******************************************************** DC.Title = LA PETITE IPHIGÉNIE, PARODIE. DC.Author = FAVARD, VOISENON DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 29/12/2024 à 21:04:28. DC.Coverage = Ukraine DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FAVARD-VOISENON_PETITEIPHIGENIE.xml DC.Source = DC.Source.cote = BnF LLA 8-YTH-13966 DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA PETITE IPHIGÉNIE PARODIE DE LA GRANDE Représentée pour la Première fois, par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi, en Juillet, 1757. M D CC LVIII. [par FAVART et l'ABBÉ DE VOISENON.] Représentée pour la Première fois, par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi, en Juillet, 1757. ACTEURS IPHIGÉNIE. ISMÉNIE. EUMÈNE. ORESTE. PILADE. THOAS. UN ESCLAVE. ARBAS. PRÊTRESSES. La scène se passe dans le Temple de Diane. LA PETITE IPHIGÉNIE SCÈNE PREMIÈRE. IPHIGÉNIE, seule. Un songe cause en moi de sinistres penséesJe n'ai rêvé la nuit que de glaces casséesCe terrible accident qui m'afflige beaucoup ;Me menace aujourd'hui de quelque mauvais coup. SCÈNE II. Iphigénie, Isménie. IPHIGÉNIE. Est-ce toi que je vois ! Ô ma chère Isménie ! Viens-tu pour consoler la triste Iphigénie ? ISMÉNIE. Ce jour pour vous, Madame, est un jour solennel ?Le Roi vient de trouver un malheureux mortel,Sans mouvement, sans force, étendu sur le sable,Thoas prend de ses jours un foin inconcevable, Il cherche à ranimer cet homme languissantPar les bonnes façons d'un coeur reconnaissant,Pour le mettre en état qu'on lui coupe la gorge. IPHIGÉNIE. Jouet infortuné des terreurs qu'il se forge,Il ne cherche qu'à voir couler le sang humain, Et moi je suis contrainte à lui prêter ma main. ISMÉNIE. Il fallait supposer dans l'emploi qu'on vous donne,Que vous n'avi[e]z encor sacrifié personne.Peut-on être touché du sort d'une beauté.Qui plonge dans les coeurs son bras ensanglanté ! On aurait pu sauver cette image effrayante,Vous en auriez été bien plus intéressante. IPHIGÉNIE. Diane, devais-tu me transporter ainsiPour me faire jouer un pareil rôle ici !Je n'ai pas un coeur fait pour dépeupler le monde. Un songe met le comble à ma douleur profonde. ISMÉNIE. Mettez-le donc en chant si vous le racontez ;Vos rêves sont plus beaux lorsque vous les chantez. IPHIGÉNIE. Tu sauras le dernier en lisant les mensongesDans le Dictionnaire à l'usage des songes. Éclairs, mugissements, spectres, pâles flambeauxGémissements, terreur, lieux funèbres, tombeaux,Horreur, bruit souterrain, la terre qui s'entrouvre,Un fantôme sortant de l'enfer qu'on découvreAbîme, accents plaintifs, poignards, lambeaux sanglants, Ombre, crime, remords, effroi, g[e]noux tremblants,Autel, temple, cyprès, coupable encens, idole,Ou père, ou mère, ou soeur, ou frère qu'on immole ;Voilà quel est mon songe, et tu reconnais-là,L'histoire de tous ceux que l'on a faits déjà. SCÈNE III. Iphigénie, Isménie, Eumène. EUMENE. Madame, dans ces lieux le tyran va paraître.Il sent une frayeur dont il n'est pas le maître.N'est pas hardi qui veut ; le croiriez-vous ? Il craintCet étranger mourant qui ne doit qu'être plaint,Et vient comme un devoir presser le sacrifice. IPHIGÉNIE. Grands Dieux ! Si cette loi vous semble une injustice,Faites- moi triompher du farouche Thoas ;Que ce tyran sensible à mes faibles appasNe fasse plus du meurtre un auguste mystèreEt puisse en me voyant désirer le contraire. Inspirez-moi ces tours et ces mots caressantsQui séduisent l'esprit et captivent les sens,Répandez dans mes yeux cette mélancolieQui ne blesse les coeurs que pour donner la vie.Et qu'en vous honorant, mes pacifiques mains Ne fervent déformais qu'au bonheur des humains. ISMÉNIE. Thoas vient, vous pourrez parler des Dieux ensemble. SCÈNE IV. Thoas, Iphigénie, Isménie, Eumène. THOAS. Si je viens vous trouver c'est parce que je trembleMadame, IPHIGÉNIE. C'est un mal où vous êtes sujet. THOAS. Ou dormant ou veillant quelque sinistre objet À mon coeur effrayé vient donner des secousses ;Je crois à