******************************************************** DC.Title = LA FILLE MAL GARDÉE, OU LE PÉDANT AMOUREUX, PARODIE DE LA PROVENÇALE. DC.Author = FAVART, Charles-Simon DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/11/2021 à 14:55:29. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FAVART_LAFILLEMALGARDEE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9753339 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA FILLE MAL GARDÉE OU LE PÉDANT AMOUREUX PARODIE DE LA PROVENÇALE Représentée pour la première fois le 4 mars 1758 par les Comédiens Italiens ordInaires du Roi, le 4 mars 1758. Le prix est de 24 sols M. DCC. LVIII. Avec Approbation et privilège du Roi. Représentée pour la première fois le 4 mars 1758 par les Comédie,s Italiens ordinaires du Roi, le 4 mars 1758. PERSONNAGES LE MAGISTER, tuteur de Nicolette, Mr. ROCHARD. NICOLETTE, Madame Favard. MADAME BOBINETTE, Gouvernant du Magister, Madame Champvilli. LINDOR, amant de Nicolette, Mademoiselle Catinon. . LA FILLE MAL GARDÉE SCÈNE PREMIÈRE. LE MAGISTER. ARIETTE.Un trait vainqueurL'Amour me blesse, Le plus grand coeurA sa faiblesse.Le fier César En idolâtre,De CléopâtreSuivait le Char.Hercule file, bis.Le brave Achille Pour BriséisVerse des larmes ;Le Dieu des armesAime Cypris.Et moi, grave Magister, Magis, magis, magister Je brûle, pour Nicolette, Je gémis de ma défaite,Et je cède sans effort.Omnia vincit amor. Oui, tous les grands hommes ont aimé, et nos cedamus amori. SCÈNE II. Madame Bobinette, Le Magister. MADAME BOBINETTE. Air : Réveillez-vous.Quel lutin sitôt vous éveille ?Où courez-vous toute la nuit ? LE MAGISTER. Je crois, d'abord que je sommeille,Voir Nicolette qui s'enfuit.C'en est fait, ma chère Madame Bobinette, il n'y a plus de repos pour moi. MADAME BOBINETTE. Seigneur Pancrace, tout éveillé que vous soyez, il me paraît que Nicolette l'est encore d'avantage. Ariette. La garde d'une fille Jeune, vive et gentille Cause un grand embarras ; Un jaloux ne vit pas. à tout prêtant l'oreille, Il s'inquiète, il veille , Sans cesse il vient, il va. Qui va là ? Qui va là ? Un geste, une parole Une mouche qui vole Lui trouble la cervelle ; Il est en sentinelle Et quand , ce loup garou Est à la découverte, L'Amour bien plus alerte Attrape le vieux fou. Un geste, une parole Une mouche qui vole Lui trouble la cervelle ; Il est en sentinelle Et quand , ce loup garou Est à la découverte, L'Amour bien plus alerte Attrape le vieux fou. Voilà ce que c'est que d'aimer une Jeunesse, au lieu d'avoir un attachement solide et raisonnable. LE MAGISTER. Je vous entends, mon aimable Gouvernante ; mais necessitas non habet legem. Nicolette est une petite orpheline qui m'a été confiée. MADAME BOBINETTE. Je le sais. LE MAGISTER. Elle a quelque bien dont il faudrait rendre compte. MADAME BOBINETTE. Cela est juste. LE MAGISTER. Il s'est un peu embrouillé avec le mien. MADAME BOBINETTE. Rien de plus naturel. LE MAGISTER. Et pour éviter l'embarras du calcul, je me vois dans la nécessité de l'épouser. MADAME BOBINETTE. Vous avez raison. LE MAGISTER. Je dois redoubler de vigilance, de crainte que cette jolie proie ne m'échappe. MADAME BOBINETTE. À part. Le vieux renard ! LE MAGISTER. Je suis dans les plus grandes inquiétudes. MADAME BOBINETTE. Je le crois. LE MAGISTER. ARIETTE.Au bord de l'eau sur le soir,Lorsque le temps est bien noir J'entends, une voix qui chante :Venez, venez, beauté charmante,St,st,st,st, je suis au long du mur,Venez, venez, Beauté charmanteLe hibou dort, l'instant est sÜr. MADAME BOBINETTE. Il y a à parier que c'est un compliment que l'on vous fait ; mais sur qui vos soupçons peuvent-ils tomber ? Depuis que Nicolette est en âge de plaire, vous avez renvoyé tous vos écoliers ; vous ne donnez plus de leçons qu'en ville, et personne ne vient ici qui ne soit du genre féminin. À part. Cela commence beaucoup à m'ennuyer. LE MAGISTER. Je soupçonne tout le monde, et principalement ce petit fripon de Lindor, ce jeune étudiant en Droit, qui venait ici sous prétexte d'apprendre le Grec. MADAME BOBINETTE. Et qui voulait apprendre à parler français à Nicolette. LE MAGISTER. Je l'ai bien vite congédié. MADAME BOBINETTE. Il était plus Grec que vous. LE MAGISTER. C'est lui qui a commencé à donner l'éveil à ma pupille ; depuis ce temps elle est inquiète ; le moindre bruit fixe son attention. ARIETTE.Quand une fille a l'esprit curieux,Son coeur s'entend avec ses yeux. bis.Tu sais que ma maisonnetteTient aux murs de la Guinguette Les Dimanches, Nicolette Y prête l'oreille, et guette ;Elle écoute des chansons,Elle hausse les talonsSes yeux alors font leur rôle.Je ne sais pas ce qu'elle voit, Elle se mord le bout du doigt,En s'écrient ah ! que c'est drôle !Quand une fille a l'esprit curieux, Son coeur s'entend avec ses yeux. bis. MADAME BOBINETTE. Cela ne doit pas vous étonner ; le plaisir est pour cet âge, ce qu'un joli chat est pour une jeune chatte. Air : Lorsque le plaiJir Je preyente.Quand un beau minet se présente. Une chatte miaule après lui ;Plus elle a ressenti d'ennui,Plus elle est vive et sémillante,Quand un beau minet se présente.Une chatte miaule après lui ; Plus elle a ressenti d'ennui,Plus elle est vive et sémillante, LE MAGISTER. Air : De tous les Capucins du monde.Je prétends que le mariageCe soir avec elle m'engage,Et pour en bien goûter les fruits , Et me voir sur de cette Belle,Je passerai toutes les nuitsA me poster en sentinelle. MADAME BOBINETTE. Croyez-moi, il vaut mieux que ce soit moi qui fasse la garde. LE MAGISTER. Air : De M. de Catinat.Pourrai-je sans danger me confier à toi ? MADAME BOBINETTE. Oui, oui, mon intérêt vous répond de ma foi.Des galants qui viendront demander de l'emploi J'aurai grand soin qu'aucun n'ait affaire qu'à moi. LE MAGISTER. Je vais y mettre ordre. MADAME BOBINETTE. En attendant, je vous conseille, pour ne point effaroucher Nicolette, de vous rendre aimable à ses yeux ; mais c'est là le plus difficile. LE MAGISTER. Comment, le plus difficile ? MADAME BOBINETTE. Par exemple, puisque vous n'avez plus ici d'écoliers, pourquoi garder à la maison cet attirail pédantesque ? LE MAGISTER. À l'exemple de Denis de Syracuse, j'aime à conserver les attributs du despotisme ; il est bon de se faire respecter ; je ne veux point être de ces maris dont la complaisance tourne toujours à leur désavantage. Nicolette est encore un enfant; c'est un tendre arbrisseau que je veux ployer à ma fantaisie, et je suis déjà parvenu à disposer son esprit à recevoir... MADAME BOBINETTE. Vous le croyez ? LE MAGISTER. Sans doute. Par exemple, quoiqu'elle soit jolie au superlatif, je l'ai persuadée qu'elle est d'une laideur extrême. MADAME BOBINETTE. Paroles perdues. Vous m'en diriez autant, que je ne vous croirais pas ; on sait ce qu'on vaut. LE MAGISTER. Paix, elle vient ; allons examiner ce qu'il faut faire à notre jardin pour mettre cette jeune rose à l'abri des atteintes de ces petits frelons amoureux, plus dangereux pour la vertu des femmes, que les insectes ne le sont pour les fleurs. SCÈNE III. NICOLETTE, seule. ARIETTE. Depuis que j'ai vu Lindor,La Nature est plus brillante :Tout m'anime, tout m'enchanteEt mon coeur a pris l'effort. Quand l'oiseau sur la charmille,En