COMÉDIE BURLESQUE
M. DC. LXXIII.
P. V. C. H.
À PARIS, Chez CLAUDE BARBIN, au Palais sur le Perron de la Sainte-Chapelle.
Texte établi par Paul FIEVRE, octobre 2022.
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2022.
© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:29.
AU LECTEUR
Je ne veux pas te donner la peine de censurer cette pièce, je la condamne moi-même, et t'avoue que je n'ai pas dû permettre qu'elle fut sous la Presse ; je sais que la comédie demande un autre vers que le burlesque, que ce genre d'écrire est trop bas pour le théâtre, et que la bienséance semblait me défendes d'une faire rendre un autre lavement : ses règles ne me sont pas inconnues, et j'ose me flatter que j'y pourrais peut-être réussir je voulais y donner une sérieuse application. Le zèle pourtant que j'ai pour la gloire de mon Prince m'a fait entreprendre une production de cette nature ; j'ai bien osé prendre la hardiesse de mêler la faiblesse de ma Plume avec la grandeur de ses Armes pour me jouer de ses ennemis, et j'ai cru que je ne pouvais faire une peinture assez facétieuse des personnes, que leur insolence a leur peu de conduite ont fait devenir la moquerie de toute la Terre. C'est donc un juste caprice qui m'a inspiré cette saillie ; je l'ai poussée pour te divertir plutôt que pour le donner matière de gloser, et si tu ne la traites pas avec toute la rigueur qu'elle mérite, tu m'obligeras d'en produire une autre sur le même sujet, qui te donnera, peut-être, plus de satisfaction : Ce sera la mort du Malade que je te présente ; je me hasarde de te la promettre, puis qu'il est aux abois, en qu'il est impossible qu'il relève de la maladie dont il est atteint ; je m'efforcerai de te satisfaire mieux que je n'ai pas fait, ce ce ne sera plus du burlesque mais de sérieux, dont j'aurai l'honneur de te faire part. Conserve moi dans ton estime, et sois je te prie, persuadé que je suis tout à toi,
P. V. C. H.
SONNET SÉRIEUX de l'Autheur AUX HOLLANDAIS.
ACTEURS
AMSTERDAM, Marchand jadis, Comte de Hollande.
LA COMTESSE, sa femme.
LA ZÉLANDE, sa fille.
LA FRISE, sa fille.
UVIC, un domestique.
VAMBEUNIN, un domestique.
LE MÉDECIN.
L'APOTHICAIRE.
LE CHIRURGIEN.
L'AVOCAT.
LE NOTAIRE.
LE MINISTRE.
UN LAQUAIS.
La scène est dans Amsterdam, autrefois capitale du pauvre Malade.
ACTE I
SCÈNE PREMIERE.
Le Comtesse, Le Médecin.
LE MÉDECIN.
Madame, ne vous fâchés pas,
Nous trouverons bien en tout cas
Du remède au mal qui le presse ;
Quittez quittez cette tristesse,
5 | Et laissez-nous conduire enfin. |
LA COMTESSE.
Hélas ! Monsieur le Médecin,
Amsterdam est si déplorable,
Si défait et si pitoyable,
Qu'à peine le connaîtrez-vous ;
10 | Ha ! C'est fait de mon pauvre époux, |
Le destin va couper la trame,
Et peut-être a-t-il rendu l'âme.
LE MÉDECIN.
Mais qu'est-ce qu'il a ?
LA COMTESSE.
Bien du mal.
Un débordement général,
15 | Une tumeur,une décente, |
Un fièvre très violente,
Un mal de coeur, un tremblement,
Un furieux redoublement,
Un mal de reste, une migraine,
20 | Un grand suffoquement d'haleine, |
Un flux de ventre, un mal de reins,
Une pesanteur sur les mains,
Une colique épouvantable,
Une oppression qui l'accable,
25 | Une révolte en ses esprits, |
Il vide tout ce qu'il pris,
Il regorge, il vomit, il crache,
Il ne désespère,il s'arrache,
Il sent une piqûre au dos,
30 | Qui lui trouble tout son repos, |
Il se plaint d'une sciatique
Qui le rend comme frénétique.
Enfin, Monsieur, il a le corps
Tout pourri dedans et dehors.
LE MÉDECIN.
35 | A-t-il fait des excès ? |
LA COMTESSE.
Sans doute ; |
Et pour vous dire vrai, je doute
Que ce désordre sans pareil,
Ne provienne que du soleil :
Il en faisait son badinage ;
40 | Et bien lion de paraître sage, |
Et retenu dans ses discours,
Il le raillait presque toujours,
Son esprit faible et satanique,
Osait bien lui faire la nique,
45 | Il s'exposait à son ardeur, |
Sans point de conduire et de peur,
Et son audace était si fière,
Qu'il lui disputait sa lumière ;
Qui lui disputait, Amsterdam ?
50 | Si avez mal vitre dam, |
Vous verrez à la fin du conte,
Finir le tout à votre honte :
Prenez garde, songez à vous.
LE MÉDECIN.
Le soleil est bénin est doux ;
55 | Mais après tout je vous avoue, |
Qu'il ne faut pas que l'on s'y joue ;
Cet astre à ne déguiser rien,
Fait le mal autant que le bien,
Sa chaleur qui nous vivifie,
60 | Sait donner et ravir la vie, |
Il faut mesurer son beau feu,
D'un poids qui ne soit ni peu ;
Car lors qu'on est si ridicule,
Que de l'approcher trop, il brûle :
65 | Son feu pourtant a des effets |
Qui sont également parfaits,
Et sa lumières si seconde,
Ne rend qu'à faire bien au monde,
La mal ne vient pas de sa part,
70 | Quand il le fait c'est par hasard, |
Son influence est tout bonne,
Et ne saurait nuire à personne ;
Si la malice des humains
Ne lui mettait le foudre en mains :
75 | Ce bel astre entretient la terre, |
Et ne nous fait jamais la guerre
Que lorsque nous la lui faisons ;
Il luit en toutes les saisons ;
Ainsi revenons la puissance
80 | Du Soleil, et surtout de France, |
Parce qu'en effet son éclat,
Est dangereux en ce climat.
À parler en termes d'école,
Voilà ce qu'en dit Mathiole.
LE CHIRURGIEN.
85 | Avicenne en assure autant. |
LE MÉDECIN.
