******************************************************** DC.Title = NOUVEAU CATÉCHISME POISSARD, RECUEIL DE TIRADES ET DIALOGUES À L'USAGE DES AMUSEMENTS DU CARNAVAL DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Dialogue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:15:49. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_NOUVEAUCATECHISMEPOISSARD.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58215987 DC.Source.cote = BnF LLA YF-12827 DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** NOUVEAU CATÉCHISME POISSARD RECUEIL DE TIRADES ET DIALOGUES À L'USAGE DES AMUSEMENTS DU CARNAVAL IMPRIMERIE D'ISID. DELEUZE, RUE SAINT-DOMINIQUE, 15. ACTEURS LE MALIN. LE COCHER. LA POISSARDE. LE FORT. L'HOMME DE LOI. LA BERGÈRE. POLICHINELLE. LA CUISINIÈRE. LA FRUITIÈRE. UN LOCUTEUR. La scène est dans une place de ville. NOUVEAU DES AMUSEMENTS DU CARNAVAL RENCONTRE DE DEUX VOITURES DE MASQUES. UN MALIN. Où vas-tu donc comme ça, cocher de hasard, avec un équipage de pacotille. LE COCHER. Qui qui lui parle à ce faux malin ; t'en as l'uniforme et, v'là tout ; les hommes font les babils, mais l'habit ne fait pas l'homme ; tu n'es ni gros ni lourd, et si tu ne tais pas ta gueule, tu vas voir avec queu brosse je m'étrille. LE MALIN. Toi, cocher de malheur ! Vois-tu ces bras-là, c'est de la bonne acier, et si tu fais l'insolent, tu vas voir comment je mouche. LE COCHER. Va donc, malin de carnaval, je vois ben pourquoi tu m'attaques i c'est pour dégueuler ton catéchisme ; eh ben commence et tu verras si j'sommes dans l'cas de t'répondre. LE MALIN. M'entreprendre avec toi, cocher de fabrique, va apprendre à manier ton étrille, ruineux de loueux de voitures ; ce serait trop d'honneur à te faire, et comme j'ne ve veux pas perdre mon temps davantage avec un garnement de ton espèce, continue à brouter la faignante compagnie, chacun dans sa circonférence. UNE POISSARDE. Ah ça, dis-donc, auras-tu bientôt fini ? D'où vient ton humeur taquine ? Su[r] quelle herbe que t'as marché ce matin ? enfin à qui que t'en as et qu'est-ce qui l'a seriné un peu ? LE MALIN. À coup sûr, ce n'est pas toi, créature du petit peuple : j'n'irai pas à si mauvaise école. LA POISSARDE. Tiens c'marpeau ! N'dirait-ou pas à l'entendre qu' c'est le fils d'un duc et pair. Apprends, museau d'chien, que ne vient pas à mon école qui veut, et qu' pour être admis dans not' société ; il faut savoir â qui qu' l'on tient. LE MALIN. Pardine, v'là-t-il une belle société ! Ah ben : je l'conseille dé la vanter ! Grâce aux p'lures qui vous couvrent, vous trompez queuq's uns ; mais j'vais vous faire connaître à l'estimable public qui m'entoure :Toi, infernal' gueule à soupape,Poissarde qui a tant de jappeTu t'promène en carrosse, catin,Tu f'rais mieux d'l'assurer du pain.Voyez c'te puante carogne Que dévot' la teigne et la rogne. LA POISSARDE. Crois-tu, rouchi, que t'as la puissanceDe pouvoir m'imposer silence ;Y faudrait avoir, sur ma foi, Un' bien meilleur' platin' que toi ; Apprends que la mienne est ferrée, Et qu'à Maubeuge on l'a trempée.T'a cru qu'avec tous les médires,J'allais m'laisser abasourdir.Va, vilain chien, vieux paltoquet. Va, bats en r'trait' vilain caniche. LE MALIN. Reprends donc haleine pour cracher, Et j' vas un p'tit brin te r'moucher.Tu vas attraper la pipie,Car tu jacass'là comm' un' pie. Va-t-en plutôt boire un coup d' cric,Pour le renforcer l'alambic. LA POISSARDE. J't'avons dit à peu près ton fait,T'es donc pas encore satisfait ?Eunuque, tu n'rougis de rien ; Dis-mois z'à quoi