chantant vole ou sautille,Il est moins joyeux que moi.Papillon, quand je te voisCaresser la fleur nouvelle, Mon coeur bat comme ton aile :Il imite ton essor,Il voltige après Lindor.Cher Lindor, viens, je t'appelle :À ma voix l'écho fidèle, Avec moi redit LindorCher Lindor, Lindor, Lindor,Et l'écho répète encor,Cher Lindor, mon cher Lindor.Monsieur le Magister dit que je n'ai ni esprit ni beauté, il faut avouer que Lindor a bien de la bonté de m'aimer, aussi serai-je bien reconnaissante : cherchons du moins à placer des fleurs dans mes cheveux pour n'être pas si déplaisante. SCÈNE IV. Le Magister, Madame Bobinette, Nicolette. LE MAGISTER. Est-ce ainsi que vous vous occupez? Air, Ah le bel oiseau etc.Quel plaisir peut-on avoir, Quand on a votre visage Quel plaisir peut-on avoirÀ se mirer, à se voir ? MADAME BOBINETTE. Si vous me ressembliezCe serait un avantage : Quand vous vous regarderiez,Vous vous rendriez hommage. NICOLETTE. Ah ! Le bel objet vraimentPour me tenir ce langage !Ah ! le bel objet vraiment Pour engager un amant ! MADAME BOBINETTE. Voyez la petite impertinente. LE MAGISTER. Un Amant ! Et qu'est-ce que c'est qu'un amant ? NICOLETTE. Je ne sais pas, Monsieur Le Magister, mais je m'imagine que c'est quelqu'un qui ne me trouverait pas si laide. LE MAGISTER. Eh ! Où avez-vous entendu parler d'amant ? NICOLETTE. Nulle part, Monsieur le Magister. LE MAGISTER. Nulle part ! NICOLETTE. C'est que je me souviens que quand Madame Bobinette parlait à quelqu'un de vos écoliers, elle lui disait : venez mon petit amant, baisez-moi, mon petit amant. MADAME BOBINETTE. Allez, vous raisonnez comme une petite sotte. LE MAGISTER. Ah ! C'est donc dans le dessein de plaire à quelque amant que vous vouliez mettre des fleurs dans vos cheveux ? Peine perdue, vous n'en seriez pas plus jolie. NICOLETTE. Vous me mortifiez toujours : en quoi donc suis-je si laide ? LE MAGISTER. Qui vous voit ne peut s'empêcherDe soupirer ou de sourire,Et vous pensez qu'on vous admire.Fi, fi, fi, vous devez vous cacher. Vous croyez avoir des appas ;Mais vos traits sont trop délicats.Je vous le dis prenez-y garde ;Dans le menton ce petit creuxEt cette bouche trop mignarde N'ont rien d'assez majestueux.Tournez que je vous examine,Vous avez la taille trop fine. bis.Tournez que je vous examine.Je vous le dis prenez-y garde. Vous avez certain embonpoint,Qui fait que chacun vous regarde :Vos grands yeux ne finissent point.Non, non, qui vous voit ne peut s'empêcherDe soupirer ou de sourire ; Et vous pensez qu'on vous admire.Fi, fi, Vous devez vous cacher, bis.Ah ! je soupire, bis.Fi, Fi, vous devez vous cacher. bis. NICOLETTE. Mais il me semble pourtant. LE MAGISTER. Il vous semble... Il vous semble... Ne remarquez-vous point que chacun vous suit quand vous passez dans la rue. NICOLETTE. Il est bien vrai, Monsieur le Magister ; j'ai remarqué que tous les petits garçons courent après vous, et les grands courent après moi. LE MAGISTER. AIR. Ces filles sont si sottes, etc.Vous voulez prendre un ton railleur. NICOLETTE. Moi ! Non, je suis si bête, Monsieur le Magister. LE MAGISTER. Mais croyez-moi, mon petit coeur;Car aux yeux cela saute :Vous êtes laide à faire peur. NICOLETTE. Mais, ce n'est pas ma faute,Monsieur. Mais, ce n'est pas ma faute. LE MAGISTER. Laissons cela. Pourquoi n'êtes-vous pas à votre ouvrage ? NICOLETTE. Je suis ici venue pour prendre un peu l'air. LE MAGISTER. Hé bien ! Puisque vous aimez tant à prendre l'air, je vais vous donner ici votre leçon : où est votre livre ? NICOLETTE. Le voici. LE MAGISTER. N'êtes-vous pas honteuse, à votre âge, de ne