******************************************************** DC.Title = LE MARIAGE DES FLEURS, COMÉDIE DC.Author = CARCASSONNE, Adolphe DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 02/12/2021 à 07:22:23. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARCASSONNE_MARIAGEDESFLEURS.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5742849d DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE MARIAGE DES FLEURS COMÉDIE. 1887. Tous droits réservés. Adolphe CARCASSONNE. IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CHATILLON-SUR-SEINE. - A. PICHAT. PERSONNAGES LA ROSE. LA PAQUERETTE. LA PENSÉE. LA VIOLETTE. L'ÉGLANTINE. L'AUBÉPINE. LA MARGUERITE. LA GIROFLÉE. L'ORANGER. LE BLUET. LE MYOSOTIS. LE CYCLAMEN. LE COQUELICOT. L'OEILLET. LE LISERON. MONSIEUR PRINTEMPS. LE PAPILLON. LA ROSÉE. MONSIEUR ZÉPHYR. MONSIEUR ROSSIGNOL. LE VER-LUISANT. Extrait de "Théâtre de jeunes filles, pièces à jouer dans les familles et dans les pensionnats", Paris, Paul Ollendorf, 1887. pp. 1-28. LE MARIAGE DES FLEURS Un jardin. À gauche, au premier plan, un banc ; au second plan, un arbre avec de la mousse au pied. - À droite, vers le fond, une table. ? Bancs. Au lever du rideau, toutes les fleurs sont en scène. ? La Rose est vers le fond, à gauche ; la Pâquerette, la Pensée, l'Eglantine, la Marguerite, l'Aubépine et la Giroflée sont à [gauche. ? Le Bluet, le Myosotis, le Cyclamen, l'OEillet, le Liseron et le Coquelicot sont à droite. L'Oranger est au milieu. SCÈNE PREMIÈRE. Les fleurs, L'Oranger. L'ORANGER. Être seul, c'est vraiment bien triste, chères fleurs ;À quoi bon nos parfums, nos riantes couleursEt le charme idéal qui toujours est le nôtre,Si nous n'en faisons pas le partage d'un autre ?L'isolement constant gâte le meilleur bien, Et le plus frais sourire en devient terne. Eh bien !Puisque de la beauté nous avons l'apanage,Je viens vous proposer de vous mettre en ménage. LES FLEURS. Oui. L'ORANGER. Comme assentiment toutes levez la main. Toutes les fleurs lèvent la main.Très bien, et maintenant prenons le droit chemin : Que le choix de chacun sur chacune s'arrête. LE BLUET, venant devant la Pâquerette. Je vous offre ma main, charmante Pâquerette. LA PAQUERETTE. Je l'accepte, mon cher Bluet. L'ORANGER. C'est bien cela. À la Pâquerette et au Bluet en indiquant le fond.Venez, beaux fiancés, et rangez-vous par là. La Pâquerette et le Bluet passent au fond. LE MYOSOTIS, venant vers la Pensée. Je garde de l'oubli l'affection passée ; Voici ma main, ô fraîche et rêveuse Pensée ! LA PENSÉE. Nous ferons, je le vois, des époux assortis ;J'accepte votre hommage, ô doux Myosotis ! Ils vont rejoindre la Pâquerette et le Bluet. - Le Cyclamen s'approche de l'arbre, à gauche, et il cherche dans la mousse. L'ORANGER, au Cyclamen. Que cherchez-vous ainsi dans ce tapis de mousse ? LE CYCLAMEN. Celle que je préfère et dont l'haleine douce A des parfums qui sont d'autant plus recherchésQu'avec le plus grand soin elle les tient cachés,Celle qui plaît toujours dans son humble toilette. À la Violette qui surgit de derrière l'arbre.Je veux m'unir à toi, charmante Violette. LA VIOLETTE. Bien vite je réponds à ton projet d'hymen, Je serai ta compagne, ô mon cher Cyclamen ! Ils rejoignent les autres couples. L'ÉGLANTINE, venant près de l'Oranger suivie de la Marguerite. Ne peut-on pas aller vers celui qu'on préfère ? LA MARGUERITE. Ne peut-on pas choisir ? L'ORANGER. Non ; vous ne pouvez faireCe que