qu' t'es bon, vaurien ?Mais c'est trop longtemps discourirAvec queuq'z'un qui n'sait quoi que dire ;J'ai pitié de ton impuissance,Car sans ça tu aurais un' danse ! Adieu, beau valet du grand turc ; Ailleurs va t'fair' friser la nuque. UN FORT ET UNE POISSARDE. LE FORT. Eh bien ! la rencontre est heureuse ;Est-c' ben toi que j'vois double gueuse.Eh mon Dieu oui, je n' me tromp' pas, C'est c'te têt' d' la rue du Haut-Pas.Diabl', comm' te v'ià ben requinquée ! Comme un' châss' te v'là toute parée.Où donc qu' tas eu ces biaux habits,Dis-moi donc ça, vilain' toupie ? LA POISSARDE. Dis-donc, maquereau est-ce que j'ai des comptes à t'rendre ; faut y pas dire à c' beau morceau qu'est-c' qui l'a fait ; qu'est-c' qui l'a pondu ? C'pendant comm' j'suis bonn' fille, j'veux ben m'abaisser jusqu'à z'entrer en colloque avec un particulier d'ton espèce. Tu sauras donc sac à vin, que si j'ons queuqu'chose ; c'est que j'l'on gagné loyalement ; de tout c'que tu portes, pourrais-tu en dire autant, mangeux d'blanc ; d'puis qu'tu n'es plus sur l'sable, comme tu es insolent et détestable. T'as déjà eu ben des hauts et des bas, et tu n'es pas quittes de l'embarras. Tu crois qu'tout l'monde est comme toi, parc'que de t'voir ben bichonné, tu t' trouv' tout glorifié ; savoir comment ça t'est z'arrivé, j'men vais te l'fiché par le nez. Vous saurez donc, respectable société, que 1' moigneau qui m'a s'apostrophée, est le plus grand grugeur de toutes les poupées, le plus lâche de tous les poissons, et qu'il suffit de lui parler d' front pour lui faire baisser l'ton, il d'vient doux comme u[n] mouton, mais s'il a affaire à un queuq'gonse, faut voir comme il s'annonce et comme y fait contribuer les pauv' petits miches que séduit sa poupée. Laut'jour un gros anglais dans son r'paire entraîné, fut entièrement dévalisé, et v'là pourquoi ce maquereau est aujourd'hui si faraud. LE FORT. À mon tour, bell' poissardeTu vas voir si ma gueule est camarde ;Or, je me sens d'humeur gaillarde,Sans m'amuser à la moutarde,Sachez, honorabl' assistants, Et frémissez d'étonnement :La caqu' sent toujours le hareng ;C'est un dicton du bon vieux temps, Et c'te goton que vous voyezNous en donne la vérité. D'abord, j'veux qu' tout le monde sacheEt sans que personne se fâche,C'que c'est que c'te Marie Touillon,Surnommée la boile à bouillon ;Elle est fill' de Marie la Coine Et son père était Papavoine.Auparavant l'âge de dix ans,Elle agaçait tous les passants,[Note : La rue Frépillon est une partie de l'actuelle rue Volta dans le 3ème arrondissement.]Et tous les jours, rue FrépillonOn la voyait fair' ses factions. Un soir, un vieux monsieur, dit-on,Fut raccroché par c'te souillon ;Comme elle avait sur la figureAu moins un' livre de peintureUne fauss' gorge, un faux chignon, Des dents postich', un polisson,Il crut voir un objet de r'cette.Dieu sait si son ardeur fut muetteEn voyant tout' c'te contrebande !Un jour, un bon luron ayant la tête grise, Poussé par trop de nourriture,Fut entraîné dans c' nid d'ordure.La gueus' voulut mettre en pratiqueSa déloyale mécanique. LA POISSARDE. As-tu dégoisé assez d' menteries, vilain habitant d' Barbarie ; Dieu ! C'que c'est qu'la jalousie ! Voyez, n'est-il pas comme une harpie. Tu mériterais ben queuq' taloche, si tu valais la peine que j' le les décoche. Sauv'-toi, grand déhanché, vieux manche de gigot, bouquet sans queue, restant de bagne, visage de crocodile. Adieu, tête de veau ; à là première rencont', mon bichon nous boirons un canon. UN MALIN ET UN HOMME DE LOI. LE