1 | MADAME BEAU SOLEIL |
Les eaux dormantes ne font pas les plus saines, et la vertu se trouve pour le moins aussi souvent dans un esprit libre, que parmi ces âmes retenues, qu'on a droit de soupçonner d'hypocrisie, mais c'est une erreur où tombe presque tout le monde, pour ce qui regarde les femmes de notre profession, car ils pensent que la farce est l'image de notre vie, et que nous ne faisons que représenter ce que nous pratiquons en effet, ils croient que la femme d'un de vous autres, l'est indubitablement de toute la troupe ; et s'imaginant que nous sommes un bien commun, comme le Soleil ou les Éléments, il ne s'en trouve pas un, qui ne crois avoir droit de nous faire souffrir l'importunité de ses demandes, et certes c'est bien de là que procède la plus fâcheuse chose, qui s'éprouve à notre condition : car comme nos chambres tiennent des temples, en ce quelles sont ouvertes à chacun, pour un honnête homme qui nous y visite, il nous faut endurer les impertinences, de mille qui ne le sont pas, l'un viendra branler les jambes toute une après-dînée sur un coffre sans dire mot, seulement pour nous montrer qu'il a des moustaches, et qu'il les sait relever, l'autre un peu moins rêveur que celui-ci, mais non pas plus habile homme, fera toute sa conversation de bagatelles, aussi peu considérables que son esprit : et tranchant de l'officieux, il voudra placer une mouche sur la gorge, mais c'est à dessein d'y toucher : il voudra tenir le miroir, attacher un noeud, mettre de la poudre aux cheveux, et prenant sujet de parler de toutes ces choses, il le fait avec des pointes aussi nouvelles, et aussi peu communes que la Guimbarde, ou Lanturlu. |
Acte 2, sc. 3, MADAME BEAU SOLEIL, phrase 1 |