******************************************************** DC.Title = LE SYLPHE SUPPOSÉ, OPÉRA-COMIQUE DC.Author = PANARD, FAGAN DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra comique DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 03/05/2020 à 17:09:27. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FAGAN_SYLPHESUPPOSE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE SYLPHE SUPPOSÉ OPÉRA-COMIQUE EN UN ACTE EN UN ACTE. Représenté pour la première fois, sur le Théâtre de l'Opéra Comique de la Foire Saint-Laurent, en 1730 ; et remi sur celui de la Foire-Saint-Germain, en 1743. M. DCC. LXX. Par Messieurs PANARD et FAGAN ACTEURS. CLÉANTE. ISABELLE. URANIE. LA SYLPHIDE. LE ROI DES SYLPHES. UN GASCON. PIERROT. TOURBILLON. Le scène est devant un château. extrait de "THÉÂTRE de M. FAGAN et autres OEUVRES DU MÊME AUTEUR.", Tome quatrième, Théâtre de la Foire, 1760. pp 1-50 LE SYLPHE SUPPOSÉ. SCÈNE PREMIÈRE. Isabelle, Cléante. ISABELLE. AIR : Non, vous ne m'aimez pas.Non, vous ne m'aimez pas, Cléante ;Non, non, vous ne m'aimez pas. CLÉANTE. Si je courtise votre tante,C'est dans une plus douce attente ;Je n'en veux point à ses appas. Vous savez combien elle est ennemie du commerce des hommes, et si, en la flattant, je ne m'étais établi un espèce de crédit auprès d'elle, je n'aurais pas la liberté de vous voir. ISABELLE. Il est vrai qu'une lecture mal entendue a fait sur elle un prodigieux effet. AIR : Par nature.Et le Sylphe et GuliverLui font voir un Monde en l'air ;Bergerac et Gabalis,Et toute la séquelleDes chimériques esprits, Ont brouillé sa cervelle. CLÉANTE. Je veux mettre tout en usage pour la tirer de des entêtements, et tâcher de vous obtenir. ISABELLE. J'y consens, si votre ardeur est sincère. CLÉANTE. En pouvez-vous douter ? AIR: Ton petit minois.Par vos beaux yeux vous me charmezVous m'enflammezIsabelle ;Je languis pour vous nuit et jour, Et mon amourEst fidèle.Peut-on, sans s'émouvoir,VoirDe si doux charmes Le plus indifférentRendBientôt les armes.Je ne suis pas le seul qui en soit épris et le Marquis de Craquillac, entre autres, ne laisse pas de m'inquiéter. ISABELLE. Vous avez tort ; pour moi, tout ce qui m'inquiète, c'est que vous ne m'aimiez pas toujours. AIR De la Ceinture.Vous êtes né dans ce climat.On dit que l'Amour n'y peut croître, Et que cet enfant délicatY meurt, sitôt qu'on l'a vu naitre. CLÉANTE. Non, ma chère Isabelle, ne craignez point que mon et feu puisse s'éteindre. AIR Réveillez-vous.Sans le secours de l'espérance,Vos attraits le font substituer.Quelle serait sa violence, Si l'espoir venait le flatter ! SCÈNE II. Pierrot, Isabelle, Cléante. PIERROT. Je suis vraiment bien aise de vous trouver ensemble. Que les entretiens sont aimables, quand l'Amour est de la partie. Cependant mes enfants, méfiez-vous de ce Dieu. AIR : Je suis un bon Jardinier.Car le petit scélératEst aussi traître qu'un chat.Il est séduisant,Doux et caressant ; Dans l'abord il nous flatte :Mais le jeu tourne dans l'instant ;Gare le coup de patte,Lonla,Gare le coup de patte. CLÉANTE. Laisse-là tes leçons et dis nous ce que fait Uranie. PIERROT. Elle est à présent dans une guérite au-dessus des gouttières, environnée de grandes lunettes et de mille brimborions que je ne saurais vous nommer. Tantôt elle prend un livre, tantôt elle prend l'autre qui tous ne parlent que de magie. Elle n'a de correspondance qu'avec les habitants de l'air ; elle ne contemple que les planètes, et elle cherchait tout-à-1'heure les moyens de se transporter dans une île volante qu'elle prétend avoir découverte. ISABELLE. Quelle pitié ! CLÉANTE. AIR : Je n'ai pas le pouvoir.Prétendre guérir son cerveau,C'est semer dessus l'eau. bis. PIERROT. Toujours de mal en pis il va, Comme notre Opéra. bis.Sa folie ne se peut exprimer et devient insupportable dans le domestique. AIR : De tous les capucins du monde.Si par hasard on effarouche Le moindre oiseau, la moindre mouche,Il faut voir le beau carillon ;Enfin cette tête débileNe se coiffe qu'en papillon,Et ne vit que de volatile. AIR : Ton humeur est, Catherine.Elle a six sa demeureDans un donjon tout ouvert,Pour y sentir à toute heureLes influences de l'air ;De Sylphes peints les images Ornent ce comique hôtel ;Son plafond est en nuagesSon alcôve en arc-en-ciel. CLÉANTE. Il faut absolument travailler à la guérir de ces erreurs. ISABELLE. Que je vous aurais d'obligation, si vous pouviez imaginer quelque moyen... CLÉANTE. Je crains que nous ne puissions jamais en venir à bout par des raisonnements et des prières. Vous savez que la