MALIN. V'là z'un avocat de causes perdues ; Y cherch' des clients dans les rues.M'est avis qu' c'nest pas un grand clerc :Il port' des lunett' pour voir clair ;Il faut l'envoyer à l'écoleÉtudier Cujas et Barthole, Les Pandect's elle Cod' civil,Ça l'rendra tant soit peù subtil.Son bonnet, sa large perruque, Qui couvr' ses oreill' et sa nuque, N'suffisent' pas pour être au Palais Un docteur, un aigle, un profès !Un plaideur qui jug' sur la robe,Je l'savons, trop souvent la gobe,Et qui s'laiss' prend' à cet appâtN'trouv' qu'un ân' revêtu d'un bât. L'HOMME DE LOI. Monsieur croit dire des merveilles !À le juger par ses oreilles ;On voit qu'il est de ces grisonsQui se nourrissent de chardons.Comme il est là bouche béante ! Ici quelque chose le tente ;Eh ! Chez le grainetier voisin[Note : Picotin : Mesure pour donner de l'avoine aux chevaux. [L]]Payons-lui donc un picotin.Celle promesse doit lui plaireEt nous allons l'entendre braire. D'Arcadi' c'est un rossignol,Il va chanter en si-bémol...En si beau chemin tu t'arrêtes !Un effort, maître Aliboron !Soutiens ta réputation Et ne perds ainsi là tête. LE MALIN. Petit robin, tu veux rallier,Eh bien ! Nous allons chamailler.Embryon de l'art oratoire,Méchant soldat de l'écritoire, Tu veux faire le Cicéron.Va, tu n'est qu'un triste avorton.Tu crois briller lorsque tu brailles,Et quand tu plaides, chacun bâille ;Le moindre petit clerc d'huissier, Pourrait t'apprendre ton métier.Tu pens', nigaud, à l'audienceQu'c'est pour loi qu'on fait du silence ?C'est que tout l'auditoire dort,Et sur ce chacun est d'accord. On voit réduits à la misèreCeux que par malheur tu défends ;Père et mère : et tous les enfants.Je le répète, sur la terre,La peste fait bien moins de mal. L'HOMME DE LOI. Parbleu ! C'est un sot animalQu'un bavard qui, de l'éloquence,Se rend l'arbitre effrontément ;Mais on pardonne à l'ignorance,Et c'est le propre du talent. Apprends, butor, que Démosthènes,Qui faisait la gloire d'Athènes,Quand il commença son état,N'était qu'un très mince avocat ;Que, pour se délier la langue Dans sa bouche il mit des cailloux. LE MALIN. Je connais queuqu'chose d'plus doux ;Quand tu débites une harangue,Dans la tienne mets donc du bran,Et de ton ennuyeux quanquan, Que tu crois de belles merveilles,Tu n'nous rompras plus les oreilles. L'HOMME DE LOI. De monsieur, ménagez l'tympan ;Il est aussi fier qu'Artaban !Qu'il a bon air, quelle tournure ! Faut l'envoyer à Martinet,Pour faire une caricature,Le modèl' me semble parfait.Ce serait ma foi bien dommage.De ne pas conserver l'image D'un aussi joli Cupidon.Dans l'vinaig, comme un cornichon,On t'gardera, magot d'ta ChineC'est ta vraie place, j'imagine.Ah ! Ah ! pour l'apprendre à gouailler, Si tu crève' j'te ferons empaillerNi plus ni moins qu'un' vieill' momie ;Afin d'garder ton effigie.J'te verrons un jour sur ma foi,Figurer au Jardin du Roi. Eh bien ! T'as donc la langue gelée,Tu restes-là le bec en l'airComme un' huitr' qu'attend la marée ;Tu n'as plus l'maintien aussi fier.R'tourne, fiston, dans ton village, Je vois bien qu'tu mang' du fromage.Pour te frotter à nous, c'est sûrTu n'as pas le croc assez dur. UN FORT ET UNE BERGÈRE. LE FORT. Hé ! Dis-donc, gentille bergère, ousque tu dirige donc tes pas ? Si tu vas à Cythère et que lu sois seule pour faire le voyage, j'me propose pour l'accompagner. LA BERGÈRE. Quand je ferai ce voyage , je ne prendrai pas pour compagnon un bambocheur, un coureur comme toi, un trompeur de femmes, entends-tu, vilain monstre ? LE FORT. Quien ! Dous que tu