******************************************************** DC.Title = ARLEQUIN EMPEREUR DANS LA LUNE, COMÉDIE DC.Author = FATOUVILLE, Anne Mauduit de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 03/12/2022 à 21:19:46. DC.Coverage = Pays féérique DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FATOUVILLE_ARLEQUINEMPEREURDANSLALUNE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k853786v DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** ARLEQUIN EMPEREUR DANS LA LUNE COMÉDIE Par Monsieur D***. À TROYES, Chez GARNIER, Imprimeur-Libraire, rue du Temple. ACTEURS ARLEQUIN, Empereur dans la Lune. LE DOCTEUR. SCARAMOUCHE. LE COMMIS. LE COMMISSAIRE. LE CHEVALIER DU SOLEIL. ISABELLE, Fille du Docteur. EULARIA, Nièce du Docteur. COLOMBINE, servante du Docteur. PIERROT, Valet du Docteur. Le théâtre représente le Palais d'Harpagine. ARLEQUIN EMPEREUR DANS LA LUNE. SCÈNE I. Le Docteur, Pierrot. Le Théâtre représente un Jardin, au fond duquel on voit une grande Lunette d'approche, montée sur son pied. LE DOCTEUR. È possibile Pierrot, chet non vaglia chetarti. Tais-toi, je t'en prie. PIERROT. [Note : Par la Jarnibleu : Sorte de jurement : corruption de Je renie Dieu. [L]]Mais, Monsieur, comment voulez-vous que je me taise ! Je n'ai pas un moment de repos. Tant que la journée dure, il faut que je travaille après votre Fille, votre nièce et votre servante : à peine la nuit est-elle venue qu'il faut que je travaille après vous. Dès que je suis couché, vous commencez d'abord votre carillon : Pierrot, Pierrot, lève-toi vite, allume de la chandelle, et me donne ma lunette à longue vue, je veux aller observer les astres ; et vous voulez me faire accroire que la Lune est un monde comme le nôtre. La Lune ! Par la jarnibleu j'enrage. LE DOCTEUR. Pierrot, encor una volta, taci. Ti bestionnara. PIERROT. Parbleu, Monsieur, quand vous devriez me tuer, il faut que je débagoule mon coeur. Je ne serai pas assez sot pour convenir que la Lune soit un monde : la Lune, la Lune ! Morbleu, qui n'est pas plus grande qu'une omelette de huit oeufs. LE DOCTEUR. Che impertinente. Si tu avais tant soit peu d'entendement, j'entrerais en raison avec toi. Ma tu scia une bestia, un ignorante animale, che non sa doua s'ablia la testase non la tocca, è pre chiudi la boccoà. Et tais-toi encore une fois, tu feras mieux. PIERROT, se dépitant. Ma foi, je m'y ferais hacher. LE DOCTEUR. La mia patientia sa miracola. Essayant cependant, s'il est possible, de le tirer de cet entêtement ; ascolia animale. As-tu jamais remarqué ces certains nuages qu'on voit autour de la Lune ? Ces... PIERROT. J'entends, c'est à dire, l'ornement de l'omelette. LE DOCTEUR. L'ornement du Diable qui t'emporte : tais-toi, la malhora, et ne songe plus à l'omelette. Ces nuages donc, qu'on remarque autour de la Lune, s'appellent les Crépuscules. Or voici que j'argumente. PIERROT. Voyons. LE DOCTEUR. S'il y a deux "Crépuscule dans la Lune", bisogna chavisia una generation, una corrution è s'aghe una corrution et una generation bisogna h'ave ne nassea dei animali et dei vegetabili, è s'aligne nasée dei animali et dei ve getabili, ergo la luna è un Mondo abitabile com'al nostro. PIERROT. [Note : Pousse-cul : Terme populaire. Agent subalterne qui aide à mener les gens en prison. [L]]Ergo, tant qu'il vous plaira. Pour ce qui est dit moi, Nego, et voici comme je vous le prouve. Vous dites qu'il y a dans la Lune les tres... cus... pus, les trois pousse-culs. LE DOCTEUR. Crepuscoli, et non pas Posseculs, bête. PIERROT. Enfin, les trois... vous m'entendez bien, et s'il y a les trois Puscules, il faut qu'il y ait une génération et une corruption. LE DOCTEUR. Certissimo. PIERROT. Ho, voici ce que dit Pierrot. LE DOCTEUR. Vedemo. PIERROT. S'il y a une génération et une corruption dans la Lune, il faut qu'il y naisse des vers. Or serait-il vrai que la Lune serait véreuse ? Hé ! En tenez-vous ? Il n'y a mardi, pas de réplique à cela. LE DOCTEUR, en riant. Ho, non assurément : Hé ! Dis-moi, Pierrot, In questo nostro mundo, y naît-il des vers ? PIERROT. Oui, Monsieur. LE DOCTEUR. S'ensuit-il pour cela chil nostro mundo sit verroso ? PIERROT, après avoir tant soit peu rêvé. Il y a quelque raison à cela. LE DOCTEUR. Al credo ben. Or sit Pierrot, lassem andar la Lune è parlera l'altre cose. PIERROT. C'est fort bien fait ; car avec votre diable de Lune, j'appréhende que quelque jour vous n'alliez tout comme elle par Quartiers. LE DOCTEUR. Quietatis insolente. Ma fille, ma nièce et mes servantes m'embarrassent beaucoup : Isabelle ne s'attache qu'à la Poésie, et ma maison est toujours remplie de Poètes. Eularia ma nièce, a toujours quelque jeune muguet à ses trousses, et les servantes pour se conformer à l'humeur de leurs maîtresses sont devenues aussi folles qu'elles : Mais je les marierai bientôt toutes les quatre, et j'aurai le plaisir de faire maison nette ; j'ai plusieurs partis sortables qui se présentent pour ma Fille et ma Nièce, et pour mes Servantes aussi. Un charcutier me demande Olivette, et Colombine... ARLEQUIN, paraît dans le fond du Théâtre, qui entendant nommer Colombine, dit : Colombia la mia Mestressa. PIERROT, au Docteur, croyant que c'est toujours lui qui parle. Vous vous trompez, Monsieur, Colombine est votre servante, et non pas votre maîtresse. LE DOCTEUR. Et oui, Colombine ma servante. ARLEQUIN, toujours derrière. Et bien, Colombine votre servante, qu'a-t-elle fait ? LE DOCTEUR, à Pierrot. Elle n'a rien fait ; donne-toi patience. Elle m'est demandée en mariage par un apothicaire, un ... ARLEQUIN, toujours derrière. Haime. PIERROT, regardant le Docteur. Qu'est-ce, Monsieur, avez-vous la colique ? LE DOCTEUR. Pierrot, in cocienza mia ti bastonara, laissa mi parlar. PIERROT. Et c'est vous, Monsieur, qui parlez tout comme un écho. LE DOCTEUR. Colombine m'est demandée par un apothicaire, un fermier et un boulanger. ARLEQUIN, toujours derrière. Et un Régiment de cavalerie. LE DOCTEUR, donnant un soufflet à Pierrot, et le faisant tomber par terre. E un cancher, che ti magni, dia vel in malhora, che fias tu maladet. PIERROT, après s'être relevé. Opération de la Lune ! Opération de la Lune ! Et il s'en va. LE DOCTEUR, faisant semblant de courir après. Attendis, attendis ... A-t-on jamais vu un plus insolent coquin ! Je ne puis pas dire vingt paroles de suite avec lui. Il a une démangeaison, de parler qui ne se comprend pas, et s'il n'a pas une once de sens commun... Mais revenons un peu à Colombine. Je ne sais auquel des trois Partis qui se présentent je la dois donner. L'Apothicaire, dit-on... ARLEQUIN, derrière. Il est vilain. LE DOCTEUR, regarde autour de lui et Arlequin d'abord se retire. L'Apothicaire est assez à son aise, vous aussi. ARLEQUIN, toujours derrière. Le Boulanger est un fripon, et vous aussi. LE DOCTEUR. Onis ! Qu'est-ce donc que ceci. Il regarde de tous côtés.Le boulanger, dis-je, est plus riche. Cependant j'ai plus d'inclination pour le fermier, et c'est à lui que je la donnerai. ARLEQUIN. Ah ! Je suis mort. LE DOCTEUR, las d'entendre parler et de ne voir personne, secoue sa Robe, son Manteau et son Chapeau, et puis dit. Ha ! Je comprends ce que c'est ; c'est la parole de Pierrot qui est demeurée à sa place. Et il s'en va. SCÈNE II. ARLEQUIN, seul. Ah ! Malheureux que je suis ! Le Docteur veut marier Colombine à un Fermier, et je vivrai sans Colombine ! Non ; je veux mourir. Ah ! Docteur ignorant ! Ah ! Colombine fort peu constante ! Ah ! Fermier beaucoup trop fripon ! Ah ! Arlequin extrêmement misérable ! Courons à la mort. On écrira dans l'Histoire ancienne et moderne : Arlequin est mort pour Colombine. Je m'en irai dans ma chambre, j'attacherai une corde au plancher, je monterai sur une chaise, je me mettrai la corde au col, je donnerai un coup de pied à la chaise, et me voilà pendu. Il fait la posture d'un pendu.C'en est fait, rien ne peut m'arrêter ; Courons à la Potence..... À la Potence ! Eh ! Fi donc, Monsieur, vous n'y pensez pas : vous tuer pour une fille ! Ce serait une grande sottise..... Oui, Monsieur ; mais une fille trahit un honnête homme, c'est une grande friponnerie..... D'accord ; mais quand vous vous serez pendu, en serez-vous plus gras ? [.....] Non, j'en serai plus maigre : je veux être de belle taille, moi ; qu'avez-vous à dire à cela ? Si vous voulez être de la partie, vous n'avez qu'à venir..... Ho pour cela non ; mais vous ne vous en irez pas..... Ho je m'en irai..... Ho vous ne vous en irez pas.....Je m'en irai, vous dis-je. Il tire son coutelas, et s'en frappe, puis dit.Ah ! Me voilà délivré de cet importun. À présent qu'il n'y a plus personne, courons nous pendre. Il fait semblant de s'en aller et puis s'arrête tout court.Mais, non ; se pendre c'est une mort ordinaire, une mort qu'on voit tous les jours ; cela ne ferait point d'honneur : cherchons quelque mort extraordinaire, quelque mort héroïque, quelque mort Arlequinine. Il songe.Je l'ai trouvée. Je me boucherai la bouche et le nez, le vent ne pourra pas sortir, et comme cela je mourrai. Voilà qui est fait. Il se bouche le nez et la bouche avec les deux mains, et après avoir demeuré quelque temps dans cette posture, il dit : Non, le vent sort par le bas, cela ne vaut pas le diable. Hélas ! Que de peine pour mourir. Vers le parterre.Messieurs, si quelqu'un voulait mourir pour me servir de modèle, je lui serais bien obligé..... Ah ! Par ma foi, j'y suis. Nous lisons dans les Histoires, qu'il y a eu du monde qui est mort à force de rire : si je pouvais mourir en riant, ce serait une mort fort drôle. Je suis fort sensible au chatouillement, si on me chatouillait longtemps, on me ferait mourir de rire. Je m'en vais me chatouiller, et comme cela je mourrai. Il se chatouille, rit, et tombe par terre. Pasquariel arrive, qui le trouvant ainsi, le croit ivre, l'appelle, le fait revenir, le console et l'emmène. Nota. Que dans cette Scène partout où la Phrase est suivie de petits points, cela est mis pour avertir qu'en ces endroits, Arlequin change de voix et de geste, tantôt se tirant d'un côté et tantôt se tirant de l'autre. Le sens des paroles le fait assez connaître : c'est pourquoi cela ne se trouve pas marqué en son lieu. Ceux qui ont vu cette Scène, conviendront que c'est une des plus plaisantes qu'on ait joué sur le Théâtre Italien. SCÈNE III. Pierrot en femme de Docteur, Arlequin en Fille de Chambre. PIERROT. Bonjour, ma Mie. ARLEQUIN. On m'a dit, Madame, que vous aviez besoin d'une femme de Chambre. Je venais pour vous offrir mes services, et savoir si je vous serais agréable. PIERROT. Et d'où sortez-vous, ma Mie ? ARLEQUIN. Pour le présent, Madame, je sors de chez la Femme d'un Partisan, qui était la Maîtresse du monde la plus difficile à servir. Je ne pense que pendant trois ans que j'ai été avec elle, je l'ai vue aller une seule fois à la garde-robe. PIERROT. Ne pas aller à la garde-robe ! Tu te moques, ma Mie. ARLEQUIN. Il n'est rien de vrai, Madame : elle faisait dans sa chambre. C'est elle qui en a amené la mode. PIERROT. Qui en a amené la mode ! ARLEQUIN. Oh, oh, je vous étonnerais bien davantage, si je vous disais qu'elle allait toutes les six semaines une fois aux Étuves et que son Mari n'a jamais eu le crédit de faire ôter ses gants quand elle se couche. C'est une Femme extrêmement propre. Elle n'aurait pas souffert pour un Empire, que son Mari, au retour d'un voyage, l'eût baisé à la joue de peur de défleurir son teint. Je vous dis que c'est une femme merveilleusement propre. PIERROT. Et tu appelles cela propreté, ma Mie ! ARLEQUIN. Je le crois vraiment, que c'est propreté. PIERROT. Comment donc as-tu pu te résoudre à quitter une femme si propre ? ARLEQUIN. À vous dire vrai, j'en ai eu bien du regret : mais comme on voulait m'assujettir à blanchir trois grands gars de commis, qui étaient chez nous, et qui sous prétexte de me demander leur linge, venaient toujours batifoler autour de moi... Vous savez, Madame, qu'on n'a rien de si cher que l'honneur. À cette heure, ces friponniers-là me tenaient de certains propos... Enfin, tant y a que pour bien des raisons j'en ai voulu sortir. PIERROT. N'est-ce point aussi que les commis t'ont voulu mettre dans leurs intérêts ? ARLEQUIN. Des Commis, Madame ! Des Commis ! Vous direz tout ce qu'il vous plaira : mais une jeune fille comme moi n'est pas gibier à Commis. Si j'avais voulu prêter l'oreille aux sornettes, il hantait, peut-être, chez nous d'aussi beau monde qu'en aucune maison de Paris. Mais, grâce au Ciel, les hommes ne m'ont jamais tentée. PIERROT. Mais, dis-moi, ma bonne, n'as-tu jamais servi des gens de qualité ? ARLEQUIN. Est-il des gens de plus grande qualité que les partisans. PIERROT. Je ne dis pas que non : mais je te demande si tu n'as point servi des gens de la Cour ? ARLEQUIN. Qu'entendez-vous, Madame, par des gens de la Cour ? PIERROT. J'entends des Comtesses, des Marquises, des Duchesses. ARLEQUIN. Oh, si ce n'est que cela, je n'ai jamais fait d'autre métier toute ma vie. J'ai servi aussi un Commandeur, dont j'étais femme de chambre. C'était une bonne condition, celle-là, si elle eût duré. PIERROT. Femme de chambre d'un Commandeur ! Voici bien autre chose. ARLEQUIN. Hé ! Pourquoi non, Madame ? Les Dames ont bien des Valets de chambre. PIERROT. Elle a raison. Cette fille-là me plaît fort. Dis-moi, ma Mie, ne sais-tu pas blanchir ? ARLEQUIN. Oui, Madame, je coiffe, je blanchis, je brode un peu ; je fais de la pâte pour les mains, je sais faire des jupes, je donne le bon air aux manteaux, je donne aussi fort bien des remèdes ; enfin, je puis me vanter de savoir faire aussi adroitement qu'une autre, tout ce qu'il y aura à faire auprès d'une aussi jolie femme que vous, Madame. PIERROT. Mais, ne fais-tu point aussi... Là... Faire un peu de pommade pour le visage ? ARLEQUIN. Bon, c'est là où je triomphe ; et la Comtesse que j'ai servie vous en dirait bien des nouvelles. Trois mois après que je l'eus quittée, elle était vieillie de quatre-vingt ans. Je lui ai usée plus de deux cent pots de Pommade sur le corps, et à la fin je lui ai rendu le cuir aussi uni qu'une glace. Si j'avais l'honneur de vous panser seulement quinze jours, votre Mari ne vous reconnaîtrait plus. Vraiment, vraiment, j'ai remis sur pied des teints bien plus endiablés que le vôtre. Pour faire quelque chose de bien, il faut recrépir ce visage-là d'un bout à l'autre. Après cela vous charmerez tout Paris. PIERROT. La folle ! Allez ; vous demeurerez à mon service. ARLEQUIN. À l'égard des gages, Madame, je vous crois raisonnable. PIERROT. Allez, allez, vous ne vous plaindrez pas de moi. ARLEQUIN. Vous donnez du vin apparemment ? PIERROT. Du vin ! Mais les filles n'en boivent point. ARLEQUIN. Cela est vrai, Madame : c'est que je suis fort délicate. Je mange fort peu, mais je bois beaucoup. PIERROT. Et bien je vous contenterai. ARLEQUIN. Qu'est-ce que cela, Madame ? Quels vilains bras sont-ce là ? Ils sont tout velus. Il faut arracher ce vilain poil-là. PIERROT, en criant. Haye, haye. LE DOCTEUR, arrive, qui voyant sa Femme, dit. Bonjour ma Femme. PIERROT. Bonjour mon petit homme. ARLEQUIN, à Pierrot. Qui est cet homme-là ? Il montre le Docteur. PIERROT. C'est mon mari. LE DOCTEUR, qui a observé les contorsions d'Arlequin, dit à Pierrot. Ma femme, qui est cette fille-là qui est avec vous ? PIERROT, au Docteur. C'est une fille de chambre que je prends à mon service. LE DOCTEUR. Cette fille-là à ton service. Vous n'y pensez pas. C'est une coureuse, qui se promène tous les jours avec trente soldats devant le cheval de bronze. PIERROT, à Arlequin d'un ton de colère. Comment ! Coquine, vous osez me demander d'entrer à mon service ! Une coureuse, qui se promène tous les jours avec trente soldats sur le Pont-neuf ! Sortez de chez moi tout à l'heure. ARLEQUIN, mettant ses deux mains sur ses hanches. Qui vous a dit cela, Madame ? PIERROT. C'est mon mari. ARLEQUIN. Votre mari est un sot. PIERROT. C'est toi qui es une infâme. ARLEQUIN. Je vous prie d'être persuadée que vous en avez menti. PIERROT. Un démenti à une femme comme moi ! Il donne un soufflet à Arlequin, qui saute d'abord à sa coiffure, et la lui arrache. Ils se prennent aux cheveux, tombent par terre, se battent et finissent la scène. SCÈNE IV. Isabelle et Colombine. ISABELLE. Est-il