depuis longtemps l'usage n'admet pas,Ce sont les messieurs seuls qui font le premier pas. L'Églantine et la Marguerite retournent à leur place. L'OEILLET, venant près de la Giroflée et avec emphase. En disant votre nom ma pensée est ravie,Ô belle Giroflée ! À vous et pour la vie. LA GIROFLÉE, sur le même ton. Jugez si j'en suis aise et si cela me plaît,À vous et pour la vie, ô magnifique OEillet ! L'OEillet offre également son bras et tous deux vont rejoindre les autres couples. LE LISERON, s'approchant de l'Églantine. C'est un lot ravissant que le sort me destine : Voulez-vous m'épouser, ma petite Églantine ?Pour vous je serai doux, pour vous je serai bon. L'ÉGLANTINE. Très bien, marions-nous, mon petit Liseron. Ils rejoignent les autres. LE COQUELICOT, s'approchant de la Marguerite. Fier de tous mes succès et sûr de mon mérite,Je vous offre ma main, ma chère Marguerite ; Il est bien que chacun apporte son écot. LA MARGUERITE. J'en suis fière pour moi, mon cher Coquelicot. Ils vont vers les autres couples. L'ORANGER. J'en étais sûr, déjà les couples sont en nombre,Et tout s'est accompli sans voir surgir une ombre ;C'est charmant d'opérer d'une telle façon. Après une pause.Ah ! Ça, mais... et moi donc ? Vais-je rester garçon ?Non, je prêche d'exemple et leur bonheur me tente. Il s'approche de l'Aubépine.Je demande ta main, Aubépine constante. L'AUBÉPINE. Je m'attache à celui qui ne doit pas changer,Et j'accepte ta main, vertueux Oranger ! L'ORANGER, regardant vers la gauche. Voici monsieur Printemps qui, par l'allée ouverte,S'avance ; il a, pour nous, mis son écharpe verte,C'est le maire choisi dans le pays des fleurs. Monsieur Printemps entre, il a un costume vert et il porte Une écharpe verte. Il tient Un livre qu'il dépose sur la table, à droite. SCÈNE II. Les mêmes, Monsieur Printemps. MONSIEUR PRINTEMPS. Vous avez fait tantôt l'échange de vos coeurs ;L'Oranger m'ayant dit vos projets de ménage, D'avance j'ai dressé l'acte de mariage ;Les noms seuls des conjoints restent à désigner,Venez compléter l'acte en venant le signer. Une marche se fait entendre, chaque couple vient signer devant le public et sort. Il ne reste en scène que la Rose qui se tient vers le fond, à gauche. SCÈNE III. La Rose, Monsieur Printemps. MONSIEUR PRINTEMPS. Sur tous ces jolis fronts pas un seul pli morose ! LA ROSE, qui est venue sur le devant de la scène. Bonjour, Monsieur Printemps. MONSIEUR PRINTEMPS. Bonjour, charmante Rose. Après l'avoir considérée un instant.Tiens ! Vous avez l'air triste et presque soucieux. LA ROSE. Je suis d'humeur mauvaise. MONSIEUR PRINTEMPS. On le voit à vos yeux. LA ROSE. Peut-on, en vérité, concevoir la penséeQue je sois, moi, la Rose, à ce point délaissée ?Quoi ! Pas un seul hommage à ma beauté rendu ! Quoi ! Ne pas m'apporter ce qui m'est si bien dû !C'est à ne pas y croire, et pourtant sur ma tigeJ'ai pris soin d'augmenter l'éclat de mon prestige,J'ai laissé tant de frais parfums s'évaporerQue l'air lui-même aurait voulu se respirer, Et rien ! Pas un seul voeu pour moi dans cette fête !Ah ! Je souffre devant l'injure qui m'est faite. MONSIEUR PRINTEMPS. Quand vous avez été créée, on a requisCe qu'il est de charmant et ce qu'il est d'exquis,Votre fraîcheur n'a rien qui lui soit comparable, Votre souffle est un flot de senteur adorable,Et votre beau sourire est fait d'une clartéDont le reflet descend dans le coeur enchanté ;Aussi, plus d'un aurait tenté votre