******************************************************** DC.Title = LES SAUVAGES ou LE ROI BIENFAISANT, OPÉRA NATIONAL. DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 21/08/2022 à 07:24:45. DC.Coverage = États-Unis DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_SAUVAGESCIVILISES.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k580282r DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES SAUVAGES ou LE ROI BIENFAISANT. OPÉRA NATIONAL. EN TROIS ACTES, ET EN VERS LIBRES. Présenté à l'Académie Royale de Musique. 31 Juillet 1789. De l'imprimerie de COUTURIER, quai des Augustins. AVERTISSEMENT. Les Sauvages Américains ne ressemblent pas mal aux Français policés. Les caractères ne seront pas difficiles à saisir, ainsi que le plan de l'ouvrage. Qui, par exemple dans les Osages ne reconnaîtra pas les Aristocrates, et dans Roanoke la véritable Noblesse de cet Empire ? Voltaire a dit : Le premier qui fut Roi, fut un Soldat heureux. Mais au troisième acte, on verra que ce beau vers ne servira plus qu'à peindre le Génie qui l'enfanta. Le cri du Roi à Cherbourg, Vive mon Peuple, Vive mes Enfants ! Ce cri, qui fit connaître le Monarque à tout son peuple ; est précieusement enchâssé dans ma pièce. Puisse-t-elle contribuer à la liberté, au bonheur des Rois, et à la tranquillité de mes chers et respectables Concitoyens. Le produit net d'un tiers sera remis ; par l'Auteur, au très honorable Colonel-Général des Milices Parisiennes, Monsieur_le_Marquis DE LA FAYETTE, qui fera prié de faire remettre cette somme aux familles qui ont perdu de leurs Membres à l'attaque de la Bastille. PERSONNAGES LOUISE, femme d'Artamon, Chef des Chérokis, mort dam un combat contre les Illinois. IDAMIR, fils d'Artamon. ESRAIM, fils d'Artamon. FLORIDA, Illinoise, sauvée par Louise et sa fille adoptive. OTAMBO, Chef des Vieillards Chérokis. Les Anciens sont les Pontifes de ces Sauvages. ALPHANOR, fils d'Alphanor, Chef des Illinois, qui a péri dans le combat, ainsi qu'Artamon. VIEILLARDS, GUERRIERS et FEMMES des CHÉROKIS, onze Illinois, Guerriers, Osages. La Scène est auprès de Chérok, bourgade principale des Chérokis, en Amérique. ACTE I DÉCORATION DU PREMIER ACTE. L'AURORE. Vaste terrain, inégal, bords d'arbres de l'Amérique. À droite, sur levant-Scène, tronc d'arbre qui supporte un trophée d'arcs, de flèches et de casse-têtes. À gauche vis-à-vis, fontaine jaillissante d'un rocher, où sont suspendus des rames, des calumets et des coquillages. Au centre, pierre triangulaire, haute de deux pieds. Dans le fonds, montagne à gauche, vaste horizon à droite. Le village de Chérokis, situé au pied de la montagne s'élève de gauche à droite. Calumet de guerre, rouge orné de plumes noires. SCÈNE PREMIÈRE. Otambo, Esraim, Guerriers, Femmes, Vieillards. Les cabanes s'ouvrent, trois lignes, la première composée de Guerriers, la seconde de Vieillards, la troisième de Femmes, sortent majestueusement du Village. OTAMBO, posant sur la pierre le calumet de guerre. Au Soleil.Ô Bienfaiteur de ces climats sauvages !Toi qu'en tout temps et sous des noms divers,L'homme doré, toi le père des âges,Brillant Soleil, auteur de l'Univers,À tes enfants accorde la lumière ; Des Illinois apaise les fureurs,Rends l'époux à l'épouse, et le frère à son frère,La paix à nos foyers, et l'amante au bonheur, CHOEUR DES FEMMES. De nos Guerriers hâte donc le retour,En leur faveur décide la victoire. Ah ! Puissions-nous, avant la fin du jour,Voir Artamon couvert de gloire,Se reposer dans le sein de l'Amour. OTAMBO, effrayé. On entend dans le lointain des cris et une marche militaire.Des Illinois entendez-vous les cris ?....Leur musique sombre et sauvage Nous annonce des ennemisPrêts à s'abreuver de carnage. CHÉROKIS. À leur rage,Opposons notre courage. VIEILLARDS. Soyez dignes de vos aïeux ! ESRAIM, aux Vieillards. Le partageDe votre âgeEst de prier les Dieux... Otambo et les Vieillards gravissent la montagne. Aux Chéròkis.Vendons cher notre vie,Disputons nos foyers au féroce Illinois ; Ésraim périra, mais avec la Patrie.....