sous le Ciel une plus malheureuse personne ! Je tiens mes tablettes. Je les mets sur ma table ; et dans le temps que je dispose mon imagination à quelques bouts rimés, un Diable ; oui Colombine, un Diable invisible a écrit sur mes tablettes des vers sur les mêmes rimes. En ce moment Cinthio encore dans ma chambre, surprend mes tablettes, et veut absolument que ces vers m'aient été donnés par un rival : plus je tâche à le désabuser, plus il s'obstine à le croire. Que maudite soit la visite que je rendis hier à Angélique ! Plus maudit encore celui qui m'a mis en tête de faire des bouts rimés ! COLOMBINE. Quoi ! Vous vous repentez de fréquenter les beaux esprits ? Et depuis quand donc ce chagrin ? Oh ! Pour cela vous vous en avisez un peu tard. Il y a près de six mois que vous perdez le boire et le manger pour aller deux fois par jour dans cette peste de maison-là pour faire vos provisions de mots à la mode. Ma foi, je crois que vous êtes ensorcelée de fadaises, et que quelqu'un vous a brouillée avec le bon sens... Si votre oncle savait tout ce petit train-là, il vous défendrait de voir... ISABELLE. Oh ! doucement, Colombine, la conduite d'Angélique n'est point frelatée, et sans rien risquer, on peut dire que c'est une honnête fille. COLOMBINE. La grande merveille ! Laide comme elle est, qu'à quarante-six ans elle soit honnête fille. Ce n'est pas là-dessus que je le prends. C'est sur ce bureau d'impertinence qu'on tient soir et matin chez elle, où deux ou trois freluquets d'abbés font les chefs d'Académie, et débitent aux précieuses de notre quartier tous les méchants vers qu'ils ont amassés dans la ville. ISABELLE. Que tu as l'esprit servante, Colombine ! Et que je te plains de n'aimer pas le langage des Dieux ! COLOMBINE. Dites plutôt le langage des gueux ; car les carrosses des poètes ne font aujourd'hui guère d'embarras dans les rues. Par exemple c'est un homme bien chanceux que le fils de cet huissier, qui vole dans des livres imprimés les énigmes, les sonnets, les élégies et mille autres drogues dont vous me faites tous les jours la receleuse : j'ai bien affaire moi, d'emplir mon coffre de vos sornettes : et où en serais-je si on allait faire le procès aux faux Poètes comme aux faux monnayeurs. ISABELLE. Que ta simplicité est fade ! Tu ne sais donc pas, Colombine que la prose est l'excrément de l'esprit et qu'un madrigal voiture plus de tendresse au coeur, que trente périodes des mieux arrangées ? Il faut être du dernier du peuple pour ne pas aimer les poètes à la folie. COLOMBINE. Hé ! Vous n'en prenez point mal le chemin. ISABELLE. Pour moi je suis tellement engouée de vers, qu'un poète me mènerait sans peine jusqu'aux frontières de la tendresse. COLOMBINE. Ma foi, vous perdez l'esprit. ISABELLE. Ah ! Colombine, qu'un homme est charmant, quand il offre des voeux passés par le tamis des Muses ! Quel moyen de tenir contre une déclaration qui frappe l'oreille par sa cadence, et dont l'expression figurée jette la sensibilité dans l'âme la plus rebelle et la plus farouche ! Quel plaisir Colombine, de régaler son coeur de ces nouveautés ingénieuses, qui renferment beaucoup de passion dans fort peu de vers ! Ah ! L'heureux talent de pouvoir assujettir ses mouvements et ses pensées aux pieds et aux mesures prescrites par la poésie ! COLOMBINE. Savez-vous, Mademoiselle, que ces pieds-là pourraient bien vous mener droit aux Petites-Maisons ? Hé ! Mort de ma vie, faut-il qu'une fille de votre âge emploie son temps à gober les vers de trois ou quatre étourdis que la fénéantise érige en poètes, et qui n'oseraient vous avoir regardée en Prose. ISABELLE. Mais que t'ont fait ces gens-là pour leur vouloir tant de mal ? COLOMBINE. À moi ! Rien ; C'est que j'enrage de vous voir la dupe d'un tas de petits poèteraux qui croient qu'il n'y a qu'à se baisser et en prendre, et que vous êtes fille à épouser un rondeau ou une élégie. Tout franc, ce n'est point là des coteries pour la fille d'un Médecin. ISABELLE. Ne suis-je pas assez mortifiée d'être la Fille d'un Médecin, sans me le faire encore sentir mal-à-propos dans tes remontrances ? Ne vois-tu pas que je tâche à rectifier l'obscur de la casse et du séné par l'usage du grand monde, et que je me décrasse autant que je puis parmi les gens de premier mérite ? La Fille d'un médecin ! Ah que tes expressions sont brutales ! COLOMBINE. Brutales ? À la bonne heure : cela n'empêche pas que je ne débonde mon coeur, et que je ne vous reproche la hantise de ces bagnediers qui vous infectent l'esprit de leurs pestes de phrases inventées en dépit du bon sens. Ma foi, depuis que Molière a célébré les Précieuses, nous les voyons monter en graine, et demeurer là pour la prisée. Voyez la grande presse d'épouseur qu'il y a autour de votre Angélique ! Cependant à vous entendre dire, c'est le plus bel esprit de Paris. Mademoiselle, il est bon d'avoir de l'esprit ; mais il faut encore autre chose en mariage. Toute servante que je suis, je ne voudrais d'un poète, ni pour Mari, ni pour amant. Quelle ressource y a-t-il à être la femme d'un rimailleur ! Meuble-t-on une chambre d'épigrammes ? Couvre-t-on une table de madrigaux ? Et paye-t-on un boucher avec des sonnets ! Ma foi, si j'étais à votre place, je butterais à quelque bon gros financier qui ferait rouler mon mérite en carrosse, et qui... ISABELLE. Un financier ! Ah ! L'horreur ! COLOMBINE. Ho ! Ne faites pas tant la sucrée. Cela n'est pas tout à fait votre choix, non. ISABELLE. Mais, Colombine, crois-tu que je pourrais me tranquilliser avec un homme qui n'aurait aucun relai de conversation, et qui compterait de l'argent depuis le matin jusqu'au soir ? COLOMBINE. Oh ! Point du tout : bon : vous ferez bien mieux de tirer le diable par la queue avec quelque cancre de poète qui gagnera sa vie quatrain à quatrain. ISABELLE. Et comment se résoudre à aimer un homme insupportable. COLOMBINE. Que vous êtes bonne ! Est-ce qu'on épouse un homme riche pour l'aimer ? On se marie simplement pour se mettre à son aise ; et quand la cuisine est une fois sur le bon pied, on trouve aisément de quoi se consoler de tout le reste. ISABELLE. Mais, Colombine comment vivre avec un homme de cette nature. COLOMBINE. Vous vivrez comme les Femmes de Paris. Les quatre ou cinq premières années, vous ferez bonne chère et grand feu ; et puis quand vous aurez mangé la meilleure partie du bien de votre Mari en meuble, en habits, en équipages et en pierreries, vous vous ferez séparer de corps et de biens ; on vous rendra votre mariage, et vous vivrez après cela en grosse Madame. Ce que je vous dis là, c'est le grand chemin des Vaches. Bon, il n'y a que les dupes qui en usent autrement. ISABELLE. Mais Colombine, donne-t-on comme cela des entorses au mariage ? Et crois-tu que la séparation soit une chose si facile ? COLOMBINE. Et mais, Madame, pour cela on prend ses mesures un peu de plus loin ; et quand on en veut en venir là, il faut tâcher premièrement d'avoir quelque homme de Robe dedans ses intérêts, et puis petit à petit on chagrine un mari, on le méprise, on l'insulte. À la fin la patience lui échappe. Il donne quelques soufflets, quelques coups de pieds au cul. On rend sa plainte. L'homme de Robe fait son devoir. Et voilà comme on se donne du repos à coup sûr tout le temps de sa vie. ISABELLE. Vraiment, Colombine, tu me parais une fille précoce, et je te trouve plus d'entendement qu'on en a ordinairement à ton âge. COLOMBINE. C'est que je ne m'amuse pas comme vous à la moutarde. Je songe de bonne heure au moyen de m'établir, et toute jeune que je suis, je dévisagerais un homme qui aurait la hardiesse de m'écrire, à moins que ce ne fût pour le mariage. Oh, ma foi, il n'y a rien à faire avec moi pour autrement. J'aime bien à rire ; mais... Le Docteur appelle en dedans. ISABELLE. C'est mon père qui nous appelle : nous sommes perdus s'il nous a écoutées. COLOMBINE. Que vous êtes folle ! Est-ce qu'un médecin entend le Français. SCÈNE V. Le Fermier de Domfront, Arlequin seul, Le Commis. ARLEQUIN, dans un soufflet. [Note : Soufflet : Ancienne espèce de voiture à deux roues, fort légère, où il n'y avait