plupart du temps elle ne croit et n'écoute personne ; on lui dit d'une façon, elle répond de l'autre. ISABELLE. Cela est vrai. CLÉANTE. Elle ne voudrait point parler à tout ce qui a figure d'homme. PIERROT. AIR Quand le péril est agréable.De son corps s'il faut se défaire,Pour fléchir ce coeur inhumain, Je connais plus à un MédecinQui fera votre affaire. CLÉANTE. J'avais pensé à milles choses extravagantes à la vérité, mais qui pourraient avoir un effet salutaire pour elle et favorable à mon amour : tu sais de quoi il s'agit ? PIERRROT. Oui, Monsieur j'ai déjà fait avertir une éveillée de ma connaissance, et pour moi je suis prêt à me mettre en quatre. CLÉANTE. Je te promets... mais Uranie vient... SCÈNE III. Isabelle, Pierrot, Cléante, Uranie, un livre à la main. URANIE. Sylphonet, ayez soin d'aller chez Monsieur Pédantin ; qu'il m'envoie son Traité des Corpuscules et chez Monsieur Tourbillon, ses observations sur la nature des Esprits Aériens. ISABELLE. AIR : Talaleri.Que lisez-vous ? URANIE. C'est Épicure.Ah ! Que j'estime ses écrits ! ISABELLE. Eh ! Quoi ! Toujours dans la lecture De vos infiniment petits.Le beau sujet pour tant écrire ?Tala leri tala lerire. URANIE. Vous êtes bien à plaindre, Isabelle, de ne point donner dans système qui conduit aux pensées sublimes : c'est une faiblesse inséparable de votre jeune âge ; mais j'espère que vous vous formerez. PIERROT, à part. La belle espérance ! ISABELLE. J'en serais bien cachée. AIR : J'aime le mot pour rire.Reprenez votre raison,Souffrez qu'elle vous guide. Ce système n'est pas bon, Et j'y vois trop de vide.Je suis pour le solide,Moi,Je suis pour le solide. CLÉANTE. Je vous conjure, Madame, de songer que votre sexe ne doit point avoir d'autre étude que celle de plaire. AIR Je ne point troubler.Des beaux esprits vous êtes le modèle ; Par vos discours vous savez tout charmer. Il ne vous faut, pour être universelle,Que de savoir ce que c'est que d'aimer. URANIE. Je sais, Cléante, la passion que vous avez pour moi mais n'attendez pas que j'aime un composé d'atomes grossiers. AIR : Ce qui n'est enflure.De si bas attachements Sont dignes de blâme.De plus nobles sentimentsÉlèvent mon âme. ISABELLE. Pour moi, Madame, je ne crois point que l'Univers soit rempli de tous ces êtres invisibles dont vous parlez à chaque instant. PIERROT. Il faut distinguer Mademoiselle, par exemple. AIR : Ce n'est pas de même.Des époux tendres et galants,De jeunes veuves insensibles, Du vrai parmi les Bas-Normands,Dans les Fermes des coeurs flexibles,Chez les Gascons,De l'espèce et des fonds,Sont des êtres invisibles. URANIE. Tout est rempli, la terre, l'air, les eaux, le feu ; et les habitants de l'air surtout, mènent une vie si délicieuse, que je souhaiterais fort que nous puisons vous et moi en mener une pareille. ISABELLE. Je suis votre servante. AIR : Amis, sans regretter Paris.Nos corps ont besoin que souventOn pense à les refaire.Dans les airs il n'est que du vent ;Ce n'est pas votre affaire. URANIE. AIR : Du Confiteor.À votre corps toujours songer, Ah ! Que votre erreur est grossière ?Vous mettez l'esprit en danger. PIERROT. Pour moi, je pense le contraire,Et que l'esprit se porte bien,Quand au corps il ne manque rien. URANIE. Que vous pensez vulgairement. ISABELLE. AIR : À l'Opéra.Que feriez-vous?Sans cette opinion vulgaire,Que feriez-vous ? PIERROT. Et nous-mêmes que ferions-nous ?À l'esprit seul si votre mère Eût occupé sa vie entière,Que seriez-vous ? URANIE. Retirez-vous, mes enfants votre conversation est pour moi d'une pesanteur insupportable. Elle lit. CLÉANTE, bas. Puisque de l'erreur qui l'obsèdeRien n'arrête le cours fatal,Il faut chercher notre remède Dans la source même du mal. PIERROT. C'est bien dit. CLÉANTE. Flattons-la dans les visions, et rendons-les, s'il se peut, utiles à notre amour. PIERROT. Nos batteries sont toutes prêtes ; je vais lui amener une visite qui le confirmera dans ses idées. SCÈNE IV. URANIE, seule. Que je les plains ! Peut-on douter de choses aussi claires ? Pour peu que l'on ait vécu, n'a-t-on pas eu des occasions de s'en convaincre ? Combien ai-je vu dans la moyenne région, de combats d'ennemis remarquables ? Combien de fois ai-je entendu les tendres concerts des Sylphes amoureux ? AIR : Ami quand j'ai bien bu. Si, par quelque métamorphe, Je pouvais vivre dans les airs,D'un coup d'oeil voir tout l'Univers,Ô Dieux pour moi l'aimable chose ! Ah ! Quel plaisir ! Je croisDéjà voir toute la terre,Voir toute la terre et sous moi bis SCÈNE V. Uranie, Pierrot. PIERROT, à part. Hanneton