m'connais, toi, dis donc, Estele moderne, reine de mon coeur. LA BERGÈRE. Ah ben, j'aurais un beau royaume ! Je n'risquerai rien avant d'en prendre possession que d'mettre en réquisition tous les médecins et les pharmaciens pour le purifier. LE FORT. Ah çà, dis donc, la petite, t'es ben libre de m'accepter ou d'me refuser ; mais la parole ne te donne pas l'droit d'insolence, et si tu m'dis des compliments en manière d'injures, j'm'en va t'en dégoiser pus que tes oreilles n'en voudront entendre ; rions, badinons, mais.... N'insultons personne, ou morgué, tu verras qu't'as pas affaire à un efféminé, et si je m'livre à mon incohérence d'humeur ; t'auras pas beau jeu. LA BERGÈRE. Oh ! Je n'crains rien, et les menaces sont pour mon chat, entends-tu, amoureux des onze mille vierges, adonisse de la halle. LE FORT. Ah ! Tu commences ! T'en veux donc ? Eh ben ! Tu vas en avoir !Ôtez-lui tout son fard, Vous verrez son teint blafard. Les taches qu'elle a sur la figureSont autant d'égratignuresQue fit l'autre jour son amantQu'elle avait mordu jusqu'au sang.N'croirait-on pas voir l'innocence Avec tout son aimable engeance ;Désabusez-vous : sous c'maintienIl n'y a qu'une rusée catinSortie depuis hier matin,De l'h'ospice des Capucins. On pourrait bien à c'te femelleQui fait la sage demoiselle,Donner l'bon Dieu sans confession,Et pardessus l'absolution ;Mais ce serait un sacrilège Que d'tomber dans un pareil piège.De répondre ell' n'est pas tentée,Ell'sait que j'dis la vérité,Et que j'pourrais ben sur son dosParler jusqu'à Quasimodo. Mais comme la vérité zoffense,C'est pour ça qu'elle n'a pas de défenseEt qu'ell' prend sag'mént son partiDe n'pas répondre à tout c'que j'dis. LA BERGÈRE. Ah ! Tu crois ça, Monsieur d'la force, Elle ne vaut rien ton amorce !Tu voudrais ben que je me tusse ;De joie t'en saut'ràis comme un'pucc.Sans t'interrompre' j'ai écouté,Ainsi ne viens pas m'embêter; En queuque mots, vilain paillassonJ'men vais te faire changer d'ton ;Quoiqu' d'engueuler j'n'ons pas coutumeEt qu'j'ai pour l'heure un très grand rhume,Il faut c'pendant qu'à tous les yeux J'montr' que tu n'es qu'un mauvais gueux, Un escroc, un chien, un pendard,Un vrai filou, un franc gueusard.Et que c'est Ion humeur jalouseQui fit périr ta pauvre épouse Parce qu'elle avait, j'avoue son tort,Cédé, z'aux passions d'un beau fort.Fallait-il, susceplibl' sans bornes,Pour t'avoir fait porter des cornes,Châtier d'un' manier' si cruelle C'te pauvre épouse encor d'moiselle ;C'est c'qui d'vrait arriver toujoursAux maris qui n'ont pas d'amour,Sans pour cela que leurs moitiésPar ces gueux pussent être assommées, Alors y aurait d'Ia justiceEt d'ia sorte pas tant d'c'vices.Ah ! si jamais les femm's r'font le code,[Note : Goder : En parlant d'une étoffe, faire un pli un peu en rond là où l'étoffe doit être à droit fil. [L]]Il n'y aura rien dedans qui gode,Et on n'verrait pas si souvent Not' sexe battu impunément :Car n'est ce pas un'chose affreuseD'voir' encore c'te figure hideuse,Qui du bourreau devrait avoirD'puis long-temps reçu son pourboire. Mais avec Thémis on n'perd rien,Et tôt ou tard on r'çoit son gain.Seul'ement, je crains pour mon pays,Que le trépas de ce mauditEmpoisonne la terre, et l'onde Et amène la fin du monde,Car le corps.de c'te pourritureEmpestera toute la nature. POLICHINELLE ET UNE POISSARDE. LA POISSARDE. Dis-moi donc ? Eh ! Polichinelle ;Où va donc toute c'te séquelle ? POLICHINELLE. [Note : Stockfiche : Toute sorte de poisson salé et séché, et, plus particulièrement, une espèce de morue