savoir pas encore lire ? NICOLETTE. Mais, vos livres sont si difficiles. LE MAGISTER. Qui, tout est difficile pour vous. NICOLETTE. Mais, Madame Bobinette qui est plus grande que moi, ne sait pas lire non plus, elle. MADAME BOBINETTE. Où est-ce qui vous a dit cela ? LE MAGISTER. Point tant de raisonnements, avancez ce fauteuil plus près, plus près : Nicolette regarde derrière elle ; hé bien ! Ce que vous allez lire n'est pas de ce coté. Commencez. NICOLETTE. ARIETTE.Sur les Dis..... Dis. LE MAGISTER. Innocente ! Cette Lettre est-elle un i.. NICOLETTE. Quel ton brusque ! Il me tourmente. LE MAGISTER. Cette Lettre est elle un i ? NICOLETTE. D'effroi j'ai le coeur saisi, LE MAGISTER. Si vous pouvez, épelez, ignorante. NICOLETTE. De, de, qu. LE MAGISTER. Cette fois-ci,C'est un i : cela m'impatiente.. NICOLETTE, en pleurant. I,r,s, LE MAGISTER. La voilà qui pleure : c'est un i.Votre douleur vous rend des plus gentilles. NICOLETTE. Ne me plaisantez pas ainsi.o. i. r. s. Devoirs. Elle lit. sur les devoirs des filles: Au Magister.Est ce que je ne lis pas bien ? LE MAGISTER. Non, jamais vous ne saurez rien.Si vous n'avez pas plus d'esprit que de beauté, vous serez un fort joli sujet : continuez votre leçon. NICOLETTE, lit. Sur les devoirs des filles: il faut qu'elles fassent ce qu'elles peuvent pour... Au Magister. Hé ! Bien : Monsieur le Magister, c'est ce que je fais. LE MAGISTER. [Note : Tabelier : tablier.]Oh ! Je perds patience ; mais quel est cet autre livre, dans la poche de votre tabelier ? NICOLETTE. C'est un livre, Monsieur le Magister. LE MAGISTER. Je vois bien que c'est un livre, donner le moi. Donnez, eh ! Donnez donc. Lisant.Sur la manière... NICOLETTE. De faire des enlevements. LE MAGISTER. Ah ! ah ! Vous lisez bien dans celui-ci ? MADAME BOBINETTE. Ah ! Quelle horreur ? Qui est ce qui vous a donné ce livre-là, petite fille ? LE MAGISTER. Je veux que vous me disiez la vérité. NICOLETTE. Monsieur le Magister ! LE MAGISTER. Dépêchez, dépêchez-vous, NICOLETTE. Je vais vous le dire, Monsieur le Magister, LE MAGISTER. Hé bien ? NICOLETTE. Je n'en sais rien, Monsieur le Magister. LE MAGISTER. Comment ; vous n'en savez rien ? NICOLETTE. Je l'ai trouvé dans le jardin. NICOLETTE. Il y a quelque chose là-dessous, je saurai m'en éclaircir. NICOLETTE. AIR. Je ne sais pas écrire.Mais, vous avez l'air mécontent. LE MAGISTER. Oui, oui. NICOLETTE. Ce livre-là pourtant,Me paraît nécessaire : Le sujet en est amusant ;Et puis d'ailleurs en le lisant,On sait ce qu'il faut faire. LE MAGISTER. Holà ! Madame Bobinette, je vais chercher des ouvriers pour rétablir le mur de ce jardin et griller nos fenêtres ; ayez soin de Nicolette, pendant mon absence. MADAME BOBINETTE. Fiez-vous à moi. NICOLETTE. Mais il me semble que tout cela n'est pas nécessaire : qui voulez-vous qui me vienne chercher, je suis si laide ! LE MAGISTER. Je n'appréhende point que vous plaisiez à personne ; mais je crains que quelqu'un ne vous plaise, et comme je veux bien vous épouseR, je dois prendre mes précautions. À Madame BobinetteAllez-lui chercher son carreau de dentelles qu'elle s'occupe jusqu'à mon retour : la Jeunesse ne se perd que par le désoeuvrement. MADAME BOBINETTE. [Note : Mijaurée : Fille ou femme qui montre des prétentions par des manières affectées et ridicules. [L]][Note : Charrier : Fig. et absolument. Charrier droit, se comporter comme on le doit, remplir son devoir. [L]]Laissez-moi faire, j'aurai grand soin de la faire travailler. Ah ! Ah ! Petite mijaurée, je vous ferai charrier droit. Elle sort. SCÈNE V. Le Magister, Nicolette. NICOLETTE. Mais on ne