vole, vole, vole. AIR : Le moulin de la meunière. À Uranie.Pierrot vient en diligenceVous faire savoir, Qu'une Sylphide s'avance.Exprès pour vous voir. URANIE. [Note : Sylphe : Fem. Sylphide. Nom que les cabalistes donnaient aux prétendus génies élémentaires de l'air. [L]]Une Sylphide !Allons, vite, que l'on penseÀ la bien recevoir. AIR : Non, non.La gloire la plus parfaite. Comble aujourd'hui tous mes voeuxQue l'Hisloire et la GazetteCélèbrent ce jour heureux.Non, non,Rien n'est comparable au renom Que sa visite m'apprête.Non, non,Rien n'est comparable au renomQu'elle assure à ma maison. SCÈNE VI. Uranie, La Sylphide, accompagnée ~MJC~MrM. URANIE. AIR : Turlutaine.Eh ! Quel bon vent vous amène ? Que mon coeur est réjoui !Vous même prendre la peineTurlutaineDe nous venir voirie!~Turlutu tantalari LA SYLPHIDE. Je vous entends parler si avantageusement de mon espèce, que vous m'attirez ici. AIR : Tu croyais, en aimant Colette.En moi voyez ce nouvel être,Ce tendre esprit aérienQue tous les soirs on voit paraîtreSur le Théâtre Italien.. AIR : Il est arrivé querelle.Je vais au plutôt m'y rendre ; Toute la ville m'attend.De partout on vient m'entendreJe vous quitte dans l'instant. URANIE. Dans votre courte rapide,De ces deux objets si doux, Que faites-vous, belle Sylphide ? L'ÎLE DU DIVORCE, et LA FOIRE DES POÈTES. Nous sommes du rendez-vous. URANIE. Comment ? LA SYLPHIDE. Oui, Madame, elles viennent avec moi. URANIE. Je crains fort qu'elles ne puissent vous suivre au moins, elles ne paraissent pas bien sur leurs jambes. LA SYLPHIDE. Je les aide à marcher au surplus. AIR : De tous les Capucins du monde.Entre nous quelque dissemblanceDonne à mes deux soeurs à leur licence.De ne venir que pas à pas ;La chose est peu de conséquence ; Le Public ne les attend pasAvec beaucoup d'impatience ? URANIE. Ne puis-je ravoir leurs noms ? L'ÎLE DU DIVORCE. Je suis l'île du Divorce. LA FOIRE DES POÈTES. Je suis la Foire des Poètes. URANIE. AIR : J'espérais que ma flamme.En vérité, ma mie,Vous me paraissez làEn très mauvaise compagnie. LA SYLPHIDE. On a ses raisons pour cela. URANIE. Des raisons ! LA SYLPHIDE. De très bonnes. URANIE. Tout ce que je puis vous dire, c'est que si tes deux individus qui vous accompagnaient aux Tuileries ressemblaient à ceux-ci, Eraste n'a point eu de peine à vous donner, ta préférence. LA SYLPHIDE. On a cru devoir agir de la sorte. AIR : Ton humeur indifférente.Près d'une laide compagne,Toujours une Beauté gagne.Si ces Dames que l'on voitN'ont rien qui rappelle,Sachez que c'est un tour adroit, Pour me rendre plus belle. URANIE. Ces justifications me paraissent raisonnées, et vous remplissez la sphère de mon imagination par des riens qui sont séduisants mais recevez un petit avis qui vous regarde personnellement. AIR Du nouveau Monde.De votre amoureux apprécieL'idée est à mon sens grossièreIl n'est pas joli qu'un EspritS'engage ainsi dans la matière. Pourrez-vous vous abaisser jusqu'à devenir amoureuse d'un homme ? LA SYLPHIDE. Si cela vous paraît une faute. Madame, je la répare, et je m'en retourne bientôt dans les espaces imaginaires avec celui que j'aime. URANIE. Il devient donc Esprit aérien comme vous ? LA SYLPHIDE. Assurément ; n'avez vous pas vu ma belle décoration, ce Palais enchanté ou je le transporte ? URANIE. Qu'il est heureux, d'être ainsi transporté ! LA SYLPHIDE. AIR : Je ne sais pas.Un spectacle agréableÉclate dans ces lieux.Cette imposture aimableÉblouit tous les yeux. D'un brillant raisonnableSe pique qui voudra,Suivons le vraisemblableDe l'Opéra.Et que dites-vous de notre Procureur qui vole ? URANIE. L'idée est jolie : cependant, je crains que votre Empire ne se trouve pas bien de ce nouvel hôte. LA SYLPHIDE. Mais, adieu, Madame, je n'y pense pas, je m'amuse à babiller ; en vérité, je suis ridicule. Elle s'éloigne. URANIE. Ah ! Par grâce un instant encore, je vous prie. Il y a longtemps que je souhaite d'être instruite des merveilles de votre séjour. LA SYLPHIDE. AIR.Il n'est point de Pays au Monde Si fertile en agrément.Tout ce qu'on voie de charmantDans ce lieu délectable abonde.Ah qu'il est beau, qu'il est brillant !Le Ciel même ne l'est pas tant. URANIE. Où est-il situé ! LA SYLPHIDE. Dans la moyenne région. AIR : De la Palisse.Non, rien n'est si glorieuxQue d'être comme nous sommes.Entre la Terre et les Cieux,Entre les Dieux et les hommes.Nous sommes, pour ainsi dire, Médiateurs, et c'est à nous que les Dieux ont confié les instruments de leurs bontés et de leur colère. URANIE. Comment cela ? LA SYLPHIDE. N'avons-nous pas a notre