séchée à l'air. [L]]Que nous veut c'te vieille stockfiche.Qu'a le poil frisé comme une caniche. LA POISSARDE. [Note : Argousin : Bas officier des bagnes, chargé de la garde des forçats. [L]]Voyez l'donc là cet argousin,Y s'croit un empereur romain,Auprès de ce méchant cocher d'fiacre ; Va, t'as beau faire vilain polacre,Avec ton grand chapeau pointuDe mauvais clinquant tout cousu,Ton habit tout barrioléTa perruque mal alignée, Ton grand nez qui fait carillonAvec ton recourbé menton ;[Note : Qui porte à la riance : probablement "qui porte à rire".]Mais ce qui porte à la rianceC'est de voir tes deux éminences.J'sais ben qu'ell's ont l'double agrément De tenir chaud derrière et d'vant ;Mais ça te donne un air tout drôle,Avec ton cou dans les épaules ;J'y vois c'pendant un avantage,Ça t'sert de balancier, je gage Et tu n'peux pas tomber, je crois,Puisque ça fait un contre-poids ;Enfin l'as l'air double MayeuxD'vouloir t'enfler gros comm' les boeufs ;N'oublie pas surtout tes guiboles Car ell' me paraissent un peu mollesPour soutenir le lourd fardeauDe ta carcasse à double dos,[Note : Galoche : Familièrement. Menton de galoche, menton long et recourbé. [L]]Et pour traîner tes longu's galoches,Que tu n'peux pas mettr' dans tes poches, À moins d'risquer d'être engueuléEt d'être traité de va-nu-pieds. POLICHINELLE. Dis-donc,figur d'épouvantail,Comme aujourd'hui t'as la gueul' forte ;Faut qu'taies mangé un cent d'bott' d'ail, Sans ça tu n'jaserais pas d'la sorte.Viens donc, figur' de hareng-pecD'mon poing j'te vas caresser l'bec ;Essuie-le, ma fill', car tu baves ;T'as l'cuir vermeil comme un' bett'rave ; Ta gueule est l'porlrait d'un égoût !Qu'ça doit avoir un joli goût !Auprès d'ton halein' la vidangeSent, je l'parie, la fleur d'orange.Elle est sèche comm' un vieux coucou ; J'suis sûr, guenon, qu'dans ton vieux trou ;Qui est aussi profond qu'un' citerne,[Note : Lumignon : Bout de la mèche d'une bougie, d'une chandelle ou d'une lampe allumée. [L]]Si l'on mettait un lumignonTa carcass' servirait d'lanterne.M'entends-tu bien, Marie Graillon ? J'suis bon peintre ; d'après natureTu vois qu'j'trac' ta portraiture.[Note : Havre-sac : Anciennement, nom du grand sac de peau que les fantassins portaient sur le dos dans les marches. [L]]D'ta gorge j'f'rons un havresacOu bien des blagu' pour du tabac.Va, j'te mépris' comm' un' veill' chique, Tu m'purge ainsi qu'un' noix vomique. LA POISSARDE. C'est ben heureux, t'as donc fini !De sottis's tu m'a agoni',J'm'en moque ainsi que d'un' grimaceÇa gliss' sur nous comm' sur d'ia glace. J'ons d'l'honneur encore plus d'vertu !On n'nous r'proch'rais pas un fétu.J'ons, Dieu merci, bonn' renommée,J'allons partout tête levée ;Et toi, qui fait ici l'fendant, Tu n'pourrais pas en dire autant ;Je m'moqu' que tu m'blàm' ou qu'tu m'loue,On est sali que par la boue.Entends-tu, chinois d'paravant ;Acroch'ça, toujours en passant. Tu l'vois ben, figure à taloche,J'n'avions pas la langu' dans not' poche. POLICHINELLE. J' pourrions la placer un peu mieuxDans un endroit qui est pus meilleux.J'savons que t'aimes la confiture ; C'est d'ia bonn' qualité j't'assure,Et j'suis sûr qu'au Fidel' BergerN'y en a pas d'meilleure à manger : L'un de ces jours, ma cher' poupée,J't'en enverrai un' pt'tit' potée. ; LA POISSARDE. De ton cadeau je n'puis m'fâcher ;Mais avant, faudra m'la mâcher. POLICHINELLE. Pas si bête ! v'là z'un' bonn' réplique,Je n'dis pas mieux, moi qui m'en pique,Mais facil'ment tu goberas ça, N'y a pas d'arrêt' dans c'poisson-là.Pour toi queu