peut pas toujours travailler. LE MAGISTER. Hé bien ! Pour vous désennuyer, vous repasserez votre leçon ; Il lui donne un livre.Tenez... Mais je vous déclare que si à mon retour... NICOLETTE. Et moi ie vous déclare que je ne veux plus travailler, ni étudier : tenez, voilà votre livre. Elle jette le livre. LE MAGISTER. Vous avez l'audace ! Mais je ne reviens pas de ma surprise ! NICOLETTE. Accommodez-vous. LE MAGISTER. Je ne sais qui me tient..... Vous ne voulez donc pas obéir ? NICOLETTE. Non. LE MAGISTER. Je vous abandonne. NICOLETTE. Hé bien ! Je ne m'en soucie gueres. LE MAGISTER. Vous ne serez point ma femme. NICOLETTE. Tant mieux. LE MAGISTER. Vous mourrez fille. NICOLETTE. Oui, oui. LE MAGISTER. Comment ! Oui,oui, que veut-elle dire ? NICOLETTE. Un autre m'épousera, là. LE MAGISTER, à part. Ce ne serait pas là mon compte, je crois que Madame Bobinette a raison ; il faut l'adoucir. À Nicolette.Écoute, Nicolette. NICOLETTE. Laissez-moi. LE MAGISTER. Si je te gronde, c'est pour ton avantage. NICOLETTE. Je vous remercie. LE MAGISTER. Je veux bien encore te pardonner, si tu me promets d'être plus docile ; oui, tu feras ma petite femme dès ce soir. NICOLETTE. Hom !.... LE MAGISTER. Et j'assaisonnerai les leçons que je te donnerai de tant de mignardises, de tant de petites caresses, que tu diras de moi : Miscuit utile dulci. NICOLETTE. Allez, je n'ai que faire de vos biscuits ni de vos petites caresses. LE MAGISTER. Tu auras une entière liberté, et je renverrai Bobinette. À part. Il faut lui promettre plus que je n'ai envie de lui accorder. NICOLETTE, à part. Il faut que je fasse semblant de m'apaiser pour qu'il ne soupçonne rien au sujet de Lindor. LE MAGISTER. Allons, faisons la paix. NICOLETTE. Oui, oui, vous voulez encore vous moquer de moi. LE MAGISTER. Non, je te le jure. ARIETTE, en Duo.Tu vas être la maÎtresse ;À ton tour commande ici. NICOLETTE. Bon ! bon ! Vaine promesse ! LE MAGISTER. Non, non, non. NICOLETTE. Fiez-vous-y. LE MAGISTER. Oui, je veux te satisfaire. NICOLETTE. Prouvez-moi. LE MAGISTER. Que faut-il faire ? NICOLETTE. Demandez pardon. LE MAGISTER. Pardon ! NICOLETTE. Oui, pardon. LE MAGISTER. Elle plaisante.Soit, pardon ; et-tu contente? NICOLETTE. À genoux, petit garçon. LE MAGISTER. Oh ! C'est trop. NICOLETTE. Il se mutine. LE MAGISTER, à genoux. M'y voilà. NICOLETTE, apercevant Lindor. Je vois Lindor. SCÈNE VI. Lindor, Le Magister, Nicolette, LINDOR, derrière le Magister bas à Nicolette. St, st, st. NICOLETTE, au Magister qui veut se lever. Encor, encor. LE MAGISTER. C'est assez. NICOLETTE, au Magister. Que l'on s'incline. LINDOR, bas à Nicolette. Écoutez. NICOLETTE, bas à Lindor. Je ne peux pas. Le Magister voulant se relever.Hem ! Plaît-il ? Plus bas, plus bas,Quatre fois, baisez la terre. LE MAGISTER. Mais ! NICOLETTE, faisant baisser le Magister. Mais, mais. LE MAGISTER. Il faut lui plaire. NICOLETTE. Quatre fois : fort bien, fort bien, Pendant que le Magister baise la terre, Lindor baise la main de Nicolette, lui donne un billetet se retire. SCÈNE VII. Le Magister, Nicolette. LE MAGISTER, se levant en riant. Ah ! ah ! ah ! Qu'elle est bouffonne. NICOLETTE, riant. Ah ! ah ! ah ! je vous pardonne. LE MAGISTER, à part. Ah ! Friponne, je te tiens. NICOLETTE, à part. [Note : Reître : Fig. et familièrement, en mauvaise part ou par plaisanterie, un reître, un homme que l'on compare à un soudard. Vieux reître se dit aussi d'un homme âgé qui court après les femmes. [L]]Ah ! Vieux reître, je te tiens. ENSEMBLE. Quel plaisir est égal au mien. bis. LE MAGISTER. Te voilà Lien contente petite folichonne. NICOLETTE. Oh ! Très contente ; allons, prenez part à ma joie, dansez. LE MAGISTER. Moi , que je danse ! NICOLETTE. Oui, je le veux ; dansez tout à l'heure : ta, la, la, etc. LE MAGISTER, danse. Ta, la, la, la, etc. SCÈNE VIII. Le Magister, Nicolette, Madame Bobinette. MADAME BOBINETTE. Que vois-je. Eh ! Voilà Monsieur le Magister qui danse ; miséricorde ! LE MAGISTER. Ah ! Madame, Madame Bobinette il n'y a rien que l'amour n'excuse. À Nicolette.Ah ! Ça petite fanfan, je veux que nous ayons ce soir des violons ; je vais en chercher, et je danserai tant que tu voudras ; travaille en attendant. NICOLETTE. De grand coeur ; partez donc bien vite. LE MAGISTER, bas à Madame Bobinette. Ah ! ah ! ah ! Voilà la façon dont on les endort ; amuse Nicolette pendant que j'irai chercher les ouvriers pour... Mais elle nous écoute, suis-moi. À Nicolette.Travaille, travaille, ma petite amie. Ils sortent. NICOLETTE. Eh ! Oui, oui, vous devriez déjà être bien loin ? SCÈNE IX. NICOLETTE, seule. Lisons vite la lettre de Lindor croit ; on que je ne sais pas lire, et que je ne suis qu'une sotte ; tant mieux. Mais les voilà qui m'examinent ; chantons en travaillant jusqu'à ce qu'ils soient partis. ARIETTE.Assise sur les bordsD'une onde pure, Qui lentement murmure : Je sens, quand je m'endors,Un doux zéphyr,Qui sur mon sein soupireDans cet asile.Quand un sort tranquille, D'un repos facileM'a fait jouir,J'ouvre mes yeux au jour, et mon âme au plaisir.Ils sont éloignés, lisons.« Ma chère Nicolette, je sais que le Magister doit vous épouser ce soir ; il n'y a pas de temps à perdre. Si vous voulez éviter ce malheur, je vais tout préparer pour vous enlever, et je viendrai me cacher dans ce jardin pour attendre l'occasion favorable. Lindor. » SCÈNE X. Madame Bobinette, Nicolette. MADAME BOBINETTE. AIR. Blaise en revenant des champs. C'est une lettre, je crois.Oh ! par ma foi, oh ! par ma foi. Vous vous moquez donc de moi ? NICOLETTE. Elle est à votre adresse. MADAME BOBINETTE. Ah ! La bonne pièce ! NICOLETTE. Lisez-la plutôt. À part.Heureusement elle ne sait lire ni bo, co, bi, net, nette, Bobinette. Vous voyez bien. MADAME BOBINETTE. Comment avez-vous eu cette lettre-là ? NICOLETTE. Elle était dans le livre que j'ai trouvé tantôt là-bas sur ce banc de gazon où vous vous asseyez ordinairement. MADAME BOBINETTE. Pourquoi avez-vous décacheté cette lettre, puisqu'elle est à mon adresse. NICOLETTE. J'ai été bien payée de ma curiosité. MADAME BOBINETTE. Pour vous punir, faites m'en la lecture. NICOLETTE. Je vais vous la lire tout de suite, car je l'ai épelée ; voyez si je lis bien. Elle lit.Madame Bobinette, comme je sais que malgré vos charmes vous êtes une femme d'honneur qui aime à se divertir sans qu'on se doute de rien, je vous déclare que je suis amoureux de vous; mais comme la Gouvernante d'un Magister a une réputation à garder, je vous préviens que je ferai semblant d'être l'amant de Nicolette, et tout ce que je lui dirai s'adressera à vous. Lindor. MADAME BOBINETTE. Tout cela ne m'étonne point, mais il me semble que je le vois là-bas entre ces arbres ; appelez-le, appelez-le, je vais me cacher derrière vous, et vous lui parlerez. NICOLETTE. Je vais jouer un joli rôle. MADAME BOBINETTE. Je ne serai pas embarrassé du mien. NICOLETTE. Lindor, Lindor. SCÈNE XI. Lindor, Nicolette, Madame Bobinette. LINDOR. Air : Ces forbans d'Angleterre. Je viens, Beauté charmante,Grille, brulé d'une flamme ardente, Car en vous tout m'enchanteJusques au bout du doigt. MADAME BOBINETTE. Il me voit, il me voit. LINDOR. Même air.Dès qu'on vous aperçoitC'est son coeur qu'on vous doit. Il