Quoi qu'il en soit il est constant,
Sans consulter la médecine,
Que le fin bien souvent s'affine,
Mais qu'est ce que veut Vambeunin.
SCÈNE II.
Le Médecin, La Comtesse, L'Apothicaire, le Médecin, La Frise, La Zélande, Vambeunin.
VAMBEUNIN, alarmé .
90 | Vite, qu'on apporte du vin, |
Amsterdam se meurt il expire.
LE MÉDECIN.
Qu'est-ce donc, que vous voulez-nous dire ?
VAMBEUNIN.
Il se pâme, le coeur lui faut.
LE MÉDECIN, en se moquant.
Hé, Fallait-il crier si haut.
LA COMTESSE.
95 | Ha mes filles ! |
ZÉLANDE et LA FRISE.
Ha notre mère ! |
LA COMTESSE.
Vous n'aurez donc pas de père.
LE MÉDECIN.
Madame, tout ceci n'est rien.
LA COMTESSE.
Hélas je vous le disais bien !
LE MÉDECIN.
Cela n'est à ce que je pense,
100 | Qu'une petite défaillance. |
VAMBEUNIN, rassuré.
Non, Monsieur n'est pas encore mort.
LE MÉDECIN.
Pourquoi donc clabauder si fort,
Ha ! Je suis forcé de vous dire
Que vous brouilleriez un Empire,
105 | Et pour vous parler net, Monsieur, |
Vous êtes un mauvais crieur.
Ce n'est pas ainsi qu'on en use,
Et si mon esprit ne s'abuse,
Le feu qui parait en vos yeux
110 | Tient beaucoup du séditieux[.] |
VAMBEUNIN.
Trêve, Monsieur, à ces injures,
Vos paroles sont un peu dures.
LA COMTESSE.
Taisez-vous Vambeunin.
LE MÉDECIN.
Suffit.
Voyons le Malade en son lit,
115 | Et tâchons par notre remède |
De lui donner quelque peu d'aide.
SCÈNE III.
Amsterdam, La Comtesse, La Frise, la Zélande, Le médecin, l'Apothicaire, Le Chirurgien.
On tire le rideau, et l'on voit une chambre, dans laquelle Amsterdam paraît couché avec un bonnet de nuit, et les autres embarras d'un malade.
LE MÉDECIN.
Bonjour Monseigneur Amsterdam.
AMSTERDAM.
Bonjour Monsieur.
LE MÉDECIN.
Bonjour, bon an,
Ça, quittez ce triste visage,
120 | Et prenez un peu de courage. |
AMSTERDAM.
Ha Monsieur ! Je n'ai point de coeur.
LE MÉDECIN.
Comment, Amsterdam a-t-il peur,
Lui qui faisait jadis la guerre
En tous les endroits de la terre,
125 | Qui promenait ses étendards |
Dans les plus fameux champs de Mars,
Qui se piquait d'armer les Princes ,
De bouleverser les Provinces,
Qui s'était battu tant de fois
130 | Contre la flotte des Anglais, |
Qui par une fière arrogance
Prétendait la prééminence
De tout l'Empire de la Mer ;
Lui, dis-je, peut-il s'alarmer
135 | D'une chétive maladie, |
Que voulez-vous Seigneur qu'on die
si vous mettez Pavillon bas,
Vous qui parmi tant de combats
Avez montré votre puissance,
140 | Qui le disputiez à la France, |
À l'Espagne, à l'Empire enfin,
Et qui faisiez tant le mutin
Contre les coups de la fortune;
Vous qui sembliez mordre le Lune,
145 | Et qui par un excès d'orgueil |
En vouliez encore au Soleil :
Ah ! Reprenez Seigneur de grâce
Le feu de cette fière audace,
Et ne soyez point abattu.
AMSTERDAM.
150 | Ô Ciel comment me traites-tu ! |
Toute ma force est presque morte.
LE MÉDECIN.
Quoi, vous étonner de la sorte,
Vous dont les voyages divers
Ont parcouru tout l'Univers ;
155 | Vous qui poussâtes vos conquêtes |
Malgré la fureur des tempêtes
Aux pays les plus éloignés :
Vous Seigneur, vous vous étonnez ?
AMSTERDAM.
Il est vrai Monsieur, je m'étonne,
160 | Et je sens aller ma personne |
Dans un extrême désarroi.
LE MÉDECIN.
Mais qu'avez-vous ? Répondez-moi ?
AMSTERDAM.
Une étrange douleur de tête,
Un feu violent qui s'arrête
165 | Au milieu de mon estomac, |
Un marteau pesant qui me bat,
Et qui m'assomme la cervelle,
Une guerre rude et cruelle,
Qui se fait dans tous mes boyaux,
170 | Une diversité de maux, |
Que j'ai peine enfin enfin de vous dire,
Je vois mon corps qui se retire,
Et qui se réduit presque à rien :
Hélas quel malheur est le mien !
175 | J'endure, j'enrage, je souffre, |
Je brûle comme dans le soufre,
Et sans un brasier sans pareil
Que me fomente le soleil ;
C'est cet Astre qui me tourmente
180 | Qui me cause une fièvre ardente, |
Qui me déchire tout le corps,
Et me met au nombre des morts.
LA COMTESSE.
Seigneur, ayez plus de constance,
Et souffrez avec patience
185 | Ce qui part de la main de Dieu. |
AMSTERDAM.
Ah ma chère Comtesse ! Adieu,
Le destin veut que je te quitte,
Il faut enfin changer de gîte ,
Tu me vois, et je ne suis plus
190 | Que l'ombre de ce que je fus ; |
Que mon affliction est grande !
Mon épouse, ma chère Hollande,
Mon coeur, mes tendresses, mon bien;
Nous ne serons jamais plus rien :
195 | Console-toi pauvre Comtesse. |
LA COMTESSE.
Que ce discours fatal me blesse.
AMSTERDAM.
Où sont les états mes enfants ?
Qu'ils viennent les pauvres dolents,
Je les veux baiser tout à l'heure,
200 | Et les voir avant que je meure, |
Hélas ! Je souffre bien pour eux.
LA COMTESSE, lui montrant ses deux filles.
De sept, Monsieur, en voici deux,
Et nous ferons venir les autres.
AMSTERDAM.
Peut-être ne font- ils plus nôtres
205 | Madame ne me flattez pas, |
Amsterdam n'a plus des États.