chaque instant voir l'enfer à mes trousses ;J'entends dans ma cave on roule des tonneaux ;Lorsque je fuis couché, l'on tire mes rideauxDes fantômes hideux croyant faire merveilles, Viennent dès que je dors, me crier aux oreilles.Vous qui savez parler à tout ce monde-là,Il faut absolument faire cesser cela. IPHIGÉNIE. Seigneur, ces esprits font les mortels qu'on immole. THOAS. Qu'ils se plaignent plus bas, leur concert me désole ; Mais il faut immoler le nouvel étranger. IPHIGÉNIE. D'un si funeste emploi daignez me dégager. THOAS. Je me connais, Madame, en physionomie,Ce n'est qu'un garnement, de fort mauvaise vie ;Cet homme-là m'effraye, et mon coeur alarmé Se glace en le voyant. IPHIGÉNIE. Il est donc bien armé ? THOAS. Non, il est garrotté, mais il n'aime qu'à mordre,On voit dans ses discours un esprit en désordre,-Je le crois querelleur, il fait à tous momentsAux hommes comme aux Dieux de vilains compliments. J'ai remarqué surtout qu'au sort de sa colèreBien souvent il s'écrie : Hélas ! Ma chère mère !On dit que des démons, sans cesse autour de luiL'entourent de serpents pour le rendre poli.J'ai cru, pour dissiper fa noire extravagance, Devoir lui demander son nom et sa naissanceIl garde le secret. IPHIGÉNIE. Je pense qu'il fait bien :Pour le faire mourir son nom ne sert à rien.Est-il jeune ? THOAS. Oui vraiment. IPHIGÉNIE. Sa mort me désespère.Ô ciel ! Est-ce donc là ce que j'en devrais faire ? THOAS. Ah ! Je me lasse enfin d'être tant combattu,Adorer et frapper, voilà votre vertu. IPHIGÉNIE. Par ces vers convaincants vous m'avez décidéeOui, par la cruauté ma piété guidée,Va trouver désormais ce sacrifice beau, Et l'on va sur l'autel apporter le couteau. THOAS. Un changement si prompt marque peu de scrupule. IPHIGÉNIE. Pouvez-vous à ma voix ne pas être crédule ? THOAS. Je suis né défiant, cependant vous verrezSi j'empêcherai rien de ce que vous ferez. Vous pourrez me tromper sans avoir de l'adresse,Je ne reparaîtrai que pour finir la pièce. SCÈNE V. Iphigénie, Isménie, Eumène. ISMÉNIE. Vous avez carte blanche, il faut en profiter. IPHIGÉNIE. Je ne fais pas d'où vient il se fait déteSter,Ce tyran est au fond une bonne personne ; LorSqu'il fait le méchant, c'est un air qu'il se donne. EUMENE. Mais vous avez promis d'exercer votre emploi,Et vous allez enfin agir de bonne foi :Dans votre ministère il faut de la droiture. IPHIGÉNIE. Ah ! Mon coeur fuit toujours la voix de la nature. ISMÉNIE. Moi, c'est ce que je fais, c'est ma Divinité.Ses lois furent toujours les Dieux de la Beauté. IPHIGÉNIE. J'entends quelqu'un hurler, Prêtresse de DianeJe dois avec prudence éviter tout profane ;Les hommes sont pour nous des danger[s] trop certains, Nous reviendrons pourtant leur délier les mains. SCÈNE VI. ORESTE, seul. Je deviens furieux, Destin, quand je te nomme !Tu ne fais qu'un coquin souvent d'un honnête hommeMon exemple en fournit une affr[e]use leçon :Je suis un misérable, et suis né bon garçon ; Je suis doux, et souvent je me mets encore ;J'adore mes parents, et j'ai tué ma mère ;Je cours les champs, portant en mon coeur le remordEt je rencontre un chien enragé qui me mord ;Je le deviens moi-même, et répands l'épouvante ; Pilade, d'une humeur sensible et prévenanteVeut bien m'aimer malgré ce petit défaut-là ;Mais le destin m[aud]it n'approuve pas cela.Par l'ordre d'Apollon je viens sur ce rivage,Je cours toutes les m[e]rs pour avoir une image, Et je perds mon ami d'abord en arrivant.Mon infortune, ô Ciel ! t'amuse trop souvent ;Mais ces carreaux sont teints et cette colonnade !Je me connais au sang, c'est celui de Pilade ;Les Dieux sans doute ont cru qu'avec de l'amitié, Le malheur ne pouvait m'accabler qu'à moitié. SCÈNE VII. Pilade, Oreste. PILADE. Retrouve ton ami. ORESTE. Je ne t'attendais guère. PILADE. Ton étoile et les Dieux m'ont taillé des croupières,Je fuis tombé dans l'eau, cela me porte au coeur,L'amitié s'affadit avec cette liqueur. ORESTE. Je te revois, Pilade, et ma joie est fi tendreQu'à l'instant mon accès de rage va me prendre. PILADE. Sauve qui peut. ORESTE. Je vois tout l'enfer fous mes pas. PILADE. La belle vue ! ORESTE. Ô Ciel je sens entre mes bras,Un serpent venimeux qui me pique et me glace. Quelle femme, Grands Dieux, me fait donc la grimace PILADE. Tu lui rends bien. ORESTE. Un spectre est là pour l'appuyerC'est Egiste, oui c'est lui qui lui sert d'écuyer ;Mais quel objet hideux m'embarrasse et m'arrête !Il gémit... Ah ! Qu'il a de cornes à la tête ! Que vois-je ! C'est mon père ! ORESTE. Il n'est donc pas changé ? ORESTE. Dans quel nouveau revers me trouvai-je plongé !