LA VEUVE INDÉCISE

OPÉRA COMIQUE

PARODIE DE LA VEUVE COQUETTE.

1758.

PAR M. VADÉ.

Représenté pour la première fois sur le théâtre de l'Opéra Comique, le 24 Septembre 1759.


publié par Paul FIEVRE décembre 2014, revu décembre 2017.

© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:12:52.



ACTEURS

ALISON, Veuve.

SUSON, sa Cousine.

MATHURIN, amoureux d'Alison.

COLIN, amoureux d'Alison.


ACTE UNIQUE

SCÈNE PREMIÈRE.

ALISON.

ARIETTE.

D'un triste veuvage

Je voudrais sortir :

On peut, à mon âge,

Recevoir l'hommage

5   Qu'offre le plaisir.

Colin en partage

Prétend m'obtenir ;

Mathurin fait rage,

Et veut mettre ombrage

10   À son désir

D'un dur esclavage

L'Amour dédommage.

Qui des deux choisir ?

Mais je présage

15   Que le repentir

Pourrait venir.

Allons à ce sujet consulter ma cousine, et profitons de ses conseils.

Elle sort.

SCÈNE II.
Mathurin, Colin.

MATHURIN.

Oui, te dis je ; son penchant pour moi la détermine.

COLIN.

Oh ! Je suis sûr que c'est moi qu'elle va couronner.

DUO.

MATHURIN.

N'y prétends pas.

De ma richesse

Elle fait cas

20   N'y prétends pas.

De ma richesse

Elle fait cas.

Tiens, crois-moi, cesse

Ces vains débats ;

25   N'y prétends pas.

COLIN.

N'y prétends pas ;

Car ma tendresse

Vaut tes ducats.

N'y prétends pas ;

30   Car ma tendresse

Vaut tes ducats.  [ 1 Ducat : Monnaie d'or et d'argent qui est battue dans les terres d'un duc, et qui vaut environ un écu en argent, et deux étant d'or. [F]]

Je veux sans cesse

Suivre ses pas;

N'y prétends pas.

MATHURIN.

Mais quel droit as-tu pour y prétendre ?

COLIN.

Eh ! Quel droit as-tu, toi, de me la contester ?

MATHURIN.

Moi ? J'étais l'ami du défunt ; elle m'aimait aussi dès ce temps-là : ainsi j'ai pour moi l'ancienneté.

COLIN.

Oh ! Moi, c'est depuis son veuvage qu'elle m'aime ; ainsi j'ai pour moi la nouveauté.

MATHURIN.

Arrange-toi comme tu voudras, mais je n'en démordrai pas.

COLIN.

Ni moi non plus.

MATHURIN.

Eh ! Mais ! Tu veux donc te faire frotter ?

COLIN.

Par qui ?

MATHURIN.

Par moi.

DUO.

MATHURIN.

35   Ah ! voyons donc ;

C'est tout de bon :

Pauvre garçon !

Tais-toi, poltron.

Commence donc :

40   C'est tout de bon.

Pauvre garçon!

Tais toi, poltron,

Poltron, poltron.

COLIN.

Tu le veux donc ?

45   Oui, tout de bon :

Pauvre garçon !

Tais-toi, poltron.

Commence donc :

Oui, tout de bon.

50   Tais-toi, poltron ;

Tais-toi, poltron,

Poltron, poltron.

SCÈNE III.
Alison, Suson, Mathurin, Colin.

SUSON, accourant.

Pourquoi donc tout ce bruit ?

ALISON.

Pourquoi donc tout ce vacarme ?

MATHURIN.

C'est lui qui veut me disputer ton coeur.

COLIN.

C'est lui qui prétend l'emporter sur moi.

ALISON.

Mais vraiment cela me fait honneur.

MATHURIN.

C'est votre faute aussi.

ALISON.

Pourquoi donc ?

COLIN.

Sans doute, depuis six mois que vous nous bercez d'espérance.

SUSON.

Ils ont raison ; pourquoi ne pas se déterminer ?

ALISON.

Cela t'est bien aisé à dire ; mais je considère bien des choses.

SUSON.

Quoi ?

ALISON.