place que pour une ou deux personnes, dont le dessus et le devant, étant de cuir ou de toile cirée, se levaient et se repliaient comme un soufflet dans le beau temps, et s'abaissaient et s'étendaient pendant la pluie. [L]]Dia ! Ho ! LE COMMIS, à part. Voici un homme avec un soufflet. Sachons s'il a payé ses droits au Bureau. Vers Arlequin.D'où vient ce Soufflet. ARLEQUIN. Un soufflet ! Je ne vous ai pas touché. LE COMMIS. Je vous demande en vertu de quoi vous avez un soufflet ? ARLEQUIN, d'un ton fâché. Je n'en ai jamais reçu, Monsieur, et prenez garde comme vous parlez. LE COMMIS. C'est un carrosse qui... ARLEQUIN. Rosse vous-même : je vous trouve encore bien insolent de me traiter de la sorte. LE COMMIS. Ha, ha, vous faites le raisonneur ! Nous allons vous apprendre à raisonner tout à l'heure. Voici un commissaire qui vient fort à propos. LE COMMISSAIRE. Voilà bien du tintamarre ici. Qu'y a-t-il donc ? LE COMMIS. Pas grand-chose, Monsieur. C'est un soufflet... LE COMMISSAIRE. Qu'on vous a donné ! Verbalisons. LE COMMIS. Hé ! Non, Monsieur. C'est un homme qui a une voiture qu'on appelle un soufflet. Il n'a pas payé les droits au Bureau, je demande, Monsieur, que la voiture soit saisie. Arlequin, pendant ce temps, change de Juste-au-corps et de chapeau, et paraît en boulanger, avec une chemisette rouge et un bonnet de laine, et son soufflet se trouve changé en charrette. LE COMMISSAIRE. Voyons où elle est. Il se retourne, et voyant une charrette au lieu d'un soufflet, il se met à rire. ARLEQUIN, au Commissaire. Monsieur le Commissaire, cet homme-là est fol au moins. LE COMMISSAIRE. Prendre la charrette d'un boulanger pour un soufflet ! Ha ! Ha ! Ha ! Il rit. LE COMMIS, tout étonné. Monsieur le Commissaire, je vous demande pardon, je me suis mépris. LE COMMISSAIRE. Ce n'est pas assez, il faut me payer. ARLEQUIN. Et moi aussi, da. LE COMMIS, au Commissaire. Cela est trop juste, Monsieur, combien vous faut-il ? LE COMMISSAIRE. Un Louis d'or. ARLEQUIN. Et moi quinze francs. LE COMMIS, au Commissaire. Tenez, Monsieur, voilà un Louis d'or ; mais je vous prie de considérer que voilà un homme qui me demande quinze francs pour un moment qu'il s'est arrêté ici. ARLEQUIN. Il y en a plus de cinquante, des moments. LE COMMISSAIRE, à Arlequin. Tais-toi : pourquoi demandes-tu quinze francs ? ARLEQUIN. [Note : Gonesse : ville au nord de Paris.]Pour avoir perdu mon temps, et mon pain qui sera brûlé dans le four à Gonesse. LE COMMISSAIRE. Voyez le maraud : demander quinze francs pour un instant qu'il y a qu'il est ici ! ARLEQUIN, au Commissaire. En vérité, Monsieur, c'est un prix ordinaire. Voyez ailleurs, je ne vous demande que la préférence. LE COMMISSAIRE. Tais-toi, te dis-je, tu es un fripon. Il ne faut pas tyranniser les gens. Au Commis.Donnez-lui six écus. Et il s'en va. ARLEQUIN, au Commissaire. St, st, Monsieur le Commissaire. Le Commissaire se retourne.Allez, allez, il y aura du pain pour vous. LE COMMISSAIRE, portant son doigt à sa bouche. Motus. LE COMMIS, à Arlequin. Tiens voilà six écus ; mais tu me le paieras. ARLEQUIN, en prenant l'argent. [Note : Gonesse : Ville au nord de Paris.]Apprenez une autrefois à ne pas scandaliser le pain de Gonesse. LE COMMIS, à part. Je suis tout hors de moi. Je vois un homme dans un soufflet, je ne l'abandonne pas de vue, je viens dans cette place, et je trouve qu'au lieu d'un soufflet c'est une charrette de boulanger : non, il faut que tu sois un Diable pour... Il s'en retourne vers la charrette, voit Arlequin en fermier dans le soufflet où il l'avait vu d'abord.Je savais bien, que je ne me trompais pas : Monsieur le Commissaire, Monsieur le Commissaire. Il court après le Commissaire, et aussitôt Arlequin se remet en boulanger et son soufflet se change en charrette. LE COMMISSAIRE, revenant. Qu'est-ce ? Qu'y a-t-il de nouveau ? LE COMMIS, au Commissaire. Je vous avais bien dit, Monsieur, que j'avais vu un homme dans un soufflet. LE COMMISSAIRE. Où est-il ? LE COMMIS, au Commissaire. Le voilà, voyez. Ils se retournent vers Arlequin, apercevant la Charrette et le Boulanger, ils s'en vont : le Commissaire éclatant de rire, et le Commis rempli de confusion. Après quoi Arlequin se remet en Fermier, et le Docteur arrive. LE DOCTEUR. Je n'ai point de nouvelles du Fermier de Domfront. Cependant il devrait déjà être arrivé. Je crains qu'il ne lui soit arrivé quelque chose. Apercevant Arlequin dans un soufflet.Quel équipage est-ceci ? ARLEQUIN, regardant le Docteur. Bonjour mon ami. LE DOCTEUR. Voilà qui est bien familier. ARLEQUIN. Parlez : êtes-vous de cette ville ? Ou la ville est-elle de vous ? LE DOCTEUR. C'est quelque fou. À Arlequin.Non, Monsieur, je ne suis pas de cette ville, et la ville n'est pas à moi. ARLEQUIN. Jurez-en. LE DOCTEUR. Voilà qui est drôle ! Je ne jure jamais, Monsieur ; je suis étranger, et il y a fort longtemps que je demeure en cette ville. ARLEQUIN. Pourriez-vous m'enseigner qui je cherche ? LE DOCTEUR. Et qui cherchez-vous ? ARLEQUIN. Vous êtes bien curieux. LE DOCTEUR. Vous êtes bien plaisant, vous : il faut bien que je sache qui vous cherchez, si vous voulez que je vous en donne des nouvelles. ARLEQUIN. Il a raison. Puisque cela est, Monsieur, sachez que je cherche un certain Bro... Brodeur... Do... Doreur... Trai...Traiteur, Traiteur en lard ; justement. Ne connaîtriez-vous point, Monsieur, un traiteur en lard ? LE DOCTEUR. Non, j'en connais plusieurs, des traiteurs ; mais ce ne sont pas des traiteurs en lard. ARLEQUIN. C'est un homme qui a étudié, un homme très savant, qui sait lire et écrire. LE DOCTEUR. Un Traiteur savant ! N'est-ce pas plutôt un Docteur que vous demandez ? ARLEQUIN. Vous l'avez dit. C'est un Docteur en lard que je cherche : n'en connaissez-vous point quelqu'un, Monsieur ? LE DOCTEUR. Je connais tous les Docteurs de la Ville : mais je n'en connais point de ce nom-là. ARLEQUIN. Il faut pourtant qu'il y en ait un. LE DOCTEUR. Docteur en lard ! Vous voulez peut-être dire Docteur Balouard. ARLEQUIN. Vous y êtes ; Docteur Balouard : oui ma foi, c'est tout droit celui que je demande. Je savais bien qu'il y avait du lard. LE DOCTEUR. Balouard, du lard ; et que lui voulez-vous, Monsieur, c'est moi. ARLEQUIN. C'est vous, Monsieur le Docteur Balouard ! LE DOCTEUR. Oui, Monsieur, pour vous rendre service. ARLEQUIN. Est-ce que vous ne me connaissez pas ? Je suis le fils de Domfront, celui qui vient pour vous épouser. LE DOCTEUR. Ah ! Ah ! Vous êtes le fils de Colin, Fermier de Domfront qui vient pour conclure le mariage de Colombine ! ARLEQUIN. Oui, vraiment, je suis fils de Colin Tampon, et je viens pour épouser le mariage de Colombine. LE DOCTEUR. Je suis ravi de vous voir. Il y a longtemps que je vous attendais. D'où vient que vous avez tant tardé à venir ? ARLEQUIN. C'est que je n'ai pu avancer, Monsieur, parce que j'ai eu le vent contraire. LE DOCTEUR. Le vent contraire dans une chaise ! Il rit.Colombine sera bien aise de vous voir : Descendez, entrez chez moi. Un Paysan de Domfront arrive sur ses entrefaites, et dit qu'il cherche le Docteur Balouard. Le Docteur se fait connaître, le Paysan lui rend une lettre de Colin, Fermier de Domfront. ARLEQUIN, qui voit cela dit : Monsieur Le Docteur, dépêchez-moi, le mariage s'en va. Le Docteur lit la lettre, apprend que le fils de Colin est malade ; et qu'il ne peut se mette sitôt en chemin ; il jette en même tempos les yeux sur Arlequin qui lui soutient effrontément qu'il est le fils du Fermier de Domfront, et qu'il se porte bien. Le Docteur demande au Paysan s'il le connaît ; le Paysan répond que non, et que ce n'est pas là le Fils de son Maître. ARLEQUIN, surpris se tourne vers le Docteur, et dit : Monsieur, je vous demande pardon, je croyais l'être. Le Docteur et le Paysan le menacent et s'en vont. Arlequin désespéré reste ; Pasquariel arrive, qui le console, et qui le concerte en Ambassadeur de l'Empereur du Monde de la Lune, et ils s'en vont voyant arriver le Docteur. SCÈNE VI. DE L'AMBASSADE ET DU VOYAGE D'ARLEQUIN DANS LA LUNE, Le Docteur, Arlequin. ARLEQUIN, feignant d'être étouffé, et courant d'un bout du Théâtre à l'autre. Eh ! Quelqu'un par charité, ne me pourrait-il point apprendre où demeure le Docteur Grazian Balouard. Il porte sa main à sa bouche, et contrefait la Trompette. Pu, pu, à quinze sols le Docteur Grazian Balouard. LE DOCTEUR, à part. Que veut dire ceci ? Vers Arlequin.Le Docteur Grazian Balouard ! Le voici. ARLEQUIN. Ah ! Monsieur, soyez le bien trouvé, faites-moi bien des compliments, et bien des révérences. Je suis Ambassadeur extraordinaire envoyé par l'Empereur du Monde de la Lune, pour vous demander Isabelle en mariage. LE DOCTEUR. À d'autres, à d'autres, mon ami ; je ne donne pas si aisément dans le panneau ; dans la Lune un Empereur ! ARLEQUIN. Oui, ma foi, et un Empereur de qualité, il est noble comme le Roi. LE DOCTEUR à part. Cela pourrait bien être, puisque la Lune est un monde comme le nôtre ; apparemment qu'il y a quelqu'un pour la gouverner. Vers Arlequin.Mais mon ami, êtes-vous de ce pays-là, vous ? ARLEQUIN. [Note : Prato : ville de Toscane en Italie située à 20 Km au nord de Florence.]Non, Monsieur, je ne suis ni de ce pays-là, ni de ce Pays-ci. Je suis Italien d'Italie, pour vous rendre mes services ; né natif de la Ville de Prato, l'une des plus charmantes de toute la Toscane. LE DOCTEUR. Mais, comment avez-vous donc fait pour monter à l'Empire de la Lune ? ARLEQUIN. [Note : La Vallée de Misère se trouve dans les Alpes Mancelles à Saint-Léonard-des-Bois. Elle est tortueuse aux abords pentus.]Je m'en vais vous le dire. Nous avions fait une partie trois de mes amis et moi, pour aller manger une oie à Vaugirard. Je fus député par la compagnie pour aller acheter l'oie. Je me transportai à la Vallée de Misère. J'y fis mon achat, et je m'acheminai vers le lieu du rendez-vous. Lorsque je fus arrivé dans la Plaine de Vaugirard, voilà six vautours affamés qui se jettent sur mon oie et qui l'enlèvent. Moi qui craignais de la perdre, je le tenais fort par le col, de telle manière qu'à mesure que les Vautours enlevaient mon Oie, ils m'enlevaient aussi avec elle. Quand nous fûmes bien haut : un nouveau Régiments de Vautours venant au secours des premiers, se jette aussi à corps perdu sur mon Oie, et dans le moment nous font perdre à elle et à moi la vue des plus hautes montagnes et de tous les plus hauts clochers. Moi, cependant toujours obstiné comme un Diable à ne point lâcher prise, jusqu'à ce que le col de mon Oie manque, et je tombe dans le Lac. Des pêcheurs y ayant heureusement tendu des filets, je tombai dedans. Les Pêcheurs me tirèrent hors de l'eau, et me prenant pour un Poisson de conséquence, me chargèrent sur leurs épaules et m'apportèrent en présent à Monsieur l'Empereur. On me met d'abord par terre, et Monsieur l'Empereur avec toute sa Cour, m'environne. On dit, quel Poisson est-ce là ? Monsieur l'Empereur répond : Je crois que c'est un anchois. Pardonnez-moi, Monseigneur, (reprend un gros seigneur qui faisait l'homme d'esprit) c'est plutôt un crapaud. Enfin, dit Monsieur l'Empereur, qu'on m'aille frire ce poisson-là tel qu'il soit. Quand j'entendis qu'on m'allait frire, je commence à crier : Mais, Monseigneur... Comment dit-il ? Est-ce que les poissons parlent ? Toutes les fois qu'on veut nous frire, nous avons le privilège de nous plaindre, Monseigneur. Je lui dis comme je n'étais pas un Poisson, et de quelle manière j'étais arrivé à l'Empire de la Lune. Il demanda aussitôt : Connais-tu le Docteur Grazian Balouard ? Oui, Monseigneur. Connais-tu Isabelle sa Fille ? Oui, Monseigneur. Et bien, je veux que tu me serves d'Ambassadeur, que tu ailles la lui demander en mariage de ma part. Je lui réponds : Mais, Monseigneur, je ne pourrai jamais trouver le chemin de m'en retourner ; car je ne sais pas par où je suis venu. Que cela ne t'embarrasse point, ajouta-t-il, je t'enverrai à Paris dans une influence que j'y envoie, chargée de rhumatismes, de catarrhes, de fluxions de poitrine, et d'autres petites bagatelles de cette nature-là. Mais, Monseigneur, lui dis-je alors, que ferez-vous du Docteur Grazian Balouard ? Car c'est un homme de mérite, un homme qui a étudié, qui fait la rhétorique, la philosophie, l'orthographe ; Ho ! Ho ! me répondit-il, le Docteur ! Je lui garde une des meilleures places de mon Empire. LE DOCTEUR. Est-il bien possible ! Vous a-t-il dit ce que c'est ? ARLEQUIN. Vraiment oui. Il dit d'abord, qu'il y a environ quinze jours, que dans les douze signes du Zodiaque, le Scorpion est mort, il veut vous mettre à sa place, Monsieur. LE DOCTEUR. Moi à la place du Scorpion ! Monsieur l'Empereur se moque. ARLEQUIN. Non, la peste m'étouffe. Comment diable ! Vous serez un des douze premiers de ce pays-là. LE DOCTEUR. Je ne me soucie pas de tant d'honneur. Mais dis-moi, la Ville où demeure l'Empereur est-elle belle ? ARLEQUIN. C'est une des plus belles villes du monde, belle, bien faite, d'une belle taille, d'un beau teint... LE DOCTEUR. La ville est d'un beau teint ! Et les maisons, Monsieur, comment sont-elles bâties ? Sont-elles comme les nôtres. ARLEQUIN. [Note : Ptisanne : On prononce tisane, Breuvage composé avec de l'orge, de la réglisse, du chiendent, ou autres simples qu'on fait bouillir ou simplement infuser dans de l'eau. [Acad;]]Non, car les maisons de ce pays-là sont meublées par dehors, et par dedans il n'y a rien. Les toits de chaque maison sont faits de réglisse, et quand il pleut, il pleut de la Ptisanne par toute la Ville. LE DOCTEUR. Voilà qui est bien commode pour les malades. ARLEQUIN. Le Palais de l'Empereur est fait de cristal minéral, les colonnes du portail, de tabac en corde, le Toit, d'un fort bon bouracan de Flandres, et les fenêtres, d'un des plus fins points de France, qu'on ait jamais vu. LE DOCTEUR. Cela est bien particulier. Et comment vit-on en ce pays-là ? Y mange-t-on de même qu'ici ? ARLEQUIN. Oui, et non. LE DOCTEUR. Qu'est-ce à dire, oui et non ? ARLEQUIN. Oui, pour les vivres, on y mange de tout ce que l'on mange ici, et non dans la manière de manger, qui est toute différente de la nôtre. LE DOCTEUR. Comment donc ? ARLEQUIN. Vous allez voir, Monsieur l'Empereur, par exemple, quand il veut manger, se met à une table vide, sur laquelle on ne sert jamais rien pendant que le repas dure. LE DOCTEUR, en riant. C'est le moyen de faire une bonne chère. ARLEQUIN. Aussi la fait-il. LE DOCTEUR. Hors de table donc ? ARLEQUIN. Pardonnez-moi, à table. LE DOCTEUR. Et vous venez de me dire que sa table est vide quand il s'y met, et qu'on n'y sert rien dessus pendant qu'il y demeure. ARLEQUIN. Cela est vrai ; mais cela n'empêche pas qu'il y fasse grande chère, et qu'il n'y mange de tout ce qu'il y a de plus succulent en chair et en Poisson. LE DOCTEUR. Je n'y comprends rien. ARLEQUIN. Je m'en vais vous y faire comprendre. Pendant que Monsieur l'Empereur est à table, il a à sa droite vingt personnes qui tiennent chacune une arbalète d'or massif, chargé d'une bécasse, d'une andouillette, d'un petit pâté, et autres. Et à sa gauche sont vingt autres personnes, avec des Seringues d'argent aussi massif, dans l'une est pleine de vin d'Espagne, l'autre de vin de Canarie, vin Muscat, vin de Champagne, et sic de coeteris. Quand Monsieur l'Empereur veut manger : il se tourne à droite, ouvre la bouche, et l'arbalétrier d'abord, crac, lui décoche un petit pâté, une andouillette, un boeuf... Et quand il veut boire, il se tourne à gauche, et celui qui tient la seringue à vin, lui seringue du vin de Saint-Laurent, du vin de Canarie, du vin de Normandie, ou autre, selon ce qu'il veut boire. LE DOCTEUR. Je comprends cela à présent à merveille, et je trouve cette manière de manger la plus jolie du monde, pourvu que Messieurs les arbalétriers visent droit. ARLEQUIN. Malepeste ! On n'en reçoit point qui ne soient fort expérimentés, depuis le malheur qui arriva une fois. LE DOCTEUR. Et quel malheur, je vous prie ? ARLEQUIN. Monsieur l'Empereur avait envie de manger des oeufs fricassés au beurre noir, un arbalétrier mal adroit, lui en décocha un ; mais au lieu de le viser à la bouche, il le visa à l'oeil, dont il fut très longtemps incommodé. Ses Médecins crurent qu'il en deviendrait borgne, mais par bonheur ce ne fut