DE L'ENTREVUE POLITIQUE

CONVERSATION

XXXVIII.

XCVIII.

AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.

À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.


© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:17.


ACTEUR.

LE MINISTRE DE FRANCE.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de sercy, 1662. pp 249-256.


DE L'ENTREVUE POLITIQUE

L'Entrevue d'un Ministre de France, et d'un Ministre d'Espagne.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Je ne suis seulement pas réjoui de voir ici la gloire de l'Espagne, je suis réjoui encore de voir en la même personne le négociateur de la Paix.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Quoique le choix que les Princes sont soit considérable, je rougis en quelque façon de la commission dont mon Roi m'a honoré ; et si je l'ai embrassée avec ardeur, ce n'a pas été moins pour former entre nous les liens de l'affection, que pour former entre nos Princes les liens de la concorde.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Comme la plupart des premiers Ministres ressemblent aux Médecins infidèles qui font durer les maux pour tirer avantage du retardement des cures, j'ai conçu une haute opinion de votre vertu, lorsque j'ai su que les dispositions à l'accommodement ont rempli votre âme de joie, et que bien éloigné d'entretenir l'aigreur de votre maître, vous avez fait tout votre possible pour porter les chofes à la douceur.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Je fuis toujours prêt de jeter les fondements d'une réconciliation inaltérable ; et pour vous montrer, Monsieur, que mon intention correspond à mes paroles, il ne tiendra qu'à vous, qu'à la seconde entrevue, la fin de notre conférence ne soit la fin de nos différents.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Considérons-nous donc par avance comme deux agents modérés, comme deux entremetteurs pacifiques, puisque nous sommes les porte-paroles de deux volontés condescendantes, et que la sincérité avec laquelle nous agirons, donnera le dernier coup de main à l'ouvrage que nous avons entrepris.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Il est temps que la Chrétienté qui est ordinairement en guerre lorsque nous ne sommes pas en paix, soit délivrée de ses oppressions ; que les Royaumes qui composent ce vaste corps, commencent à recouvrer leurs premières forces ; et que les infidèles qui se prévalent de nos dissensions, commencent à redouter nos armes.

LE MINISTRE DE FRANCE.

La France et l'Espagne, comme vous avez judicieu?ement remarqué, donnent le branle à tous les États de l'Europe, et selon que ces deux couronnes font unies ou divisées, l'Europe reçoit divers mouvements. Que si ce que je dis ne reçoit point de doute, il est important pour le bien commun des mêmes États, que l'union de la France avec l'Espagne, soit affermie par un illustre mariage ; que votre Princesse, que la Renommée représente si belle et si sage, passe de l Escurial au Louvre, et pour parler plus ouvertement, qu'elle devienne le double lien et de l'oncle et du neveu .

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Quelques considérations qui pussent s'opposer à l'union de votre Roi avec notre Infante, je me persuade que les raisons de la Politique céderaient aux tendresses du sang, et qu'enfin les conditions du mariage seraient confondues avec les articles de la Paix.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Quoi que le Roy de France soit jeune, sa conduite est grave, et il a commencé de si bonne heure à donner des marques avantageuses de sa personne, qu'on peut dire sans mentir que ses vertus ont des années.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Le Roy d'Efpagne qui l'aime tendrement, prend plaisir à entendre parler et de ses actions privées, et de ses actions publiques ; et quand Sa Majesté Catholique découvre les sentiments qu'elle a de ce grand Héros, elle ne feint point d'avouer qu'à l'âge d'un Prince naissant, il a les vertus d'un Prince conformé ; et que si ses actions futures répondent à ses actions présentes, sa gloire ternira bien des gloires.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Comme il n'appartient qu'aux grands Hommes de connaître leurs semblables, je ne suis point surpris de ce que votre maître, qui est en toutes choses un des plus grands Princes du Monde, ait des sentiments si justes de la personne de notre jeune Monarque.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Ce n'est pas sans sujet qu'il le traite de pieux, d'Homme d'État, et de grand Capitaine, la dévotion règne en ses moeurs, la prudence civile paraît en ses ordonnances, et la prudence militaire éclate en ses combats : aussi oserai-je vous dire, Monsieur, que les grands exemples sont de puissants aiguillons, et qu'il eut fallu que votre Prince eut eu des inclinations bien étranges, si ayant eu pour mère une mère incomparable, et pour premier ministre un ministre sans pareil, il se fut rendu indigne de la Couronne de Charlemagne, du sang de Saint Louis, et de la succession de ses pères.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Je ne répondrai point, Monsieur, aux éloges que votre civilité me donne, elle n'est pas trop ménagère de ses louanges j je me contenterai de vous dire que le Prince que vous avez .vanté de fort bonne grâce, est extrêmement humain, que ses pertes lui ont toujours été moins sensibles que ses progrès, qu'il a toujours accompagné de ses larmes les feux de joie de ses prospérités.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Si de mêmes causes naissent ordinairement de mêmes effets, vous ne devez pas douter, Monsieur, que Sa Majesté Catholique qui est très compatissante, n'ait souffert les mêmes douleurs des mêmes événements, que le succès de ses armes n'ait fait le deuil de son Palais, que les réjouissances de son peuple n'aient fait la tristesse de sa maison.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Lors que les Princes ont des tendresses réciproques, leurs plénipotentiaires ont bientôt réglé leurs prétentions.

LE MINISTRE D'ESPAGNE.

Les longueurs qui sont naturelles à la plupart des Espagnols, sont disconvenables à mon tempérament ; et quoi que le sujet de notre rendez-vous soit de la dernière importance, je réglerai toujours ma promptitude sur votre expédition.

LE MINISTRE DE FRANCE.

Après cela il ne me reste plus rien à vous dire, si ce n'est que je fuis confus de votre franchise, et que dans les hauts sentiments que j'ai de votre personne, vous ne ferez jamais rien de grand qui me surprenne.

 


PRIVILÈGE DU ROI.

Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bine aimé le sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'Esprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À ces causes, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. signé, par le Roi en son conseil, MOUsTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registré sur le livre de la Communauté le 10 mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. signé DEBRAY, syndic.

Ledit sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.

Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis


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