Ce n'est pas un marché d'un jour ; j'ai le bonheur d'être veuve : si j'étais sûre de l'être une seconde fois, je n'y regarderais pas de si près.

SUSON.

Tu plaisantes, mais il faut une fin.

MATHURIN.

Sans doute il faut une fin.

COLIN.

Eh ! Faut-il tant barguigner ? Dites-nous vos sentiments une bonne fois.   [ 2 Barguigner : se dit figurément en choses spirituelles des irrésolutions d'esprit, quand un homme a du mal à se résoudre, à donner quelque parole, à conclure une affaire, à se défaire de quelque engagement. [F]]

ALISON.

ARIETTE en Dialogue.

Te vais faire un heureux.

SUSON.

Lequel des deux....

MATHURIN et COLIN.

55   Aimes tu mieux ?

COLIN.

Que mon ardeur

Touche ton coeur.

MATHURIN.

À mon amour

Cède en ce jour.

ALISON.

60   Je vais choisir.

MATHURIN.

Ah ! Je le crois,

Ce sera moi ?

COLIN.

Ce sera moi ;

J'aurai sa foi.

65   Décide-toi,

Décide-toi.

ALISON.

Mais !

COLIN.

Quoi !

ALISON.

Mais !

MATHURIN.

Quoi !

SUSON.

Décide-toi.

ALISON.

70   Oh ! Non, ma foi.

COLIN.

Ce sera moi,

J'aurai sa foi.

MATHURIN.

Oh ! Je le crois,

Ce sera moi ?

MATHURIN et COLIN.

75   Décide-toi.

ALISON.

Oh ! non, ma foi.

MATHURIN.

Il n'y a qu'un mot qui serve. Voyons.

COLIN.

Que de façons ! Parlez.

ALISON.

Oh ! Plus vous me pressez, moins je pourrai me décider. Donnez-moi du moins le temps de réfléchir.

À Mathurin.

ARIETTE.

Votre caractère

Est vif et sincère

Votre amour constant

80   Mérite assurément

Que l'on vous préfère

À tout autre Amant.

MATHURIN.

Quel aveu charmant!

COLIN.

Ah ! Dieux, Quel tourment!

ALISON, à Colin.

85   Ta flamme m'est chère ;

Chut ! C'est un mystère :

Ton amour constant

Mérite assurément,

Que l'on te préfère

90   À tout autre amant.

COLIN.

Quel retour charmant !

MATHURIN.

Ô Dieux ! Quel tourment !

ALISON.

Que pour me plaire

Chacun persévère :

95   Peut être un bon moment

Finira le mystère.

Un coeur qui diffère

Agit prudemment.

MATHURIN.

Ingrate ! Sur un tel caprice je vais réfléchir à mon tour.

Il sort.

SCENE IV.
Suson, Alison, Colin.

SUSON.

Quoi ! Toujours balancer !

COLIN.

Jarni, pourquoi faut-il que je sois amoureux ?

ALISON.

Suson, conseille moi.

COLIN.

Que voulez-vous qu'elle vous dise ? C'est votre coeur qui doit vous conseiller.

SUSON.

C'est bien dit. Que ne prends-tu Colin !

ALISON.

J'aurais bien aimé Mathurin, mais, non ; il me semble que tu as raison : Colin est mieux mon fait. Va je te prends.

COLIN.

Que je suis satisfait ! Oh ! Tatigoi, vous ne vous repentirez pas de la préférence que vous me donnez.

ARIETTE.

Oui, c'est un parti sage :

100   Alison sait choisir ;

Car je puis en ménage

Remplir tout son désir.

Je suis homme à l'épreuve,

Un vrai mari de veuve.

105   Demandez au Canton

Si je suis bon luron,

Si je suis franc garçon ;

On ne vous dira pas, non :

Car je puis en ménage

110   Remplir tout son désir.

Déjà mon coeur nage

Dans le plaisir

Je suis homme à l'épreuve,

Un vrai mari de veuve.

115   Demandez au canton

Si je suis bon luron,

Si je suis franc garçon ;

On ne vous dira pas, non ;

Et tous à l'unisson

120   Vous diront : Colin est bon,

Bon, bon, bon, bon.