LA COMTESSE.
Patience, il faut s'y résoudre.
AMSTERDAM.
Ô juste Ciel, quel coup de foudre !
Pauvre homme qu'es-tu devenu :
210 | Ton corps misérable est tout nu; |
Il ne paraît plus qu'à ta honte,
Et te voilà gueux non pas Comte.
LA ZÉLANDE.
Consolez-vous mon beau papa.
LA FRISE.
Job fut touché, Dieu le frappa,
215 | Et triompha de sa misère. |
AMSTERDAM.
Cela ne me console guère,
Job fut mal, il fut mieux après,
Et je ne ferai bien jamais :
Mais réponds-moi ma chère Frise,
220 | Qui t'a mise en lambeaux ? |
LA FRISE.
La bise. |
AMSTERDAM.
Ha ! Dis plutôt sans te flatter,
Que c'est l'Évêque de Munster ;
C'est lui qui t'a raflé tes villes.
LE MÉDECIN.
Tous ces discours sont inutiles.
225 | Au reste, Seigneur Amsterdam, |
Vous deviendrez sec comme un Gan[d],
Si vous ne chassez de votre âme
Les soins, et d'enfants et de femme ;
N'altérez point votre repos,
230 | Vous êtes mal en peu de mots, |
Il ne faut pas que je vous flatte ;
Avancez la main, que je tâte
Si votre pouls est agité :
Il l'est beaucoup en vérité,
235 | Et vous avez sans raillerie |
Un grand trouble d'intempérie, [ 1 Intempérie : Terme d'ancienne médecine. Mauvaise constitution des humeurs du corps. [L]]
Votre estomac embarrassé
Rend votre cerveau tout blessé,
Une réplétion extrême
240 | Fait que votre coeur l'est de même, |
Il faut vider et embarras,
Et purger le haut par le bas ;
Sus donc, Monsieur l'Apothicaire,
Préparez-lui vite un clystère [ 2 Clystère : Injection d'eau chargée ou non d'un médicament, qui se fait par le fondement. [L]]
245 | Comme je vous l'ordonnerai. |
L'APOTHICAIRE.
Hé bien, Monsieur, je le ferai.
AMSTERDAM.
Ah bon Dieu que de mal de tête.
LE MÉDECIN.
Voyons si votre langue est nette,
Ouvrez la bouche s'il vous plaît,
250 | Voici bien du mal en effet, |
Et plus que je n'en ose dire :
Or sus, que chacun se retire,
Et qu'on en use doucement,
Afin qu'il repose un moment.
255 | Cependant tout ce que l'ordonne |
Est, qu'exactement on lui donne
D'heure en heure un petit bouillon,
Surtout, qu'on ne fasse du bon,
Et n'est pas mal qu'on le mélange
260 | Avec un peu de jus d'Orange, |
Parce qu'il le rafraîchira,
Et ce frais lui profitera :
Quant à ses repas, l'abstinence
Est tout ce qu'il lui faut, je pense,
265 | Et c'est assez qu'à huit, à neuf |
Il avale deux jaunes d 'oeuf,
Ne le chargez pas davantage :
Adieu, Seigneur, prenez courage,
Et tâchez un peu de dormir,
270 | Que si vous venez à vomir |
Ne vous faite point de contrainte.
On ferme le rideau.
SCÈNE IV.
La Comtesse, Le Médecin, L'Apothicaire, Le Chirurgien.
LA COMTESSE.
Monsieur, avouez moi sans feinte
En quel état est mon époux.
LE MÉDECIN.
Assez mal, mais rassurez-vous,
275 | Et ne vous troublez point, Madame. |
LA COMTESSE.
Il faudrait songer à son âme,
Et le porter tout doucement,
À résoudre son testament,
Car à vous dire vrai, sans doute,
280 | Tout son bien irait en déroute, |
Et serait en piteux état,
S'il décédait ab intestat [ 3 Intestat : Hériter ab intestat, hériter d'une personne qui n'a point fait de testament. [L]]
LE MÉDECIN.
Il n'est pas encor temps qu'il tete,
Que s'il le faut, je vous proteste
285 | Que je volis en avertirai. |
LA COMTESSE.
Pourtant, Monsieur, je vous dirai
Qu'il est tout à fait nécessaire
Qu'il fasse tôt ce qu'il doit faire,
Parce qu'il a des créanciers.
LE MÉDECIN.
290 | Il n'a donc pas d'héritiers |
Sans qu'il en cherche davantage.
LA COMTESSE.
Monsieur, vous êtes bon et sage
Mais, j'appréhende, avec raison
Un grand désordre en sa maison ;
295 | Outre que je ne puis vous taire, |
Qu'il a certain mauvais affaire,
Qu'il s'est fait depuis quelque temps,
Dont il est tombé des dépens
Pour le fait desquels ses parties,
300 | Lui sont tous les jours des saisies. |
LE MÉDECIN.
Et quel affaire est celui-là ?
LA COMTESSE.
C'est un méchant procès qu'il a
Avec l'Angleterre et la France,
Qui lui cause bien des dépense,
305 | Et le met dans un grand souci. |
LE MÉDECIN.
Il faut donc pourvoir à ceci :
Prenez votre conseil, Madame ;
Pour ce qui regarde son âme
C'est à lui de s'y préparer,
310 | Après il doit nous déclarer |
Quelle est sa volonté dernière,
Je verrai de quelle manière
Il voudra disposer le tout,
Et le presserai jusqu'au bout ;
315 | Car, quoi que le destin vous livre, |
Vous avez grand besoin de vivre,
LA COMTESSE.
He bien, donques, jusques au revoir.
LE MÉDECIN.
Je vous reverrai sur le soir.
LA COMTESSE.
Adieu Monsieur.
LE MÉDECIN.
Adieu Madame.
SCÈNE V.
Le Médecin, L'Apothicaire.
LE MÉDECIN.
320 | Par ma foi cette bonne femme |
Est digne de compassion,
Et son extrême affliction
M'est en vérité bien sensible,
Je voudrais qu'il me fut possible
325 | De pouvoir sauver son mari ; |
Et plut à Dieu qu'il fut guéri,
Mais il n'est que trop véritable
Que ce pauvre homme est incurable.
L'APOTHICAIRE.
Je l'estime bien dangereux.