Ô désespoir ! Je suis accablé Pilade,Il me fuit. PILADE. Au contraire, et je fuis, camarade. ORESTE. Je n'avais qu'un ami, qu'un seul, je l'ai perdu. PILADE. Je suis ici. ORESTE. Viens donc. PILADE. Je crains d'être mordu. ORESTE. Ainsi tout l'Univers craint et fuit ma présence.Ma fureur s'en accroît. PILADE. La Prêtresse s'avance ;Cessez d'être en colère, on vient vous égorger. ORESTE. Tu m'avertis à temps, et je vais m'arranger. SCÈNE VIII. Iphigénie, Oreste, Pilade, Prêtresses. IPHIGÉNIE. Votre sang va bientôt couler pour la Déesse,Je viens vous immoler ; mais avec politesse.Ici les étrangers dans mes mains sont remis,Et c'est moi qui leur fais les honneurs du pays.Prêtresses, à l'instant je veux qu'on les déchaîne ; Je dois agir ainsi pour que rien ne les gêne. PILADE. J'ai de l'esprit, Madame, et je vous entends bien. IPHIGÉNIE. Nous pouvons à présent commencer l'entretien :Votre sort m'intéresse, et je suis affligéeDe vous faire mourir ; mais j'y suis obligée. Mon coeur est la victime, et mon bras l'instrument. PILADE. Hom ! Cet instrument-là ne me plaît nullement. IPHIGÉNIE. Laissez-moi donc parler à votre camarade,Il est triste. PILADE. Il a tort. IPHIGÉNIE. Qu'a-t-il ? PILADE. Il est... maladeD'esprit IPHIGÉNIE, à Oreste. Puis-je savoir ?... PILADE. Vous saurez qu'aujourd'hui... IPHIGÉNIE. Vous avez la fureur de répondre pour lui ;C'est lui que j'interroge. ORESTE. Eh ! Maugrebleu, Madame,Tuez-nous sans rien dire. IPHIGÉNIE. Il a glacé mon âme.Cet enfant-là paraît assez mal élevé.à ce pauvre garçon qu'est-il donc arrivé ? PILADE. Madame, s'il n'a pas la réplique gentille,C'est qu'il a maintenant des chagrins de famille.Tout le monde n'est pas en place comme vous. IPHIGÉNIE. Oui, j'exerce un emploi bien amusant bien doux. ORESTE. Vous nous faites languir, quel sujet vous arrête ? IPHIGÉNIE. Cela viendra, Seigneur ; mais soyez plus honnête.Vous êtes tous deux Grecs, si j'en crois vos habits ? PILADE. Oui. IPHIGÉNIE. Venez m'embrasser, c'est aussi mon pays. PILADE. Ah ! Quel plaisir ! IPHIGÉNIE. Allons, contez-moi des histoiresAgamemnon jouit du fruit de ses Victoires. ORESTE. Il ne vit plus. IPHIGÉNIE. De quoi le pauvre homme est-il mort ? ORESTE. Il se portait fort bien. IPHIGÉNIE. Ah ! Vous m'étonnez fort. ORESTE. Un cruel assassin... IPHIGÉNIE. Quelle main sanguinaireA fait ce mauvais coup ? ORESTE. Son épouse adultère. PILADE. On peut, lorsqu'on eSt belle, avoir quelques amanTs Mais tuer les maris, ils sont si bonnes gens ! IPHIGÉNIE. Ciel, Clytemnestre ! Oreste a-t-il bien pris la chose PILADE. Vous deviez sur ce nom avoir la bouche close. IPHIGÉNIE. On voyait dans son air, étant encor enfantQu'un jour il pourrait être un fort mauvais plaisant. ORESTE. Il est l'horreur du monde. IPHIGÉNIE. Eh ! Qu'a-t-il donc pu faire ? PILADE. Madame, il en agit fort mal avec sa mère. IPHIGÉNIE. Fi, ce garçon doit faire une mauvaise fin.Que cherche-t-il ? ORESTE. La mort qu'il a trouvée enfin. IPHIGÉNIE, à part. Ô ciel ! Qu'entends-je ! Oreste est privé de la vie ! Mon unique ressource, hélas, m'est donc ravie !Remettons-nous s'il faut reprendre mon discours : Haut.