******************************************************** DC.Title = LE DIAMANT, PROVERBE DC.Author = CARMONTELLE, Louis de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Proverbe DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:18. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARMONTELLE_DIAMANT.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE DIAMANT DIX-SEPTIÈME PROVERBE. M. DCC. LXVIII. Avec Approbation et Privilège du Roi. de CARMONTELLE. À Paris, chez MERLIN, Au bas de la Rue de Harpe, vis à vis de la rue Poupée. PERSONNAGES MADAME DE GERCOURT. MONSIEUR DE GERCOURT. LE COMTE DE TOURMONT. HENRIETTE, Femme de Chambre de Madame de Gercourt. MONSIEUR DE MIRVAULT, frère de Monsieur de Gercourt. IKAËL, Marchand Juif, Allemand. DUMONT, Valet de Chambre de Madame de Gercourt. CHAMPAGNE, Laquais de Monsieur de Gercourt. La scène est à Paris chez Madame de Gercourt. Dans PROVERBES DRAMATIQUES, Tome premier, Première partie, 1768. LE DIAMANT SCÈNE PREMIÈRE. Ikaël, Henriette. IKAËL. Mademoiselle Hentiette, parle-vous un peu à moi. HENRIETTE. Ah, c'est vous Monsieur Ikael ? IKAËL. Oui, Matemoiselle, j'ai tonne pien à vous le pon chour. HENRIETTE. Qu'est-ce qui vous fait venir ici, aujourd'hui ? Avez-vous quelque chose de nouveau à vendre ? IKAËL. Oh, j'ai un marché , c'est pour rien ; c'est plus que un ponheur pour celle qui l'aura. HENRIETTE. Qu'est-ce que c'est donc ? IKAËL. C'est un diamant qui vaut douze mille francs, et que l'on tonne pour... je vous tis pour rien. HENRIETTE. Voyons ? IKAËL. Tenez, regartez avec ces yeux dont vous êtes connaissante. Il lui donne une bague. HENRIETTE. C'est une bague ? IKAËL. Oui, justement, vous connaissez fort pon, sur la moment. HENRIETTE. Elle est belle ; mais le prix fait tout. IKAËL. C'est un fort pel eau, avec la feu qu'il jette, c'est un grand éclair. HENRIETTE. Et combien, voulez-vous le vendre ? IKAËL. C'est un prix te touze mille francs qu'il faut. HENRIETTE. Douze mille francs? IKAËL. Il coûte cela, et je tonne moi, parce que c'est un Tame qui a pesoin t'argent, pour moitié. HENRIETTE. Six mille francs. IKAËL. Oui, justement, six mille francs, je porte â vous, pour faire voir à Matame te Gercourt. HENRIETTE. Attendez ; elle va venir, vous lui parlerez. IKAËL. Je veux pien. Je donne aussi à vous Matemoiselle, si je fends ici. HENRIETTE. Tenez, je l'entends. Elle lui rend la bague. SCÈNE II. Madame de Gercourt, Henriette, Ikael. MADAME DE GERCOURT, dédaigneusement. Qu'est-ce que c'est que cet homme-là, Mademoiselle ? HENRIETTE. C'est Monsieur Ikaël, Madame. MADAME DE GERCOURT. Ah, oui, c'est vrai. Qu'est-ce qu'il veut ? Elle s'assied. IKAËL. Matame, je marche ici pour fous faire un service fort peau. HENRIETTE. Tenez, Madame, c'est un diamant admirable, voyez ! MADAME DE GERCOURT. Un diamant ? Non, je ne veux pas le voir. IKAËL. Mais, Matame, le vue, il coûte rien, regarte un peu seulement, comme il prille. Il donne la bague. MADAME DE GERCOURT. Il n'est pas vilain. Elle le regarde avec attention.Mademoiselle, mon diamant du milieu n'est il pas plus beau que cela ? HENRIETTE. Non, vraiment. MADAME DE GERCOURT. Mais vous avez raison, il jette beaucoup de feu ! HENRIETTE. C'est ce que j'ai vu de mieux dans ce genre-le, et il n'est pas cher. IKAËL. Non, il est pour un morceau de pain. MADAME DE GERCOURT. Mais c'est que j'en raffole ! Réellement cela ferait un effet !... Je ne le garderais pas en bague. HENRIETTE. Dites donc à Madame. IKAËL. S'il faut parler en conscience, je dis à l'heure même. Il vaut touze mille francs ; on n'aurait pas un pareil pour ste prix, je jure. MADAME DE GERCOURT. Douze mille francs ! C'est beaucoup d'argent. Je ne veux plus le voir. Elle le regarde toujours. HENRIETTE. Mais dites donc à Madame le dernier mot, Monsieur Ikaël. MADAME DE GERCOURT. Non, je n'en veux plus entendre parler. IKAËL. Matame, je tis encore un parole, il faut touze mille francs, comme j'ai rit ; mais je tonne à Matame pour six mille ; parce que c'est un personne dont l'affaire il est embarrassée ; c'est une Tame qui a joué et qui a besoin d'argent. MADAME