LE MÉDECIN.
330 | Il est flambé le malheureux, |
Et puisqu'il faut que je m'explique
Je crains qu'il ne soit hydropique :
Mais commençons premièrement
Par apaiser l'embrasement,
335 | Qui l'enflamme et qui le dévore ; |
Et tâchons d'arrêter encore
Ces noires valeurs du cerveau,
Desquelles il se forme en eau
Qui le pénètre et qui la mine,
340 | Et qui tombant dans sa poitrine |
Rend son bas ventre constipé,
Et primo, Monsieur, recipé,
Parum herbae de Campanella,
Aliquantum de Pinpinella
345 | Dragnas quinque de Mastico, |
Tres faltem de Catholico,
De grana solis, de Pasteca.
De Guta Gamba, de Rubeca,
Quidquam de Diacodio,
350 | De Jalap, d'Elaterio, |
De scamonea, de Laudaeno,
Et de reissino Américano :
Après ajoutez y du plomb,
De la poudre fine à canon,
355 | D'huile d'acier, de hallebarde, |
De quintessence de bombarde,
D'antimoine, du sel de mer,
Et d'aloès le plus amer :
Qu'on mêle le tout, qu'on l'assemble ;
360 | Qu'on le réduise bien ensemble, |
Et qu'on en fasse un lavement,
Il profitera grandement ;
Allez, Monsieur l'Apothicaire :
À propos, il faut encor faire
365 | Un autre remède demain. |
L'APOTHICAIRE.
Et quel ?
LE MÉDECIN.
Lui mettre sur le sein
Un cataplasme d'un fromage,
Parce que l'esprit de l'airage [ 4 Airage : Technologie. On nomme ainsi l'angle que forment les ailes d'un moulin à vent, ou mieux la voile de chaque aile, avec le plan de leur circulation (...).[L] ]
Est un remède sans pareil
370 | Contre les ardeurs du Soleil ; |
Cela ne vous doit point surprendre.
L'APOTHICAIRE.
Je suis bien aise de l'apprendre,
Et crois, qu'il lui fera du bien.
LE MÉDECIN.
Et vous, Monsieur le Chirurgien,
375 | Il faudra demain qu'on lui pique |
Un peu la veine céphalique ;
Préparez votre petit fait,
Et faite que vous soyez prêt
À faire bien cette saignée.
LE CHIRURGIEN.
380 | En quel temps ? |
LE MÉDECIN.
À la matinée, |
À peu près en tre neuf à dix,
Il prendra la clystère à six,
Et s'il allait trop de selle,
Qu'on m'avertisse et qu'on m'appelle ?
LE CHIRURGIEN.
385 | Monsieur, nous n'y manquerons pas. |
LE MÉDECIN.
Allez, ménagez bien vos pas,
Et faits que mon ordonnance,
Soit dans une juste balance.
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE.
Amsterdam, Uvic, Vambeunin, Le Laquais.
AMSTERDAM.
Hola ? Qu'on se dépêche tôt,
390 | Vite, qu'on m'apporte le pot, |
Et qu'on le mette à la ruelle
Afin que j'aille sur la selle.
LE LAQUAIS.
Que vous plaît-il, Seigneur ?
AMSTERDAM.
Coquin
Donne-moi tôt mon casaquin, [ 5 Casaquin : Anciennement, sorte de petite casaque à l'usage des hommes. [L]]
395 | Mes pantoufles, ma chemisette, |
Ma cane d'Inde et ma brayette, [ 6 Brayette : Fente de devant d'un haut-de-chausses, d'une culotte. [L]]
À cause de ce lavement
Ma presse furieusement ;
Veux-tu faire diligence.
LE LAQUAIS.
400 | Ayez un peu de patience. |
AMSTERDAM.
Fais vitement, traître maudit
Où je va[is] chier dans le lit.
UVIC, bas.
Bon Dieu, que cet homme est revêche.
AMSTERDAM.
Dépêche-toi.
LE LAQUAIS.
Je me dépêche
405 | Tenez, voilà ce qu'il vous faut. |
AMSTERDAM, sur la fille.
Ô Ciel ! On me livre un assaut,
Quelle bourrasque est dans mon ventre,
Tout sort en même temps qu'il entre.
Toute ma substance périt,
410 | Et je n'ai plus rien que l'esprit, |
Hélas, on dirait que j'en serre
Tout le théâtre de la guerre !
Et que deux cent mille lutins
ME déchirent les intestins,
415 | On dirait que plusieurs armées |
Sont dans mon bas-ventre enfermées,
Et qu'on me tire rudement
Des villes par le fondement ;
On dirait qu'on me les arrache,
420 | Que toute ma chair se détache, |
Et qu'elle s'écarte de moi :
Ô Dieux ! Je vais chier Orsoi, [ 7 Orsoi : ville du nord de la Rhénanie (actuellement en Allemagne). Cette ville a été prise par Vauban en 1672.]
Buric, Vesel, et Reimbergue,
Je vide ab ante, à post, à iergo,
425 | Je me sens traverser l'Issel, [ 8 Issel : Ville des Pays-bas à 100km à l'Est d'Amsterdam.] |
J'ai craché L'île de Bomel ,
Mastrich est tout prêt de se rendre,
Je le digère, on le va prendre ;
Nimègue me met aux abois, [ 9 Nimègue : Ville des Pays-Bas sur le Rhin à 100km à l'est de Rotterdam. [L]]
430 | Je l'ai vomie à cette fois ; |
Qu'elle m'a donné de la peine ;
Laissez-moI prendre un peu d'haleine,
Il me semble ô pauvre mesquin !
Que je vide Le fort de Squin ;
435 | Tant ce remède me travaille : |
soutenez-moi traître ,canaille ;
Je n'en puis plus, je suis à sec :
Ha ! Je rends le Duché d'UTRECHT. [ 10 Utrecht : Ville des Pay-bas à 45 kilomètres au sud d'Amsterdam.]
Que de furieuses tranchées
440 | Me causent EMERIC et RÉES, |
Tout mon pauvre corps se détruit,
GRAVE fort, CRÈVE-COEUR le suit,
ZUTPHEN, CAMPEM en fait de même,
BOISLEDuc me met à l'extrême,
445 | BREDA, L'ESCLUsE et BERGOPÇON |
Me sanglents jusques à l'arçon,
ET malgré tout mon artifice
Il faudra que je les vomisse :
Je n'ai plus rien, tout s'est rendu,
450 | Et je suis un homme perdu ; |
Que la peste soit le clystère,
Et du maudit Apothicaire,
Qui me l'a méchamment donné,
Je crois qu'il est empoisonné,
455 | Et que ce voleur, cet infâme, |
L'a fait pour me dérober l'âme :
Ah détestables assassins !