Électre, que fait-elle ? ORESTE. Elle pleure toujours. PILADE. Cela compoSe au moins une aimable familleBien gaie. IPHIGÉNIE, à part à une Prêtresse. Ô désespoir ! Approchez-vous, ma fille Menez ces étrangers dans l'endroit préparéOù celui qu'on immole est toujours bien paré. PILADE. En voyant ces soins-là ma tristesse est complète, IPHIGÉNIE. Je vais faire aujourd'hui ma dernière toilette. SCÈNE IX. Iphigénie, Isménie, Eumène. IPHIGÉNIE. Ô Ciel ! Oreste est mort ! ISMÉNIE. Ce n'était qu'un vaurien. IPHIGÉNIE. Il serait devenu peut-être homme de bien.Halas ! En ce moment que mon malheur te touche ;Mais, as-tu remarqué ce grec dur et farouche ?Pour cet infortuné qui brave le trépas,J'éprouve un sentiment que je ne connais pas : Quoiqu'il ait l'air d'un fou, cet homme sait me plaire. ISMÉNIE. Il me paraît avoir un joli caractère. IPHIGÉNIE. Sauvons celui que j'aime. ISMÉNIE. On peut le hasarder. IPHIGÉNIE. Mais enfin l'autre eSt homme. ISMÉNIE. Il faut donc le garder. IPHIGÉNIE. Non, qu'ils partent tous deux ; mais il faut du mystère. ISMÉNIE. Pour bien mener cela, fiez-vous à mon père.Mon père roturier, sans rang, sans dignité,Les enveloppera dans son obscurité. IPHIGÉNIE. Ton père est ennuyeux, je crains qu'il ne paraisse. ISMÉNIE. On ne le verra pas ; j'en parlerai sans cesse, Et cependant jamais on ne saura son nom, IPHIGÉNIE. Va donc trouver Thoas et dis- lui pour raisonQue ces deux étrangers ont l'âme trop profanePour avoir l'honneur d'être immolés à DianeEt que je juge avant de les sacrifier, Qu'il faut avoir grand foin de les purifier. EUMENE. C'est une menterie. IPHIGÉNIE. Oui ; mais c'est une adresseUn privilège acquis qu'approuve la sagesse,Et ce motif m'excuse en cette extrémité :Qui sert les malheureux sert la Divinité. SCÈNE X. Oreste, Pilade, Iphigénie. PILADE. Suivant de ces climats les funestes maximes,Vous aviez commandé qu'on parât les victimes,Et nous reparaissons ainsi que nous étions,Libres de nous sauver, si nous le souhaitions. IPHIGÉNIE. Venez à cet autel de meurtre et de vengeance, Venez-y concevoir un rayon d'espérance.Mes bienfaisantes mains épargnant votre sangNe vous plongeront pas un coUteau dans le flanc.Vous irez tous les deux revoir votre Patrie. PILADE. Madame, en vérité, vous êtes bien polie. SCÈNE XI. Isménie, Acteurs précédents. Oreste et Pilade se retirent au fond du théâtre. ISMÉNIE. Madame, je voudrais vous parler en secret.Éloignez-vous. ISMÉNIE. Je viens vous dire avec regretQu'à les sauver tous deux il ne faut pas prétendre.Thoas aime le sang, il veut en voir répandre ;Il faut que de ces Grecs l'un périsse en effet ; Mais si vous m'en croyez, délivrez le mieux fait. IPHIGÉNIE, à Oreste et à Pilade. Rapprochez- vous. Les Di[e]ux ont fait tourner la chance,Ils se font irrités de ma condescendance.Un de vous deux mourra, le choix m'en est remis, À Oreste.Et pour être sauvé, c'est vous que j'ai choisi. PILADE. Miséricorde ! Ô meurtre ! IPHIGÉNIE, à Pilade. Ah ! Je vois votre joie ;Je vous laisse un instant, pour qu'elle se déploie.Ma main avec douceur remplira mon devoir. À Oreste.Vous, vous regagnerez votre pays ce soir,Je vous en suis garant ; mais daignez me permettre D'aller écrire avant un petit mot de lettre.Vous serez bien exact à la remettre au moins. À Pilade.Ensuite, mon enfant, Vous aurez tous mes soins. Elle sort. SCÈNE XII. Oreste, Pilade. PILADE. AInsi, nous voilà donc aux petits soins ensemble. ORESTE. M'aimes-tu ? PILADE. Quand tu dis que tu m'aimes, je tremble La Prêtresse au contraire, au lieu de menacerEn m'annonçant la mort, semble me caresser. ORESTE. Parle donc, je te trouve un plaisant personnageDe prétendre mourir. PILADE. Ce n'est pas mon usage. ORESTE. Je t'ai toujours connu pour un ambitieux. PILADE. Est-ce ma faute à moi ? Va ne t'en prend qu'aux Dieux.Pourquoi m'envierais-tu ma petite fortune ? ORESTE. La vie est un fardeau dont le poids m'importuneJe demande la mort, c'est à moi qu'on la doit,Et tu veux aujourd'hui me faire un passe-droit. PILADE. À l'honneur qu'on me sait, ami, je suis sensible ;Mais je t'aime et voudrais, s'il était bien possible,Tout à l'heure te voir à l'autel attaché.Va, je te céderais ma place à bon marché. ORESTE. Tu m'aimes ! ah, j'en prends tous les Dieux pour arbitres. Tu veux être immolé, parle quels sont tes titres ?As-tu dix