******************************************************** DC.Title = LES HEURES, COMÉDIE DC.Author = CARCASSONNE, Adolphe DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/06/2021 à 19:37:05. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARCASSONNE_HEURES.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5742849d DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES HEURES COMÉDIE. 1889 Adolphe CARCASSONNE. ÉMILE COLIN - IMPRIMERIE DE LAGNY. PERSONNAGES GUSTAVE, 10 ans. HÉLÈNE, 7 ans. Extrait de "Nouveau Théâtre d'enfants, Dix pièces en prose, à jouer dans les familles et dans les pensionnats, Paris, Marpon et Flammarion, Le Jay Libraires, 1889. pp. 239-260. LES HEURES. Une chambre de fillette. - À gauche, un secrétaire. - À droite une toilette. - Une fenêtre au fond. Porte à gauche. SCÈNE PREMIÈRE. Gustave, Hélène. HÉLÈNE. Mon cher Gustave, il est dix heures et tu n'es pas encore allé à la pension. GUSTAVE. Tu oublies, petite soeur, que c'est aujourd'hui jeudi. HÉLÈNE. C'est vrai. GUSTAVE. Ah ! Quel beau jour que le jeudi ! Il n'y en à qu'un qui puisse lui être comparé, c'est le dimanche. Aussi on aurait bien dû mettre deux ou trois jeudis par semaine, cela aurait été gentil. HÉLÈNE. On aurait dû mettre aussi deux ou trois dimanches, cela serait plus gentil encore... Paresseux, va ! GUSTAVE. Moi ! Paresseux! HÉLÈNE. Oui, toi. Tu ne vois que congés et vacances et tu voudrais l'amuser du matin jusqu'au soir. GUSTAVE. Par exemple ! HÉLÈNE. Comment ferais-tu si tu étais occupé autant que moi ? GUSTAVE. Que dis-tu là ? Je crois que tu veux rire, petite soeur. HÉLÈNE. Non, je ne ris pas. Ici, on peut te dire, la bonne et mon ami le gros chien Médor, toute la peine et tout le travail que me donne Mimi. GUSTAVE. Mimi !... Qu'est-ce que cela ? Peut-être quelque amie qui s'endort devant ses cahiers d'études ? HÉLÈNE. Non. GUSTAVE. Quelque enfant qui se met à son piano moins volontiers que toi ? HÉLÈNE. Non. GUSTAVE. Qu'est-ce donc que Mimi ? HÉLÈNE. Mimi, c'est ma poupée. GUSTAVE, avec emphase. C'est sa poupée, ô ciel !... Avec sa voix naturelle.Comment aurais-je pu deviner le travail et la peine que cela peut te donner ? HÉLÈNE. C'est pourtant très facile à comprendre : tous les matins je fais sa toilette... GUSTAVE. C'est énorme ! HÉLÈNE, continuant. Je lui lave... GUSTAVE. La tête ? HÉLÈNE. Non. GUSTAVE. Quoi donc, alors ? HÉLÈNE. Le visage, Monsieur. Puis, je lisse ses jolis cheveux sur son front, puis, je lui mets sa robe. GUSTAVE. C'est colossal, et pour cela tu dois, vraiment, te lever avant le jour. HÉLÈNE. Ce n'est pas tout : elle est très douce et très bien élevée. Quand je lui fais une observation, elle ne répond jamais, et quand je la mets au coin, elle attend que j'aille la chercher. Tu vois que c'est un grand travail. Aussi, tous les matins... GUSTAVE, l'interrompant. Avant le jour. HÉLÈNE. Non, à huit heures. GUSTAVE. Huit heures... Voilà une mauvaise heure. HÉLÈNE. Tiens ! Pourquoi donc ? GUSTAVE. Parce qu'elle sonne pour moi l'entrée en classe, c'est-à-dire l'heure des exercices ennuyeux et des problèmes insipides. Il faut faire des calculs qui ne finissent plus, il faut tracer des cartes où l'on perd sa route, il faut enfin travailler comme un cheval, sans compter les pensums et les retenues qui viennent agréablement s'ajouter à ces ennuis. Ah ! Quelle heure triste que huit heures ! HÉLÈNE. Quelle est donc celle que tu aimes le plus ? GUSTAVE. C'est... HÉLÈNE. Je vais te le dire, moi, c'est celle où tu ne fais rien. GUSTAVE. Dis-moi que je suis un paresseux. HÉLÈNE. Je te l'ai déjà dit. GUSTAVE. C'est trop fort !... Mais toi qui parles tant, quelle est l'heure que tu préfères ? Huit heures, sans doute. HÉLÈNE. Et quand cela serait, quel mal y a-t-il ? Oui, l'heure où je m'occupe de Mimi est la meilleure pour moi. À dix heures, pourtant, je fais une lecture avec petite mère et j'écris une page. À midi, je déjeune... GUSTAVE. Oh ! Pour cela, tu ne prends pas de vacances. HÉLÈNE. Toi, non plus. Continuant.