disposition les pluies douces, la rosée, les chaleurs fécondes, les influences bénignes, la foudre, les éclairs, la grêle, les tempêtes et les ouragans ? URANIE. Je ne savais pas cela. Qu'y a-t-il de curieux là-haut ? LA SYLPHIDE. Mille choses ; entre autres, l'Arbre d'Oreste et de Pylade, et le Vallon, des choses perdues. URANIE. Je n'ai pas encore entendu parler de cet arbre. LA SYLPHIDE. Il a la vertu de réconcilier les plus grands ennemis. Imaginez-vouS que quand on est sous ses branches... AIR : Du Coucou.Toutes les querelles finissent ; On pardonne au plus grand délit :Les Marbres même chérissentLes enfants nés d'un premier lit. URANIE. Sur ce pied-là, l'antipathie d'un Picard contre un Normand n'y tiendrait pas. LA SYLPHIDE. À l'égard du Vallon des choses perdues, on y trouve les leçons des Pères, les remontrances des Mamans, les plaisirs qu'on fait aux ingrats, l'argent qu'on prête aux Gascons, les conseils que l'on donne aux jeunes gens et tout ce que la Morale débite depuis un temps infinis pour corriger les hommes. URANIE. Ce Magasin doit regorger, s'il renferme toutes les choses perdues. Paris seul suffit pour le remplir. LA SYLPHIDE. À quelques distances de là, sont les Espaces imaginaires, (Pays immense,) où nous trouvons grande compagnie. URANIE. Comment allez-vous dans toutes ces Régions ? LA SYLPHIDE. Plus commodément que vous ne voyagez ici bas. AIR : Ne v'la-t-i1 pas que j'aime ?Mieux que vous, dans nos chars ailés Nous faisons notre ronde. De ville en ville vous allez,Et nous de Monde en Monde.Les Mondes sont aussi fréquents là-haut que les villages sur la terre. Nous en parcourons quelqueFois cinq ou six par jour. URANIE. Cela m'étonne. LA SYLPHIDE. Bon ! Quand on est assis sur un nuage ? Et qu'on a le vent du Nord pour postillon, on fait cinq cents lieues par heure. URANIE. Et votre table comment va-t-elle ? LA SYLPHIDE. AIR.Nous faisons une chère accomplie, Rien n'est tel que nos repas. Les meilleurs de France et d'Italie Des nôtres n'approchent pas.On ne voit rien d'égal en Allemagne.Gens délicats,Ne cherchez pasAilleurs qu'en nos climats Le vrai pays de Cocagne. URANIE. Vous avez donc des prairies, des jardins, des vergers ? LA SYLPHIDE. [Note : Mont Hymette : Massif de l''Attique en Grèce au sud d'Athènes.]Non, nous vivons de vos fleurs et de vos fruits. Les parties les plus subtiles de leur suc nourricier s'évaporent dans la moyenne région ; tout cela, cuit aux rayons du soleil, forme un caramel plus délicieux cent fois que le miel du Mont Hymette. URANIE. Vous me donnez envie d'y goûter. LA SYLPHIDE. Il en est de même de nos vins dans le temps qu'on y travaille chez vous. AIR : Ma femme est femme.Il nous vient à choisir,Et nous voyons l'élixirDe la mère gouttePrendre ici sa route. URANIE. C'est à dire que cela monte chez vous comme des colonnes d'air. C'est quelque chose de curieux qu'une colonne d'esprit de vin ! Des danses, en voit-on là-haut ? LA SYLPHIDE. AIR : Des fraises.Sans doute nous en avonsDe meilleures qu'en France.Chacun faute en nos cantonsEt jusques à nos maisonsTout danse. Ter.L'autre jour il y eut un bal au palais des Chimères j'ai eu le plaisir d'y voir danser ; devinez qui ? URANIE. Les Faiseurs de mémoires, les Inventeurs de projets, de systèmes. LA SYLPHIDE. Non les Nombres de Pythagore, les Catégories d'Aristore, les Idées de Platon, les Atomes d'Epicure : ils firent différents pas, et le bal fut terminé par un branle général qui fut exécuté sous l'arbre de Porphyre. URANIE. Cela devait faire un bon effet ! Une idée et un atome sont de jolis figurants ; il me semble que je les vois se regarder amoureusement en tournant l'épaule, balancer, couper, assembler. Ah ! La jolie chose ! Vos concerts, comment font-ils ? LA SYLPHIDE. Charmants. URANIE. Vous avez donc des Musiciens ? LA SYLPHIDE. Plus que nous ne voulons. Nous avons au-dessus de nos têtes la lyre d'Orphée, que les Dieux, comme vous savez, ont changée en astres. La plupart des compositeurs modernes, pour y pouvoir atteindre, sont continuellement guindés dans les nues, où ils se perdent le plus souvent. URANIE. Cela vous procure de la musique ? LA SYLPHIDE. [Note : Éole : Terme de mythologie. Dieu qui préside aux vents. [L]]En abondance mais je n'en ai point entendu de meilleure que dans la grotte d'Éole. AIR : Que faites-vous, Marguerite.Cette musque surpasseVos morceaux les mieux reçus.Les Aquilons sont la basse,Et les Zéphirs le dessus. URANIE. Vous m'enchantez par toutes ces merveilles ; elles excitent ma curiosité au point que je ne suis plus maîtresse