DE GERCOURT. Six mille francs : combien cela fait-il de louis ? IKAËL. Justement teux cent cinquante, comme cela il est vrai. MADAME DE GERCOURT. Deux cent cinquante louis ? Mademoiselle, cela n'est pas cher, n'est-ce pas ? HENRIETTE. Non, vraiment, et vous trouveriez bien à vous en défaire à ce prix-là. MADAME DE GERCOURT. Il me fait un plaisir !... que je ne peux pas dire. IKAËL. Oui, il est fort plaisantement agréable ; Matame, il a raison. HENRIETTE. Eh bien, Madame, il faut l'acheter. MADAME DE GERCOURT. Mais, je n'ai pas d'argent, et je n'ai rien à vendre. IKAËL. Si vous n'avez point d'argent, tonne-moi autre chose, je brend sur la pon prix. MADAME DE GERCOURT. Que je suis malheureuse ! HENRIETTE. Mais si Monsieur voulait... MADAME DE GERCOURT. Mon mari ! Oui ; c'est bien à lui qu'il faut s'adresser. Allons, reprend ton diamant, je ne veux plus le voir. Elle rend la bague. IKAËL. Mais il a grand tort, il trouvera jamais un pareil, Matame. MADAME DE GERCOURT. Allons, va-t en ; cela me donne une humeur épouvantable ! HENRIETTE. Monsieur Ikaël, attendez un moment. IKAËL. Je reste toujours , encore. HENRIETTE. Madame, il me vient une idée ; Monsieur le Comte de Tourmont vous prêterait bien six mille francs, peut-être ? MADAME DE GERCOURT, souriant. Lui ? HENRIETTE. Pourquoi pas ? Vous lui rendrez quand vous voudrez. MADAME DE GERCOURT. Il est vrai que le Comte... Henriette, tu as bien de l'esprit, au moins. HENRIETTE. Madame, c'est mon zèle pour vous qui fait imaginer cela ; ce marché est unique et je ne voudrais pas vous le voir manquer. MADAME DE GERCOURT, nonchalamment. Mais c'est que le Comte crois-tu qu'il le veuille ? HENRIETTE. Sûrement, il n'y a pas assez longtemps qu'il vous connaît pour qu'il ne saisisse pas cette occasion de vous faire plaisir. Et puis Madame lui fera vouloir. MADAME DE GERCOURT. Je lui ferai vouloir ? Mais c'est que je ne l'aime pas trop. HENRIETTE. Qu'est-ce que cela fait ? Vous n'en aimez pas d'autre mieux que lui, à présent. MADAME DE GERCOURT. Non... Écoutes. Tu as raison ; il va sûrement arriver, et je lui ferai une querelle... HENRIETTE. J'entends, et le raccommodement se fera par la bague. MADAME DE GERCOURT. Non, je ne veux pas qu'il me la donne. HENRIETTE. Sans doute ; mais il vous prêtera l'argent qu'il faut pour l'acheter.. MADAME DE GERCOURT. C'est cela même. HENRIETTE. Ah ! J'entends un carrosse. Elle va voir à la fenêtre. C'est lui qui arrive. Je vais faire cacher le Juif dans l'anti-chambre et je reviendrai. Vous me direz quand il faudra le faire entrer. MADAME DE GERCOURT. Oui, c'est fort bien. Henriette emmène le Juif. SCÈNE III. Madame de Gercourt, Le Comte, Dumont. DUMONT, annonçant. Monsieur le Comte de Gercourt. MADAME DE GERCOURT. Quoi, c'est vous Monsieur le Comte ! Elle se lève. LE COMTE. Que dites-vous donc, Madame ? Mais qu'avez-vous, vous me paraissez bien abattue ? MADAME DE GERCOURT. Je n'ai rien, Monsieur. Mais comment êtes-vous ici aujourd'hui ? LE COMTE. Moi, Madame, où puis-je être mieux ? Si vous saviez avec quelle impatience j'attends le moment de vous voir... MADAME DE GERCOURT. Moi ? Celui-là est merveilleux ! Je vous jure que je ne m'y attendais pas. LE COMTE. Que voulez-vous donc dire, Madame ? Vous me désespérez, réellement. MADAME DE GERCOURT. Voilà par exemple ce que je ne crois pas : tenez, soyez vrai. Je ne trouve pas que vous ayez tort, vous avez pu croire que je vous aimerais... LE COMTE. Comment ! Me serais-je abusé ? Vous me faites trembler ! MADAME DE GERCOURT. Non, Monsieur, je ne vous fais pas trembler. Laissez-moi dire. Je crois que j'ai pu vous paraître aimable ; mais à la longue, on ne paraît pas toujours la même, il y a tant de femmes qui ont l'art de plaire, qu'il n'est pas difficile d'en trouver qui puissent vous paraître mieux que moi. LE COMTE. Je ne comprends pas... MADAME DE GERCOURT. Cela n'est pas difficile cependant ; quand j'aime, à peine l'exprimai-je, j'ai une façon d'être toute particulière ; les hommes aiment les femmes vives, je ne le suis pas, ce n'est pas votre faute. Vous trouvez mieux, cela est tout