OH !... LES PARENTS !

MONOLOGUE

DIT PAR COQUELIN CADET, de la Comédie Française

Prix : 1 franc

1890. Droits de reproduction et de traduction réservés.

Jean GASCOGNE

PARIS, LIBRAIRIE THÉÂTRALE, L. MICHAUD, Éditeur 14, rue de Grammond, 14.

12410 .- Imprimerie Régionale. Dijon.


Texte établi par Paul FIEVRE, septembre 2017.

Publié par Paul FIEVRE, octobre 2017.

© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2025 à 16:00:42.


PERSONNAGES

UN JEUNE HOMME.


OH ! LES PARENTS !

À la cantonnade.

Bonjour, Madame ; Bonjour, Monsieur.

Cri d'un enfant.

Bonjour, mon petit ami.

Entrant en scène.

Allez au diable ! Oh ! Les parents !... Et les enfants ! Mais les parents surtout !...

S'interrompant pour regarder son vêtement.

Ce vêtement est perdu... jamais, je ne le remettrai... surtout après ce qui s'y est passé... Aimez-vous les parents... les parents qui ont des enfants... de petits-enfants et qui les montrent, et qui les font parler... et qui les admirent... Moi je ne peux pas les souffrir... C'est un fait exprès, d'ailleurs... toute ma vie j'ai été la proie des parents et la victime des bébés... et tenez, tout à l'heure précisément

Montrant son vêtement.

j'ai voulu être poli avec des parents... J'en ai pris un sur les bras... pas un parent... un enfant... deux minutes après, mon vêtement avait vécu ? et il est neuf... C'est toujours comme ça. -

Une pause.

Ce qu'il y a de pire : ce sont les parents qui ont des enfants intelligents, et notez que tous les parents que je connais ont des enfants intelligents. Sans les parents on ne s'en apercevrait pas, mais ils les obligent à déployer leur intelligence, et si vous saviez comme c'est amusant les enfants qui déploient leur intelligence !

Ainsi, tenez les Camoulard... Connaissez-vous les Camoulard... Ce sont des gens qui n'ont rien d'extraordinaire... Camoulard n'est pas si vous voulez... mais enfin il n'est pas non plus... et sa femme est comme lui... enfin ils sont comme tout le monde... ils étaient du moins, car depuis qu'ils ont eu six enfants ils sont devenus insupportables. Peut-on avoir six enfants ! C'est ridicule ! Avec ça un loyer qui leur coûte les yeux de la tête... D'ailleurs ils seront obligés de déménager parce que tous les ans... Crac, ils en ont un autre... Alors vous voyez ça, dans six ans... la douzaine. Douze enfants ! C'est insensé ! Eh bien ce qu'il y a de terrible, c'est que les six enfants sont intelligents, même celui qui est à la nourrice... de petits prodiges... et alors quand Camoulard a du monde chez lui, il déploie leur intelligence. J'en sais quelque chose allez. L'autre soir j'étais chez eux et ce que j'ai été rasé par ces chérubins !

Figurez-vous que Camoulard passe son temps à leur apprendre à contrefaire sa famille. En voilà une éducation !

Contrefaisant Camoulard.

- Et comment fait grand-papa ?

Il imite un enfant qui contrefait un vieillard qui tousse.

Et comment fait bonne maman ? Et l'oncle Adolphe comment fait-il ? Comment fait-il, voyons, l'oncle Adolphe ? Allons tu l'as si bien fait l'autre jour. Tu ne veux pas... C'est inutile alors, quand il ne veut pas, il ne veut pas ; il est impossible de l'en faire démordre. Oh ! C'est qu'il a sa petite volonté !

Alors on appelle le cadet. Celui-là a la spécialité des cris d'animaux !

6 Comment fait le canard ?

L'auteur imite ou n'imite pas le cri des animaux.

Et le chien ? Et le chat ? Et le boeuf comment fait le boeuf ? Et le coq ?

Toute la basse-cour y passa... On ne me fit même pas grâce du... Oui... en voilà un qui saura parler toutes les langues.

Naturellement Camoulard était transporté.

Il voulut absolument que le troisième récitât une fable.

Ah ! La fable !... Autre supplice !...

Revenant à son vêtement.

Sapristi, que c'est donc ennuyeux... et moi qui comptais justement aller faire des visites aujourd'hui... Enfin peut-être qu'avec de la benzine...