de moi-même. LA SYLPHIDE. Il y en a bien d'autres dont je vous parlerai dans une autre visite ; il saut que j'aille rendre compte à notre Roi de quelques ordres qu'il m'a donnés. URANIE. Que ne m'est-il permis de vous suivre ? AIR : Dieu charmant.S'il ne dépendait que de moi, Belle Sylphide,Je serons déjà sous la loiDe votre aimable Roi.Pour lui mon coeur décide.S'il veut bien y consentir, Je suis prête à partir.Dites le lui, je vous en conjure. LA SYLPHIDE. Vous pouvez bien compter que je lui ferai bien votre cour. Adieu savante Uranie. URANIE. Adieu charmante Aérienne. LA FOIRE DES POÈTES, et L'ÎLE DU DIVORCE. AIR : Allons gai.De notre CamaradeNe nous éloignons pas. URANIE. La plaisante accolade ! LA SYLPHIDE. Donnez-moi vos deux bras. Allons gai, et c. URANIE, seule. Cette Sylphide m'enchante: : ses discours ont rempli la sphère de mon imagination d'idées plus séduisantes les unes que les autres. La douceur de son langage est une rosée qui instruit ce qui nourrit le coeur. SCÈNE VII. Uranie, Isabelle, Pierrot. PIERROT. Ah ! Malheur inouï accident terrible ! ISABELLE. AIR : Je veux une robe.Je suis toute tremblante ! Bis. URANIE. Et de quoi ? ISABELLE. Ah ! Ma tante !Je me meurs d'effroi. URANIE. Expliquez-vous. ISABELLE. Cléante n'est plus. PIERROT. Non Madame ; désespère de vos rigueurs il a imploré toutes les puissances de l'air, pour obtenir une métamorphose qui peut vous être agréable, il est devenu Sylphe. URANIE. Est-il possible ? PIERROT. Ah ! De quoi s'est-il avisé de vous aimer ? AIR : Le long de là.Le nom charmant d'Uranie,Par lui répété souvent,Attire un certain GénieQui d'un nuage l'entend :Vite il descend, ObligeammentComble son envie,[Note : On lit "sylphise" au vers 243, nous corrigeons en "sylphide".]Et le sylphide à l'instant. ISABELLE. Le pauvre garçon ! URANIE. Consolez-vous ? Il ne saurait avoir jamais un sort plus glorieux. Au reste, ce que vous me dites ne laisse pas que de me surprendre. PIERROT. À regarder la chose d'un certain côté. AIR : Oh ! vraiment.Je ne vois rien dans cela.Qui doive paraître étrange, Et de cette façon-làSouvent Cupidon se venge.Oh vraiment nous en voyons bienQue l'Amour, comme lui, change. Oh ! Vraiment nous en voyons bien Que l'Amour réduit à rien. ISABELLE. AIR : Si la Belle.Depuis l'instant de l'aventure,On le cherche, on ne le voit pasUne voix seulement murmureEt semble se plaindre tout bas. PIERROT. AIR : Du Confiteor.En esprit Cléante changéA perdu l'humaine apparenceHélas ! Que j'en suis affligé ;Que deviendra ma récompense ?Il m'a promis son pesant d'or ; N'aurai-je pas un beau trésor ?La monnaie des Sylphes est bien légère. CLÉANTE, caché. Hélas ! ISABELLE. Ah ! Grands Dieux je l'entends. URANIE. Ceci mérite attention. ISABELLE. Nous ne le verrons plus. PIERROT. AIR : Ne vous laissez. Pour voir un si petit objetEt vite, et vite je galope. ISABELLE. Où vas-tu ? PIERROT. Dans le cabinet,Je cours chercher un microscope. ISABELLE. Cléante a sans doute, Madame, quelque chose à vous dire ; j'abandonne la place. PIERROT. Oui : ne troublons point le tête-à-tête. SCÈNE VIII. Uranie, Cléante caché. CLÉANTE. AIR : Les coeurs donnent troc pour troc.Le changement que je reçoisNe peut nuire à ma flamme extrême ;Il me reste encore la voix,Pour vous dire que je vous aime. URANIE. Il me semble qu'à présent ces expressions sont cent fois plus délicates. AIR : Quand le péril est agréable.Console toi d'être invisible, Si de moi ton coeur est épris ;Pour tout ce qu'un appelle Esprits,Uranie est sensible. AIR : Amis, sans regretter.Oui, dégagé d'un corps pesant,Cléante a de quoi plaire Tu sais m'inspirer à présentL'ardeur la plus sincère. CLÉANTE. Puis-je me flatter de devenir heureux dans l'état de disproportion où je suis ? URANIE. Je te promets d'espérer ; mais on nous interrompt ; fâcheux contretemps ! SCÈNE IX. Uranie, Le Gascon. LE GASCON. Bonjour à la charmante Uranie ; je suis parbleu, ravi de vous trouver seule Madame ; j'ai quelque chose à vous communiquer. URANIE. Ah ! Que son aspect me choque ! LE GASCON. Il y a longtemps que je vous ai demandé Isabelle en mariage. AIR : Oh ! Reguingué.Contentez mon désir ardent,Faites son bien en l'accordantAux voeux du plus fidèle amante: Elle est dûe au feu qui m'exctte,Et plus encore à mon mérite. URANIE. La proportion est absurde. LE GASCON. Je ne crois pas franchement que vous trouviez beaucoup de partis plus avantageux pour elle. AIR : Va-t-en voir.De bons ducats tous les ansDe mes biens proviennent ;Pour rendre mes voeux contents, Tous les jours je les