ËnìbuíquôriS-nous dans ce bois,Réduisons aux aboisLa cohorte ennemie. SCÈNE II. Acteurs précédents, Idamir et Guerriers, Cherokis, Alphanor, Roanoque, onze Illinois, Louise, Florida. Guerriers Chérokis nus, ceintures de palmes, arcs, carquois, casse-tête, défilent trois à trois de la droite, et s'y développent sur une ligne. Sitôt qu'il s'ils sont formés, ceux de ma gauche, poussant un cri, sortent en mesure, sur une seule ligne, entre les arbres, la hache levée. Les armes tombent ; ils reconnaissent leurs frères. Alphanor et ses Illinois se placent devant le trophée de la droite : quatre Guerriers Illinois portent le corps d'Artamon, couvert de fourrures et de branches de cyprès, et le posent sur la pierre du centre. Les Chérokis de la gauche et de la droite se rangent et le dérobent à la vue des spectateurs. Louise et Florida arment du côté de la fontaine. LOUISE. Idamir ces captifs présagent la victoire. Sur les fronts abaissés de nos fiers ennemis,De mon époux brille la gloire ;Mais je sens que je frémis... À Idamir.D'un mot dissipe mes ennuis,Parle, éclaircis ce mystère : Qu'as-tu fait d'Artamon ? Qu'est devenu ton père ? IDAMIR, levant tes yeux au ciel. Au nom des Dieux, ne m'interrogez pas. LOUISE. Qu'est devenu ton père ? IDAMIR. Trop cruel embarras ! LOUISE. Artamon est il mort ? IDAMIR. Ô destin trop funeste ! ALPHANOR, rompant la ligne des Chérokis. De ton époux voilà ce qui te reste,De la main de mon père, il a reçu la mort. CHÉROKIS. Il ne succomba pas, il obéit au sort. LOUISE, à Alphanor. Ciel !... Je me meurs... Barbare,Tu viens de me percer le sein. Elle s'évanouit. CHÉROKIS. Ton supplice se prépare... ALPHANOR. Je vais périr. Ah ! Quel heureux destin ! SCÈNE III. Acteur précédents, Femmes des Chérokis forment un grand cercle autour de Louise ; Idamir, Esraim, Florida sont à ses pieds. QUATUOR. IDAMIS, FLORIDA, ESRAIM. Ô ! Malheureuse mère, Écoute nos accents ; Aux cris touchants, De tes enfants,Reviens la lumière. ALPHANOR. Ce qui les désespèreEst pour moi ravissant ;Ayant vengé mon père. Je meurs, je meurs content FLORIDA. Tu me sauvas des horreurs de la mort,Tu m'adoptas pour fille ;Je me comptais de ta famille,Si tu ne vis, tu me rends à mon sort. IDAMIR, FLORIDA, ESRAIM, en trio. Ô malheureuse mère... LOUISE, revenant de son évanouissement. Quels sons !... Quelle douce harmonie !...Ranime en moi les souces de la vie ? Chérokis par des gestes à marquent leur attendrissement.Ah ! Vous obtenez tout, mon coeur vous est rendu,Je ne puis résister au cri de la Nature... Le Ciel n'a pas comblé de mes maux la mesure !À vivre pour vous seul ce coeur est résolu. SCÈNE IV. Acteurs précédents, Otambo, Douze vieillards portant des calumets de guerre, les arbres et la montagne se couvrent de Curieux. ROANOKE. Chérokis, pourquoi tant attendre ?Les enfants d'Illinois vont voler à la mort,Trop heureux de mêler leur cendre À celle d'Alphânor... ILLINOIS. Terminez notre sort. FLORIDA, à Idamir. De la vertu que tu m'as fait connaître,Sur tous ces malheureux épanche la bonté ; À part.Je naquis Illinoise... Ah ! si l'humanitéChez les Sauvages pouvait naître ! IDAMIS, haut. L'aimable Florida s'intéresse à leur fort ; Bas.