rien, et il en fut quitte pour porter un emplâtre sur l'oeil. Ce qui a été cause que depuis, on a toujours appelé ces oeufs-là, des pochés. LE DOCTEUR. Voilà un trait d'histoire que je ne savais pas, et que je ne me serais jamais imaginé que le nom d'oeufs pochés, fut venu d'un accident à l'Empereur du monde de la Lune ARLEQUIN. Cela est comme je vous le dis. LE DOCTEUR. Mais dites-moi un peu, Monsieur l'Empereur n'a-t-il point de symphonie à sa table ? ARLEQUIN. Pardonnez-moi, vraiment : la meilleure symphonie du monde. Son orchestre vaut beaucoup mieux que celui de l'Opéra. LE DOCTEUR. Ho ! Pour cela, Monsieur, vous voulez bien que je n'en croie rien ; il n'y a point d'orchestre dans le monde qui vaille celui de l'Opéra de Paris, et ce au dire de tous les connaisseurs. Mais quels instruments y a-t-il ? Des Violons ? Des flûtes ? Des basses de violes ? Des théorbes ? Des clavecins ? Des bassons ? Des hautbois ? Des trompettes ? Des timbales ? Des tambours ? Des fifres ? Des harpes ? Des tympanons ? Des psaltérions ? Des consonantes ? Des guitares ?... ARLEQUIN, à chaque Instrument que le Docteur nomme, répond toujours. Non. LE DOCTEUR. Et de quels diables d'instruments y joue-t-on donc ? ARLEQUIN. Je m'en vais vous le dire. Les gens de ce pays-là ont le nez extrêmement long, ils attachent une corde à boyau d'un bout du nez à l'autre, posent la main gauche sur le petit bout du nez, et avec un archet qu'ils tiennent de la main droite, ils vous jouent du nez comme nous autres du violon. LE DOCTEUR. Cela doit faire une drôle d'harmonie. ARLEQUIN. Je le crois, ma foi : cela fait un nasonnement enchanté ; Ovide en jouait en perfection. C'est de là qu'on l'a appelé Ovide Nazon. LE DOCTEUR. Mais dites-moi, quel langage parle l'Empereur ? Comment avez-vous fait pour l'entendre ? ARLEQUIN. Monsieur l'Empereur parle Français comme vous et moi, et mieux même. LE DOCTEUR. Ha ! Pour le coup, vous vous moquez de moi ! Monsieur l'Empereur parler français ! Et comment l'aurait-il appris ? ARLEQUIN. Il l'a appris par le moyen d'une trompette parlante, et d'un Maître de langue, qui tous les jours à minuit lui donnait leçon sur le Pont-neuf. LE DOCTEUR. Est-ce qu'avec une trompette parlante, on peut se faire entendre de si haut ? ARLEQUIN. Qui en doute ? Cela se fait par la répercussion de l'air, qui frappant à plomb dans la concavité de la colonne qui pèse sur l'orifice de la base, et qui venant à être poussé par l'impulsion de la voix, forme ce son aigu qui pénétrant les nuées se fait entendre par... Voilà ce qui s'appelle de la plus fine Physique. Vous allez en convenir tout à l'heure. Je m'en vais prendre une de ces Trompettes-là, dont Monsieur l'Empereur m'a fait présent, et lui parler tout devant vous. LE DOCTEUR. Si vous faites cela, je n'ai plus rien à dire, et je me rends à tout ce que vous voulez. ARLEQUIN. Attendez-moi là. Dans un petit moment je suis à vous. Il s'en va. LE DOCTEUR, seul. Si ce que cet homme-là dit est vrai, quelle honneur pour ma fille ! Et quelle confusion pour ces ignorants, qui ne veulent pas que la Lune soit un monde habitable comme le nôtre ! ARLEQUIN, revient avec une Trompette. Ça, Monsieur, vous allez être témoin de la vérité : Ôtez votre chapeau. LE DOCTEUR. Et pourquoi ôter mon chapeau. ARLEQUIN. Pour faire la révérence à Monsieur l'Empereur. Pour un Docteur, vous êtes bien ignorant. Le Docteur ôte son chapeau, et fait la révérence, Arlequin qui est devant lui, et qui fait la révérence, se retourne et dit au Docteur.Plus bas, Monsieur, plus bas. Le Docteur se baisse encore davantage, et dans le même temps Arlequin lève le derrière, de manière que le Docteur y donne du nez dedans. Après ce Lazzi Italien Arlequin lève sa Trompette en l'air, et feignant d'y parler dedans dit :Monsieur l'Empereur, j'ai parlé au Docteur du mariage. Il en est ravi, Monseigneur. Mais si vous vouliez lui ordonner qu'il me donnât six louis d'or pour mes peines, je vous serais bien obligé, Monseigneur. UNE VOIX se fait entendre, qui dit. Docteur, donne six Louis d'or à Arlequin, c'est l'Empereur de la Lune qui te l'ordonne. LE DOCTEUR, étonné. Est-ce là Monsieur l'Empereur ? ARLEQUIN. Oui, Monsieur, c'est lui-même, je le reconnais à sa voix. LE DOCTEUR. Il m'a ordonné de vous donner six Louis d'or, et je le veux bien faire : vous m'avez annoncé une trop bonne nouvelle, pour ne pas vous récompenser comme il faut. Tenez. Il tire une bourse, en prends six Louis, et les donne à Arlequin ; Arlequin les prends, met dans sa poche, et après avoir observé un Diamant que le Docteur a à son doigt, il lui prend la main, et lui demande de que c'est que cela. Le Docteur répond que c'est un Diamant qui était à sa défunte femme, et qui vaut bien soixante Louis. ARLEQUIN pense un peu, et puis levant sa Trompette en l'air, dit. Monsieur l'Empereur, le Docteur m'a donné six Louis d'or, je vous en rends grâces très humbles. Mais si vouliez avoir la bonté de lui ordonner qu'il me donnât un Diamant de soixante Louis, qu'il a au doigt annulaire de la main gauche, je vous aurais double obligation, Monseigneur. LA VOIX lui répond. Docteur, donne ton diamant à Arlequin, c'est l'Empereur de la Lune qui te l'ordonne ; LE DOCTEUR. Hé ! Il a plus d'Ordonnances que tous les Médecins de Paris ! ARLEQUIN. Ho, Monsieur, c'est un Prince bien généreux. LE DOCTEUR. Généreux du bien d'autrui. Écoutez, je vous ai donné avec plaisir les six Louis qu'il m'a ordonné ; mais pour la Bague je ne vous la donnerai pas ; elle était à ma défunte, et je la veux garder pour l'amour d'elle. ARLEQUIN d'un ton de colère. Vous ne voulez pas me la donner ? Hé bien gardez-la ; je m'en vais le dire à Monsieur l'Empereur, et le mariage sera rompu. Il veut parler avec sa trompette. LE DOCTEUR, le retenant. Quoi ! Si je ne vous donne pas la bague, l'Empereur se fâchera, et il n'épousera pas ma fille ? ARLEQUIN. Belle demande ! Assurément ; et vous perdrez la place du Scorpion dans le Zodiaque. LE DOCTEUR, à part. Faire perdre la fortune à ma fille pour une bague de soixante Pistoles ! Non, ma chère femme le trouverait mauvais. Vers Arlequin.Tenez, Monsieur, voilà ma bague, je vous la donne. ARLEQUIN. Vous me la donnez, et je la prends. Après l'avoir mise en son doigt, il regarde attentivement quelque chose qui sort de la poche du Docteur, et dit.Qu'est-ce que je vois là ? LE DOCTEUR. Ce sont les cordons de ma bourse ! ARLEQUIN. Et qu'est-ce qu'il y a dans votre bourse ? LE DOCTEUR. Il y avait cinquante Louis, je vous en ai donné six, reste quarante-quatre. ARLEQUIN. Quarante-quatre Louis d'or ! Après avoir un peu rêvé.Je m'en vais dire un petit mot à l'Empereur. LE DOCTEUR, l'en empêchant. Ho, non pas, s'il vous plaît. Il le pousse pour le faire s'en aller, et Arlequin se retire en riant. LE DOCTEUR seul. Et où est donc Pierrot à présent ? Je voudrais bien qu'il eut été présent à la conversation que je viens d'avoir avec Monsieur l'Ambassadeur. Il ne serait pas si incrédule sur le chapitre de la Lune. Mais allons donner cette bonne nouvelle à ma fille. SCÈNE VII. DE L'APOTHICAIRE ; Arlequin en Apothicaire, Le Docteur. ARLEQUIN sortant d'une chaise à porteur, qui en s'ouvrant représente la Boutique d'un Apothicaire. [Note : Apozème : Terme de médecine. Décoction ou infusion d'une ou de plusieurs substances végétales, à laquelle on ajoute divers autres médicaments simples ou composés. [L]]Je suis persuadé, Monsieur, qu'une chaise percée dénoterait mieux un apothicaire, qu'une chaise à porteur. Mais comme cette Voiture ne mettrait pas en bonne odeur auprès d'une Maîtresse, et que l'équipage est un avantageux début pour la noce ; je me fais apporter chez vous, Monsieur, d'une manière élégante, pour vous présenter toutes les soumissions que la Pharmacie doit à la Médecine. Je ne viendrais pas vous consulter, Monsieur, s'il ne s'agissait que d'une maladie ordinaire ; mais je vous amène un sujet désespéré, sur lequel tous les simples ne peuvent rien, et dont la cure seule mettra votre Faculté en crédit. C'est moi, Monsieur, qui suis le malade et la maladie ; c'est moi qui suis gâté jusqu'au fond des moelles, de ce mal