fois par jour le transport au cerveau ?Tout l'univers pour toi devient-il un tombeau ?Des Spectres viennent-ils te tenir compagnie ?As-tu jamais rossé personne dans ta vie Es-tu né comme Oreste, insensé, forcenéEt vois-tu sur tes pas tout l'Enfer déchaîné ? PILADE. On ne peut pas avoir tous les biens en ce monde. ORESTE. Eh, dis-moi donc sur quoi ta vanité se sonde ? PILADE. Pour me laisser mourir, j'embrasse tes genoux ORESTE. Et je me jette aux tiens pour un bonheur si doux. PILADE. Non, je ne le veux point. ORESTE. Un refus de la sorteAgite tous mes sens, le courroux me transporte,Je m'en vais t'assommer. PILADE. Oh ! Ne badinons point,Tu traites l'amitié toujours à coups de poing. ORESTE. Je veux aimer ainsi. Je vais à la PrêtresseDéclarer qui je suis. PILADE. Ah ! Ton cerveau se blesse. ORESTE. Et si sa main balance, ô Terre ! Entrouvre-toi.Et vous qui m'écoutez, ô Ci[e]ux écrasez-moi, PILADE. Je sais OEdipe. Aussi vos victimes sont prêtes Ô monts écrasez-nous, Cieux, tomb[e]z sur nos têtes. ORESTE. Ensemble.Si tu reçois la mort, si je puis le souffrir,Je dis qui m'a sait naître et qui j'ai fait mourir. PILADE. L'amitié, l'amitié, voilà ce qui m'enivre,Je ne suis pas sorti de mon pays pour vivre. SCÈNE XIII. Iphigénie, Oreste, Pilade. IPHIGÉNIE. Peut-on savoir pourquoi vous avez tant crié ? ORESTE. Madame, ce n'était qu'un débat d'amitié. PILADE. Il parlait doucement avec son camarade. IPHIGÉNIE. Ce commerce du moins ne me paraît pas fade. ORESTE. Pour parler franchement, je suis jaloux de lui, Je vous le dis tout net et s'il meurt aujourd'huiJe ne me charge pas de rendre votre lettre. IPHIGÉNIE. Dans vos fidèles mains je venais la remettre :Eh, quoi vouloir mourir ! Seigneur, que pensez-vous ? PILADE. Madame, il serait mal de disputer des goûts. IPHIGÉNIE, à Oreste. Vous pouvez préférer une mort rigoureuseAu soin de me servir et de me rendre heureuseVous n'êtes pas galant, et c'est me faire tort. PILADE. Il n'aime point le Sexe. IPHIGÉNIE. Il mérite la mort ;Je ne puis y penser sans en être saisie. À Pilade.Mais ne sentez -vous pas un peu de jalousie PILADE. Non. IPHIGÉNIE, à Oreste. Pour payer l'honneur qu'il daigne vous céder ;Dites-lui, s'il se peut, adieu, sans le gronder. ORESTE. Adieu, mon cher ami, pardonne mes reproches. PILADE, bas. Je n'aurai pas toujours mes deux mains dans mes poches, Laisse-moi faire, va je te délivrerai. À part.Je ne sais pas pourtant comme je m'y pendrai. SCÈNE XIV. Iphigénie, Pilade, L'Esclave. IPHIGÉNIE. Pour sortir de ces lieux, il ne saut pas attendre..Électre est la personne à qui vous devez rendreCe Billet important. PILADE. Par quel hasard heureux La connaissez-vous donc ? IPHIGÉNIE. Vous êtes curieux !Esclave, prenez soin de conserver sa vie ;Vous savez les chemins, et je vous le confie. PILADE. Vous le verrez bientôt, c'est un garçon d'esprit,Qui reviendra vous faire un bien joli récit. SCÈNE XV. Iphigénie, Isménie. IPHIGÉNIE. Je conçois pour ce Grec, un malheureux présage,Et j'ai peur qu'il ne fasse un bien mauvais voyage,Je ne saurai jamais quand il s'embarquera. ISMÉNIE. Sans être remarqué, croyez qu'il partira. IPHIGÉNIE. Je crains qu'il ne s'égare, ou bien qu'on ne l'arrête. ISMÉNIE. Pourquoi ? IPHIGÉNIE. Son conducteur m'a l'air d'être un peu bête.J'ai remis l'étranger en de mauvaises mains. ISMÉNIE. Faut-il donc tant d'esprit pour savoir les chemins IPHIGÉNIE. Mais, je vais être instruite enfin ; je vois Eumène.Le Grec est-il parti ? SCÈNE XVI. Eumène, Iphigénie, Isménie. EUMENE. Vous m'en voyez en pEine ; On l'attend au vaisseau, personne n'est venu. IPHIGÉNIE. Ah ! Je n'en doute point, mon projet est connu. ISMÉNIE. À de vaines frayeurs, pourquoi livrer votre âme ?Vous connaissez Thoas, rassurez-vous, Madame,Thoas est soupçonneux, et n'approfondit rien. IPHIGÉNIE. Il est vrai ; mais on vient ; ah c'est l'Esclave. SCÈNE XVII. L'Esclave, Iphigénie, Isménie. IPHIGÉNIE. Hé bien ?Ce Grec dont je vous ai confié la conduiteN'a-t-il point rencontré d'obstacles dans sa suite ?Vogue-t-il sur les eaux ? Et le vent est-il bon ? L'ESCLAVE. Il est plus avancé, Madame, il est au fond. ISMÉNIE. Adieu ma lettre. L'ESCLAVE. Un bruit et de chevaux et d'armesNous a sait sans raison concevoir des alarmes,Et quoique nous sussions tous deux hommes de coeur,J'avouerai franchement que nous avons eu peur.