Ô bonheur ! Que viens-je d'entendre ? ILLINOIS. Pourquoi tant attendreNe différez plus notre mort. ONTARIO. Il est temps de partir... Voici l'heure terrible, Alphanor... ALPHANOR. Je l'attends et ne la presse pas.Mourir sur un bûcher, mourir dans les combats,Telle est la fin de sa course pénibleDe tout guerrier. Amis, je suis vos pas ;Aux douleurs, aux tourments, je suis inaccessible. OTAMBO. Qu'on dresse les bûchers. Il se fait un mouvement ; pour conduire les Illinois au supplice. IDAMIR. Arrêtez, Chérokis ;Qu'en nous ces prisonniers retrouvent des amis. OTAMBO. La volonté des Dieux, nos pertes, la justice,Exigent le trépas de ces hommes pervers. LOUISE. Ah ! Si nos Dieux aimaient ce sacrifice, Ils règneraient sur des déserts. IDAMIR. De ces Dieux que créa la féroce imposture,Les barbares de sang arrosent les autels ;Mais sur l'autel de la Nature,Le Sauvage innocent protège les mortels. OTAMBO. Le trépas d'Artamon nous demande vengeance ;Pouvons-nous la différer ? IDAMIR. Mon père, en expirant, demanda la clémence,Je lui promis de vous la faire aimer. CHÉROKIS. Tu nous a tous séduits. Une infernale rage Cède à l'humanité qui parle par ta voix ;Nous méconnaissions ses droits ; Tu viens les rétablir ; nous leur rendons hommage. OTAMBO. Ils font tes ennemis... IDAMIR. Eh ! Qu'importe ? CHÉROKIS. Vivez ! ALPHANOR. Qu'entends-je, oh ! Dieux. Nous, recevoir la vie, Recevoir le pardon d'ennemis détestés !Mais que vois-je ? Quelle infamie !Mes Compagnons font à leurs pieds !Idamir, je vivrai. Je pars ; tu vas connaîtreCelui que tu viens de sauver ; Ainsi ! Si jamais je suis ton maître,Souviens-toi qu'Alpnanor ne sait point pardonner. IDAMIR. Oublie qu'Idamir a pu te protéger. Il sort suivi des Illinois. SCÈNE V. Acteurs Musiciens, excepté Alphanor, Roanoke et les Illinois. OTAMBO. Du héros Artamon, l'auguste sépulture ;Chérokis, doit nous occuper ; Par nos chants de douleur attristons la nature... LOUISE. Ah ! Je puis donc enfin pleurer ! CHOEUR. Artamon, reçois l'hommage,Qu'on rend à la Divinité ;Quand des Dieux l'homme est l'image ; Comme eux il est adoré ;S'il en vient un plus grand, son culte est préféré ; Cérémonie des funérailles. ACTE II DÉCORATION de L'ACTE SECOND. Dans le lointain, deux montagnes, l'une chauve, l'autre d'une belle verdure, et laissant échapper une source du sommet. Entre elles, le fleuve Ohio tombe avec bruit d'une cascade effrayante. Un pont de lianes élastiques, joint au-dessus les deux montagnes. Au pied de l'Ohio, quelques pirogues : ce fleuve couvre la plaine et borde le fonds du Théâtre, qui est en gazon. À la droite du fleuve, a mi-coteau, une cabane appuyée contre un rocher qui pose sur une pointe à terre ; sa partie supérieure évasée, sert de cuvette à un ruisseau qui se précipite dans l'Ohio. Près de l'avant-scène, une statue du Mars des Américains, d'Areski sur un piédestal orné de pelleteries. À la gauche plus reculé, le tombeau d'Artamon en gazon et orné de fleurs ; le trophée de ses armes sur le dessus ; et au côté, une large pierre gravée d'hiéroglyphes. SCÈNE PREMIÈRE. Louise, Florida. LOUISE, au mausolée d'Artamon. Cher Artamon, daigne m'entendre,De Louise, en ce jour, apaise les douleurs ;Sur le tombeau de l'époux le plus tendre, Elle a besoin de répandre des pleurs. Elle se prosterne. FLORIDA. Victime infortunée ! LOUISE. De tes enfants éloigne les malheurs ; À vivre de chagrins, si je suis condamnée,Que de la paix ils goûtent les douceurs ! FLORIDA. Ah ! Si j'osais, j'embrasserais ma mère... LOUISE, se relevant et se collant au mausolée. Écoute-tu