******************************************************** DC.Title = À LA MER, MONOLOGUE. DC.Author = BERTOL-GRAIVIL DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 06/07/2022 à 06:03:51. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/BERTOL-GRAIVIL_ALAMER.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630851z DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** À LA MER ! MONOLOGUE DIT PAR M. COQUELIN Cadet, de la Comédie-Française. A mon ami GRENET-DANCOURT 1883. Tous droits réservés. BERTOL-GRAIVIL Imprimerie générale de Châtillon-sur-Seine. A. PICHAT . PERSONNAGES UN HOMME. À LA MER. [UN HOMME]. Né dans le quartier de la Petite Villette, - que desservent trois lignes d'omnibus, - père de famille, marié, naturellement, ayant trois enfants jumeaux, le plus jeune, pouvant être malade, j'éprouvais, en pleine canicule - 103 à l'ombre - le besoin d'expédier ma famille au bord de la mer.Ce que j'ai eu de tintouin vous ne pourrez jamais vous le figurer.J'avais, grâce à une amie de la soeur de ma femme, qui connaissait une parente de la mère du directeur de son mari, écrit à un monsieur qui demeurait près de Dieppe, à Saleville, pour le prier de me trouver quelque chose de pas trop cher. - Il trouva tout de suite, au bout d'un mois. - Il m'envoya une longue lettre embêtante - je l'ai gardée - dans laquelle il m'informait qu'il avait découvert une maisonnette « que je ne blâmerais pas, si je la louais . » - Je n'ai pas encore compris. - Elle était située au milieu d'un grand pré vert, comme un cheval malade, - et de plus il y avait une vache superbe que l'on trairait exprès pour mon bébé. - Bref, c'était magnifique et cher.J'y envoyai ma famille, et deux jours après son départ ma femme m'écrivait qu'ils étaient tous très mal logés, que l'on n'aurait du lait pour l'enfant que lorsque la vache aurait vêlé, ce qui demandait au moins quatre mois, - seulement trois si elle y mettait de la bonne volonté. - Enfin tout cela était horrible.Je n'en voulus rien croire, les femmes sont tellement exigeantes ! Le logement on l'arrangerait ; quant à la vache, en la prenant par la douceur... Oh ! Qui sait ? On gagnerait peut-être quinze jours. Pour me rassurer et aussi dans l'espérance de voir la mer, - je ne l'avais jamais vue, - ça peut arriver à tout le monde, - à Paris - je pris un samedi soir le train à la Gare Saint-Lazare désirant me reposer un jour, loin des bruits de la capitale. J'arrivai à onze heures du soir à Dieppe. La voiture de Saleville était partie, je me fis indiquer la route et la suivis mélancolique... et humide. - Il pleuvait, -il pleuvait, je ne marchais pas, je nageais de pied ferme.À deux heures du matin, je nageais encore, il y avait des chemins à droite, il y en avait à gauche, il y avait des côtes à monter, il y en avait à descendre, il fallait passer sous des ponts, plus loin il fallait passer dessus, on n'en finissait pas.Craignant de m'être trompé, je cognai à une cabane, on m'envoya coucher : je ne demandais que ça, j'étais gelé . - J'interrogeai un voiturier. Est-ce par ici ? Il se pourrait. - Est-ce par là ? C'est bien possible. - Serait-ce de ce côté ? On peut le croire. - Ou de celui-là ? je ne dis pas non. - J'étais renseigné.Je continuai à gravir des côtes et à les descendre quand je les avais montées.Soudain je me trouvai à un rond point, il y avait quatre routes : une devant, - une derrière, - une à gauche, - une à droite. Ne sachant laquelle prendre, j'essayai un peu de toutes, mon pied glissa, je crus tomber dans la mer... C'était une flaque d'eau . - Je dus franchir des ravins, sauter par-dessus des précipices, lisant, au clair de la lune les poteaux indicateurs. Sur l'un d'eux, portant une flèche, étaient écrits ces mots : « Comment vas-tu, ma vieille ? » J'allais très mal. - Il ne pleuvait plus, mais le vent soufflait dans les arbres qui versaient sur moi leur réserve d'eau, - douce intention !Enfin j'arrivai à Saleville à trois heures du matin. - Un chien de garde sauta sur moi. - À mes cris, ma femme accourut, on me coucha, et le dimanche à midi je m'éveillai pour voir lever le soleil. - Il était déjà levé. - Le soleil est très matinal à la campagne.J'étais au regret d'être obligé de donner raison à ma femme : la villa était une horrible baraque exposée à tous les vents. - Ceux de la mer, me dis-je ? - La mer ! Nous étions à deux heures de ses bords.Désireux de la contempler, nous partîmes, mais pour arriver jusqu'à elle, il fallut prendre une carriole sale, traînée par un cheval malade, conduit par un charretier idiot, il fallut avaler toute la poussière des routes.Pour ne pas fatiguer le cheval, à chaque côte à gravir, on descendait de voiture, et à la descente on ne remontait pas car il fallait retenir la carriole qui eût poussé le cheval. De plus, je devais traîner ma femme et porter les enfants.Comme paysage de grands champs stupides, divisés en rectangles jaunes, verts, gris, je ne sais pas trop pourquoi. - C'était peut-être du pittoresque ?On voyait des bicoques auxquelles les maçons n'avaient seulement pas fait deux étages. - Quelques pauvres arbres estropiés, aux bras tordus, placés sur le bord de la route, pour demander l'aumône.Puis enfin des cailloux, des gros cailloux, il paraît que c'est des galets - ça abîme les bottines, et un petit peu après ce qu'ils appellent la mer.La mer... Pouah ! Pas autre chose que de l'eau, de l'eau sale encore. - Toujours avec ces galets, des galets de pauvres - pas de peinture dessus.Impossible de me baigner, j'avais trop chaud.La mer tapait les galets qui ne lui avaient rien fait.Je l'ai regardée dix minutes avec de grands yeux - comme ça ; - elle a reculé, - elle s'est retirée bien loin, moi aussi.Nous étions de retour à Saleville à neuf heures du soir. - Je n'ai pas eu le temps de dîner. - La voiture du courrier passait. - Je suis monté dedans, nous étions quinze. - Il y avait place pour trois; - Le conducteur disait toujours : montez, montez on se serrera un peu.À Dieppe, le train pour Paris était complet. - Je suis allé dans le fourgon à bagages - ça sentait le poisson - j'ai dû m'asseoir sur le coin d'une baignoire pleine d'eau de mer. - Un voyageur qui emportait un bain, - son médecin lui avait ordonné de prendre des bains de mer, - il n'avait pas compris . - Je suis arrivé rompu à Paris.Il y a des gens qui font ça tous les samedis. - On ne les décore pas.Croyez-moi... la mer - Pouah ! N'y allez pas. ==================================================