affreux qu'on ne guérit qu'avec cérémonies, et dont l'emplâtre est souvent plus dangereux que le mal ; c'est moi qui suis gangrené des perfections de Colombine ; c'est moi qui veut l'épouser ; et c'est moi, enfin, qui vous prie de me l'ordonner comme un Apozème savoureux, que je prendrai avec délices. Le Médecin en aura tout l'honneur, et l'Apothicaire tout le plaisir. LE DOCTEUR. Paroles ne puent point ; vous êtes Apothicaire, volontiers ? ARLEQUIN. Oui, Monsieur, grâces au Ciel : en gros et en détail, et à tel jour qu'il y a, on fait chez moi tout à la fois de la décoction pour trente douzaines de lavements. C'est moi, Monsieur, qui purge tous les ans les treize cantons le premier jour de Mai ; et je puis dire sans vanité, qu'il n'est point de pays étranger qui ne connaisse Monsieur Cusiffle. C'est le nom de votre petit Serviteur. LE DOCTEUR. Monsieur Cusiffle ! ARLEQUIN. Hélas, Monsieur ! Sans le procès que nous avons avec les parfumeurs, nous ne serions que trop riches. LE DOCTEUR. Comment donc ? ARLEQUIN. C'est une chose déplorable, Monsieur, de voir la décadence de notre profession ; et j'ose bien vous assurer que l'entreprise des parfumeurs regarde autant les médecins que les apothicaires. LE DOCTEUR. Vous vous moquez, Monsieur Cusiffle ; et en quoi les médecins ? ARLEQUIN. En quoi les Médecins ? Et la Pharmacie ne fait-elle pas corps avec la Médecine ? Sans nous qui remuons tous les jours les matières qu'on vous réserve si soigneusement chez les malades, à quoi aboutirait l'emploi d'un médecin ? Car pour tâter le pouls, vous savez qu'il n'est point de servantes ni de gardes d'accouchées, qui ne s'en mêlent tout à votre barbe, dans toutes les Maisons de Paris. Croyez-moi, Monsieur, l'affaire est de conséquence et pour vous et pour nous ; et si nous le perdions, nous n'aurions qu'à pendre notre seringue au croc. LE DOCTEUR. Mais ces parfumeurs, Monsieur Cusiffle. ARLEQUIN. Comment ? C'est une règle certaine dans la Grammaire, que la construction est en déroute, lorsque l'adjectif discorde d'avec le substantif ; de même aussi, la Médecine court risque d'aller à l'Hôpital, quand les Apothicaires ne font plus rien. LE DOCTEUR. Hé ! Venons aux parfumeurs, Monsieur Cusiffle, sans préambule. ARLEQUIN. J'y viens, Monsieur, j'y viens. La conservation de la beauté ayant été de tout temps le principal emploi des femmes, vous avez fort ingénieusement imaginé, que les qualités de quelques simples, pourraient beaucoup contribuer à la fraîcheur de leur teint. La question était d'appliquer ce remède ; et par un tempérament adroit, dont elles nous sont redevables, nous trouvâmes le moyen de les embellir sans les toucher, de les rafraîchir sans qu'elles en vissent rien, et de leur seringuer de la beauté par derrière. Cependant malgré une profession bien établie, les Parfumeurs veulent nous empêcher de donner des lavements aux femmes qui se portent bien, prétendant que les agréments de la beauté doivent sortir de leurs boutiques, et que ce n'est point à nous à nous mêler des visages. LE DOCTEUR. [Note : Clystère : Injection d'eau chargée ou non d'un médicament, qui se fait par le fondement. [L] ]À qui en ont ces maroufles-là ? Ils prétendent donc anéantir le clystère ? ARLEQUIN. [Note : Once : Ancien poids qui était d'abord la douzième partie de la livre romaine ; il était restée la douzième partie de la livre de Lyon et du midi de la France ; il était la seizième partie de la livre de Paris. [L]]Vraiment, Monsieur, ils buttent là tout droit ; et si on les laisse faire, ils vont culbuter et les médecins et les apothicaires, par une peste de pommade composée de coquilles d'oeufs, de pieds de Moutons, et d'autres ingrédients, qu'ils débitent aux femmes sous prétexte de les embellir. Vous savez, Monsieur, qu'une femme ne peut pas toujours être à quatorze ans ; et il n'est rien de si vrai que rien ne lui coûte quand elle s'imagine d'acheter de la jeunesse et de la Beauté. Ces Maroufles-là les prennent par leur faible, et leur font accroire qu'un pot de leur Pommade est un masque contre les années, et qu'un peu de blanc et de rouge étendu sur le visage, démentent à coups sûrs tous les extraits baptistaires. Croyez-vous bien, Monsieur, qu'il y en a eu un qui a eu l'insolence de promettre à une femme âgée de soixante-quinze ans, de la faire redevenir fille, avec une once de pommade ? LE DOCTEUR. Ah ! Vous en aurez menti, Messieurs les parfumeurs. Nous y donnerons bon ordre. La Faculté défendra le lavement jusqu'à la dernière goutte. Comment, Diable ! Une femme donnerait plutôt quatre pistoles d'un pot de pommade, que deux fois un lavement ! ARLEQUIN. Que je suis ravi, Monsieur, de vous voir entrer si chaudement dans les intérêts de la seringue ! Entre nous, c'est la plus belle rose de notre bonheur ; et si nous la perdions, nous ferions très mal nos affaires ; car plus de Lavements, plus de bassins, plus d'apothicaire, plus de médecins. COLOMBINE, arrivant. Monsieur, c'est une femme de quatre-vingt-treize ans, qui pleure son mari, et qui se plaint de vapeurs. LE DOCTEUR. Une femme de quatre-vingt-treize ans se plaint de vapeurs ! COLOMBINE. Dame, Monsieur, elle crie miséricorde, et demande votre Baume. LE DOCTEUR. Colombine, dis-lui que je descends. ARLEQUIN, apercevant Colombine. Quoi ! Monsieur, c'est donc-là Colombine, celle que j'aime, et que je cherche en mariage ? Ah ! Souffrez que je la complimente dans cette vue-là. LE DOCTEUR. Colombine, faites la révérence à Monsieur Cusiffle. COLOMBINE. Comment dites-vous, Monsieur ? LE DOCTEUR. Je vous dis de faire la révérence à Monsieur Cusiffle. COLOMBINE. Ah ! Monsieur Cusiffle ! Ah, ah, le drôle de nom ! LE DOCTEUR. Taisez-vous, impertinente ; savez-vous que c'est le premier homme du monde, pour mettre un lavement en place ? Approchez, Monsieur. ARLEQUIN, après avoir fait la révérence à Colombine. Madame, mon esprit est tellement constipé dans le bas ventre de mon ignorance, qu'il me faudrait du sirop de vos lumières, pour liquéfier la matière de mes pensées. COLOMBINE. Ah ! Liquéfier des pensées ! Que l'expression est galante ! Le joli homme d'apothicaire que Monsieur Cusiffle. ARLEQUIN. Ah ! Madame, vous me seringuez des louanges qui ne sont dues qu'à vous. Votre bouche est un alambic, d'où les conceptions les plus subtiles sont quintessentielles. Tout le séné, et la rhubarbe de ma boutique, purgent moins mes malades, que la vivacité de vos yeux ne corrige les humeurs acres et mordicantes d'un amour enflammé, dont vous serez la pilule purgative, puisque votre humeur enjouée est un Orviétan souverain contre les accès mélancoliques d'un coeur oppilé de vos rares vertus, et de vos éminentes qualités. COLOMBINE. Je ne croyais pas, Monsieur Cusiffle, être un remède si souverain contre la folie ; de ce train-là, vous m'allez faire passer pour un emplâtre à tous maux. ARLEQUIN. Heureux le blé à qui une pareille emplâtre sera appliquée ! Adieu Catolicon de mon âme ; adieu belle fleur de pêcher. Je vais faire infuser dans la terrine de mon souvenir les gracieux attraits dont la Nature vous a pourvue. COLOMBINE. Adieu, Monsieur Cusiffle. ARLEQUIN. Adieu, doux antimoine de mes inquiétudes. Adieu, cher lénitif de mes pensées. Il se retourne vers le Docteur.Que je vous suis obligé, Monsieur, du plaisir que vous venez de me faire, en me permettant de parler à Colombine ! Je voudrais pour me revancher de ce bienfait, que vous eussiez les hémorroïdes, je vous les guérirais en vingt-quatre heures. SCÈNE VIII. Le Docteur, Eularia, Isabelle, Colombine, Scaramouche. ARLEQUIN. Comme ainsi soit, Docteur, que la Lune et l'Amour ont été de tous temps les ressorts principaux qui mouvent la tête des femmes, et quelques fois aussi celle des hommes, d'où il arrive que l'amour produit souvent le mariage, et le mariage produit presque toujours le croissant ; c'est ce qui m'a fait descendre de mon Empire ici-bas pour vous demander Isabelle en mariage, espérant sous votre bon plaisir, d'en frire bientôt une Pleine Lune, et ne doutant pas que par la suite de ce mariage, il n'en sorte une couvée de petits croissants. Quel bonheur pour un médecin