simple. LE COMTE. Mieux, mieux ! Mais Madame... MADAME DE GERCOURT. Non, je vous dis vrai, la Présidente vous convient, et si j'étais homme, je sens que je l'aimerais. LE COMTE. La Présidente ! À peine lui ai-je parlé jamais. MADAME DE GERCOURT. Quoi ! Hier, pendant le souper là, pouvez-vous nier ? LE COMTE. Je ne nie pas qu'elle m'a demandé quand j'irais à Versailles, et que je lui ai répondu que je n'en savais rien... MADAME DE GERCOURT. Mais en répondant cela, on ne regarde pas une femme jusques dans le fond de l'âme, et on ne l'attend pas pour lui donner la main après le souper, quand on n'a pas autre chose à lui dire. Je ne suis pas jalouse au moins, n'allez pas le croire, ce n'est pas un reproche. LE COMTE. Vous seriez bien fâchée que je le crusse ; tant je vous suis indifférent. MADAME DE GERCOURT. Indifférent, non, j'ai de l'amitié pour vous. LE COMTE. Ah, Madame, cessez ce ton, vous m'accablez, vous me désespérez ; je ne vois que vous au monde, capable de m'attacher, je ne veux vivre que pour vous. MADAME DE GERCOURT. On dit toujours cela. LE COMTE. On peut le dire ; mais on ne le sent pas comme je le sens et je jure que jamais... MADAME DE GERCOURT. Pourquoi cet empressement pour la Présidente ; car si vous voulez que je vous l'avoue, cela m'a véritablement fâchée ; une femme qu'à peine vous connaissez. LE COMTE. Eh, Madame, pourquoi ne me l'avoir pas dit ? Je n'ai même rien lu dans vos yeux qui me l'annonçât. MADAME DE GERCOURT. Parce que je voulais... SCÈNE IV. Madame de Gercourt, Le Comte, Henriette, Ikaël, du côté du Comte. HENRIETTE. Madame a sonné, je crois ? MADAME DE GERCOURT. Non, Mademoiselle. Eh bien, pourquoi donc laisser entrer cet homme-là ? IKAËL. Monsieur Comte, si vous êtes ami de Matame ; c'est un marché d'or. LE COMTE. Qu'est-ce que c'est ? MADAME DE GERCOURT. Allons, je n'en veux point. Mademoiselle, je vous en prie faites-le sortir. HENRIETTE. Mais, Madame, que Monsieur le Comte juge. IKAËL. Oui, Monsieur Comte, c'est un tiamant qui n'a pas sa pareil dans tout la monde entier. LE COMTE. Un diamant ? Voyons. MADAME DE GERCOURT. Non, ne regardez pas cela, d'ailleurs je n'en ai que faire. LE COMTE. Il est fort beau ! Combien veux-tu le vendre ? IKAËL. Je tirai à Monfieur Comte , il me connaît pien. À Metz, MonSieur Comte, vous savez pien que j'étais connu dans la Régiment ? LE COMTE. Allons, finis. IKAËL. Monsieur Comte , je dis fte tiamant, il vaut touze mille francs ; comme je suis moi, un Juif. Eh bien, je tonne à Matame, pour six mille francs. LE COMTE. Six mille francs ?... IKAËL. Oui, pas plus. MADAME DE GERCOURT. Je n'en ai que faire. LE COMTE, à Henriette. Est-ce un bon marché, réellement ? HENRIETTE. Oui, vraiment, très bon. LE COMTE. Pourquoi donc ne le prenez-vous pas, Madame ? MADAME DE GERCOURT. Parce que j'en ai assez d'autres. LE COMTE. Je crois deviner. Le trouvez-vous beau ? MADAME DE GERCOURT. Mais je ne l'ai pas trop vu, je ne veux pas être tentée. LE COMTE. Regardez-le : il me paraît très brillant, et s'il vous convient , il n'y a pas à hésiter. MADAME DE GERCOURT. Il est très agréable mais... LE COMTE. Vous n'avez pas d'argent peut-être. MADAME DE GERCOURT. Non, je n'en veux point, absolument. LE COMTE. Mais si c'est cela, il ne faut pas laisser échapper cette occasion-ci. IKAËL. Oh, c'est un pon occasion. LE COMTE. Je me charge de le payer et vous me le rendrez quand vous voudrez. MADAME DE GERCOURT. Non, je ne veux pas devoir absolument. LE COMTE. À moi, sans doute ; car qu'est-ce qui ne doit pas ? MADAME DE GERCOURT. À vous, ni à personne, que pour des choses indispensables. LE COMTE. Prenez-le toujours ; si vous vous en dégoûtez vous me le rendrez, ou vous me le payerez ; vous ferez ce qu'il vous plaira. Toi, Ikaël, attends moi là-dedans. Je te donnerai ton argent chez moi, où je vais retourner. IKAËL. Matame, il garde tonc la bague ? MADAME DE GERCOURT. Oui, oui, puisque le Comte le veut. En vérité, Monsieur le Comte, je ne sais pas encore quand je pourrai vous rendre cet argent-là, il faudra que nous prenions des arrangements. LE COMTE. Je ferai tout ce qu'il vous