[Note : Aucun vers ne rime avec "sauvage".]Nous nous sommes cachés dans un antre sauvage, Où les flots en courroux viennent briser leurs coursQui, sans doute, du Grec ont absorbé les jours.L'appelant vainement, j'ai cru devoir conclureQu'il fallait regarder, malgré la nuit obscureJe n'ai rien aperçu, je me suis effrayé Ainsi vous voyez bien que notre homme est noyé. IPHIGÉNIE. Ah, je n'en doute pas, la preuve en est trop claire,Et les Dieux par ce trait m'annoncent leur colère. ISMÉNIE. Pour fuir la mort, Madame, un Grec prend bien des soins,Et revient dans l'instant qu'on y pense le moins. EUMENE. Voilà tout mon espoir, qu'il soit aussi le vôtre. IPHIGÉNIE. Puisque cet homme est mort, qu'on m'aille chercher l'autre.On l'amène. Sortez. Voici le beau morceau,Qui serait plus touchant, s'il était plus nouveau. SCÈNE XVIII. Oreste, Iphigénie. ORESTE. Pour me percer le coeur, m'appelez-vous ? J'arrive. IPHIGÉNIE chante. C'est au pied du Rocher qui défend cette rive. ORESTE. C'est l'Opéra tout pur, et nous nous égarons. IPHIGÉNIE. Allez, allez toujours, nous nous retrouverons. ORESTE. Oui, la scène a trente ans plus que la tragédie,On l'a toujours chantée, ainsi la Parodie Doit l'être tout de même. IPHIGÉNIE. Oui, c'est là mon projet,Et cela vaudra mieux pour le fond du sujet. AIR : La mort de mon cher père.Mon petit ministèreVous sera du chagrinsJe crains de vous déplaire En vous perçant le sein.Que ne suis-je maîtresseDes climats où je suis !Les gens de votre espèceN'y seraient pas détruits. ORESTE. AIR : Contre un engagement.D'un propos gracieuxVous serez le contraire.Loin d'apaiser les Dieux,Redoutez leur colère :À votre âge, ma chère Lorsqu'on veut bien agir,On ne doit jamais faireMourir que de plaisir. IPHIGÉNIE. AIR : Un mouvement de curiosité.De vous sauver, j'aurais beaucoup d'envieSi ce bienfait pouvait se pardonner Tuer un homme ! Ah quelle barbarie !À cet emploi pourquoi me destiner ?C'est mon devoir d'ôter ici la vie,Il me serait plus doux de la donner. AIR : Adieu donc, Dame Française.Eh pourquoi, bonne Prêtresse, Me traiter si rudement ?Avec ce regard charmant,Auriez-vous l'âme traîtresse !Ah ! Dans un si doux momentLa nature vous dément. Eh ! Pourquoi, bonne Prêtresse,Me traiter si rudement ? IPHIGÉNIE, tendrement. AIR : Musette du Ballet de la Fontaine de Jouvence.C'est assez ; je trains de vous entendreLa pitié pourrait me surprendre,Oui, je cours trop de danger. Par égard pour une âme trop tendre,Ah ! Permettez-moi de vous égorger. ORESTE. AIR : Je sens un certain je ne sais quoi.Vous m'en priez trop galamment. IPHIGÉNIE, à part. Que son sort m'intéresse ! ORESTE. Tuez-moi donc par sentiment. IPHIGÉNIE. Je plains votre jeunesse.. ORESTE. En vous voyant, belle Prêtresse,Mon coeur se trouble malgré moi. IPHIGÉNIE. Je sens un certain je ne sais qu'est-ce. ORESTE. Je sens un certain je ne sais quoi. IPHIGÉNIE. AIR : Elle est morte la vache à panierQue dit-on chez vous d'Iphigénie ? ORESTE. Ah ! Son sort doit me faire trembler,On l'a tuée en cérémonie,Elle est morte, il n'en saut plus parler.Je n'y puis songer Sans m'affliger,Sans me troubler ;Elle est morte, la pauvre Iphigénie,Elle est morte, il n'en saut plus parler. IPHIGÉNIE. AIR : Un jour sur la fougère.Diane sut propice, Et vint à son secours. ORESTE. On sait qu'un sacrificeA termine ses jours,Mon âme désoléeGémit de son trépas, La pauvre enfant fut immolée. IPHIGÉNIE. La pauvre enfant n'en mourut pas, ORESTE. AIR : Allons la voir à Saint Cloud.Puisqu'elle respire encorMon destin est moins funeste. IPHIGÉNIE. D'où peut naître ce transport ? ORESTE. Ah ! Quel plaisir pour Oreste. IPHIGÉNIE. Vous m'aviez dit qu'il était mort. ORESTE. Madame, je n'avais