ma fervente prière ? SCÈNE II. Acteurs Précédents, Otambo, Idamir. OTAMBO. Pourquoi vous replonger dans les plus noirs soucis ?Ah ! bannissez une funeste image.Je viens vous apporter les voeux des Chérokis ; Ils désirent le mariageDe l'aîné de vos fils. IDAMIR. À Florìda.Aimable Florida... À sa mère.Ah ! Consentez ma mère... LOUISE, à Idamir. C'est à vous de lui plaire. IDAMIR, à Florda. En ma faveur, Dispose de ton coeur ;Mais ce silence,Le dois-je à l'indifférence ?Ah ! Tu le dois au charme du plaisir ! IDAMIR. Quelle joie dans mon âme, Par cet aveu se fait sentir !Florida partage ma flamme,À mon sort elle va s'unir. LOUISE. Idamir et Florida aux pieds de Louise.Que jamais de sombres querellesNe flétrissent vos coeurs ; soyez toujours constants, Que vos ardeurs soient éternelles !Ainsi vous répandrez le bonheur sur mes ans.Aimez Dieu, la Patrie ; écoutez la Sagesse ;Entourés de nombreux enfants,Vous jouirez d'une douce vieillesse. SCÈNE III. Acteurs précédents, Esraim, Guerriers, Chêrokis. CHOEUR. Idamir, Esraim, remplissez vos carquois,Qu'Illinos, aujourd'hui ,rentre dans les ténèbres,Peignez-vous des couleurs funèbresQui portent fa terreur ; que les échos des boisFrémissent de nos chants de guerre, Du sang des ennemis, allons baigner fa terre,Sur leurs corps expirants élevons nos pavois. ESRAIM. Dieux ! Je vais donc, pour sa première fois,Parcourir du guerrier 1a carrière brillance. IDAMIR. Amis, de ces emportements Modérés l'ardeur trop bouillante,Je vous avertirai quand il en sera temps;Le jour où brille la clémence,Est-il bien noble à nous d'appeler la vengeance ?Il ne faut pas toujours écouter sa valeur, Allons, de nos vieillards, consulter la sagesse, CHOEUR. Nous lavons souvent dans les champs de l'honneur,Ses conseils ne sont pas dictés par la faiblesse. Ils sortent. SCÈNE IV. Alphanor, Altemar, Guerriers Osages. Les Osages portent d'énormes casse-têtes ; leurs cheveux peints en rouge sont entrelacés de plumes jaunes et noires. Des serpents et des peaux de tigres leurs servent de ceintures-carquois, d'écorce d'arbre, arcs et boucliers, avec la figure Dareski. ALPHANOR. Braves et cher Altemar, tu ne m'as point quitté,De tous mes compagnons, toi seul m'es resté ! Illinois, en ce jour, consent à l'esclavage,Et nous sommes réduits au secours de l'Osage ;De ce peuple qui vit au fond de nos forêts,Et s'abreuve du sang des captifs qu'il a fait.Le pardon d'Idamir à fléchi le courage Des Illinois ; le front humilié,Ils portent, dans Chérok, le signe d'amitié. Aux Osages.Braves guerriers j'abjure une patrieQui n'a plus pour moi d'appas ;J'abandonne des ingrats Dont j'ai cent fois sauvé la vie,Et je me jette entre vos bras. UN OSAGE. Tu peux compter sur nos services ;Nous allons opposer à de vains artifices,L'invincible loi du plus fort ; [Note : Rature : la fin du vers imprimé est illisible et remplacé par "la mort".]Nous porterons partout le carnage et la mort. ALPHANOR à Altémar. Leur horrible fureur en impose à ma rage. ALTEMAR. Cher Alphanor le sort en est jeté.J'eus préféré des nôtres le courage...Mais d'eux, hélas ! Tu fus abandonné. Ne te souvient-il plus qu'Illinos t'a chassé. ALPHANOR. Des lâches Chérokis, cet affront est l'ouvrage. ALTEMAR. Qui pourra t'en venger mieux que le fier Osage ? ALPHANOR. Dans une heure, au plus tard, da paix doit se jurer,Ici, sur ce tombeau... lisons ces Caractères... Il lit.Artamon... Dieux vengeurs !... Ah ! c'est trop m'offenser ;Ils n'accompliront leurs infimes mystères. ALTEMAR. Sais-tu que ton rival épris d'une étrangère,Va dans ce même jour,Aux serments d'une paix sincère, Unir les serments de l'amour. ALPHANOR. Tu ne finiras point, jour affreux qui m'éclaire,Sans avoir satisfait ma trop juste colère :Mon père... Ah! souviens-toi de ton malheureux fils,Ton Alphanor ne put te fermer la paupière ; Mais je serai fidèle à ce que j'ai promis.