plaira. IKAËL. Monsieur Comte , Matame, Matemoiselle, je suis bien pour vous servir. LE COMTE. Attends-moi. IKAËL. Ah, Monsieur Comte, je fuis pas pressé. SCÈNE V. Madame de Gercourt, Le Comte, Henriette. MADAME DE GERCOURT. Il est véritablement très beau ce diamant-là, et je crois avoir fait un très bon marché ; mais, Comte, je crains que cela ne vous dérange. LE COMTE. Moi, Madame, je vous jure que non ; n'ayez donc pas cette crainte-là. MADAME DE GERCOURT. Mademoiselle, ne le trouvez-vous pas beau ? HENRIETTE. Oui, Madame, et je suis bien aise que vous l'ayez acheté. MADAME DE GERCOURT. Ah, mon Dieu ! Mais je n'y pensais pas ; me voilà dans le plus grand embarras ; c'est comme si je ne l'avais pas, ce diamant. LE COMTE. Et pourquoi ? MADAME DE GERCOURT. Parce que je n'en pourrai pas faire usage, je ne pourrai pas le porter. LE COMTE. Comment ? MADAME DE GERCOURT. Mon mari connaît tous mes diamants, et il sait bien qu'il ne me donne pas assez pour que je puisse acheter quelque chose de ce prix-là. LE COMTE. Votre réflexion est embarrassante. MADAME DE GERCOURT. Je suis désespérée. Il faut que je m'en détache absolument et que le Juif le reprenne. LE COMTE, avec joie. Madame, il me vient une idée admirable ! Il faut que le Juif le reprenne, oui : écoutez ; écoutez ; c'est délicieux ! MADAME DE GERCOURT. Dites donc ? LE COMTE. Ikaël le portera à votre mari, il lui donnera pour cent louis, le bon marché le tentera et il l'achètera pour vous le donner. MADAME DE GERCOURT. Oui, votre idée est plaisante, et je gagnerai même à cela cent louis, que je vous devrai de moins. LE COMTE. Mademoiselle Henriette, faites entrer le Juif. MADAME DE GERCOURT. En vérité, Comte, vous êtes ravissant ! Je n'aurais jamais eu l'esprit d'inventer cela. LE COMTE. Croyez-vous encore à la Présidente ? MADAME DE GERCOURT. Allons, allons, ne parlons plus d'elle. HENRIETTE. Je vais donc faire entrer le Juif ? MADAME DE GERCOURT. Oui, oui. HENRIETTE. Monsieur Ikaël ? SCÈNE VI. Madame de Gercourt, Le Comte, Henriette, Ikaël. LE COMTE. Ikaël, écoute bien ce que je te vas dire. IKAËL. Oui, Monsieur Comte. LE COMTE. Voilà la bague, qu'il faut que tu reprennes... IKAËL. Quoi, Matame, il ne veut plus ; c'est un grand tort, il est un fort pon marché, pour véritablement. LE COMTE. Ce n'est pas cela. Il faut que tu la donnes à Monsieur de Gercourt, le mari de Madame, pour cent louis. IKAËL. Ah, Monsieur Comte, je peux pas moins de six mille francs, en conscience , c'est comme je tis... LE COMTE. On te la payera toujours six mille francs ; mais tu la donneras à Monsieur de Gercourt, pour cent louis... IKAËL. Mais, Monsieur Comte, il fait un plaisanterie ; cent louis , il fait pas six mille francs. LE COMTE. Non, mais cela fait deux mille quatre cent livres. IKAËL. Hé pien, Monsieur Comte, fous foyez pien que je ne peux pas pour teux mille quatre cents livres. LE COMTE. Non ; mais je redonnerai trois mille six cents livres, moi, pour le reste du paiement. IKAËL. Ah, je comprends fort pien, vous achetez à vous deux, vous, Monsieur Comte, et Monsieur Gercourt encore. LE COMTE. Oui ; c'est cela. MADAME DE GERCOURT. Mais il ne faut pas qu'il aille dire à mon mari, que vous payerez le reste. IKAËL. Il faut pas ? LE COMTE. Non, vraiment. Tiens, Henriette te mènera chez lui, ou bien où il fera. Et tu lui diras que cette bague est à vendre pour six mille francs. S'il n'en veut pas pour ce prix là, tu diminueras jusqu'à cent louis. Pour lors, il la prendra, il te donnera cent louis et je te donnerai le reste. IKAËL. Je comprends fort pon ; c'est pour lui faire croire encore un plus pon marché que six mille francs. LE COMTE. Oui ; et tu ne lui parleras pas de moi, ni de Madame. IKAËL. Oh, laissez faire, je suis assuré à présent avec la tiamant. Où faut-il porter ? MADAME DE GERCOURT. Henriette te le dira, et quand il en sera temps. IKAËL. Ah, pon, pon. HENRIETTE. Madame, je crois que voilà Monsieur. MADAME DE GERCOURT. Mon carrosse doit être au bout du jardin, sur le rempart ? HENRIETTE. C'est Monsieur, lui-même. MADAME DE GERCOURT. Hé bien, je m'en vais. Reste