pas tort,Ce n'était qu'une adressePour faire durer la pièce. IPHIGÉNIE. AIR : Monsieur la Palisse est mort.Il n'a pas fini son sort ?Ah ! Que j'en serais ravie ! ORESTE. La preuve qu'il n'est pas mort,C'est qu'il est encore en vie. IPHIGÉNIE. AIR. Chant de l'Opera.Expliquez-vous. ORESTE. Hélas ! IPHIGÉNIE. Achevez, je vous prie. ORESTE. Vous voyez mon trouble et mes pleurs.Reconnaissez Oreste à sa folieEt plus encore à ses malheurs. ENSEMBLE IPHIGÉNIE. Quoi je te revois, mon frère, Mon frère, mon frère. ORESTE. Quoi je te revois, ma chère,Ma chère, ma chère. ENSEMBLE. Quel plaisir pour moi !Chère soeur, c'est toi ! Mon frère, c'est toi !Le sort ne m'est plus contraire. ENSEMBLE. AIR : Ah ! Madame Anroux.Sautons-nous au cou. ORESTE. Ah, si je suis fou,À présent c'est d'aise. IPHIGÉNIE. Je retrouve un souMais je pâme d'aise. ENSEMBLE. Sautons-nous au cou. ORESTE. À présent c'est d'aise,Que ton frère est fou. IPHIGÉNIE. Je me pâme d'aise,Quoi que tu sois sou. ORESTE. Je vais tout préparer pour nous sauver tous deux. IPHIGÉNIE. Allez. Oreste sort. SCÈNE XIX. IPHIGÉNIE, seule. Ça, reprenons le ton majestueux,Mon frère est retrouvé, c'est toujours quelque chose, Je regrette à présent l'autre Grec et pour cause ;Mais je vais avant peu me voir dans mon pays,Je suis en âge encor d'y faire des amis. SCÈNE XX. Iphigénie, Isménie. ISMÉNIE. Madame, attendez-vous au sort le plus contraire,Au cou le plus affreux rien ne peut vous soustraire, Vos desseins sont connus du barbare Thoas,Le malheureux Oreste est dans les mains d'Arbas. SCÈNE XXI. Iphigenie, Ismenie, Thoas, et suite. THOAS. Ah ! Ah ! Vous voilà donc, Prêtresse dégourdie,Vraiment votre conduite est tout à fait jolie,J'apprends en ce moment comme vous en usez C'est aux dépens des Dieux que vous vous amusez.Au lieu de les tuer, vous retenez les hommes. IPHIGÉNIE. Hélas, dans mon pays, voilà comme nous sommesLa nature eut toujours un grand pouvoir sur moi.Son agréable étude est mon unique emploi, C'est la première Loi, c'est la seule peut-être,C'est la seule du moins qui se fasse connaître,Elle est de tous les temps, elle est de tous les lieux ;Elle règle à la fois les hommes et les Dieux. THOAS. Une telle morale avec votre état jure, Prêtresse, vous citez trop souvent la nature. IPHIGÉNIE. On cite ce qu'on aime. THOAS. On m'a sort bien instruit,Vous tramiez des complots, vous en perdez le fruit. IPHIGÉNIE. Je n'ai jamais formé de complots sur la vie,La défiance marche avec la tyrannie ; Guéris-toi, s'il se peut, des soupçons que tu prends.Je voulais seulement écrire à mes parents. THOAS. La chose est toute simple ; était-il nécessaireD'avoir tant de finesse et d'en faire un mystère ?J'aurais, si vous m'eussiez dit vos petits secrets, Pris soin de vous donner un courrier tout exprès ;Mais sur ces étrangers j'ai des droits légitimes ;Et vous devez tous deux les prendre pour victimes. IPHIGÉNIE. Monsieur, vous tenez là de sort mauvais propos. THOAS. Où sont ces étrangers ? Répondez en deux mots. IPHIGÉNIE. Tu devrais le savoir, un vil tyran qui trembleDevrait en espions être mieux ce me semble.Un des deux dans ce Temple est encor retenu,L'autre est déjà parti, ce fait là t'est connu.Tu devais l'empêcher ; mais chez toi tu demeures Pourquoi faire ? Dis moi. THOAS. J'ai dormi vingt-quatre heures.Mais que cet étranger paraisse sans tarder.Je le vois ; à mes yeux il faut le poignarder. SCÈNE XXII. Oreste, suivi des prêtresses et les acteurs précédents. IPHIGÉNIE. Qui ? Moi le poignarder ! Apprends qu'il est mon frère. THOAS. Eh ! Quand cela serait, il ne m'importe guère. Obéissez, Madame, et qu'il saute le pas. IPHIGÉNIE. Ô ciel, vous l'entendez et vous ne tonnez pas ! ORESTE. Ton âme à mon aspect, d'effroi n'est pas atteinte !De mon sang, sur mon front vois la Majesté peinte ;Au nom d'Agamemnon, Tyran, baisse les yeux. THOAS. Oui, c'est un nom vraiment bien beau, bien précieux,Qu'une race où le crime eSt une maladie.La femme, le mari, le fils, tout s'expédie.Moi, je vais te traiter de la