[Note : Areski : Le Mars des Américains.]Grand Areski, vengeur inexorable,Divinité toujours impitoyable,Accours à tes festins, on va verser du sang.Tes autels vont fumer de plus d'un sacrifice ; À mon bras sois propice :Les plaintes des mourants,Des femmes, des vieillards, les vains gémissementsSeront la pompe du supplice. ALTEMAR. Un courage indiscret et trop précipité, De succès plus certains a détruit l'espérance...Au nom de sa prudence,Enchaîne ta témérité ; Artamon est ici révérés...Vois-tu cette brillante armure ? Il montre celle qui est sur le tombeau d'Artamon. ALPHANOR. Que prétends-tu ?.... ALTEMAR. M'en décorer.Dans ce bois il faut vous cacher.Laissons signer la paix ; mais lorsqu'à Floridie ;Idamir jurera de consacrer sa vie,Du fonds de ce tombeau tu me verra[s] sortir, Et d'Artamon imitant l'ombre, Je dirai d'une voix sombre :MINISTRES DE LA MORT, HÂTEZ-VOUS DE PUNIR...À ces mots, levez-vous, fondez avec furieSur le peuple épouvanté ; Alphanor que ta main aux combats endurcie,Fasse sentît le bras d'une divinité. ALPHANOR. D'un aussi grand projet tu n'eus pas la pensée ;Dans l'âme d'Artëmar, elle fut inspiréePar un Dieu... ALTEMAR, donnant la main à Alphanor. Tu la dois à ma vive amitié. Ne perdons pas de temps, on pourrait nous connaître. ALPHANOR. Osages, dans ce bois, tenez-vous embusqués ;Dans peu les Chérokis dans ces lieux vont paraître. Altemar va se cacher derrière le tombeau d'Artamon, après en avoir saisi une armure. Alphanor si cache dans le bois, derrière la statue d'Areski. Danses Américaines. ACTE III. MÊME DÉCORATION de lieu qu'au second Acte. SCÈNE PREMIÈRE. Otambo, Choeur. COSTUMES. IDAMIR. Bleu céleste et or à bandes, carquois d'or, pennons de flèches, blancs. OTAMBO. Blanc et pourpre; bonnet de peau blanche, orné de plumes blanches ; soleil d'or fur la poitrine, soutenu par un collier de coquillage ; bâton d'or, surmonté d'un soleil. ESRAIM. Bleu céleste, avec des fleurs ; carquois d'argent ; pennons de flèches bleues. LOUIS. Blanc, et feuilles de peuplier ; cheveux épars ; ceinture herminée ; collier de coquillages blancs et roses. FLORIDA. Argent et rose à bandes ; cheveux entrelacés de plumes blanches ; couronne de roses ; collier et pendants de coquillages roses et blancs ; bras nus, ornés de coquillages noirs. KOAHOEE. Peau, de marthe ; carquois de bois de dentelle, garni d'argent ; pennons de flèches roses ; calumet de corail, orné de plumes, de fleurs et de coquillages. VIEILLARDS. Comme Otambo, excepté le soleil, et à la place du bâton d'or, un bâton blanc. FEMMES. Rose et blanc ; cheveux entrelacés de plumes roses ; couronnes de fleurs blanches ; bouquets d'une main, et portant une longue guirlande. ILLINOIS. Comme Roanoke, excepté l'argent et le calumet ; des javelots. CHÉROKIS. Comme Idamir ou Esraim, excepté l'or et l'argent des javelots. On voit des Chérokis dans des pirogues, aborder le rivage. Ils remplissent le fonds du théâtre, et la droite et la gauche du fonds. Otambo est fur le premier degré du tombeau, ayant douze Vieillards à ses cotés. COSTUMES. IDAMIR. Bleu céleste et or à bandes, carquois d'or, pennons de flèches, blancs. OTAMBO. Blanc et pourpre; bonnet de peau blanche, orné de plumes blanches ; soleil d'or fur la poitrine, soutenu par un collier de coquillage ; bâton d'or, surmonté d'un