d'avoir engendrée la sultane de mon Empire ! LE DOCTEUR. Seigneur, votre Hautesse a bien de la bonté, de venir de si loin faire infuser des Empereurs dans ma Famille ; j'accepte cet honneur avec beaucoup de joie. Mais ma vieillesse ne me permet pas de suivre ma fille dans l'Empire de la Lune, oserai-je demander à votre Hautesse, de quelle humeur sont vos sujets ? ARLEQUIN. Mes sujets : ils sont quasi sans défauts, parce qu'il n'y a que l'intérêt et l'ambition qui les gouvernent. COLOMBINE. C'est tout comme ici. ARLEQUIN. Chacun tâche de s'établir du mieux qu'il peut aux dépens d'autrui ; et la plus grande vertu dans mon Empire, c'est d'avoir beaucoup de bien. LE DOCTEUR. C'est tout comme ici. ARLEQUIN. Croiriez-vous que dans mes États il n'y a point de bourreaux ? COLOMBINE. Comment ! Seigneur, vous ne faites point punir les coupables ! ARLEQUIN. Malepeste ! Fort sévèrement. Mais au lieu de les faire expédier en un quart d'heure dans une Place publique, je les donne à tuer aux médecins qui les font mourir aussi cruellement que leurs malades. COLOMBINE. Quoi, Seigneur, là-haut les médecins tuent aussi le monde ! Monsieur c'est tout comme ici. LE DOCTEUR. Et dans votre Empire, Seigneur, y a-t-il de beaux Esprits ? ARLEQUIN. C'en est la source. Il y a plus de soixante et dix ans que l'on travaille après un Dictionnaire, qui ne sera pas encore achevé de deux siècles. COLOMBINE. C'est tout comme ici. Et dans votre Empire, Seigneur, fait-on bonne Justice ? ARLEQUIN. On y fait à peindre. ISABELLE. Et les Juges, Seigneur, ne s'y laissent-ils pas un peu corrompre ? ARLEQUIN. Les femmes, comme ailleurs, les sollicitent ; on leur fait parfois quelques présents. Mais à cela près, tout s'y passe dans l'ordre. LE DOCTEUR. C'est tout comme ici ; Seigneur, dans votre Empire, les maris sont-ils commodes ? ARLEQUIN. La mode nous en est venue presque aussitôt qu'en France. Dans les commencements, on avait un peu de peine à s'y accoutumer ; mais présentement tout le monde s'en fait honneur. COLOMBINE. C'est tout comme ici. Et les usuriers, Seigneur, y font-ils bien leurs affaires ? ARLEQUIN. Fi ! Au Diable, je ne souffre point ces canailles-là. Ce sont des pestes à qui on ne fait point de quartier. Mais dans mes grandes villes, il y a d'honnêtes gens, fort accommodés, qui prêtent de la vaisselle d'argent aux enfants de Famille au denier quatre, quand ils ne trouvent point à placer leur argent au denier trois. ISABELLE. C'est tout comme ici. Et les femmes sont-elles heureuses, Seigneur, dans votre Empire ? ARLEQUIN. Cela ne se peut point comprendre. Ce sont elles qui manient tout l'argent, et qui font toute la dépense. Les maris n'ont d'autre soin que de faire payer les revenus, et faire réparer les maisons. COLOMBINE. C'est tout comme ici. ARLEQUIN. Jamais nos femmes ne se lèvent qu'après midi : Elles sont régulièrement trois heures à leurs toilettes, ensuite elles montent en carrosse, et se font mener à la Comédie, à l'Opéra, ou à la promenade.De là, elles vont souper chez quelque ami choisi ; après le souper, on joue, ou l'on court le Bal, selon les saisons, et puis sur les quatre ou cinq heures après minuit, les femmes se viennent coucher dans un appartement séparé de celui de leur mari ; en telle sorte qu'un pauvre diable d'homme est quelquefois six semaines sans rencontrer sa femme dans sa maison, et vous le voyez courir les rues à pied, pendant que Madame se sert du carrosse pour ses plaisirs. TOUS ENSEMBLE. C'est tout comme ici. LE DOCTEUR, voyant entrer un homme qui vient droit à Arlequin, lui dit. Seigneur, à qui en veut cet homme-là ? ARLEQUIN, se retournant, considère l'homme qui est si grotesquement habillé, et dit au Docteur. Monsieur le Docteur, n'est-ce pas là le Valet de carreau ? LE DOCTEUR. Il est habillé comme lui. L'Homme donne un papier à Arlequin sans lui rien dire, et s'en va. ARLEQUIN, déploie le papier, le regarde, le tourne de tous côtés, puis dit au Docteur. Monsieur le Docteur, savez-vous lire ? LE DOCTEUR. Oui, Monseigneur. ARLEQUIN donnant le papier au Docteur. Lisez donc cela ; car nous autres Empereurs, nous ne nous amusons point à lire, cela est trop bourgeois pour nous. LE DOCTEUR, après avoir lu tout bas, dit. Seigneur c'est un défi qu'on vous fait. ARLEQUIN. Un Défi ! Un Défi ! À moi qui suis le Prince des Brouillards, le Roi des Crépuscules, et l'Imperativo modò tempore proesenti ! Et qui sont ces téméraires qui osent me défier ? LE DOCTEUR. Les trois Chevaliers du Soleil. ARLEQUIN. Qu'ils paraissent donc. Les trois Chevaliers du Soleil entrent au son des Trompettes et des tambours ; et après qu'ils ont fait le tour du Théâtre, l'un d'eux s'avance vers Arlequin, et lui dit : LE CHEVALIER. Sciaceo ed imaginario Imperator della Luna i tre Cavalleri del Sole, armati deguitissima segno, ti sanno intemdere, che emera follia il prétendere in Eularia, Isabella è Colombina, Lascia d'amarle o accigenti alla deffensa : ARLEQUIN, d'un ton fier et résolu. Messieurs ; vous venez faire les Gascons, à cause que vous êtes trois, et que je suis tout seul ; Mais voilà le Docteur et Scaramouche qui vont me seconder ; et après cela si vous voulez, nous trois contre vous trois. LE CHEVALIER. Che farai ? ARLEQUIN. Nous jouerons une partie à la Boule. LE CHEVALIER. Lascia la buffonnerie, et vediama se hai tantoe forza nel bracio, quanta temerita nella lingua ! Les Tambours et les Trompettes recommencent à jouer, Arlequin, le Docteur et Scaramouche s'arment, se battent et sont vaincus. UN CHEVALIER, à Arlequin qui est à terre. Arrenditi o sei morto? ARLEQUIN. Ah ! Discourtois Chevaliers, tu m'as occis. LE CHEVALIER. Rinunzio agli amori d'Eularia, Isabella, è Colombina. ARLEQUIN. Rinunzio Eularia, Isabelle, Colombine, le chien, le chat, les poux, les puces, les punaises, et toute la famille. UN AUTRE CHEVALIER, s'avance, et dit à Arlequin. Cavalieri Codardo, prendi pur Colombina, c'ha me basta sol l'averra vinto. ET LA COMÉDIE FINIT. CHANSONS. CHANSON D'ARLEQUIN UN CAPITAINE dit à Arlequin. Sur l'Air : La verte Jeunesse. Mets-nous, je te prie Dans lieu secret, Point de tricherie, N'entre dans mon fait : Sans crainte je l'aime, Et j'en suis chéri ; Laisse-nous à même, Je suis son Mari. Il faut une soupe, Un Chapon dessus, Et dans cette coupe Vin du meilleur cru, Et cette poitrine De Veau bien rôtie, Qui dans sa cuisine Est par moi choisie. De force pécune Ce sac est rempli, Sans façons aucune, Vois-tu ? Le voici : Prends-en en main pleine Tout ce qu'il te faut ; Je suis Capitaine, Montons vite en haut. Garçons de Guingustet, Ayez soin de nous, D'une joie parfaite Contents serez tous : Que votre Service Pour nous soit ici, votre bénéfice Sera d'un grand prix. ARLEQUIN, répond au Capitaine. Ah ! Le bon apôtre ! Ardez, quel époux ! Va chercher quelque autre Pour tes Rendez-vous : Par ton beau langage Tu n'as pris qu'un rat. C'est un Mariage Qu'on fait sans Contrat. AUTRE CHANSON de la Comédie Italienne. On dit que la jeune Iris Aime à l'excès son Tyrcis, Ce n'est qu'une médisance : Mais l'on dit qu'en apparence Elle affecte une fierté Dont elle enrage, je pense, C'est la pure vérité. On dit qu'à chaque moment, Elle poursuit son Amant, Ce n'est qu'une médisance ; On dit que l'Impatience De ravoir ton amitié, Lui fait faire les avances ; C'est la pure vérité. On dit qu'un soupçon jaloux Lui met l'esprit en courroux ; Ce n'est qu'une médisance, Mais l'on dit qu'en récompense ; L'Objet qu'elle croit aimé La dénonce et l'offense : C'est la pure vérité ; On dit que de son Amant Elle pense à tout moment ; Ce n'est qu'une médisance : On dit pendant son absence Qu'elle a l'air toute consterné, Mais non pas en sa présence : C'est la pure vérité. On dit que pour lui parler, Elle paraît s'empresser ; Ce n'est qu'une médisance : Mais la Belle par avance Lui marche dessus le pied, Pour gagner sa bienveillance ; C'est la pure vérité. On dit que l'empressement Qu'elle a de voir son Amant Surpasse toute croyance : Mais l'on dit qu'en récompense, Son Amant de son côté N'a pas moins d'impatience : C'est la pure vérité. ==================================================