attends. CLÉANTE, caché. Va-t-en voir s'ils viennent, Jean,Va-t-en voir s'ils viennent. LE GASCON. Plait-il ?... Voilà l'utile et pour l'agréable j'en vaux bien, je pense, un autre. AIR : On voit en ratisse.Aimable, jeune et bienfait,En trois mots c'est mon portrait : [Note : Lice : Fig. Il se dit en parlant de discussions publiques, soit de vive voix, soit par écrit, ou de contestations publiques. [L]]Jamais dans la tendre lice,En vain mon coeur n'entrera. CLÉANTE, caché. On vous en ratisse, tisse, tisse,On vous en ratissera. LE GASCON. Par la tandis ! Qu'est-ce donc que j'entends ? J'ai peine à comprendre ce que ceci veut dire... Mais, Madame... ? AIR : C'est ce qui vous enrhume.D'Isabelle enfin serai-je l'époux ? Le feu que m'inspire un objet si douxDe plus en plus s'allume :Oui, je l'obtiendrai malgré les jaloux. CLÉANTE, caché. C'est ce qui vous enrhume. LE GASCON. Oh ! Pour le coup, ceci passe la raillerie : par la mort, je saurai quel est ces insolent. URANIE. AIR : Mais.Si je pouvais contenter votre envie, Ma nièce, à vous, pourrait bien être unie ;MaisVous entendez un GénieQui s'oppose à vos souhaits. LE GASCON. À d'autres, Madame ; je ne donne pas dans les chimères. URANIE. Qu'appelez-vous chimère ? LE GASCON. Je sais, Madame, comme je dois recevoir vos refus : mais ce n'est point avec le Marquis de Craquillac qu'il faut en agir de la sorte. AIR : Oh ! que si.Je crois qu'il n'est point ici De rival assez témérairePour irriter ma colère ? CLÉANTE. Oh ! que si. LE GASCON. Qu'il paraisse d'une tierce,Je le mets à la renverse. CLÉANTE. Oh ! Que nenni. LE GASCON. C'en est trop ; je crève, j'enrage et fut-ce le Diable, je le ferai capot. SCÈNE X. Uranie, Cléante, caché. URANIE. Enfin je puis donc, cher Invisible, me livrer à l'amour que tu m'inspires, et continuer un entretien dont j'ai senti la douceur ? CLÉANTE. Oui, sublime Uranie ; le commerce épuré que je compte avoir avec vous désormais me ~acce extrêmement mais j'exige une chose de vous, à quoi je sais de bonne part que les Sylphes et les Génies ne s'opposeront point. URANIE. Et quelle est-elle ? CLÉANTE. De nous marier spirituellement ensemble. URANIE. Nous marier ! On entend une symphonie vive. AIR : Soit sait ainsi.Non, le mot seul de mariage Offre à mes yeux une importune image.Quel bruit soudain vient frapper mes esprits ?Des Sylphes ce sont-là les cris. Ils souhaitent que je m'engage ; Soit fait ainsi qu'il est requis. On entend une symphonie douce.Attendez... Cependant. AIR : De la Baronne.L'incertitudeSuspend l'usage de mes sens :Il n'est point de tourment plus rude ; Garderai-je encore longtempsL'Incertitude ? La symphonie vive recommence.Ce courroux est trop marqué ! Cléatce, nos âmes vont s'unir. La symphonie douce recommence. AIR.Les doux accords que l'on entendMe sont un sûr présageDe l'heureux destin qui m'attend Si cet hymen m'engage.C'en est fait je n'hésite plus,Et dans le moment je conclus. CLÉANTE. Je vois, Madame, descendre ici bas un Notaire Royal de l'Empire des Sylphes, qui vient, sans doute, vous offrir son ministère. URANIE. AIR.Vole... viens former ma chaîne,Ministre habitant des airs. Viens me donner des fers ;Je ne puis résister au penchant qui m'entraîne.Viens achever les doux noeudsQui comblent mes voeux.Vole, etc. SCÈNE XI. Pierrot, en être aérien, Uranie, Cléante, toujours caché. PIERROT. AIR : La cheminée du haut en bas.[Note : Garde-note : Qualité qui se joignait autrefois à celle de notaire. Notaire garde-note du roi au Châtelet de Paris. Aujourd'hui, dans le langage familier et par pure plaisanterie, notaire. Anciennement, titre d'office. Espèce de conseillers. [L]]Garde-note élémentaire,Je viens exprès sur la terreFinir votre célibat ;Prenez ceci, signez cela, la, la la,Engagez-vous par ce contrat. URANIE. AIR : Attendez-moi sous l'orme.Pour le rendre authentique,Je veux que mes parents,Et tout mon Domestique,Dans ce lieu soient présents. SCÈNE XII. Isabelle Pierrot, Uranie, Le Gascon, Cléante, toujours caché URANIE. Suite de l'air précédent.Que mon âme est contente Ils préviennent mes soins ;De ma gloire éclatanteSoyez tous les témoins.Elle signe. PIERROT. Bon ! Uranie de Belveder. Voilà qui est en forme ; je suis votre serviteur... Ah ! J'oubliais le principal de ma commission ; le Génie... URANIE. Eh ! Bien ? PIERROT. AIR : Lere la.Veut de vous un dernier effort Je sais que votre coffre fortEst plein d'une lourde matière,Songez àVous en défaire,Lere la ; Laissez cela.La clef, Madame ; j'en serai gardien. À part.Elle a peine à mordre. CLÉANTE, paraissant. Ce coquin met ici du sien, il passe mon ordre. URANIE. AIR : Un petit moment.Quel objet s'offre à mes yeux !La substance est étendue.Si je ne suis de ces lieux,Je fuis... je suis perdue. CLÉANTE. AIR : Folies d'Espagne.Votre froideur avait détruit mon être,Je puis, enfin, me flatter d'être aimé.Un tendre amant se sent toujours renaîtreQuand il obtient 1'objet qui l'a charmé. URANIE, à Cléante. AIR : Qu'a du vin.Taisez-vous. CLÉANTE. Calmez ce courroux.