soleil. ESRAIM. Bleu céleste, avec des fleurs ; carquois d'argent ; pennons de flèches bleues. LOUIS. Blanc, et feuilles de peuplier ; cheveux épars ; ceinture herminée ; collier de coquillages blancs et roses. FLORIDA. Argent et rose à bandes ; cheveux entrelacés de plumes blanches ; couronne de roses ; collier et pendants de coquillages roses et blancs ; bras nus, ornés de coquillages noirs. KOAHOEE. Peau, de marthe ; carquois de bois de dentelle, garni d'argent ; pennons de flèches roses ; calumet de corail, orné de plumes, de fleurs et de coquillages. VIEILLARDS. Comme Otambo, excepté le soleil, et à la place du bâton d'or, un bâton blanc. FEMMES. Rose et blanc ; cheveux entrelacés de plumes roses ; couronnes de fleurs blanches ; bouquets d'une main, et portant une longue guirlande. ILLINOIS. Comme Roanoke, excepté l'argent et le calumet ; des javelots. CHÉROKIS. Comme Idamir ou Esraim, excepté l'or et l'argent des javelots. On voit des Chérokis dans des pirogues, aborder le rivage. Ils remplissent le fonds du théâtre, et la droite et la gauche du fonds. Otambo est fur le premier degré du tombeau, ayant douze Vieillards à ses cotés. OTAMBO, au peuple. Descendants de Chérok, bénissez les Destins ;Aujourd'hui vont finir les maux de la Patrie. La vengeance et la haine, hélas ! l'ont trop flétrie ;La paix vient assurer le bonheur des humains. CHOEUR. Consacrons notre vieÀ la Paix, à l'Amour ;Que la Guerre et l'Envie Disparaissent sans retour. OTAMBO. Qu'on observe, en ces lieux, le plus profond silence.D'Illinos les AmbassadeursViennent ici proposer alliance ;Amis, qu'on les comble d'honneurs. SCÈNE II. Aacteurs précédents, Roanoke, douze Illinois, Altemar. ROANOKE, portant le calumet de paix. Notre tribu de l'Amérique,Braves Guerriers, sages Vieillards,Trop longtemps une guerre iniqueA séparé nos étendards.Que la vertu soit notre seule idole. Des Illinois telle est sa volonté ;De la paix, en leur nom, j'apporte le symbole,Vous la devez à votre humanité. OTAMBO, aux Illinois. La Nation doit être consultée,Avant qu'un éternel lien De cette paix fasse une loi sacrée ;C'est le droit de tout citoyen.Nous respectons ici l'honorable vieillesse,La valeur sans fierté, sa vertu sans éclat ;Nous demandons conseil à ta jeunesse, On a droit d'opiner, sitôt qu'on est soldat. Le Vieillard Otambo descend, recueille les suffrages et remonte à sa place.Le ciel, pour ajourer à ta solennité,Nous accorde la paix à l'unanimité. L'Assemblée lève tes mains au ciel. OTAMBO, prenant le calumet de paix de Roanoke et l'élevant vers le ciel. Tremblés, voisins jaloux, tremblés hordes rivales,Osages, Iroquois, barbares Cannibales, Avec enthousiasme.Les braves de Chérok, les guerriers d'Illinois,Désormais vont former un peuple de héros. CHOEUR. On fait la chaîne des mains.Astre du Jour, revois notre prière,Nous jurons, devant toi, d'être unis à jamais ;Sur l'un et l'autre hémisphère, Daigne étendre tes bienfaits ;Qu'en Europe et dans ces forêts,L'homme dans l'homme trouve un frère. OTAMBO. Attendez tout des Dieux,À la vertu soyez fidèles Et vous recevrez d'euxDes faveurs toujours nouvelles...Qu'aux serments de sa paix succède le plaisir ;Approche Floridie, et vous cher Idamir... Il les enlace dans une guirlande de fleurs à mit leurs mains.Généreux Idamir, aimable Floridie, De l'hymen, avec moi, répétez le serment... Ils sont censés le prononcer.Que la mort seule délieCet auguste engagement ;Mais s'il était contraire au bien de la patrie,Qu'Artamon, du tombeau, sortant avec furie... ALTEMAR, paraissant sortir du tombeau. Adopter, sur ma tombe, une caste