Vous, aimez-vous les enfants qui récitent des fables... Oh ! Moi je préfère les cris d'animaux... Ça dure moins longtemps. Ce qu'il y a de bon c'est que le petit Camoulard se faisait prier. À la fin, cependant, il s'est décidé, et a nasillé le petit chef d 'oeuvre que voici :

En se baissant et en nasillant le plus possible ; il gesticule alternativement de la main gauche et de la main droite.

LE PETIT SERIN

Un serin dans une cage

Au soleil pendant l'été,

Ennuyait de son ramage

Le locataire d'a côté ;

5   Si bien qu'un jour, avec mystère,

Ce dernier étendant la main

De la cage ouvrit la portière

Et laissa filer le serin

Avec un grand geste.

Au travers de l'espace immense.

MORALITÉ

10   Le plus serin des deux n'est pas celui qu'on pense.

Le père, la mère, l'oncle Adolphe, étaient dans l'enthousiasme.

L'oncle demanda l'histoire de Joseph vendu par ses frères. Heureusement, il l'avait oublié.

J'ai pris ma canne et mon chapeau et j'ai filé en prétextant une attaque d'influenza.

Mais tout cela n'est rien : pour bien apprécier les parents - il faut un voyage en chemin de fer, un voyage long... et autant que possible pendant la nuit.

Ainsi,vous êtes parti à dix heures du soir: Il est deux heures du matin, votre compartiment est enfin vide ! Le sommeil que vous avez vainement cherché jusqu'à présent commence à venir, vous vous étendez tranquillement sur les banquettes en vous disant avec une satisfaction intime : à cette heure-ci il ne montera plus personne.

Le train repart... Tout à coup, à une petite station en ac, en oc, en ville, ou en y (Ça dépend des contrées) vous en tendez la portière qui s'ouvre et une voix qui crie : Par ici, mon ami, il y a de la place ! Et vous voyez successivement apparaître, la femme, le mari, et un, deux, trois, quelquefois quatre enfants que les Compagnies par un raffinement de cruauté pour les voyageurs célibataires laissent voyager gratuitement.

Le train repart, vous essayez de vous rendormir... Ah ! Bien oui.

L'un des enfants commence à se promener sur vos orteils.

Le père, avec une voix qui réveillerait un sourd, s'écrie : Joseph, viens ici, tu vas réveiller Monsieur ! - Comme Joseph continue à vous marcher sur les pieds, vous faites un léger mouvement. Cet indice suffit à Joseph qui s'écrie triomphalement : Papa, il ne dort pas !

- Tais-toi ou je te fouette, s'écrie le père.

Oh ! Alors c'est un concert épouvantable ! Joseph et tous ses frères qui ont l'esprit de corps, poussent des cris de paon d'abord pour qu'on ne fouette pas Joseph, ensuite parce que Joseph a été fouetté.

Comme le père menace de fouetter toute la famille, vous vous décidez à intervenir et - c'est un comble ! - Vous demandez la grâce de ces trois chérubins qui sont cause que votre voyage vous rapportera une migraine et une courbature.

Enfin, à pied, à cheval, en voiture, en chemin de fer, je ne peux pas faire un pas, moi, sans rencontrer les enfants des autres. C'est une obsession. - Ça n'est pas une existence. Aussi je viens de prendre une résolution : Je me marie, non pas par convenance ni par raison, mais par vengeance... J'ai été assez ennuyé par les parents pour avoir le droit de les ennuyer à mon tour. Je serai parent moi aussi... et le plus possible... et tous mes enfants seront intelligents... Je les y obligerai... Ils imiteront les cris d'animaux, ils contreferont leurs oncles, ils réciteront des fables, ils diront même des monologues, et... chose extraordinaire, je trouverai ça charmant.

 



Warning: Invalid argument supplied for foreach() in /htdocs/pages/programmes/edition.php on line 606

 [PDF]  [TXT]  [XML] 

 

 Edition

 Répliques par acte

 Caractères par acte

 Présence par scène

 Caractères par acte

 Taille des scènes

 Répliques par scène

 Primo-locuteur

 

 Vocabulaire par acte

 Vocabulaire par perso.

 Long. mots par acte

 Long. mots par perso.

 

 Didascalies


Licence Creative Commons