jouissanc', queu joie !Ton gosier prêt' comme un bas d'soie !Tout' tes ouvertur', la maman,Sont mod'lées sur un four à ban, Adieu, volaille, adieu, patache ;Va donc te faire mettre un attacheChez l'racomodeux d'pot cassé,On m'a dit que dimanch' passéOn fit brèche à ton embrasure. Adieu, schabraque, adieu, masure ;Tu vois que pour le Carnaval,J'te fournis un joli régal. LA CUISINIÈRE ET LA FRUITIÈRE. LA CUISINIÈRE. J'voudrais avoir des champignons,Des épinards, un' bott' d'ognons, Du persil, de la chicorée,Qu'elle soit blanche et bien frisée. LA FRUITIÈRE. J'allons voir tout d'suit' l'honneurDe vous servir, mon petit coeur,Mais dit' moi donc mamzell' Fanchette, Chaque jour vous devenez plus drôlette ;J'vous trouv' comm' ça, en vérité. LA CUISINIÈRE. Vous me donneriez d'la vanité,Mais je me connais. En conséquence,,Vous allez dir' combien j'vous dois ; J'vous acorde la préférence, Et d'après cela, je le crois,Vous allez m'traiter en pratique.J'achalande votre boutique,Ça s'mont', voyons. LA FRUITIÈRE. À trent' quat' sous. LA CUISINIÈRE. Allons, donc, vous moquez-vous d'nous ?J'n'en donn'rai que vingt. LA FRUITIÈRE. Êtes-vous folle ?Vous vous imaginez que j'vole.Quand j'vais au marché chaqu' matin. LA CUISINIÈRE. Je n'vous dis pas ça, mais enfin... LA FRUITIÈRE. Enfin comme en gros ; mademoiselle,J' n'avons pas besoin d'un' chandellePour découvrir qu'à noire honneurVous fait' z'un tort... LA CUISINIÈRE. Ah ! Quel malheur !Prenez garde de blesser Madame. Comme ell' le prend sur un haut ton. LA FRUITIÈRE. J' vous 1' dis tout net, mamzell' FanchonDans not'état j'avons de l'âmeMalgré les méchants, les envieux,On n' m' fera pas baisser les yeux. LA CUISINIÈRE. Ni moi non plus. LA FRUITIÈRE. C'est autre chose. LA CUISINIÈRE. Quoiqu' ell' dit donc ?... LA FRUITIÈRE. Sur vous on glose. LA CUISINIÈRE. Ah ! Vot' chapitre est assez long ; Mais on sait qu'vous n'manquez pas d'front,Et vot' mari, c'te bonne grosse bête, En a joliment sur la tête. LA FRUITIÈRE. J'vas te rabattre le caquet,Et l'défiler mon chapelet. LA CUISINIÈRE. Tu peux parler, va, je m'en moque, J'te fournirai le réciproque. LA FRUITIÈRE. Voyez un peu, mamzell' Souillon,Qui prend chaqu'jour 1' premier bouillon,Qui fait son beurr' sur c' quelle achète.C' n'est pas pour briller en toiletteQu'ell' fait danser l'ans' du panier, Mais c'est pour un beau guernadier.Ah ! Le luron fait ses bamboches :Et Fanchon lui garnit ses pochesEt 1' gousset : enfin son amantEst 1' plus calé du régiment. Et sans respect pour sa maîtresse,L' bourgeois l'y fricass' la tendresse.J' savons ben, soit dit entre nous,Qu' tu lui fais aussi les yeux doux,Mais c'est pour mieux jouer d' la grippe. L' meilleur morceau c'est toi qui 1'frippe :Tu n' diras pas qu' c' sont des cancans. LA CUISINIÈRE. J' m'bats l'oeil d'tout les médisants.Dès qu'on est tant soit peu jolie,On n' manqu' pas qui vous calomnie. J' plum' la poul' sans la fair' crier,Au reste, chacun son métier.Pour toi ; si t'es un' gross' fruitière,On sait bien de quelle manièreTu t'engraiss', mignonne, à quel jeu. On connaît milord Pot-au-Feu,Celui qui vient à la sourdineS'chauffer le soir dans là cuisine,Quand ton mari fait des fagots.Y glisse en tapinois queuqu'mots Et puis tu grimp' dans ta soupente.Je m'tais parc'qu'je n'suis pas méchante.D'ailleurs, si j'avons un amant,C'est permis ; n'y a pas d'sacrementQui s'oppose à c'q'une fille s'amuse ; De ce qu'on a faut bien qu'on use ;Ce plaisir n'est pas défendu,Mais faut y joindre un peu d'vertu.Si j'me marie, comme j'l'espère,Va, mes