À ma flammeQue votre âmeDaigne accorder le pardon. URANIE. Comment donc ! Après cet aSroncVoulez vous... ? LE GASCON. Je sais quelle injure On vous a faite, et je jureQue vous en aurez raison. Par la mort !Dans mon fier transport,Fussent-ils quarante,Je les diligente.Palsembleu ! Palsembleu ! L'on verra dans peu Beau jeu. CLÉANTE. Nous verrons. LE GASCON. On m'a parlé d'un certain Cléante. AIR : Les filles de Montpellier.Montrez-moi ce faquin-là.Dans le courroux qui m'enflamme, Je l'immole sous cela. CLÉANTE. Le voici. LE GASCON, mettant l'épée à la main. Sortez ma lame.Haye ! haye ! haye !Haye baye ! Madame, Madame, haye ! haye ! ISABELLE. Nous allons vair un Gascon. LE GASCON, se débattant. Cap de bious ; ce trait est noir ! Ce n'est pas, Diou me damne, le procédé d'un homme de c[oe]ur. Traître ! Attends. Laisse-moi, maudit Lutin ! Que l'enfer te confonde ! URANIE. Contre qui vous fâchez vous-là ? LE GASCON. Contre un Esprit, un Diable, un enragé qui tient ma valeur en écharpe. AIR : Ne m'entendez vous pas.Ne l'entendez-vous pas ?C'est un Sylphe, sans doute,Qui des airs prit la routePour m'arrêter le bras. URANIE. Non, je ne l'entends pas. CLÉANTE. Eh ! Bien, Monsieur de Craquillac. LE GASCON. Vous êtes sur votre paille ; nous nous reverrons Madame, on nous trahit tous deux, consolons-nous ensemble venez dans mon domaine, par la sandis vous y serez à portée des Astres ! Le donjon de Craquillac touche l'Olympe. PIERROT. Je le crois tous ses châteaux sont en l'air. URANIE. Allons, mon cher ; allons. LE GASCON. Je vais faire atteler mon vis-à-vis. N'oubliez pas, je vous prie, votre or et vos diamants. Vous pouvez laisser la grosse matière à ces indivisions terrestres. URANIE. Je vous suis, pour m'éloigner à jamais d'un lieu... SCÈNE XIII. Tourbillon, et les acteurs précédents. TOURBILLON. Demeurez, Madame ; le Souverain des airs m'envoie pour vous en donner ordre et il viendra lui-même dans un moment le confirmer. URANIE. Le Roi des Sylphes ! Puis-je me flatter de cette gloire ! Ma joie ne se peut contenir ! CLÉANTE à Isabelle. C'est un de mes amis qui a bien voulu se charger de ce personnage pour favoriser nos projets. On prélude. TOURBILLON. Cette symphonie nous annonce l'arrivée de mon maître. URANIE. AIR : Ton humeur est Catherine.Ah ! Que je me félicite !Dieux quel bonheur est le mien,De recevoir la visiteDu Monarque aérien ! SCÈNE XIV. Le Roi des Sylphes, les acteurs précédents. LE ROI DES SYLPHES. Suite de l'air.Madame, pour vous la rendreSans vous causer d'embarras, Ici près j'ai su descendreMon nuage est à deux pas.Charmante Uranie soyez attentive à ma voix l'accueil favorable dont vous avez tantôt honoré la Sylphide ma parente, mérite une récompense. La voici. Montrant Cléante. URANIE. Pour moi, Seigneur, il me semble qu'Isabelle... LE ROI DES SYLPHES. Je sais votre délicatesse, et j'y ai pourvu par le contrat que vous venez de signer. AIR : Landerirette.Nous l'avons conçu de façon Que, sans nul blâme, ce garçon,Landerirette,Avec vous deux peut être uni,Landeriri. URANIE. Quoi ! Seigneur, le même époux appartiendrait à la tante et à la nièce ! Cela est-il possible ? LE ROI DES SYLPHES. Oui, et sans blesser les lois. Vous l'allez entendre. Notaire, lisez haut. PIERROT, lisant. Par devant etc. furent présents en leurs personnes tels et : tels, etc. lesquels sont convenus de ce qui suit :Primo.Pour courtiser la tante et la nièce à leur guise, Il est dit qu'en deux parts Cléante se divise ;Ce partage saura prévenir tous discords.La tante aura l'esprit, et la nièce le corps. CLÉANTE. La décision est juste. PIERROT. À l'effet de quoi il a été convenu :Que Cléante à la nièce donne Ce qui compose sa personne,Pour vivre avec ce jeune objet,Ainsi que l'hymen le perme[t].Se réservant ledit époux d'avoir pour la tante des sentiments purement spirituels, du respect, de l'estime de la reconnaissance. liaison d'esprit, commerce de lettres, communication d'idées, de système et autres témoignages de bienveillance. CLÉANTE. Mon devoir et mon coeur sont d'accord sur cet article. PIERROT. Secundo. En faveur dudit mariage et pour engager