ici, il ne saura pas que je serai sorti, il y viendra sûrement. Venez Comte. SCÈNE VII. Monsieur de Gercourt, Henriette. MONSIEUR DE GERCOURT, avec des papiers à la main. Où est Madame de Gercourt, Mademoiselle ? Je la croyais ici. HENRIETTE. Monsieur, elle vient de sortir dans l'instant par la porte du rempart. MONSIEUR DE GERCOURT, s'asseyant et lisant ses papiers. Et reviendra-t-elle souper ? HENRIETTE. Oui, Monsieur, car elle se plaignait encore ce matin, qu'elle ne vous voyait presque plus. MONSIEUR DE GERCOURT, lisant. Oui, je crois que c'est bien là ce qui l'occupe. Je souperai pourtant ici aujourd'hui. HENRIETTE. Cela lui fera grand plaisir. MONSIEUR DE GERCOURT, lisant. Mademoiselle.... auriez-vous une écritoire. HENRIETTE. Oui, Monsieur, en voilà une. MONSIEUR DE GERCOURT, essayant d'écrire. Mais cela n'écrit non plus !... C'est bien là une écritoire de femmes ! Je vous en prie, dites qu'on me fasse venir mon caissier, ou Monsieur Le Noir ; c'est égal. HENRIETTE. Monsieur, ils n'y sont pas. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Comment, il n'y a personne au Bureau ? HENRIETTE. Non, parce que Madame a donné sa loge de la Comédie à ces Messieurs, et ils y font allés. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. C'est bien nécessaire que des Commis aillent à la Comédie ; mais je sais bien pourquoi ; c'est que cette femme-là n'a jamais le sol et qu'elle se fait avancer ses quartiers par le caissier. HENRIETTE. C'est bien vrai, Monsieur, qu'elle n'a pas d'argent ; si elle en avait ici, je lui aurais fait faire aujourd'hui un bon marché ; mais je n'ai pas voulu seulement lui en parler. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Vous avez bien fait, et vous devriez, si vous lui êtes attaché, chasser tous ces petits marchands qui viennent sans cesse et qui font une source de ruine pour les femmes. HENRIETTE. C'est aussi ce que je fais toujours. Monsieur, si vous vouliez voir le marché dont je vous parle. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je n'ai point d'argent , Mademoiselle. HENRIETTE. Cela ne fait rien, je vais toujours vous l'aller chercher. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Cela c'est inutile. Henriette sort et va chercher Ikaïl. SCÈNE VIII. Monsieur de Gercourt, Ikaël, Henriette. IKAËL. Monsieur, je suis pien pour servir à fous. MONSIEUR DE GERCOURT. Qu'est-ce que c'est ? Quoi, un Juif ! Pourquoi laisse-t-on entrer ces gens-là ici ? HENRIETTE. Monsieur, c'est moi qu'il a demandé, c'est l'homme au bon marché dont je vous parlais. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je n'en ai que faire, allons. IKAËL. Si Monsieur, il foulait regarter seulement ste tiamant. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je te dis que non. IKAËL. Monsieur, consitérez que je l'apporte ici de préférence, et que ste tiamant qu'il vale douze mille francs partout ; on la tonne pour six mille. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. S'il valait douze mille francs, on ne le donnerait pas pour moitié. IKAËL. Non, cela il est frai, comme il tit Monsieur, mais c'est la pesoin t'argent sur la moment, qui fait cet marché pon. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Laisse-moi en repos. HENRIETTE. Mais, Monsieur, voyez-le. MONSIEUR DE GERCOURT, regardant le diamant. Voyons donc. Oui, il est fort beau ; mais je n'en veux point. IKAËL. Eh pien, compien, Monsieur, il veut-il tonner. MONSIEUR DE GERCOURT, remettant le diamant sur la table et écrivant. Rien. IKAËL. Oh, rien, c'est un patinage, et Monsieur il n'est pas capaple s'il ne regarte pas ; mais je puis encore temanter moins, si il veut examiner, je tonne pour teux cent louis. HENRIETTE. Ah, Monsieur, deux cent louis ; c'est pour rien. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Que veux-tu que j'en fasse ? HENRIETTE. Mais, Monsieur, pour Madame, c'est bientôt sa fête. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Bon, elle en a assez. HENRIETTE. Elle n'en a pas un comme cela. IKAËL, présentant le diamant. Oui, Monsieur, regarte encore. MONSIEUR DE GERCOURT. Je vois bien. Allons, pour me débarrasser, je t'en donnerai cent louis. IKAËL. Ah, Monsieur, ste tiamant là pour cent louis ! J'ai pas volé, je puis pien tire. MONSIEUR DE GERCOURT. C'est tout ce que j'en peux donner. Allons, laisse-moi donc en repos. IKAËL. Eh pien, mette cent cinquante ? MONSIEUR DE GERCOURT. Non. IKAËL. Fous ne foulez pas ? MONSIEUR DE GERCOURT. Je te dis que non. IKAËL. Eh pien, Monsieur, prentre tonc pour cent louis ; mais je puis pien assurer, que je fends jamais encore pour cet prix-là. MONSIEUR DE GERCOURT. Ils disent toujours cela. HENRIETTE. Je crois qu'il a raison. Quel plaisir cela va faire à Madame ! MONSIEUR DE GERCOURT. Oh, oui, tu verras. Il faudra que je lui aie encore obligation de le prendre, peut-être. Il écrit un billet. HENRIETTE. En vérité, Monsieur, vous ne connaissez pas la bonté de son coeur. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. La bonté de son coeur !... Voilà un billet pour les cent louis, tu n'as qu'à attendre que le Caissier soit revenu. IKAËL. Monsieur, s'il y a encore t'autres sortes pour la service, je viens sur la moment. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Non, non je ne veux plus te voir. IKAËL. Monsieur, je suis fort opligé. Il sort avec Henriette. SCÈNE IX. Monsieur de Gercourt, Monsieur de Mirevault, Champagne. CHAMPAGNE. Monsieur de Mirevault. MONSIEUR DE GERCOURT. Mon frere ? Il se lève.Et par quelle aventure à cette heure-ci ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Je viens vous dire une nouvelle. MONSIEUR DE GERCOURT. Une nouvelle ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui, nous marions ma fille. MONSIEUR DE GERCOURT. Ah, ah ! Asseyez-vous donc. Ils s'asseyent. MONSIEUR DE MIREVAULT. J'ai trouvé un parti qui me convient. MONSIEUR DE GERCOURT. Tant mieux ! Est-ce le Trésorier des États de... MONSIEUR DE MIREVAULT. Non, non ; c'est un Colonel. MONSIEUR DE GERCOURT. Un Colonel ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui, ou du moins qui en a la promesse ; c'est un homme de grande qualité. MONSIEUR DE GERCOURT. Diantre ! MONSIEUR DE MIREVAULT. [Note : Tabouret : Droit du tabouret, droit qu'avaient les duchesses de s'asseoir sur un tabouret ou siège pliant pendant le souper du roi et au cercle de la reine. [L]]Ma fille sera présentée et il pourrait même arriver, s'il mourrait quelques parents... vous entendez bien... qu'elle aurait le Tabouret. MONSIEUR DE GERCOURT. Et vous et votre femme, qu'est-ce que vous auriez ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Nous aurons, que nous marierons bien notre fille. MONSIEUR DE GERCOURT. Oui, c'est une grande affaire que vous faites là. Et votre gendre est-il riche ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Non, pas à présent ; mais il a les plus grandes espérances. MONSIEUR DE GERCOURT. Enfin, vous êtes bien content. MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui. Je voudrais voir votre femme pour lui en faire part. MONSIEUR DE GERCOURT. Elle est sortie ; mais je me charge de lui dire. Et comment s'appelle... MONSIEUR DE MIREVAULT. Quoi, je ne vous l'ai pas dit ? MONSIEUR DE GERCOURT. Non, vraiment. MONSIEUR DE MIREVAULT. C'est le Marquis de Ferville, vous le connaissez. MONSIEUR DE GERCOURT. Sûrement. MONSIEUR DE MIREVAULT. Vous voyez bien ? MONSIEUR DE GERCOURT. Oui, c'est une très bonne affaire. MONSIEUR DE MIREVAULT. Je suis bien aise que vous l'approuviez. Ah ça, je m'en vais, car j'ai mille choses à acheter, des étoffes, des diamants... MONSIEUR DE GERCOURT. Est-ce que vous vous connaissez en diamants ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui, vraiment, et très bien même. MONSIEUR DE GERCOURT. Tenez, voyez un peu cela. MONSIEUR DE MIREVAULT. Ah, ah ! C'est fort beau ! MONSIEUR DE GERCOURT. Qu'est-ce que cela vaut ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Mais, attendez. Cela vaut douze mille francs, et au meilleur marché dix. MONSIEUR DE GERCOURT. Vous le croyez ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Je vous dis que je m'y connais très bien. MONSIEUR DE GERCOURT. Devinez