ALISON.

Suson, ai-je bien fait ?

SUSON.

Oui, j'approuve ton choix ?

ALISON.

Mathurin va faire le diable. Il est riche et puissant dans le village. Il peut nous nuire, et je crains...

COLIN.

Ne craignez rien. Je vais l'observer.

Il sort.

SCÈNE V.
Suson, Alison.

ALISON, rêvant.

Oui, oui, je serais mieux...

SUSON.

À quoi rêves tu ?

ALISON.

C'est que...

SUSON.

Eh ! Bien ?

ALISON.

C'est que... Tiens, il faut te le dire, Colin ne m'aura pas.

SUSON.

Bon ! Autre caprice ! Et tu viens de le lui promettre.

ALISON.

C'est vrai ; mais j'ai eu tort.

SUSON.

Que peux-tu lui reprocher. Il est jeune, il t'aime....

ALISON.

Mais il n'a rien.

SUSON.

ARIETTE.

Dans le Mariage

À quoi sert le bien ?

L'Epoux qui n'a rien

125   Est beaucoup plus sage,

Est bien moins volage.

L'époux qui n'a rien

Jamais ne partage.

Un tendre langage,

130   C'est de tout ménage

Le plus doux lien.

Toujours empressé.

Jamais courroucé,

Le mari demande ;

135   La femme commande,

Et voit les plaisirs

Prévenir ses désirs.

ALISON.

Tu as beau dire, je crois pourtant que Mathurin ferait mieux mon affaire.

SUSON.

Quel esprit indécis !

ALISON.

Dis-lui que je veux lui parler.

SUSON.

J'y cours de ce pas.

Elle sort.

SCÈNE VI.

ALISON seule.

ARIETTE.

Il est convenable

Qu'une femme raisonnable,

140   Quand il s'agit d'un choix,

Regarde à deux fois.

Colin est aimable,

Je m'en aperçois ;

Mais Mathurin est agréable

145   Hélas ! Pour chacun !

Mon coeur est sensible.

Des deux que n'est-il possible

De n'en faire qu'un ?

Colin gémira;

150   Mais enfin n'importe:

Mathurin l'emporte,

Il m'épousera.

SCENE VII.
Mathurin, Alison.

MATHURIN.

Suson vient de me dire que vous vouliez me parler.

ALISON.

Oui, cela est vrai.

MATHURIN.

Et est-il vrai encore ce qu'elle m'a dit ?

ALISON.

Quoi ?

MATHURIN.

Que vous aviez, enfin, rendu justice à mon amour.

ALISON.

Oui, cela est vrai.

MATHURIN.

Ah ! Si tu savais à quel point ma flamme...

ALISON.

Elle est entre nous mutuelle.

MATHURIN.

ARIETTE.

Chère Alison, Mon coeur gémissait.

Palpitait

155   Dans le doute :

Mais le plaisir devient bien plus flatteur

Par les peines qu'il coûte.

Ah ! Combien ce soir,

Je vais en avoir

160   À te posséder toute !

Je t'embrasserai,

Te dorloterai ;

Je te conterai,

Je t'endormirai,

165   Je te bercerai,

Te réveillerai,

Puis je te dirai,

Tout ce qui te flatte :

Ton oeil guilleret,

170   Dont le feu me plaît,

Autant m'en dira:

Tout pour moi sera.

Récitatif obligé.

Je vais tout disposer pour notre Mariage.

ALISON.

Ne tarde pas.

MATHURIN.

Je reviendrai bientôt.

175   Souffre que sur ta main mon amour prenne un gage,

ALISON.

Volontiers.

MATHURIN.

Mon rival sera ma foi bien sot.

Il sort.

SCÈNE VIII.
Suson, Alison.

SUSON.

Eh ! Bien, cousine, es-tu contente ?

ALISON.

Oui.

SUSON.

Ton choix est donc fait ?

ALISON.

Oui.

SUSON.

Quel effort ! Et c'est sans retour ?

ALISON.

Oui, oui, ne crains rien.

SUSON.

Au bout du compte, tu as fort bien fait.