Apothicaires, médecins !
Tous les onguents de vos boutiques
460 | Sont des pestes aux Républiques ; |
Vous ne m'attraperez jamais
Et ne m'aurez pas désormais ;
Mais qu'elle misère est la mienne ;
Je n'en puis plus, qu'on me soutienne,
465 | Et qu'on me mette sur le lit. |
UVIC.
Je crois qu'il a rendu l'esprit,
Il tourne les yeux, il se pâme.
VAMBEUNIN.
Amsterdam songez à votre âme ?
UVIC.
Réclamez le Dieu de bonté.
VAMBEUNIN.
470 | Et pensez à l'Éternité ? |
UVIC.
Nous entendez-vous, notre Maître,
Faites-le s'il vous plaît connaître
Avec un signe de la main.
VAMBEUNIN.
C'en est fait nous crions en vain,
475 | La mort a mis fin à sa trame. |
UVIC.
Laquais,faites venir Madame,
Allez vite, courez toujours.
LE LAQUAIS.
Au secours, Madame, au secours.
SCÈNE II.
La Comtesse, Amsterdam, Uvic, Vambeunin, Le Laquais.
LA COMTESSE.
Qui fait tant de bruit ? Qui m'appelle ?
LE LAQUAIS.
480 | Amsterdam est mort sur la selle. |
LA COMTESSE.
Amsterdam est mort ?
LE LAQUAIS.
Il est mort.
LA COMTESSE.
Ô loi inhumaine du sort !
Quelle perte, quelle disgrâce,
Amsterdam, que je vous embrasse,
485 | Que je vous baise, ô chez époux, |
Et qu'au moins j'expire avec vous :
Et toi sort inhumain ? Achève,
Prends encore sa triste veuve,
Et le reste de ses États.
UVIC.
490 | Vos pleurs ne le guériront pas |
Madame, et cette forte d'aide
Est un inutile remède :
Il faut se consoler enfin ;
Mais voici notre médecin.
VAMBEUNIN.
495 | Il vient à propos, et je pense |
Qu'il fera tout par sa présence,
Et nous ôtera de souci.
SCÈNE III.
Le Médecin, Amsterdam, Uvic, Vambeunin, La Comtesse, Le Laquais.
.
Que vois-je, Messieurs, qu'est ceci ?
C'est, Monsieur, que votre clystère
500 | N'était pas ici nécessaire, |
Celui qui l'a pris en est mort.
LE MÉDECIN, en se moquant.
Ne vous alarmez pas si fort,
Jamais un malade qui chie
Ne fut surpris d'apoplexie,
505 | Ce serait un cas inouï ; |
Sans doute il n'est qu'évanoui,
Et ce n'est qu'un peu de faiblesse
Que cette vidange lui laisse,
Qui par son agitation
510 | Lui cause cette passion ; |
Quoi qu'il en soit, que l'on s'apprête
À faire jouer la lancette, [ 11 Lancette : Instrument de chirurgie ainsi nommé à cause de sa forme allongée, et qui est particulièrement destiné à l'opération de la saignée. [L]]
Sus donc, Monsieur le Chirurgien,
Coupez vite, et n'épargnez rien.
LE CHIRURGIEN.
515 | Si vous voulez qu'on le découpe, |
Il faut au moins avoir d'étoupe,
Et préparer mieux notre fait.
LA COMTESSE.
Ne vous peinez pas, tout est prêt.
Appliquons donques la ventouse.
LE CHIRURGIEN.
520 | La chose est pourtant bien jalouse, |
Et j'appréhende justement
Quelque mauvais événement ;
Consultons un peu mieux l'affaire,
Le bain serait plus nécessaire,
525 | Et j'estime qu'à force d'eau |
On lui remettrait le cerveau ;
Hasardons ce point, il n'importe ;
Ça, vite, donc qu'on en apporte.
LE LAQUAIS.
En voici...
LE MÉDECIN.
Ce n'est pas assez,
530 | Toutefois ami, commencez |
De le baigner par le visage.
VAMBEUNIN et UVIC.
En voici, Monsieur, davantage.
LE MÉDECIN.
Bon, Messieurs, ne l'épargnez pas,
Versez, devant, derrière, en bas,
535 | Aux pieds, aux mains, à gauche, à droite, |
Sur les épaules, sur la tête
Sur les épaules, au milieu du sein,
Versez, versez jusqu'à demain,
Au front, à la bouche, aux oreilles,
540 | Voilà qui se passe à merveilles. |
LA COMTESSE, jetant un regard.
Il revient, il a remué...
AMSTERDAM, revenant à soi.
Ah bon Dieu ! Que j'ai bien sué,
Je me sens percé la chemise,
Et je pense que j'ai fait crise,
545 | L'eau découle de mon cerveau : |
Du linge, je suis tout en eau ;
Ô Ciel ! Quelle sueur étrange,
Qu'on me sèche, que l'on me change,
Et que l'on m'ôte cet habit.
LA COMTESSE.
550 | Voulez-vous qu'on vous porte au lit, |
Mon coeur, mon amitié, mon âme.
AMSTERDAM.
Tout ce qu'il vous plaira, Madame.
LA COMTESSE.
Or sus qu'on fasse doucement, [ 12 Or : Or sert à exprimer l'exhortation. Or, dites-nous. Or çà, monsieur. Or sus commençons.]
Et qu'on le change promptement,
555 | Mais quittez, Seigneur, je vous prie |
Cette noire mélancolie,
Et reprenez cette fierté,
Où vous avez été,
Vous êtes froid comme de la glace,
560 | Souvenez vous de cette audace |
Que vous aviez eue autrefois,
Que vous dressiez contre les Rois
Des alliances et des brigues,
Des partis et des triples ligues,
565 | Et faisiez mille autres projets |
Contre eux et contre leurs sujets ;
Quand par vos publiques peinture,
Vous leur vomissiez des injures,
Et parliez en vos sobriquets
570 | Plus de deux milles perroquets ; |
Qu'est ce maintenant qui vous fâche ?