À deux heures, je vais... GUSTAVE. Fais-moi grâce du reste. Le travail des Romains n'est rien auprès du tien. Faire une page, soigner la toilette de Mimi, c'est tout dire et ceux qui n'ont pas de Mimi sont des paresseux. HÉLÈNE. Toi surtout. GUSTAVE. Hélène, veux-tu que je te dise ce que je pense de toi ? HÉLÈNE. Dis. GUSTAVE. Eh bien ! Franchement, tu n'es qu'une petite sotte. HÉLÈNE. Tu trouves ? GUSTAVE. Oui, et encore par bonté pour toi... HÉLÈNE. Par bonté pour moi ? Tu es gentil. GUSTAVE. Laisse-moi achever : par bonté pour toi, je ne me sers pas du mot que tu mérites. HÉLÈNE, piquée. Ne te gêne pas, dis ce que tu voudras, ça m'est bien égal. GUSTAVE. Eh bien ! Tes prétentions te rendent ridicule et tu n'es qu'une bête. HÉLÈNE. Une bête ! Pourtant petite mère m'a donné avant-hier un premier prix. GUSTAVE. Entendons nous ; un premier prix parce que c'est le premier qu'elle t'a donné. HÉLÈNE. Je l'ai gagné tout de même. GUSTAVE. Je le crois bien, tu étais seule à concourir. HÉLÈNE. Toi, tu n'as jamais que des accessits. GUSTAVE. C'est beaucoup, n'en a pas qui veut. HÉLÈNE. Tais-toi, orgueilleux ! GUSTAVE. [Note : Pécore : Terme d'injure. Personne stupide. [L]]Tais-toi, petite pécore ! HÉLÈNE. Méchant ! GUSTAVE, gagnant vers la porte. Petite sotte ! HÉLÈNE. Brutal ! GUSTAVE. Petite bête ! Il sort. SCÈNE II. HÉLÈNE. Comme il m'a parlé !... Pécore, sotte, bête !... Et pourquoi ? Parce qu'il n'aime pas l'heure que j'aime, parce que, à cette heure-là, je m'occupe de Mimi... C'est très mal, car faire une page ou faire la toilette de sa poupée, c'est toujours travailler... Vous allez voir... Elle va ouvrir un tiroir du meuble, et elle y prend sa poupée qu'elle regarde un instant.Elle a pleuré, bien sûr en entendant ce que Gustave m'a dit... Il faut que je lui lave la figure. Elle va prendre une serviette, elle la mouille et elle la passe sur le visage de la poupée.La voilà consolée... Maintenant, je vais faire sa toilette... D'abord, voyons le temps qu'il fait. Elle va regarder par la fenêtre du fond.Il fait beau ; je ne puis donc pas lui laisser des souliers de peau. Elle enlève les souliers de la poupée et elle en va prendre d'autres dans le meuble, à gauche.Je vais lui mettre ses souliers de satin bleu. Elle lui met les souliers.N'est-ce pas un travail, cela ?... Je voudrais bien y voir Gustave... Ce n'est pas tout... Quel chapeau faut-il lui mettre ? Elle cherche dans son tiroir.Voilà son petit chapeau bleu qui lui va si bien !.. Elle lui met son chapeau.C'est cela... Et maintenant quelle jupe ?... Elle cherche encore.Eh bien ! Pour assortir sa toilette, je lui mettrai sa jupe bleue. Elle lui met sa jupe.Ma chère Mimi, te voilà vouée au bleu... Tu es bien jolie... Quand je vais t'emmener à la promenade avec petite mère, tout le monde, va te trouver gentille... Elle met la poupée sur le meuble.Attends que l'heure vienne, ma chérie... Vous voyez si j'ai du travail... Je n'ai pas fini... Petite mère doit m'interroger sur le livret et je veux bien répondre. Après un silence.Deux fois deux font quatre... Deux fois trois font... Elle compte sur ses doigts. Gustave parait à la porte de gauche et il s'arrête en écoutant sa soeur qui lui tourne le dos. SCÈNE III. Hélène, Gustave. HÉLÈNE, répétant. Deux fois trois... Elle compte sur ses doigtsFont six... Deux fois cinq... Comptant toujours sur ses doigtsDeux fois cinq font huit... GUSTAVE, s'approchant. Non, chère Hélène, deux fois cinq font dix. HÉLÈNE. Ah ! Te voilà ? GUSTAVE. Oui, petite soeur. HÉLÈNE. Petite soeur ? Tu veux dire petite sotte, petite bête. GUSTAVE. Ne te fâche pas. Sais-tu d'où je viens ? HÉLÈNE. Non. GUSTAVE. Je viens de consulter Maman. HÉLÈNE. Sur quoi ? GUSTAVE. Sur ce que nous avons débattu. HÉLÈNE. Sur les heures ? GUSTAVE. Oui ; je lui ai demandé l'heure la meilleure pour elle. HÉLÈNE. Elle a répondu : huit heures, n'est-ce pas ? GUSTAVE. Non ; elle a dit ne pas avoir d'heure préférée, parce que pour elle c'est toujours celle de nous aimer. HÉLÈNE. Oh ! La jolie réponse, et que petite mère a raison ! GUSTAVE. C'est ce que je me suis dit. Aussi, je suis venu tout de suite auprès de toi pour te prier d'oublier notre dispute. Tu n'es ni pécore, ni sotte, ni bête. HÉLÈNE. Et toi, tu n'es ni méchant, ni brutal. GUSTAVE. Faisons la paix. HÉLÈNE. Faisons la paix. GUSTAVE. Et aimons-nous toujours, comme l'a dit Maman. HÉLÈNE. Oui ; l'heure de s'aimer est toujours la meilleure. Embrasse-moi, grand frère. GUSTAVE. Embrasse-moi, petite soeur. Ils s'embrassent. ==================================================