ARIETTE.

Eh ! pourquoi tant attendre,

S'il faut passer par là ?

Le soin de se défendre

180   Ne sert pas de cela.

C'est un meuble nécessaire

Que d'avoir un époux.

Au hasard pourvoyons-nous,

Le choix n'avance guère.

185   Volages et jaloux,

Ils se ressemblent tous.

Il nous faut au village

Un mari jeune et dodu.

À cela près, femme sage

190   Prend le premier venu.

Cousine, allons de la gaieté, pense à ton hymen.

ALISON.

Je n'y pense que trop.

SUSON.

Comment !

ALISON.

Je ne sais... mais...

SUSON.

Tu ne voudrais pas te dédire, peut-être?

ALISON.

Pourquoi non ?

SUSON.

Mais, tu deviens donc folle ?

ALISON.

Il y va de ma liberté.

SUSON.

Tout comme il vous plaira. Je ne vous conçois plus.

ALISON.

Qu'est-ce que cela te fait ? Tu peux t'engager, si tu veux.

SUSON.

Mais enfin, pour qui penches-tu ?

ALISON.

Je suis encore indécise. Mathurin m'aime, il est vrai. Il est riche, j'en conviens ; mais il est si délicat... Un mari comme celui-là ne durerait pas six mois.

SUSON.

C'est donc pourquoi il faut s'en tenir à Colin.

ALISON.

Mais je te l'ai dit, il n'a pas de bien.

SUSON.

Si ces deux-là ne te conviennent pas, cherches en un troisième.

ALISON.

Ne pense pas rire, chacun d'eux n'a que la moitié des qualités que je voudrais trouver dans un mari, et c'est ce qui cause mon embarras.

SUSON.

Il faut te décider. J'attends que tu aies fait ton choix pour faire le mien, et je m'en ennuie à la fin.

ALISON.

En ce cas, choisis toi-même qui tu voudras ; car je ne veux plus ni de l'un ni de l'autre.

Elle sort.

SCÈNE IX.

SUSON, seule.

ARIETTE.

Un aveu mérité

Pénètre, enchante,

Quand il est dicté

Par la sincérité.

195   La grâce touchante

De l'ingénuité,

Toujours augmente

La beauté ;

Mais la plus charmante

200   Qui suit la pente

De l'inégalité,

N'est jamais contente;

Une flamme inconstante

Sans cesse épouvante

205   La volupté.

SCÈNE X.
Suson, Mathurin, Colin.

MATHURIN, à Colin.

Je te fais compliment.

COLIN, à Mathurin.

Oh ! Je te félicite.

SUSON, à part.

C'est bon ; chacun de son côté s'imagine avoir réussi.

MATHURIN.

On se rend à tes voeux.

COLIN.

Point du tout ; c'est à ton mérite.

MATHURIN, à part.

Il pense l'épouser.

COLIN.

Il croit l'emporter sur moi. Parbleu ! Je veux m'en divertir.

MATHURIN.

Je ne puis m'empêcher de rire.

SUSON.

Oui, oui, le chose est fort plaisante.

DUO.

MATHURIN.

On la lui garde,

Ah ! Ah ! Ah ! Ah !

Ce minois là.  [ 3 Minois : Terme burlesque, qui signifie la mine, le visage de quelqu'un. [F]]

L'épousera

210   Tiens, tiens, regarde

Vois-tu cela ?

On t'en ratissera.

COLIN.

C'est lui qui l'aura.

Ah ! Ah ! Ah ! Ah !

215   Ce bijou-là

L'emportera.

Tiens, tiens, regarde

Vois-tu cela ?

On t'en ratissera.

MATHURIN.

Tiens, vois-tu : si Alison ne prononce pas en ma faveur, je perds cent écus.

COLIN.

J'y consens.

SUSON.

Hé bien ! Ils sont perdus.

MATHURIN.

Pourquoi donc ?

SUSON.

C'est qu'à vous deux ma cousine renonce.

DUO.

MATHURIN.

220   Ah ! La diablesse !

Pauvre Colin !

Notre tendresse

A même sort,

Et la tigresse

225   Nous met d'accord.

Elle a tort.