combien il m'a coûté ; c'est un hasard. MONSIEUR DE MIREVAULT. Huit mille francs ? MONSIEUR DE GERCOURT. Pas tant. MONSIEUR DE MIREVAULT. Si vous l'avez eu pour, six, c'est pour rien. MONSIEUR DE GERCOURT. Il ne me coûte que cent louis. MONSIEUR DE MIREVAULT. C'est inconcevable ; car il est admirable. MONSIEUR DE GERCOURT. Je vous dis vrai. MONSIEUR DE MIREVAULT. Pardi, vous devriez bien me le céder ; c'est un hasard unique. MONSIEUR DE GERCOURT. Je ne le peux pas, je l'ai acheté pour Madame de Gercourt. MONSIEUR DE MIREVAULT. Elle en a tant, et vous me feriez le plus grand plaisir du monde. MONSIEUR DE GERCOURT. Hé bien, écoutez, arrangeons-nous. MONSIEUR DE MIREVAULT. Je ne demande pas mieux. MONSIEUR DE GERCOURT. Vous l'avez estimé dix mille francs ? MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui, est-ce que vous voulez me le vendre cela ? MONSIEUR DE GERCOURT. Fi donc ! Voici ce que je veux dire ; vous mariez ma nièce, je eerai obligé de lui faire un présent. MONSIEUR DE MIREVAULT. Eh bien, vous lui donnez ce diamant ? MONSIEUR DE GERCOURT. Oui ; mais vous me rendrez mes cent louis. MONSIEUR DE MIREVAULT. Mais, vous ne lui donnerez rien par cet arrangement-là. MONSIEUR DE GERCOURT. Je vous demande pardon, et l'excédent des cent louis. MONSIEUR DE MIREVAULT. Cela ne Se peut pas , et vous vous moquez de moi. MONSIEUR DE GERCOURT. Non, je ne le cède qu'à cette condition. MONSIEUR DE MIREVAULT. C'eSt un peu vilain, ce que vous faites-là. MONSIEUR DE GERCOURT. Vilain ou non, voyez Si cela vous convient; MONSIEUR DE MIREVAULT. Allons , comme vous voudrez. MONSIEUR DE GERCOURT. Vous me rendrez mes cent louis à votre aise pourvu que je les aie demain avant midi. MONSIEUR DE MIREVAULT. Oui, oui. Il s'en va. SCÈNE X. Monsieur de Gercourt, écrivant, Madame de Gercourt. MADAME DE GERCOURT. Et par quel hasard, Monsieur, êtes vous établi ici... MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je suis venu vous y chercher ; j'y suis resté. MADAME DE GERCOURT, s'asseyant. C'est bien honnête à vous. Je me plaignais tantôt, de ce que je ne vous vois jamais que des instants. MONSIEUR DE GERCOURT. Comment donc, ceci est nouveau ! MADAME DE GERCOURT. Mais, point du tout, il semble à vous entendre, que je ne vous aime pas ; vous savez bien le contraire. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Moi ? Point du tout. MADAME DE GERCOURT. Oh, laisssez donc là vos écritures. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Si vous voulez, je m'en irai chez moi. MADAME DE GERCOURT. C'est bien répondre à tout ce que je vous dis de tendre. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. De tendre ! Sûrement ce que je fais, vaut mieux que de la tendresse pour vous. Je suis occupé de recueillir quand vous ne faites que songer à répandre, à dépenser. MADAME DE GERCOURT. L'un est plus honnête que l'autre. Répondez-moi donc. N'avez-vous vu personne depuis que vous êtes rentré ? MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Non. Ah, j'ai vu mon frère. Il marie sa fille, il est enchanté ! MADAME DE GERCOURT. Je le crois. MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Au Marquis de Ferville. MADAME DE GERCOURT. Au Marquis de Ferville ! C'est bien fait à eux ; c'est ma belle-soeur qui aura fait ce mariage-là ; car c'est la plus ridicule créature avec sa vanité... MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je me suis chargé de vous le dire. MADAME DE GERCOURT. À la bonne heure, comme ils voudront. Mais vous avez vu quelqu'un encore ? MONSIEUR DE GERCOURT, écrivant. Je vous dis que non. MADAME DE GERCOURT. Pour cela vous dites que vous venez me chercher et vous êtes bien peu occupé de moi : comment voulez-vous qu'on cause avec vous, pendant que vous écrivez ? Dites-moi donc, on m'a dit que vous aviez vu quelqu'un encore. MONSIEUR DE GERCOURT. Ah, un Juif ? MADAME DE GERCOURT. Un Juif ? Quoi, vous auriez acheté quelque chose pour moi ; je vous reconnais bien-là ; il y a longtemps que vous ne m'aviez rien donné, et vous vous en êtes souvenu : qu'est-ce que c'est ? MONSIEUR DE GERCOURT. J'avais