même façonQue j'avais l'honneur d'être de ta maison. ORESTE. Tu n'es qu'un plat tyran dont la fureur oisive,Joint à l'emportement une action tardive ;Tu menaces toujours sans rien effectuer.Dis, pourquoi reviens- tu ? IPHIGÉNIE. Pour le faire tuer. THOAS. Madame, doucement, cela vous plaît à dire, Mais je veux avant moi que l'étranger expireQue la Religion conduise votre main,Armez-vous du couteau, plongez-le dans son sein. ORESTE. Paresseux, ne peux tu faire cela toi-même ? THOAS. Cela compromettrait la puissance suprême. Pour servir mon courroux, Gardes obéissez. IPHIGÉNIE. Qu'allez-vous faire, ô ciel ! Profanes, frémissezQuoi ! L'on a donc ici d'assez vilaines âmesPour y faire périr les hommes par les femmes !Et moi je souffrirais un pareil contre-sens ! Non, vous m'en puniriez Dieux justes, Dieux puissants,Qu'oses-tu commander dans ton aveugle rage ?L'excès de mon malheur me rend tout mon courage.Prêtresses, avec soin gardez ce garçon-là,Dans votre solitude il vous désennuiera Et mes attentions seront bien reconnues.Si quelque frère un jour peut vous tomber des nues,Vous me le céderez, l'arrangement est doux,Je le prendrai pour moi ; prenez le mien pour vous. THOAS. Mais qui peut faire ici cet affreux tintamarre ? SCÈNE XXIII. Arbas, Les Acteurs précédents. ARBAS. Sauvez-vous, s'il se peut, Seigneur, de la bagarre.Ce Palais est rempli de farouches soldats. THOAS. D'où diable sortent-ils ? ARBAS. Je ne le comprends pas. THOAS. Avant de réprimer cette révolte impie,Moi-même à l'étranger je vais ôter la vie. SCÈNE XXIV. Pilade, sa suite et les susdits. Fin de la piéce. Fin de la piéce. PILADE. Je viens à point nommé punir tes cruautés,Reconnais un héros ; meurs, Tyran. THOAS. ArrêtezParce que je suis bon, faut-il que l'on me tue ?Tenez, arrangeons-nous, emportez la statue,Laissez-moi vivre en paix ; partez, tout est d'accord, Ensanglanter la scène, oh ! C'est un peu trop sort. ORESTE. Mais à mes noirs transports je ne suis plus en proie ;Je me trouve moins sou, ma tête se nettoie ;Ma soeur, je vais cesser d'être un objet d'effroiEt les diables je pense ont pris congé de moi. PILADE. Comment c'est là ta soeur ? ORESTE. Oui, c'est Iphigénie. PILADE. Tant mieux pour moi, vraiment ; peste, qu'elle est jolie !Elle part avec nous ? IPHIGÉNIE. Rendons grâces aux Dieux,La Loi de la Nature est donc la Loi des Cieux. AU PUBLIC.Messieurs, loin de vouloir, dans cette Parodie Lancer des traits méchants contre la Tragédie,Nous respectons l'auteur dont le brillant pinceauA placé l'amitié dans un cadre si beau,Qui malgré les succès, échappant à l'ivressePour les mieux mériter, a corrigé sa pièce ; Et qui, comme un prodige, offre à tous ses rivauxUn auteur triomphant qui connut ses défauts.Les larmes du public consacrent sa victoireL'actrice inimitable en partage la gloire.Trop heureux le théâtre, où l'auteur et l'acteur, Par des talents égaux, charment le spectateur.D'un mérite si rare admirateurs modestes,En les parodiant, nous ramassons leurs têtes. ORESTE, IPHIGÉNIE. Embarquons-nousJouissons tous, D'un sort plus tranquille,Bien nous en prendQue le tyranSoit bon et facile,Tout sert nos voeux. À vivre heureuxTout enfin nous exhorte ;Faisons gaiementLe dénouement.Le plaisir me transporte. THOAS. Prince des fousEmbarquez-vous,Laissez-moi tranquille.Dans vos propos,Dans vos complots, Je suis inutile.Tout sert vos voeuxSoyez heureux,Mais que d'ici l'on sorteFaites gaiement Le dénouement.Que le Diable vous emporte IPHIGÉNIE, à Oreste. Hélas ! Mon cher,Que j'ai souffertDans ce lieu funeste ! J'ai malgré moiFait un emploi,Que mon coeur déteste.Mais dès ce jour,Envers l'amour J'expierai mon crime,Loi de ces lieux,J'aimerais mieuxMoi-même être victime. THOAS, seul. Prince des sous Embarquez-vous.Adieu, triste Oreste.Dans ces climatsLaissez Thoas,Il saut qu'il y reste. Si j'étais mort,Pourrais-je encor :Régner en Tauride ?Je dois céans,Régner longtemps, Et l'histoire en décide. On reprend le Trio. ==================================================