faut que l'on soupireL'Amour qui sait si bien, nous réduire,Pour plaire et pour séduireDoit être fait ainsi. MADAME BOBINETTE. Grand merci, grand merci. En vérité, Monsieur Lindor, vous vous y prenez d'une manière si délicate, que la vertu la plus fière aurait tort... Répondez pour moi, petite fille, la force du sentiment m'empêche de m'exprimer. NICOLETTE. Ariette.Mon coeur insensibleCrut jusqu'à ce jourQu'il était possible bis.D'éviter l'amour. bis.Dans l'indifférence Je bravais ses traitsJe vivais en paix. bis.Dans cette assuranceJe serais encor Mais j'ai vu Lindor. bis.Mon coeur trop sensibleÉprouve en ce jour,Qu'il est impossibleD'éviter l'amour. MADAME BOBINETTE, à Lindor. Imaginez-vous que c'est moi qui vous parle. LINDOR. Qu'est-ce que cela signifie ? NICOLETTE, à Lindor. Elle croit que c'est elle que vous aimez ; ne la désabusez point. MADAME BOBINETTE. Oui, mon cher Lindor. Mais continuez de parler à Nicolette pour me sauver l'embarras de ma pudeur. Nicolette est dans le secret. LINDOR. Air : Un Officier, deux Officiers.Avec ce teint, cette fraîcheur On vous prend pour l'Aurore. NICOLETTE, à Madame Bobinette. Vous voyez bien que cela ne peut s'adresser qu'à vous. MADAME BOBINETTE, continuant l'air. Ah ! Que ce discours est flatteur,Recommencez encore. LINDOR. Oui, oui, je vous adoreEt, ce baiser part de mon coeur. Il embrasse Nicolette. NICOLETTE, à Madame Bobinette. A-t-il bien fait ? MADAME BOBINETTE, à Nicolette. Oui. NICOLETTE, finit l'air. Recommencez encore. MADAME BOBINETTE. Ah ! Finissez donc, vous m'allez faire évanouir. LINDOR. Ma chère Madame Bobinette puisque vous ne vous opposez plus à mes voeux, permettez que j'affranchisse ce que j'aime du pouvoir d'un brutal. MADAME BOBINETTE. Oui, vous n'avez qu'à déclarer vos sentiments pour moi à Monsieur le Magister. LINDOR. Je n'ai garde, il croirait que vous y répondriez ; cela ferait tort à cette grande réputation de sagesse que vous vous êtes acquise. MADAME BOBINETTE. Cela est vrai, et quoique le Magister veuille épouser Nicolette, je sais qu'il est très jaloux de moi. LINDOR. Attendez, pour ne point compromettre votre vertu, et jouer un bon tour au Magister... J'imagine qu'un enlèvement... NICOLETTE. Un enlèvement, ma bonne ? MADAME BOBINETTE. Taisez-vous, petite fille ; il est de certains cas où l'enlèvement se pratique sans blesser la modestie : cela vous passe. LINDOR. Hé bien ! À quoi vous déterminez vous ? MADAME BOBINETTE. Ariette.Comment ! Comment !Un enlèvement. NICOLETTE. Un enlèvement ! MADAME BOBINETTE. Vous me causez des alarmes. LINDOR. Bon ! bon ! MADAME BOBINETTE. Non, non. Mais, qu'en dirait-on ? NICOLETTE. Mais qu'en dirait-on ? LINDOR. Que c'est l'effet de vos charmes.L'enlèvement fait honneur ; N'a pas qui veut ce bonheur. MADAME BOBINETTE. Ma pudeur doit s'en effrayer. LINDOR. On vous permettra de crier. MADAME BOBINETTE. Mais on pourrait nous entendre. NICOLETTE. Oui, ce serait une esclandre. LINDOR. Vous crierez sans faire de bruit.Nous pourrons attendre la nuit. NICOLETTE et MADAME BOBINETTE ensemble. Mais n'est-ce pas pour ce départVous y prendre beaucoup trop tard ?Partons, partons, dépêchons-nous, Partons, partons, et fuyons un jaloux. LINDOR, à Madame Bobinette. Partons, partons, permettez-nousDe vous enlever malgré vous. MADAME BOBINETTE. Il faudra donc que Nicolette reste ici pour faire avaler la pillule à Monsieur le Magister. LINDOR. Point du tout, elle nous est nécessaire pour la décence. Allons y que l'on fasse avancer mon cabriolet. Air : Sauter donc, mon coeur.Venez donc, mon coeur, venez donc. MADAME BOBINETTE. J'ai du