COLIN.

Ah ! La tigresse !

Pauvre Mathurin !

Notre tendresse

230   A même sort,

Et la tigresse

Nous met d'accord.

Très tort.

MATHURIN.

Morgué, v'là qu'est fini, je n'y pense plus.

SUSON.

Eh ! Bien, tiens, si tu veux.....

MATHURIN.

Si je veux... Oh ! Si tu veux toi-même : je ne demande pas mieux ; accepte ma main.

SUSON.

Ma cousine fait une sottise ; je me garderai bien de l'imiter.

COLIN.

Vous avez raison.

À part.

Bon ! Mon rival me laisse le champ libre ; quand je serai tout seul, il faudra bien qu'Alison me choisisse.

Haut.

Mais la voici.

SCÈNE XI.
Ssuson, Alison, Colin, Mathurin.

SUSON.

Alison, viens donc vite.

ALISON.

Pourquoi faut-il doubler le pas ?

SUSON.

Mathurin.

ALISON.

Mathurin.

COLIN.

Épouse ta cousine.

ALISON.

Bon ! Quel conte !

MATHURIN.

Eh ! Non, non, ce n'est point un conte.

ALISON.

Plaît-il ?

SUSON.

C'est en honneur.

ALISON.

Ô Dieux !

ARIETTE.

Quelle insolence !

235   Quelle impudence !

Ah ! Peut-on voir

Un trait plus noir.

Tous trois d'intelligence

Tramer mon désespoir !

240   Au mois d'avance

Il fallait savoir

Que votre inconstance

Romprait l'alliance

Qu'on me faisait prévoir.

SUSON.

Dame, arrange-toi donc. Tu le veux, puis tu ne le veux plus. Après cela tu le regrettes ; on n'a jamais vu d'esprit comme le tien.

ALISON.

Taisez-vous.

SUSON.

La chose n'est pas faite ; si tu veux, je te céderai mes droits.

MATHURIN, à Suson.

Mais qu'est-ce que vous faites donc, vous, à votre tour ?

COLIN.

Pourquoi donc cela ? Vous êtes si bien ensemble ; et pargué, tenez vous y.

SUSON, bas à Mathurin.

Ne crains rien ; c'est pour l'amener où nous voulons.

Haut à Alison.

Eh bien ! Le coeur t'en dit-il ?

COLIN.

Fi donc, encore une fois.

SUSON.

Moi, je prendrai Colin.

ALISON.

Oui-dà.

ARIETTE.

245   Non pas, ma mie,

Gardez vos noeuds ;

Celui qui vous lie

Flatte trop vos voeux :

Je suis ravie

250   Qu'un tel amoureux

Enfin justifie

L'excès de vos feux.

Mais moi, je veux

N'aimer de ma vie;

255   J'en jouirai mieux.

Je suis ravie

Qu'un tel amoureux

Enfin justifie

L'excès de vos feux.

COLIN.

Vous avez raison ; aussi bien quand vous le voudriez, je ne le voudrais plus.

ALISON.

Toi ?

COLIN.

Non, et je vais de ce pas trouver Claudine.

ALISON.

Tu l'aimes donc ?

COLIN.

Oh ! Que cela ne vous inquiète pas.

ALISON.

Perfide.

COLIN.

À la bonne heure ; mais j'ai pris mon parti.

ALISON.

Écoute moi donc.

COLIN.

Non.

ALISON.

Colin ?

COLIN.

Adieu.

ALISON.

Viens donc, j'ai quelque chose à te dire.

COLIN.

Qu'est-ce que c'est ?

ALISON, lui tendant le main.

Touche-là, je te donne la préférence.

COLIN.

Je crois bien, parce que je suis tout seul.

ALISON.

Non, c'est parce que je t'aime.

COLIN.

Est-il bien vrai ?

ALISON.

Oui.

COLIN.

Puis-je compter sur toi ?

ALISON.

J'en fais serment.

MATHURIN, à Colin.