conquête,Mais, il faut bien le dire, on vous sait trop coquette, Et la coquetterie est un très grand dangerAuxquels les prétendants prennent soin de songer.D'autres fleurs, l'Aubépine ou bien la VioletteN'avaient pas augmenté l'éclat de leur toilette,Elles n'avaient pas fait de grands frais, cependant Chacune a vu tantôt venir son prétendant,Et cela, je l'avoue, avait sa poésie. LA ROSE. Eh bien ! Je les ferai mourir de jalousie,Je les effacerai hautement et si bienQue de leur vain prestige il ne restera rien. MONSIEUR PRINTEMPS. L'orgueil conseille mal ; pour moi, plus j'y regarde,Plus je crois ce projet dangereux... Prenez garde. Il sort par la droite. SCÈNE IV. La Rose, puis Le Papillon. LA ROSE. Prendre garde, cela me froisse, en vérité ;On ne conteste pas l'éclat de la beauté,Et dût-on m'appeler vaine et fière, j'estime Qu'en pareil cas l'orgueil est un droit légitime.On l'a dit bien souvent, la plus belle a raison :Je ne demande donc qu'une comparaison, Avec dérision.Et l'on pourra juger, selon son vrai mérite,L'éclat de l'Aubépine ou de la Marguerite. Le Papillon entre. LE PAPILLON. Le ciel est souriant, l'air est délicieuxEt rempli de senteurs. Il cherche dans le jardin. LA ROSE, s'approchant. Papillon gracieux,Que cherchez-vous avec une attention telle ? LE PAPILLON. Entre toutes les fleurs je cherche la plus belle. LA ROSE. Vous n'aurez, il est sûr, que l'embarras du choix. LE PAPILLON. Non, je n'ai plus besoin de chercher ; je vous vois. LA ROSE. Vous me jugez peut-être avec trop d'indulgence. LE PAPILLON. Je juge simplement avec intelligence ;Sur ce point difficile et toujours importantJ'ose, sans me vanter, me dire compétent ; Eh bien ! Je ne vois rien qui vous soit préférable. LA ROSE. Vous trouvez ? LE PAPILLON. Vous avez une grâce adorable,Votre sourire est frais comme l'air du matin,Et l'aurore n'a pas l'éclat de votre teint. LA ROSE. Vraiment ? LE PAPILLON. Quand vous ouvrez votre fine corolle Un doux parfum s'élève avec chaque parole ;Aussi l'on ne devrait vous parler qu'à genoux. LA ROSE. C'est votre avis ? LE PAPILLON. Sans doute. LA ROSE. Eh bien ! Marions-nous. LE PAPILLON. Vous vous faites ainsi l'écho de ma pensée :Voici ma main, ma belle et chère fiancée. LA ROSE, prenant la main du Papillon et après un silence On a dit cependant que vous êtes légerEt que de l'une à l'autre on vous voit voltiger. LE PAPILLON. Invention gratuite et pure calomnie !Nous allons tous les deux vivre dans l'harmonieEt nous ferons ensemble un ménage charmant. LA ROSE. Vous me le promettez ? LE PAPILLON. Je prends l'engagementD'être des plus constants, d'être des plus fidèles ;D'ailleurs, votre regard fait replier mes ailesEt me retient captif dans un réseau si douxQue je ne pourrai plus me séparer de vous. LA ROSE. Alors, je fais un voeu. LE PAPILLON. Quel qu'il soit, je l'exauce. LA ROSE. Nous donnerons un bal. LE PAPILLON. Un bal ? LA ROSE. Mon bal de noce. LE PAPILLON. Comptez-y, ma charmante, et soyez en repos, Monsieur Printemps vient par le fond.Voici Monsieur Printemps, il arrive à propos, Allant vers lui.Nous voulons nous unir. MONSIEUR PRINTEMPS. C'est un charmant message : Indiquant le livre sur la table.Signez tous deux. À part, au Papillon qui passe devant lui.Songez à devenir plus sage. La Rose et le Papillon signent. LE PAPILLON. Nous voilà pour toujours unis. Ils viennent saluer monsieur Printemps et ils sortent. SCÈNE V. MONSIEUR PRINTEMPS. Qu'ils soient heureux !C'est le meilleur souhait que je forme pour eux,Bien que, dans un projet d'union aussi chère,La foi d'un papillon me semble très légère. Ah ! Je n'ai pas perdu ma journée aujourd'hui. Après une pause.Mais, voyons, ce que j'ai si bien fait pour autruiNe le pourrais-je pas faire aussi pour moi-même ?Ne trouverais-je pas aussi quelqu'un qui m'aime ?Malgré tout ce qu'on dit des charmes du printemps, Je suis resté garçon et voilà bien longtemps.Toute au dehors, ma vie intime est monotone ;Pour en finir j'ai bien mademoiselle Automne,Mais, comme si c'était pour nous un fait exprèsÀ travers l'almanach nous nous courons après Sans que l'un d'entre nous jamais n'atteigne l'autre.C'est une destinée étrange que la nôtre :Lorsque juin est venu, puis-je franchir d'un sautTrois mois d'ardent soleil ? Il fait beaucoup trop chaud.Et quand l'automne, avec les brumes autour d'elle, Passe, peut-elle aussi franchir dans un coup d'aileLes trois mois rigoureux où la tristesse croîtDans la glace et la neige ? il fait beaucoup trop froid.Et nous tournons ainsi. J'ai du moins, l'apanageDe mettre autour de moi les couples en ménage. La marche des fleurs se fait entendre ; les couples entrent en scène et se placent, l'un à côté de l'autre, à droite et à gauche. La Rose entre après eux avec le Papillon. SCÈNE VI. Monsieur Printemps, La Rose,Le Papillon, Les Fleurs. MONSIEUR PRINTEMPS. Ah ! Voici les conjoints ; quels groupes gracieux !Comme ils ont l'air content ! La Rose est venue au milieu de la scène en donnant la main au Papillon. LA ROSE. Mesdames et messieurs :Dans ce jardin riant, sous ces vertes ramuresOù flottent des senteurs, où passent des murmures,Le Papillon et moi vous prions instamment D'être du bal qui va s'ouvrir dans un moment. Les Fleurs s'inclinent en signe d'assentiment. LE PAPILLON. Vous plaire est, avant tout, le but auquel je vise. LE PRINTEMPS. Mais se peut-il qu'un bal aussitôt s'improvise ? LE PAPILLON. J'ai vu quelques voisins qui sont de mes amis,Et tous avec beaucoup de grâce m'ont promis Leur concours ; ils viendront, j'en ai la certitude,Je compte sur leur zèle et leur exactitude. Apercevant Monsieur Rossignol qui entre.Ah ! Voici le premier ; cher Rossignol, merciDe votre empressement à venir jusqu'ici. LE ROSSIGNOL. Je prête mon concours volontiers et sans lutte ; Je servirai d'orchestre et jouerai de la flûte. LA ROSE. Un soin pareil me flatte et me plaît à ravir. Le Rossignol se range à droite. Monsieur Zéphir vient par le fond. LE PAPILLON. Voici mon autre ami : Bonjour, mon cher Zéphir.. LE ZÉPHIR. Je conduirai le bal : de mon souffle, en cadence,Je marquerai les pas, je réglerai la danse. LE PAPILLON. C'est être tout à fait aimable, en vérité. LA ROSE. Nous vous remercions d'une telle bonté. Le Zéphir passe à droite. LE PRINTEMPS. Ingénieusement l'idée est exposée. La Rosée entre. LE PAPILLON. Ah ! Vous voilà, charmante et limpide Rosée !A vous ma gratitude et mes remerciements. LA ROSÉE. Moi, je vous fournirai les rafraîchissements. LA ROSE. Ah ! Que c'est bien ! Ayez aussi la certitudeDe mon enchantement et de ma gratitude. La Rosée passe à droite ; le Ver luisant entre. LE PAPILLON. Je mesure à quel point vous êtes complaisant :Soyez le bienvenu, mon ami Ver-luisant. LE VER LUISANT. Lorsque la nuit viendra sous ce mobile ombrage,En... me tournant un peu, je serai l'éclairage. LA ROSE. Que de grâce ! Le Ver luisant passe à droite. LE PAPILLON. À présent, tout