Et qui rend si mol et si lâche
Le coeur du fameux Amsterdam,
Vous êtes triste comme Adam,
575 | Reprenez cette humeur hardie. |
AMSTERDAM.
Hélas ! Que veut-on que je die,
Le soleil étourdit mes sens,
Et fait tout le mal que je sens ;
Mais quoi, n'est-il point de ressource,
580 | Peut-on point arrêter sa course |
En faisant venir Josué ?
LE MÉDECIN.
Hé, Seigneur, vous feriez hué
Si vous avanciez cette chose ;
J'ai honte qu'on nous la propose,
585 | Et qu'un homme de si bon sens |
Parle si fort à contre-temps.
Raisonnons d'un[e] autre manière ,
Le soleil pousse sa carrière
Et c'est follement contester,
590 | Que de le vouloir arrêter |
son essence est presque Divine,
Il n'est qu'un Dieu qui la domine,
Et Josué ni Gédéon
Ne peuvent rien sur Apollon.
AMSTERDAM.
595 | J'ai lu pourtant dans l'Écriture, |
Que par une étrange aventure
Josué le fit arrêter.
LE MÉDECIN.
Il le ferait ici hâter
Pour vous tourmenter davantage ;
600 | Cherchons un remède plus sage, |
Et laissant le soleil à part,
Usons des règles de notre Art.
Il faut aujourd'hui qu'on vous saigne ;
Car Hippocrate nous enseigne
605 | Que lorsque le sang est pourri, |
Il ne saurait être guéri
Si l'on n'use de la saignée :
La forme nous en est donnée
Par le sublime Galien,
610 | L'esprit duquel n'ignorait rien, |
Et qui traitait la Médecine
Avec une force Divine ;
Il faut donc commencer par là,
Et préparer après cela
615 | Des onctions bien assorties |
Pour fortifier vos parties ;
Mettons donc la chose en effet,
Et faisons notre petit fait
Avec une égale ordonnance.
620 | En premier lieu, que l'on commence |
Les fomentation du coeur
Après, réprimons cette ardeur
Par une puissance contraire,
Ainsi, Monsieur l'Apothicaire
625 | Notre cataplasme est-il prêt ? |
L'APOTHICAIRE.
J'estime bien, Monsieur, qu'il l'est.
LE MÉDECIN.
Apposez-le donc tout à l'heure.
AMSTERDAM, en lui-même : un grand fromage d'hollande sur le sein.
Qu'est ceci, veut-on que je meure,
Que m'applique-t-on là-dessus ?
L'APOTHICAIRE.
630 | Un remède. |
AMSTERDAM.
Je n'en veux plus, |
Retire, toi maudite engeance,
Je perds enfin la patience,
Et je n'ai que trop bien appris
Par le lavement que j'ai pris...
L'APOTHICAIRE.
635 | Mais ceci n'est qu'un cataplasme. |
AMSTERDAM.
Je te rouerai, sur mon âme.
LA COMTESSE.
Chez époux laissez vous guérir.
AMSTERDAM.
Ô Dieux ! Vous me faire mourir
Madame, ce discours me choque,
640 | Ce cataplasme me suffoque, |
Et m'empêche de respirer.
LE MÉDECIN.
Si faut-il pourtant attirer
La malignité qui vous tue,
Qui en saurait être abattue
645 | Que par ce remède pesant. |
AMSTERDAM.
Par ma foi, le conte est plaisant,
On veut donc me donner la vie
Après qu'on me l'aura ravie.
L'APOTHICAIRE.
Mais cela vous fera du bien.
AMSTERDAM.
650 | Va apothicaire de chien, |
Tu chantes trop, oiseau sinistre.
LE LAQUAIS.
Madame, Monsieur le Ministre
Demande s'il pourrait entrer.
LA COMTESSE.
Oui-dà.
SCÈNE IV.
Amsterdam, Le Médecin, L'Apothicaire,le Chirurgien, Le Ministre, La Laquais.
LE MINISTRE.
C'est très bien rencontrer
655 | Que de trouver un si beau monde ; |
Toute l'Écriture se fonde
Sur la parole et l'oraison,
Et l'Apôtre avecque raison...
LE MÉDECIN.
Ho, Monsieur, trêve de prière,
660 | Notre malade n'entend guère, |
Et n'a pas besoin de parler,
Vous feriez ici reculer
Les effets de notre remède.
LE MINISTRE.
Que le bon Dieu soit à son aide :
665 | Je lus un passage autrefois |
Dans le second livre des Rois ,
Qui vient à propos, ce me semble.
LE MÉDECIN.
Attendez, Monsieur, qu'on s'assemble
Pour venir ouïr vos sermons.
LE MINISTRE.
670 | Mes discours ne seront pas longs, |
En deux mots je vais vous les dire :
Il faut que le pécheur soupire,
Disait le Prophète Royal
En bénissant Dieu dans son mal,
675 | Qu'il reçoive avec révérence |
Le partage de la souffrance ;
Cela se trouve mot à mot
Au livre de Clément Marot ; [ 13 Clément Marot (1496-1544) : poète français du XVIème siècle.]
Car comme nous disons au prêche,
680 | Sept fois au jour le juste pèche, |
Et devant le souverain bien
Toutes nos oeuvres ne font rien.
AMSTERDAM.
Hélas Seigneur ! Je vous l'accorde.
LE MINISTRE.
Implorez sa miséricorde
685 | Amsterdam, et vous dépêchés |
À lui déclarer vos péchés ;
Dites d'une douleur profonde,
Seigneur, j'ai failli dans le monde,
Je mérite votre rigueur,
690 | Et suis un extrême pêcheur ; |
Mais lorsque je vous le confesse
Ayez pitié de ma faiblesse,
Et ne voyez point mon délit.
LE MÉDECIN.
Monsieur, que ce soit assez dit,
695 | Sa cervelle est assez défaite, |
Sans que vous lui rompiez la tête,
Vous l'avez assez consolé,
Suffit, il n'a que trop parlé ,
Ne l'obligez pas davantage
700 | À mettre la langue en usage ; |
Car en vérité ses discours.
Lui causent la fin de ses jours.
LE MINISTRE.
Hé bien, Monsieur, je me retire.
AMSTERDAM.