avilie,Déshonorer mon sang par une fête impie,Fils ingrats, Chérokis, je ne puis le souffrir...Ministres d'Ateski, hâtez vous de punir. Le Peuple suit, à l'exception de quelques Chérokis, qui se battent en retraite. SCÈNE IV. Les acteurs précédents, Alphanor ; Osages, Vieillards Chérokis prisonniers. CHOEUR DE CHÉROKiS. Sauvons nous, Leurs mains lancent la tonnerre ;Défendons nous. CHOEUR D'OSAGES. Frappons tous,De sang arrosons la terre,Assurons nos coups. IDAMIR, aux Osages. Tu vas être puni, fabricateur d'oracles...Frappons, n'épargnons pas ces faiseurs de miracles... ALPHANOR aux Osages. Courage !... Dieux vainqueurs !... Profitons de l'effroi,Que d'Idamir on respecte, la vie. IDAMIR, dont le bras est arrêté par Altemar. C'en est fait de Chérok. ALTEMAR, présentant Idamir à Alphanor. Idamir est à toi. IDAMIR. Je meurs content, j'ai sauvé Floridie.Monstre ! Ta lâche perfidie.A réussi ; mais au fond de ton coeur,Car tu n'es pas insensible à la gloire ;Tu sens, cruel, que ta victoire Imprime sur ton front le sceau du déshonneur. ALPHANOR. Tu périras... Je le dois à mon père,À mon pays ingrat, à ma juste colère. Des Osages empilent leurs casse-têtes devant la statue d'Ariski, et préparent le bûcher.Ne crois pas exciter ma générosité ;Idamir, je t'entends, je te vois sans pitié. ALTEMAR. Le succès remplir notre attente ;Tes soldats, dans Chérok, répandent l'épouvante.Leurs couteaux par la rage avec art appliqués,Sur le front des mourants enlèvent des couronnes... ALPHANOR. Chérok, tes superbes colonnes, Tes Pontifes et tes guerriers,Gémissent donc sous nos lauriers ! IDAMIR. Tu ne les dois qu'à l'imposture. ALPHANOR, avec mépris et fierté. Sont-ils moins beaux ? Va, crois moi, cette injure... Avec férocité.Mais, Altemar, pourquoi ces prisonniers ? Les Vieillards marchent à pas lents. ALTEMAR, montrant les Vieillards. Leur blanche chevelure,Pour des fronts belliqueux, n'est pas une parure. VIEILLARDS CHÉROKIS. La mort, la mort n'est qu'un instant, À Alphanor.La gloire nous appelé, et l'opprobre t'attend. ALTEMAR. Ordonne leur supplice. ALPHANOR. Il faut nous occuper d'un plus grand sacrifice...Idamir, tu m'entend... qu'on le mène au bûcher. IDAMIR. J'y cours... Apprends comme on doit y monter. SCÈNE V. Acteurs précédents, Esraim, Roanoke ; Chérokis, Illinois; un triple cordon de Chérokis séparent les Ofages de leurs Chefs ; les Illinois sortent par le côté du mausolée d'Artamon. ESRAIM, sautant au bûcher, et sauvant son frère. Non, tu ne mourras point... je viens te délivrer. ALPHANOR. Ô ciel !... Suis-je trahi ! ROANOKE, poignardant Alphanor. Tombe à mes pieds, perfide. Aux mânes d'Artamon, je viens de l'immoìer. IDAMIR, à Roanoke, qui lève te poignard sur Altemar. Suspens ta fureur homicide. ROANOKE, à Altemar. Monstre dénaturé !... ALTEMAR, à genoux. Accordes-moi ta vie... ROANOKE, avec mépris. Eh ! L'as-tu mérité ? SCÈNE VI. Acteurs précédents, Florida, Louise, Otambo, Peuple chérokis. FLORIDA, accourant dans tes bras d'Idamir, après y être restée quelques instant. Cher objet que j'adore,Mon ami, mon époux, Je te revois encore ! IDAMIR. Est-il un instant plus doux ?Je te tiens dans mes bras, charmante Floridie ! FLORIDA. Est-ce bien toi, toi que j'ai cru perdus ? Au Peuple.Ah ! Quel bonheur ! IDAMIR. Ton amant t'est rendu. FLORIDA. Ne quitte plus ton amante chérie. IDAMIR. Et ma mère... Ah ! Je n'ose demander... LOUIS, accourant. Mon fils, elle vient t'embrasser. Montrant les Osages.Pour échapper à leur furie,Femmes, enfants, Guerriers, nous marchions au hasard, Abattus, consternés. Mais ce sage Vieillard,L'ami de Dieu, conseille