scrupule. LINDOR. Quel ridicule !Venez donc, mon coeur, venez doncCette voiture est du meilleur ton.Dans un joli cabrioletOn va d'une vitesse extrême, Et le voyage est sitôt fait ; Notre amour ira de même. Venez donc, mon coeur, venez donc, Cette voiture est du meilleur ton. MADAME BOBINETTE. Allons, je me détermine ; mais il faut que je prenne une coiffe et un mantelet pour me faire enlever décemment : je ne fuis qu'une minute Nicolette vous tiendra compagnie. SCÈNE XII. Lindor, Nicolette. LINDOR. Profitons du moment. NICOLETTE. Mais, Lindor, puis-je compter... LINDOR. Ne craignez rien, charmante Nicolette, l'amant le plus tendre ne veut être heureux qu'en devenant votre époux. Tout est perdu, si vous hésitez. Je vois venir le Magister, et voilà Madame Bobinette. SCÈNE XIII. Madame Bobinette, Lindor, Nicolette. MADAME BOBINETTE. Voilà mes arrangements faits mais que faites-vous donc, vous partez sans moi ? LINDOR. Oui, Madame Bobinette, et nous vous laissons pour faire avaler la piluLle à Monsieur le Magister. MADAME BOBINETTE. Comment, ce n'est point moi qu'on enlève ? LINDOR. Point du tout, Beauté charmante, c'est Nicolette. NICOLETTE. Vous n'avez qu'à vous imaginer que c'est vous, ma bonne ? MADAME BOBINETTE. Ah ! Perfide, scélérat, au voleur. Monsieur le Magister. LINDOR. Gare, gare. Il part avec Nicolette dans le cabriolet. LE MAGISTER, courant après. Arrête, arrête. SCÈNE XIV. MADAME BOBINETTE, seule après avoir crié au voleur. Bon, voilà le Cabriolet renversé ; voilà Monsieur le Magister qui les arrête. Ah ! Fripon de Lindor, c'est bien fait c'est bien fait. Le Magister ramène Nicolette, Lindor le suit : ah ! Nous allons voir , nous allons voir. SCÈNE XV ET DERNIÈRE. Le Magister, Madame Bobinette, Lindor, Nicolette. LE MAGISTER, à Nicolette. Ah ! Petit crocodile, petit serpent ; tu me caressais donc pour me trahir. NICOLETTE. Cela est vrai, Monsieur le Magister ; mais vous savez que l'amour excuse tout. LE MAGISTER, à Lindor. Et toi, traître de ravisseur ; je te ferai pendre. LINDOR. Doucement, Monsieur le Magister, arrangeons-nous ; jouissez en paix du bien de Nicolette, et permettez que je l'épouse. LE MAGISTER. Cet article mérite réflexion. Eh ! Bien, épouse la, et va-t-en au Diable. NICOLETTE. Grand merci, Monsieur le Magister. QUATUOR en Dialogue. LE MAGISTER. Voilà donc la récompense D'avoir instruit ton enfance Ô ! mores, ô tempora. ENSEMBLE. Ah ! ah ! ah ! ah ! etc. MADAME BOBINETTE. Voilà donc la récompenseDe ma tendre complaisance ; Mais, l'Amour me vengera : ENSEMBLE. Ah ! ah ! ah ! ah ! etc. NICOLETTE. Je suis sans esprit, sans grâce,De moi l'on vous débarrasse Pour vous j'étais un fardeau. ENSEMBLE. Oh ! oh ! oh ! oh ! etc. LINDOR. J'ai le coeur de Nicolette ;Mais épousez BobinetteL'assemblage sera beau. ENSEMBLE. Oh ! oh ! oh ! oh ! etc. LE MAGISTER, MADAME BOBINETTE. Oui, j'oublie une infidèleAfin de me venger d'elle.Oubliez une infidèleAfin de vous venger d'elle. MADAME BOBINETTE, seule. Marions-nous. LE MAGISTER, seul. Sic volo. ENSEMBLE. Oh ! oh ! oh ! oh ! etc. LE MAGISTER, MADAME BOBINETTE. Que pour la noce on s'apprête,Qu'ils soient témoins de la fête. MADAME BOBINETTE. Mon cher maître, touche là. LE MAGISTER. Bobinette, touche là. LINDOR. Nicolette, touche là. NICOLETTE. Mon cher Lindor, touche là. TOUS. Ah ! ah ! ah ! ah ! etc. LE MAGISTER. Que l'on chanteMon aimable Gouvernante. Oh ! hymen, hymen, io. TOUS. Que l'on chante.L'Amour remplit notre attenteL'Amour remplit mon attente,Formons un tendre duo. LINDOR et NICOLETTE. L'Amour fera le trio. ==================================================