Attendez, je veux encor dire
705 | Quelque chose de bien secret. |
LE MINISTRE.
Et qu'est-ce ?
AMSTERDAM.
J'ai bien du regret
D'avoir abandonné la Messe,
Et pour dire vrai, je confesse
Que ce qui me fit révolter,
710 | Fut, que je ne pus supporter |
L'observation du Carême,
J'en avais un[e] horreur extrême,
Et le gibier et les perdrix
Me plurent fort les Vendredis
715 | La Confesse, la Pénitence, |
Gênaient beaucoup ma conscience :
J'eus une forte aversion
A faire restitution,
Et la licence illégitime
720 | De ne payer jamais la dîme, |
s'accommoda fort à mon goût ;
D'ailleurs ce qui me plût surtout,
Fut le revenu de l'Église,
Sans lequel j'étais en chemise,
725 | Les droits et les biens dérobés |
Des abbesses et des abbés,
Les évêchés, les monastères
Augmentèrent fort mes affaires,
Et pour me rendre souverain
730 | Je quittai le parti Romain ; |
Enfin je devins hérétique
Par un mouvement politique.
LE MINISTRE.
Monseigneur, que dites-vous là,
Ah ! Rétractez-vous de cela,
735 | Un pareil discours m'épouvante, |
Sans doute Belzébuth vous tente,
Et votre esprit est obsédé,
Saül fut ainsi possédé :
Ô que le bon Dieu vous assiste,
AMSTERDAM.
740 | Non non, je veux être Papiste, |
Toute votre Religion
N'est qu'une sotte illusion,
Et je commence de connaître
Qu'il est bon d'appeler un prêtre,
745 | Vos songes ne font que d'abus. |
LE MINISTRE.
Ah Seigneur !...
AMSTERDAM.
Ah ne parlez plus !
LA COMTESSE.
C'est assez Monsieur le Ministre,
Il faudrait avoir un registre
Pour contrôler vos discours.
LE MINISTRE.
750 | Mais... |
LA COMTESSE.
Mais, parlerez-vous toujours, |
Brisez-là je vous en supplie,
Vous augmentez sa maladie
En le faisant mettre en courroux.
LE MINISTRE.
Adieu donques, salut à tous.
SCÈNE V.
Le Médecin, l'Apothicaire, La Chirurgien, La Comtesse.
LE CHIRURGIEN.
755 | Que cet homme a mauvaise grâce. |
LE MÉDECIN.
Cependant le temps nous menace,
Si nous ne le ménageons bien,
Ainsi Monsieur le Chirurgien,
Commençons en cette journée
760 | De faire une bonne saignée, |
Pourtant ce serait mon dessein
D'attendre jusques à demain,
Parce que cette maladie
Penche fort dans l'hydropisie,
765 | Et si vous vous en étonnez, |
Amsterdam saigne trop du nez,
Il est enflé, pesant, et lâche,
Tout lui fait ombrage, et le fâche,
Outre que depuis cet été
770 | Il est grandement humecté, |
Pour moi je le crois hydropique,
Et prêt à devenir éthique,
Son corps,sa voix et son chagrin,
. . . . . .
775 | Et cette ardeur qu'il a de boire |
Est une marque assez notoire,
Que cet homme ne vivra pas :
Mettons-le donc entre les bras
De la providence Divine ;
780 | Qu'on me conserve son urine, |
Car je me prépare aujourd'hui
À faire consulter pour lui.
Pour ses repas, une rôtie
Raisonnablement assortie,
785 | Sera tout ce qu'il doit manger, |
Et l'on ne doit pas le charger,
Puis qu'il n'a que trop d'immondices :
Travaillons à guérir ses vices,
Et réparons de tous côtés
790 | Ses membres pourris et gâtés, |
Son mal sera quoi qu'on en die,
Une fâcheuse maladie,
Madame, je vous dis adieu
Recommandez le tout à Dieu,
795 | Et tâchez par votre prière |
Qu'il n'ait pas un sort plus contraire.
ACTE III
SCÈNE PREMIÈRE.
Le Médecin, La Comtesse.
LE MÉDECIN.
Après avoir bien consulté,
Nous avons enfin arrêté,
Qu'il faut qu'en toute diligence
800 | Amsterdam change d'air en France ; |
C'est un pays qui sera bon
Pour lui délasser le poumon
Son estomac est fort débile,
Il n'a qu'amertume et que bile,
805 | Son corps est beaucoup altéré, |
Mélancolique, intempéré,
Chargé de matières fécales,
Et d'obstructions inégales
Accablé de beaucoup de maux,
810 | Et tout plein de flegmes et d'eaux ; |
Enfin, Madame, je m'explique,
Votre malade est hydropique.
LA COMTESSE.
Que doit-il faire en cet état ?
LE MÉDECIN.
Il faut qu'il change de climat,
815 | Et que chargeant la troupelande, |
Il vide la terre d'Hollande :
Ce pays n'est pas bon pour lui,
Il l'a gâté jusqu'aujourd'hui,
Et s'il y fait plus sa demeure,
820 | Il est à craindre qu'il n'y meurs. |
LA COMTESSE.
Mais en quel lieu doit-il aller ?
LE MÉDECIN.
À Paris, parce que c'est l'air
Le plus subtil qui soit au monde,
Il perdra ce qu'il a d'immonde,
825 | En même temps qu'il y sera, |
Et sans doute il s'y purgera :
Il ne saurait mieux se commettre ;
Tâchons donques de le remettre,
Et dès lors qu'il sera refait ...
SCÈNE II.
Vvic, Le Médecin, La Comtesse.
UVIC.
830 | Madame venez s'il vous plaît. |
LA COMTESSE.
Qu'est cela ?
UVIC.
Votre mari rêve,
[Il parle de pain et de] trêve
Il crie, il se gêne l'esprit,
Et l'on ne sait pas ce qu'il dit,
835 | Il nous prend tous pour des fantômes. |
LA COMTESSE.
Juste Ciel !...
LE MÉDECIN.
Ce sont des symptômes,
Madame, ne vous troublez pas.
LA COMTESSE.
N'aurais-je point de trêve, hélas !
Mon coeur, arme toi de constance.
UVIC.
840 | Monsieur le chirurgien le pense, |
Il met un emplâtre au front,
Et beaucoup de messieurs y sont.
LA COMTESSE.
Et qui ?
UVIC.