Isabelle à l'aimer fidèlement, ledit Cléante lui fait par le présent donation pleine et entière de tous ses biens meubles et immeubles, acquêts et conquêts. ISABELLE. Je ne mérite point cette générosité. PIERROT. AIR : De tous les Capucins du Monde.Quant à la sublime Uranie, En faveur de son grand génie, On lui doit de certains égards. Elle aura, sans réserve aucune, Son douaire sur les brouillards, Et son préciput dans la Lune. LE ROI DES SYLPHES. Une hypothèque sur les nues : il n'y a point de saisie à craindre. Qu'en dites-vous, Madame ? URANIE. Tout cela me paraît au mieux. Mais, encore une fois, rien de matériel. C'est une grâce que je demande à sa Majesté aérienne. LE ROI DES SYLPHES. Vous serez contente. Notaire, lisez cet article à Madame. PIERROT. Tertio. Le devoir et l'intention de Cléante étant de se rendre agréable aux deux épouses susnommées. AIR : Quand le péril est agréable.Pour avoir l'âme plus légère, Quand à la Céleste il ira,Chez la Terrestre il laisseraToute vapeur grossière ;Soins, inquiétude, souci du ménage, et ccetera. LE ROI DES SYLPHES. AIR : Marche françaiseVous contenterez-vous de cet arrangement ? URANIE. J'y consens de bon coeur. CLÉANTE. Je le trouve charmant. URANIE. Conformons-nous tous trois à de si doux accords.Venez, mon cher esprit. CLÉANTE. Venez, mon petit corps. AIR.Votre coeur à mes voeux se rendra-t-il sans peine ? ISABELLE. Comptez sur un tendre retour. Ensemble.Puissent les doux plaisirs resserrant notre chaîne, Accorder l'Hymen et l'Amour. LE ROI DES SYLPHES. La célébration de votre hymen doit être précédée d'une fête. C'est une cérémonie que mes sujets ont toujours observée. URANIE. Vos usages sont respectables pour vous. LE ROI DES SYLPHES. AIR : Quand je bois de ce jus d'octobre.Si les Danseurs et prêts, qu'ils viennent,Nous aimons ce peuple léger. URANIE. Aux Sylphes ces Messieurs conviennent ;Ce sont des gens toujours en l'air. DIVERTISSEMENT. [CHANTEURS DU DIVERTISSEMENT]. MARCHE de Sylphes, de Zéphirs et de Tourbillons. On danse. AIR.[Note : Cantatille : Petite cantate. [L]] CANTATILLE.Petits oiseaux, que votre sort est doux !Et que mon coeur en est jaloux !Votre élément flatteur est l'objet de mon zèle.Que n'ai-je en ce moment des ailes comme vous ?Vous me verriez voler où le plaisir m'appelle, Mortels pesants, Esprits rampants Sur le sein de la terre Fixez-vous à jamais. Un plus noble penchant élève mes souhaits Jusqu'au séjour du tonnerre. Que votre sort me paraît doux ! Petits oiseaux, vous colez tous. Votre élément flatteur, etc. On danse. AIR LÉGER. Tout dans ce Monde N'est que du vent. Sur les voeux d'un ami, sur la foi d'un amant, Malheureux qui se fonde. Je me fierais plutôt aux caprices de l'onde, Qu'aux promesses du courtisan. Tout dans ce Monde N'est que du vent. En jolis mots un petit-maître abonde, Mais on trouve souvent, Quand on le sonde, Beaucoup de bruit et peu de jugement. Tout dans ce Monde N'est que du vent. Damon nous éblouit par un habit charmant ; Dans un char éclatant, Il mène tous les jours et la brune et la blonde : Croit-on qu'à tant de frais son revenu réponde ? Tout dans ce Monde N'est que du vent. On danse. VAUDEVILLE. Ce Vaudeville peut se chanter sur L'AIR : Un jour que j'avais mal dansé. CHANTEURS DU VAUDEVILLE. Au dessus des Dieux et du sort, L'orgueil élève un esprit fort ; De loin c'est un fantôme. Qu'un revers, un petit malheur Mette à l'épreuve ce grand coeur : Ce n'est plus qu'un atome. Qu'un jeune homme enfante un couplet ; L'amour propre aussitôt le fait Aussi grand qu'un fantôme. Bientôt par un morceau plus fort Il ose prendre son effort ; Ce n'est plus qu'un atome. Que le mariage est trompeur ! Deux jours avant le sien, ma soeur S'en faisait un fantôme. Dès le jour qu'elle s'engagea. Le grand fantôme délogea ; Ce ne sut qu'un atome. Un fanfaron sait le vaillant, Quand il ne voie point d'assaillant ; De loin, c'est un fantôme. Approchez et joignez son fer : Ce courage si grand se perd ; Ce n'est plus qu'un atome. Lorsque nous allons voir un Grand, Nous ne l'abordons qu'en tremblant ? Il nous semble un fantôme. Sous le manque de la grandeur, Quelquefois il est, par le coeur, Plus petit qu'un atome. Un Achille superbe et vain, Se croit parmi le Genre humain. Un géant, un fantôme. Philis paraît ; l'Amour agit : Une minute travestit Le géant en atome. L'Auteur d'un morceau qu'on attend Sur ses ergots s'élève tant, Qu'il paraît un fantôme. Le jour que sa pièce paraît La crainte le rabaisse il est Plus petit qu'un atome. ==================================================