen. Tu n'as qu'à dire que tu es marié ; et que ces enfants sont les fruits de ton mariage. LÉANDRE. Bien caché à qui le cul voit !Léandre sait que je suis eunuque depuis quinze ans, et votre fils aîné n'en a que trois au plus. Air. Ici je fonde une Abbaye.Je ne puis faire votre affaire, Inventez un autre secret :Pour qu'un homme passe pour p7reIl faut, au moins, qu'il soit complet. ISABELLE. Il est vrai ; je n'y pensais plus. C'est que l'on a de la peine à croaire ce que l'on ne désire pas. LÉANDRE. Hélas ! Mon malheur n'est que trop véritable. Air. Le Père Barnaba.D'un Sérail échappé,J'arrive de Turquie ; Un Turc, après soupé,Rempli de barbarie,D'un coup de sa faucille,M'a, dans ce pays-là,Fait laisser la Béquille Du Père Barnaba. Un Valet apporte un paquet.Mais voici les tapisseries dont je vous ai parlé, et que je vous présente au nom de Léandre. On déroule les tapisseries. ISABELLE. Que vois-je ! Juste Ciel, mes trois fils en peinture !Ah ! Léandre sait donc toute mon aventure ?Ma Renommée, à Reims, a sans doute volé,Non seulement à Reims, mais peut-être à Salé ? C'est en vain qu'à tes yeux je veux passer pour fille,Recevant mes enfants travaillés à l'aiguille. Air. M. Charlot.Oui, trait pour trait ;On les a su portraire ;Il ne leur manque guère Que le caquet,Voyez quels yeux !Qu'ils font nerveux !Ils ressemblent aux pères,Ma foi, ce font eux. LÉANDRE, feignant de la colère. Oh ! Je n'y puis plus tenir ! Vous aimez Léandre, vous m'aimez, et vous vous rappelez avec amour le souvenir des pères de ces merdailles. Air. Sambleu ! morbleu ! Marion !C'en est assez pour moi, ce jeuDevient plus amer que rhubarbe ;Sambleu !Le courroux m'arrache la barbe,Morbleu ! Il ôte sa fausse barbe. ISABELLE. Air. Les Trembleurs.Faut-il aussi me surprendre ?Ah ! Ciel ! Que viens-je d'apprendre !Je ne revois dans LéandreQu'un eunuque, à son retour.Je l'avoue avec franchise, La frayeur m'a tant surprise,Que je fais, dans ma chemise,Mon petit, et mon grand tour.Ah je me meurs. LÉANDRE. Elle se pâme ! Ah ! Ciel vite une pelle à cul. Isabelle s'évanouit sur la chaife qu'on lui apporte.Ah ! Chère Isabelle, revenez à vous. C'est une feinte que j'ai mise en jeu, pour éprouver votre fidélité. Tout a réussi au gré de mes souhaits, et vous allez tout-à-l'heure apprendre que vous n'avez jamais aimé que moi. SCÈNE VI ET DERNIÈRE. Cassandre, Le Docteur, Léandre, Isabelle, Colombine. LÉANDRE. Air. Allons la voir à Saint Cloud.Vous venez fort à propos ; Reconnaissez-vous Léandre ? COLOMBINE ET LE DOCTEUR, ensemble. C'est lui-même en chair et en os. LÉANDRE. Qui, j'ai voulu vous surprendre, CASSANDRE. Ah ! Monsieur l'eunuque, bonjour ! LÉANDRE. Non, non, mon Oncle, c'est un tour, Une supercherie. ISABELLE, revenant de son évanouissement. Ah ! vous me rendez la vie.Je conviens, mon cher Léandre, de vous avoir fait quelques niches pendant votre absence ; mais je suis excusable, puisque nous n'avions pas encore passé le le bail de l'hyménée. Air. Ma raison s'en va beau train.Je n'en dois pas être moinsL'objet de tes tendres soins :Ah ! Combien j'en vois Dans l'état bourgeois,Et dans le rang superbeTranquillement cocus en bois,Et tu ne l'es qu'en herbe,Lon là, Et tu ne l'es qu'en herbe. LÉANDRE. Il est tems de finir votre erreur ; je ne suis point sorti de Paris, et c'est moi que vous avez toujours vu sous les différentes figures des hommes sous qui vous avez succombé. Je vous épouse à l'aveuglette, et je suis trop content, puisque votre vertu a résisté à la tentation de mon oncle. Air. Reçois dans ton Galetas.J'avais dessein d'éprouverLa foi de mon Isabelle ;J'ai fait semblant de m'esquiver,Mais j'étais toujours avec elle, Et de tes trois enfants, enfin,Je suis le père et