Si tu lui donnes encore le temps de la réflexion, elle pourrait bine se dédire. Jarni ! Prends-là au mot.   [ 4 Jarni : ou Jarnidieu. Sorte de jurement. Les paysans de la comédie disent jarnigoi, jarnigué, jarniguienne, jerniguienne. Corruption de je renie Dieu. [L]]

COLIN.

Tu as raison.

À Alison.

Eh bien ! C'est fait ; allons vite chez le notaire.

MATHURIN.

Ne faisons qu'une seule noce pour nous quatre, et vive le joie.

QUATUOR.

260   Tu m'obtiens,

Je t'obtiens.

Mes plaisirs sont les tiens :

Plus d'alarmes ;

Tous les biens,

265   Tous les charmes,

Sont dans nos liens.

VAUDEVILLE.

Ce Vaudeville est de M. NAU.

ENSEMBLE.

Air : La raison propose.

Une fille à dix-huit ans

A de la prudence,

Sur le choix de ses amants

270   Quand elle balance.

Lorsqu'elle est sur le retour,

Et qu'on lui parle d'amour,

C'est une sottise

Que d'être indécise.

275   Pour l'hymen faut-il quitter

Un amant sincère.

Ce n'est pas sans hésiter

Sur ce qu'on va faire.

Mais si chez notre vainqueur

280   Nous voyons quelque froideur,

C'est une sottise

Que d'être indécise.

Si quelque riche barbon  [ 5 Barbon : vieillard qui est revenu de tous les plaisirs de la jeunesse, qui les condamne et qui les empêche autant qu'il peut. [F]]

Près de nous soupire,

285   Ne répondons oui ni non

À ce qu'il désire.

Mais si, par un bon contrat

Il nous assure un état,

C'est une sottise

290   Que d'être indécise.

Lorsqu'une Belle, en aimant,

Cherche le mystère ;

Qu'elle veut secrètement

Voguer à Cythère,

295   Entre nos petits collets  [ 6 Petit collet : Le petit collet, la profession ecclésiastique. En mauvaise part, celui qui affectait de porter un petit collet et de se donner des manières dévotes. [L]]

Et tous ces fringants plumets,  [ 7 Plumet : Un jeune militaire. [L]]

C'est une sottise

Que d'être indécise.

COLIN, à Alison.

Balancez à m'épouser,

300   J'y consens, ma chère,

Si moudre, bluter, sasser  [ 9 Bluter : Séparer la farine d'avec le son en la passant par un bluteau. [F]]  [ 8 Sasser : Passer le sas, par le tamis. Sasser de la farine, sasser du plâtre. [F]]

Vous pouvez tout faire ;

Mais puisque votre moulin

Ne peut aller sans Colin,

305   C'est une sottise

Que d'être indécise.

AU PARTERRE.

Voici le moment, Messieurs,

D'une épreuve rude.

Pour l'auteur et les acteurs

310   Quelle incertitude !

Par un geste de la main

Décidez notre destin.

Frappez la reprise

De la Veuve Indécise.

 



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Notes

[1] Ducat : Monnaie d'or et d'argent qui est battue dans les terres d'un duc, et qui vaut environ un écu en argent, et deux étant d'or. [F]

[2] Barguigner : se dit figurément en choses spirituelles des irrésolutions d'esprit, quand un homme a du mal à se résoudre, à donner quelque parole, à conclure une affaire, à se défaire de quelque engagement. [F]

[3] Minois : Terme burlesque, qui signifie la mine, le visage de quelqu'un. [F]

[4] Jarni : ou Jarnidieu. Sorte de jurement. Les paysans de la comédie disent jarnigoi, jarnigué, jarniguienne, jerniguienne. Corruption de je renie Dieu. [L]

[5] Barbon : vieillard qui est revenu de tous les plaisirs de la jeunesse, qui les condamne et qui les empêche autant qu'il peut. [F]

[6] Petit collet : Le petit collet, la profession ecclésiastique. En mauvaise part, celui qui affectait de porter un petit collet et de se donner des manières dévotes. [L]

[7] Plumet : Un jeune militaire. [L]

[8] Sasser : Passer le sas, par le tamis. Sasser de la farine, sasser du plâtre. [F]

[9] Bluter : Séparer la farine d'avec le son en la passant par un bluteau. [F]

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