est prêt, commençons ;Mesdames et messieurs, il faut danser. LES FLEURS. Dansons. Un motif de valse se fait entendre ; les couples se forment, ils font le tour de la scène et ils sortent par la droite et par la gauche. - Le Rossignol, le Zéphir, la Rosée et le Ver luisant sortent aussi. - Monsieur Printemps reste seul en scène. SCÈNE VII. MONSIEUR PRINTEMPS. Cela marche très bien ; décidément la fête Sera pleine d'attraits et de tous points parfaite. Des couples traversent, en valsant, le fond de la scène.C'est un charme de voir, le long des verts bosquets,Se grouper ces couleurs et tourner ces bouquets.La valse ! Ah ! c'est gentil, mais elle n'est qu'un leurrePour moi qui suis tout seul. Je l'ai dit tout à l'heure Quand les couples avaient le bonheur dans les yeux,Être seul, c'est bien triste, être deux vaut bien mieux.Ce regret, que la valse entraînante me donne,Me remet dans l'esprit mademoiselle Automne,Je voudrais l'engager à valser, mais comment ? Elle est à Sumatra, je crois, en ce moment,La rencontre n'est pas facile. Après une pause.Tiens, c'est drôle. En ayant l'air de se secouer.Allons, monsieur Printemps, soyez à votre rôle,N'ayez pas ainsi l'air triste comme un linceul,Valsez donc, valsez donc, dussiez-vous valser seul ! Il valse et il gagne ainsi le fond par où. il sort. SCÈNE VIII. La Rose, venant par la gauche, puis Le Papillon et L'Églantine. LA ROSE. D'où vient cela ? pourquoi si tôt m'a-t-il laissée ?Est-il donc vrai que rien n'attache sa pensée ?Il m'a dit que je suis la plus belle, et pourtantIl n'est auprès de moi resté qu'un seul instant.Laisserait-il ainsi passer dans un coup d'aile Sa promesse fervente et son serment fidèle ?Ah ! ce serait affreux, puisque nous n'avons pasDes ailes pour les suivre au loin... Écoutant :J'entends des pas. L'Eglantine entre par la gauche suivie par le Papillon. LA ROSE. C'est lui... je veux savoir quel sort il me destine. Elle se cache derrière l'arbre, à gauche. LE PAPILLON. Que je vous trouve belle, ô ma chère Églantine ! L'ÉGLANTINE. Vous m'ennuyez, monsieur Papillon, sachez-le ;Ne me fatiguez plus de votre conte bleu. Elle sort par la droite, le Papillon la suit. LA ROSE. Quelle honte ! À ce point se voir humiliée !À ce point se savoir dédaignée ! oubliée !Je ne me souviens pas d'avoir souffert ainsi. La Marguerite entre. SCÈNE IX. La Rose, derrière l'arbre ; La Marguerite, puis Le Papillon. LA MARGUERITE. Comme on respire mieux ! Comme on est bien ici !Le Rossignol jouait peut-être un peu trop vite. LE PAPILLON, rentrant et venant auprès de la Marguerite. Vous recherchez le frais, charmante Marguerite ? LA MARGUERITE. Oui, Monsieur Papillon, je le recherche, et vous ? LE PAPILLON. Moi, je viens, attiré par un charme bien doux. LA MARGUERITE. Ah ! Peut-on demander lequel ? LE PAPILLON. On le devine ;J'ai dans mes yeux épris votre grâce divine. LA MARGUERITE. Cela vous plaît à dire. LE PAPILLON. Oh ! C'est très sérieux. LA ROSE, derrière l'arbre. Faut-il entendre encor ce langage odieux ?Ah ! Quel horizon triste à mes yeux se dévoile ! LE PAPILLON. Vous êtes le sourire et vous êtes l'étoile... LA MARGUERITE. Pardon, j'entends du bruit ; laissez là l'idéalEt donnez-moi le bras pour rentrer dans le bal ;S'il venait par ici... LE PAPILLON. Voyez donc, rien ne bouge. LA MARGUERITE, continuant. Monsieur Coquelicot se fâcherait tout rouge. Votre bras, je vous prie. Elle prend le bras du Papillon et ils sortent par la