le parrain. bis. Air. Sans le savoir.Elle croyait dans les Guinguettes,Prodiguant ses saveurs secrètes,De mes rivaux combler l'espoir : Mais mon adorable IsabelleN'a donné qu'à moi le mouchoir.Par hasard elle fut fidèleSans le savoir. Air. À la façon de Barbari.D'un vrai Scaramouche j'avais Emprunté la figure ;D'Arlequin je contrefaisaisLes gestes et l'allure ;J'ai pris la barbe à Pantalon ;La fari don denne, la fari don don, Sous ces trois noms, j'en ai jouiBiribi,À la façon de Barbari ,Mon ami.J'aurais voulu pouvoir comme le maître du Tonnerre, prendre encore mille figures de différents insectes. Air. Ton humeur est Catherine.Afin que plusieurs mortels Donnassent dans le panneau,Jupiter se fit pour ellesCygne, Métal, ou Taureau:Mon feu, qui n'a point de bornes,Se serait fait un régal De vous plaire en bête à cornes,Âne, mulet, ou cheval. ISABELLE. Non,je ne puis m'empêcher d'approuver de si tendres sentiments. Je vous pardonne vos déguisements en faveur de l'invention ; oui Léandre, je vous pardonne. Attrapez-moi toujours de même. LÉANDRE. Air. On dit que vous aimez les fleurs.Je l'avouerai de bonne foi,Pardonnant cette offense,Mon Isabelle n'a pour moi Que trop de complaisance ;N'a que trop de... N'a que trop de...Que trop de complaisance,Que trop...Que trop de complaisance 1 CASSANDRE. Air. A sa voisine.Pour vous je ressentais un feuQui causait mon martyre ;Mais à l'aspect de mon neveu,Je n'ai plus rien à dire :J'avais mis mon épingle au jeu, Je la retire. LE DOCTEUR. Air. Les billets doux.Puisqu'il n'est plus aucun débat,Signez : j'ai sur moi le contrat,Je ne sais pas écrire. TOUS LES ACTEURS, répètent. Je ne sais pas écrire. LE DOCTEUR. Le Notaire dit qu'il est bien,Mais voyez s'il n'y manque rien ;Jamais je n'ai su lire. TOUS LES ACTEURS, répètent. Jamais je n'ai su lire. LE DOCTEUR. Eh bien ! Mangeons, dansons, faisons toujours la noce, C'est un plaisir plus grand que d'aller en carrosse :Qu'ils aillent, du festin, dans leur lit nuptial :Car se coucher ensemble est le point capital.Nous songerons, après leur passe-temps céleste.À nous bien arranger pour finir tout le reste. COLOMBINE, à Isabelle et Léandre. Air. Nous autres bons villageois.Sans que l'on vous dise amen ;Vous fîtes trois fois un Léandre,Mais quand on prévient l'hymen,Ce qui vient, il faut bien le prendre :En Alsace c'est bel et beau, On prend la vache et le veau, On peut vous dire à tous les deuxVous allez pondre sur vos oeufs. LÉANDRE, et ISABELLE. Nous allons pondre sur nos oeufs. DIVERTISSEMENT. On danse une contredanse. LÉANDRE. Air. À sa voisine.L'Hymen va donc nous rassembler, Sous ses lois il nous range.Tant que l'amour le fait aller,Il est beau comme un ange :[Note : Se galer : se gratter. [L]]Il nous excite à nous galerOù ça démange. ISABELLE. Même Air.L'hymen, à ne point vous flatter,Est un horloge étrange,Qu'il faut monter, et remonter,Sinon il se dérange ;Et les voisins viennent gratter Où ça démange. CASSANDRE. Même Air.L'esprit de la femme est malin,Toujours elle se venge :Au moindre soupçon de chagrin,Soudain, change pour change : Il faut qu'elle se gratte enfin,Où ça démange. COLOMBINE. Même Air.Je crois qu'on ne pourra traiterMon sentiment d'étrange ;Je renoncerais à porter Et panier, et fontange,Plutôt que de ne pas gratterOù ça démange. LE DOCTEUR. Même Air.De l'hymen je ne puis tâter,C'est un malheur étrange ; La table sait me ragouter,J'y ris, j'y bois, j'y mange.C'est toujours un peu se gratterOù ça démange. COLOMBINE, au Public. Même Air.En désirant vous contenter Aurions-nous pris le change,Si nos jeux ont su mériterQuelque peu de louangeMeilleurs, vous pouvez nous gratterOù ça démange. ==================================================