enfants n'auront qu'un père, Au lieu qu'les tiens, l'fait est certain,Ressembl' à l'habit d'Arlequin. LA FRUITIÈRE. Tu me l'paieras : à ta bourgeoiseJ'vais aujourd'hui fair' la leçon. Tu m'baille un' fèv', t'es t'un' sournoise, De mes pois j'te garde un litron :Demain tu s'ras mise à la porte.Je veux que le diable m'emporteSi je n'te vois pas dans huit joursAvoir en gage tous tes atours, Et faire chit-chit au coin d'un' borne ;Allons, sors d'ici, maritorne. À UN PIERROT. LE LOCUTEUR. Hé, Pierrot les grosboutons, pitre de tireur de cartes, amasseur de badauds, faiseur de dupes à la journée ; qui donc que ton maître a dévalisé pour te fournir de quoi rouler en sapin. Je gage qu'c'est encore un tour de ton métier ; c'est pour attraper le public et pour faciliter les moyens d'travailler à tes escrocs associés ; car si comme eux tu ne changes pas d'déguisements, c'est que t'as aux poignets les marques de certains bracelets qui t'force' à porter des manches aussi longues. Avec ta mine pâle et blême, t'as l'air d'un oiseau de carême : tu t'mets du blanc d'Espagne sur la figure pour te rendre méconnaissable à ceux qui t'ont vu sur le théâtre de la Cité. Mais l'as beau faire, tu n'échapperas pas au sort qui t'attend, mauvais chenapan, et tu finiras ta chienne de vie autre part que dans ton ch'nil. À UN ARLEQUIN. LE LOCUTEUR. Dis donc ; valet d'tout' les couleurs,Que fais-tu avec ces engueuleurs,Toi qui toujours as la gueul' morte, Qu'es toujours prêt à prendre la porte,Et qui, à tout ce qu'on te dit,N'répond que par sangodémi ;Chevalier de la triste figure,Tu as là une drôle d'armure, Car d'après ce que j'aperçois,Tu as Une latte de pliant bois.Je crois que pour mieux te coiffer,T'as pris un' machine à filtrer,Ton habit qui n'est pas nouveau N'est que de pièces et de morceaux ;Pavoisé comm' navire en rade,Tu n'es là que pour la parade. À UNE MÈRE ANGOT. LE LOCUTEUR. Tenez ; r'gardez donc c'te mère Angot, c'est comme une vache avec ses veaux, en tourée de maquereaux et de poupées, d'ordure c'est un vrai trophée, de tous les enfants qu'elle a pondus, eh ben ! Pas un n'a atteint son but, et après avoir fait les cent coups, elle vole maintenant les hommes saouls. Jadis elle fut assez gentille, aujourd'hui ce n'est qu'une guenille, et malgré les habits antiques qui couvrent c'te vieille bique, je gagerions qu'un chiffonnier ne voudrait pas d'elle dans son panier. À UN SAVOYARD. LE LOCUTEUR. Parle donc, hai ! Savoyard, ces jours-ci sont-ils faits pour se promener ? Queu métier qu'tu fais donc maint'nant, on n'te voit plus sous les piliers ; tu quittes l'éventaire pour prendre le râcloir, et de marchande sans honneur tu l'as fait ramoneur. Sous ce déguisement, t'as pt'êt' plus de chalands. Comme les cordonniers de campagne tu chausses les hommes et les femmes ; des boxons d'la Cité tu ramones toutes les cheminées, et d'la suie qui en provient tu l'avales tous les matins. C'est-y cette, ample recette qui le rend joliette, ou ben tout' c'te peinture que tu as sur la figure. Aussi pour fair' tomber c'biau teint, il ne faut pas et ben malin, car c'te beauté n'a pas de bail, et, au moyen d'une gousse d'ail on verra ta vilaine face, et chacun f'ra la grimace ; alors tout l'monde reconnaîtra c'te donneuse de nouvell' à la main, qui a tué plus d'hommes pendant l'hiver, que tout' les g'lées n'ont détruit de ver. Va t'cacher, commode à tout usage, amusement d'enfants de tout âge, pilier de Paul Niquet, vas-t'en pie sans caquet. ==================================================