acheté un diamant. MADAME DE GERCOURT. Pour moi ? MONSIEUR DE GERCOURT. Oui. MADAME DE GERCOURT. Laissez donc cela. Hé bien, où est-il ? Donnez-le-moi, il est surement beau ? MONSIEUR DE GERCOURT. Oui, il est fort beau. MADAME DE GERCOURT. Voyons-le donc. MONSIEUR DE GERCOURT. Écoutez-moi. MADAME DE GERCOURT. Mais, que voulez-vous dire ? Voyons le diamant. MONSIEUR DE GERCOURT. Laissez-moi vous expliquer ceci. MADAME DE GERCOURT. Mais, quelle explication faut-il ? Donnez-le moi. MONSIEUR DE GERCOURT. Attendez ; c'est un marché admirable que j'ai fait. Mon frère l'a estimé dix mille francs. MADAME DE GERCOURT. Il doit être beau. MONSIEUR DE GERCOURT. Oui, vraiment, il est beau, et je ne l'ai acheté que cent louis. MADAME DE GERCOURT. Voyons-le donc. MONSIEUR DE GERCOURT. Voici bien le meilleur, mon frère l'a trouvé charmant, il en a eu envie. MADAME DE GERCOURT. Vous ne lui avez pas donné ? MONSIEUR DE GERCOURT. Je n'ai pas été si sot. MADAME DE GERCOURT. Vous avez bien su tout le plaisir que vous feriez. MONSIEUR DE GERCOURT. Écoutez jusqu'au bout ; il voulait que je lui cédât pour cent louis. MADAME DE GERCOURT. Mais, point du tout. MONSIEUR DE GERCOURT. Sans doute, voici ce que j'ai fait. J'ai dit puisqu'il marie sa fille, je serai obligé de lui faire un présent. MADAME DE GERCOURT. Hé bien ? MONSIEUR DE GERCOURT. Je lui ai dit : vous trouvez qu'il vaut dix mille francs, en vous le cédant pour cent louis... MADAME DE GERCOURT, intriguée. Comment ? MONSIEUR DE GERCOURT. Voyez mon calcul ; c'est comme si je donnais à ma nièce, sept mille six cent livres. MADAME DE GERCOURT. Hé bien, vous lui avec donné ? MONSIEUR DE GERCOURT. Oui, mais il me rendra mes cent louis ; voilà ce qu'on appelle saisir l'occasion. MADAME DE GERCOURT. Allez, vous êtes odieux ; c'est une vilénie abominable ! MONSIEUR DE GERCOURT. Voilà bien comme sont les femmes, elles n'entendent rien aux affaires. MADAME DE GERCOURT. Mais, si c'est un bon marché ; pourquoi n'en aurais-je pas profité ? MONSIEUR DE GERCOURT. Mais songez donc que c'est sept mille six cent livres que je donne, sans qu'il m'en coûte un sol. MADAME DE GERCOURT. Je songe que vous ne savez ce que c'est de rien faire qui puisse me faire plaisir, non, Monsieur, jamais ; j'étais bien sotte de l'imaginer. MONSIEUR DE GERCOURT. Mais... MADAME DE GERCOURT. Non, je ne veux rien entendre. MONSIEUR DE GERCOURT. On ne peut donc jamais avoir d'agrément dans sa maison, en cherchant même à faire de son mieux. J'étais revenu ici pour souper avec vous, et je m'en vais. MADAME DE GERCOURT. Allez, allez, Monsieur, chercher à gagner sur un Juif. Voilà comme font ces Messieurs les maris, et ils veulent qu'on les aime après cela. SCÈNE XI. Madame de Gercourt, Le Comte, Henriette. LE COMTE. Eh bien, Madame, cela a-t-il bien réussi ? MADAME DE GERCOURT, sèchement. Oui, Monsieur, très bien. LE COMTE. Ah, j'en suis enchanté ! MADAME DE GERCOURT. Oui, vous avez eu là une belle idée ! Il a acheté le diamant cent louis, et il l'a cédé à son frère, pour le même prix. LE COMTE. Quoi, vous ne l'avez pas ? MADAME DE GERCOURT. Non, Monsieur, non, faut-il vous le répéter cent fois ? Voilà le fruit de votre belle imagination. LE COMTE. Mais, Madame, j'ai cru... MADAME DE GERCOURT. Monsieur, il fallait me laisser faire ; mais vous vous croyez toujours plus d'esprit que nous. LE COMTE. Je suis bien loin de le penser, et je vous ai toujours trouvé supérieure en tout à tout ce que je connais. MADAME DE GERCOURT. Toutes ces fadeurs-là font hors de saison, et vous me ferez plaisir de vous retirer. LE COMTE. Parlez-vous sérieusement ? MADAME DE GERCOURT. Oui, Monsieur, et très sérieusement, je sens que je ne vous dirais que des choses désagréables. LE COMTE. J'espère que demain vous ne penserez pas comme cela. MADAME DE GERCOURT. Demain, comme aujourd'hui, je ne veux plus vous revoir. Ne me suivez point, c'est un parti pris ; c'est inutile. Elle s'en va avec Henriette. LE COMTE. Amour, soins, argent, rien ne peut vaincre leurs caprices, et nous avons toujours tort. ==================================================