à nos SauvagesDe t'arracher des mains des barbares Osages...Ce projet salutaire est par tous adopté,Par eux, dans un instant, il est exécuté. Ô destin trop prospère!..Otambo t'a sauvé.... il te rend à ta mère. Idamir et Otambo se donnent la main. OTAMBO. Altemar a causé les maux de la Patrie,Les Dieux veulent son sang. ROANOKE. Nous sommes indignés !... À Altemar. Tu naquis Illinois, et ton ignominie.... IDAMIR. Les Dieux trop grands ne font poiOTAMBOnt offensés ;Le souffle de l'impur ne ternit point leur gloire,Les remords dans son coeur le tourmentent assez. ESRAIM. Périsse à jamais sa mémoire ! OTAMBO. Une prompte sévérité Prévient souvent des attentats coupables ;Par des exemples mémorablesLe méchant dans le crime est toujours arrêté. IDAMIR. La paix qui vient d'être jurée,Rétablit une loi qui chez nous est sacrée ; Sur Altemar nous sommes sans pouvoir.Il naquit Illinois... Notre premier devoirEst de le rendre à sa patrie,Qui punira sa perfidie.Que par ses pairs il soit jugé ; Tout jugement qui couvre d'infamie,Par les Pairs seuls doit être prononcé.Il n'en est pas ainsi du peuple Osage...Échangeons leurs captifs avec ces Africains,Courbés sous les fardeaux des planteurs inhumains. Amis, que le SauvageFasse honte à l'Européen ;Et lui fasse abolir un indigne servage.Qu'instruit par vos vertus, il se convainque enfinQue le bonheur existe où réside le sage. Que le premier des arts, l'utile labourage,Imprimé à tous les droits du Citoyen. FLORIDA. Tu me fais verser des larmes ;Ta douce et sainte humanité,À mon époux prête ses charmes... IDAMIR. Si de ma Nation j'ai suspendu les armes,Florida, mon succès n'est dû qu'à ta beauté. CHÉROKIS. Reçois de nous la couronne,Nous voulons vivre sous tes lois ;C'est l'amour qui te la donne, Tu seras le premier des Rois. IDAMIR. Me proposer une couronne,Chérokís, vous n'y pensez pas ;Que je gouverne vos États ?...Idamir monter sur le trône ! CHÉROKIS. Reçois de nous la couronne. OTAMBO. Le premier qui [fut] Roi ne fut pas conquérant ;Peut-être il fut soldat, mais soldat bienfaisant.Le choix seul des guerriers, sa volonté des braves,Peuvent donner un maître à des troupeaux d'esclaves... Mais le peuple vaincu, par les temps éclairé,Reconnait ses tyrans, reprend sa liberté,Là cède, avec transport au Prince qui la donne,Et sur un front humain affermit sa couronne...D'être francs nous avons l'honneur ; Nous sommes libres sans licence,À toi nous devons ce bonheur.Nous couronnons en roi, sa vertu, la valeur,La bonté, la bienfaisance...Qu'Idamir bienfaisant soit Roi législateur. CHÉROKIS. Vive le Roi ! IDAMIR. Vive mon peuple ! Mes enfants !Je ne puis résister, à vos voeux je me rends. CHÉROKIS. Que Florida toujours à notre Roi soit chère,Qu'ils s'aiment et règnent longtemps ;De nos vieux ans, Qu'ils éloignent 1a misère ;Idamir, Florida, recevez nos serments. Cérémonie du couronnement d'Idamir et ballets si entremêlés de chants. IDAMIR. L'Amérique devient un immense héritageAppartenant à tous et jamais divisé,Sur lequel le sauvage Et l'homme civilisé,Rappelleront ta simplicitéDes vertus du premier âge. GUERRIERS et ILLINOIS. Nous renonçons, Aux sanglantes conquêtes ; Nous préféronsDe plus paisibles fêtes.Que ta sainte humanitéSoit le pénate du ménage,Et que celui qui, sans partage, La servira survive à la postérité. CHOEUR GÉNÉRAL. Astre du jour, reçois notre prière ;Nous jurons, devant toi, d'être unis à jamais.Sur l'un et l'autre hémisphère,Daigne étendre tes bienfaits ; Qu'en Europe et dans nos forêtsL'homme dans l'homme trouve un frère. ==================================================