droite. La Rose vient en scène. SCÈNE X. La Rose, puis Le Printemps. LA ROSE. Ô désespoir ! Ô deuil !J'ai refoulé le cri poussé par mon orgueil.Je ne veux pas qu'on sache et ne veux pas qu'on diseQue je souffre du coup qui cependant me brise,Et je demeurerai devant l'injuste affront Avec la nuit au coeur et la lumière au front. LE PRINTEMPS, entrant et regardant par ou est sorti le Papillon. C'était prévu. S'approchant de la Rose.Sans vous, ma belle et fraîche Rose,Le bal étincelant va devenir morose ;Venez-y resplendir, venez. LA ROSE. Non, laissez-moi. LE PRINTEMPS. Vous souffrez, n'est-ce pas ? Je devine pourquoi. LA ROSE. Ah ! Votre ingénieuse et touchante tendresseEst lucide toujours pour ce qui m'intéresse :Eh bien ! Je n'ai jamais rien éprouvé de tel,Et l'ingrat m'a frappée au coeur d'un coup mortel. LE PRINTEMPS. Vous l'oublierez. LA ROSE. Oh ! Non... D'ailleurs, je suis brisée. LE PRINTEMPS. Je vais auprès de vous appeler la Rosée,Le contact bienfaisant de sa fraîche liqueurVous remettra la vie et l'espérance au coeur. LA ROSE. Non, les soins seraient vains. La fière abandonnéeAura dans un moment sa corolle fanée. LE PRINTEMPS. Ne dites pas cela, chère Rose. LA ROSE. Je sensDans mes feuilles passer des frissons incessants,Une étrange langueur m'entoure et me pénètre. LE PRINTEMPS. Ne dites pas cela ! LA ROSE, indiquant le banc, à droite. Je serai mieux peut-êtreSur ce banc, voulez-vous m'y conduire ? Le Printemps la conduit jusqu'au banc qu'il tourne pour lui faire faire face au public. LA ROSE. Merci. LE PRINTEMPS. Eh bien ! Charmante Rose, êtes-vous mieux ainsi ? LA ROSE, avec un peu de délire. Le jour remonte au ciel, et comme une aile sombreLa nuit s'étend dans l'air et m'enveloppe d'ombre,Je sens mon front pâlir et mon coeur se fermer. LE PRINTEMPS. Mais ne suis-je pas là, moi, pour les ranimer ? Que m'importe la nuit ? Que m'importent ses voiles ?J'augmenterai pour vous le nombre des étoiles,Je répandrai dans l'air des souffles qui mettrontLa sève à votre coeur, la joie à votre front,Je vous entourerai de fraîcheur et de vie. LA ROSE. L'espoir où votre voix bien chère me convieEst superflu... J'ai froid... LE PRINTEMPS, à part. Ah ! Je frissonne aussi ! LA ROSE. L'ombre vient... LE PRINTEMPS, se penchant vers elle. Par pitié ! Ne parlez pas ainsi ;Sans vous mes jours aussi vont devenir moroses,Il n'est plus de printemps quand il n'est plus de roses, Le plus cher des trésors qui m'aient été donnésC'est vous... LA ROSE. Je vais mourir... L'Oranger et l'Aubépine paraissent au fond. LE PRINTEMPS, à part. Ô ciel ! Apercevant l'Oranger et l'Aubépine.Venez ! venez ! L'Oranger et l'Aubépine viennent en scène ; ils sont suivis par toutes les fleurs. SCÈNE XI. La Rose, Le Printemps, L'Aubépine, L'Oranger, Les Fleurs. L'ORANGER. Hélas ! Quel dénouement triste pour cette fête I LA ROSE, relevant la tête avec effort. Mes soeurs, on m'a trouvée orgueilleuse et coquette,Mais il faut oublier cette erreur d'un moment... Pardonnez-moi, mes soeurs... je meurs... en vous aimant. Elle meurt. L'AUBÉPINE, montrant une couronne qu'elle tient à la main. J'avais tressé pour elle une fraîche couronne. LE PRINTEMPS, prenant la couronne et se tournant vers la Rose. Bien que morte, un prestige éternel l'environne,Et nous la proclamons, au milieu de nos pleurs,La reine de la grâce et la reine des fleurs. Il lui pose la couronne sur la tête. ==================================================