Monsieur l'Apothicaire,
Monsieur l'Avocat, le Notaire
845 | Mes dames vos filles aussi, |
Et chacun est en grand souci
De la voir troublé de la sorte.
LE MÉDECIN.
Il faut donner ordre qu'on forte,
Et qu'on ne l'incommode pas ;
850 | Et je trouve bon en tout cas |
Qu'on rédige un petit sommaire,
Du testament que l'on doit faire,
Puisque tous vos gens sont ici.
SCÈNE III.
Amsterdam, La Comtesse, Le Médecin, La Zélande, La Frise, Uvic, L'Apothicaire, Le Chirurgien, L'Avocat, La Notaire.
Amsterdam apparaît sur une lit, accoudé sur les bras du Chirurgien et de l'Apothicaire, avec un gros emplâtre qui lui couvre la moitié du visage, pendant que tous les Acteurs sont autour de son lit.
LE MÉDECIN.
Hé bien Monseigneur, qu'est ceci ?
855 | Perdez-vous ainsi le courage ? |
Et lors que vous voyez l'orage
Abandonnez vous le timon,
Répondez nous ? Que dira-t-on
Lorsqu'on saura votre faiblesse,
860 | Voulez-vous souffrir qu'on vous presse ? |
Parlez, Seigneur ? Êtes vous sourd ?
AMSTERDAM, dans la rêverie.
Hola ? Marquis de Brandebourg
Amenez-vous le Duc de Saxe ?
Il nous faudra faire une taxe,
865 | Afin de payer vos soldats. |
LE MÉDECIN.
Quoi vous ne me connaissez pas,
Monseigneur.
AMSTERDAM.
La belle demande,
Vous être l'Armée Allemande.
LE MÉDECIN.
Non je suis votre médecin.
AMSTERDAM.
870 | Ah, vous êtes un fantassin |
De Monsieur le Duc de Lorraine,
Et que fait ce grand Capitaine,
Ne pense-t-il pas à venir ?
Il devrait bien se souvenir
875 | Que ses ordre sont nécessaires |
À nos troupes auxiliaires.
L'AVOCAT.
Ce bon homme est bien égaré.
LA COMTESSE.
Mon coeur...
AMSTERDAM.
Monsieur de Monteray.
LA COMTESSE.
Je suis votre chère compagne.
AMSTERDAM.
880 | Vous êtes le secours d'Espagne ; |
Ah, que vous êtes attendu !
Sans vous je me serais rendu ;
J'ai bien besoin que l'on me guide
Je suis sur un cheval sans bride,
885 | Et je ne sais point où je vais, |
J'entreprends, je veux, je ne sais
Ce que le Ciel veut que je fasse ,
Je commande la Populace
Et personne ne m'obéit.
LE NOTAIRE.
890 | Où Diable va-t-il son esprit. |
LE CHIRURGIEN.
Regardez, Seigneur,qui nous sommes.
AMSTERDAM.
Avons nous soixante mille hommes,
Et nos gens sont-ils aguerris ?
L'AVOCAT.
Il a pris Corbeil pour Paris ;
895 | Allez deviner sa pensée. |
L'APOTHICAIRE.
Sa cervelle est bien offensée,
Il ne faut pas le déguiser.
LE MÉDECIN.
Son mal n'est point à méprise,
Il est aussi grand qu'il peut l'être.
LA FRISE.
900 | Mon Papa... |
AMSTERDAM.
Fermez la fenêtre, |
Les Français entreront par là ;
Je vois le Soleil, le voilà.
LA ZÉLANDE.
Qu'est cela ? Que voulez-vous dire ?
AMSTERDAM.
Je dis que Vienne est dans l'Empire,
905 | Et que l'Empire doit venir. |
L'AVOCAT.
Que sert-il de l'entretenir,
Il est toujours plus ridicule.
LA COMTESSE.
Mon bon mari.
AMSTERDAM.
Monte Cucule.
Vous envoie-t-on à mon secours ?
LA COMTESSE.
910 | Hé changez, Seigneur, de discours, |
Je ne suis pas Monte Cucule.
LE NOTAIRE.
Au lieu d'avancer il recule.
LA COMTESSE.
Parlez donc sans tant hériter ?
Qui suis-je ?...
AMSTERDAM.
L'Amiral Ruyter. [ 14 Michiel Adriaenszoon de Ruyter (1607-1676), amiral néerlandais, décédé des suites de ses blessures lors de la bataille d'Agosta contre les Français.]
LA COMTESSE.
915 | Voilà bien chanter sur mon âme. |
Je suis l'Hollande votre femme.
AMSTERDAM.
Ah, je m'étais doncques mépris.
LA COMTESSE.
Réveillez un peu vos esprits ?
Et tâchez de vous reconnaître ?
AMSTERDAM.
920 | Attendez, j'écris une lettre, |
Tout à l'heure je suis à vous.
L'AVOCAT.
Certes les rêveurs sont bien fous :
Quelle pitié de ce pauvre homme !
Et moi comme est-ce qu'on me nomme ?
AMSTERDAM.
925 | Vous êtes Monsieur l'Avocat. |
L'AVOCAT.
Il est, Madame, en bon état ;
Mais voyons encore s'il erre ;
Voudriez -vous aller à la guerre.
Seigneur Amsterdam ?
AMSTERDAM.
Je ne puis
930 | Dans le triste état où je suis. |
LE MÉDECIN.
Il se remet, prenons courage.
L'AVOCAT.
Interrogeons-le davantage ;
Monseigneur parlons franchement,
Voudriez-vous faire un Testament ?
AMSTERDAM.
935 | Je suis bien aile de le faire, |
Mais il faut avoir un Notaire.
L'AVOCAT.
Il est ici...
AMSTERDAM.
Cela va bien.
LE MÉDECIN, à part.
Or sus, qu'on ne néglige rien,
sa connaissance est inégale,
940 | Et je crains un autre intervalle, |
Il est vrai qu'il est un peu mieux,
Mais je remarque dans ses yeux
Une certaine intercadence, [ 15 Intercadence : Terme de médecine. Trouble dans la succession des pulsations artérielles, qui offrent, de loin en loin, une pulsation surnuméraire placée entre deux pulsations. [L] ]
Qui me met dans la défiance :
945 | J'appréhende fort pour tantôt , |
Messieurs, qu'on se dépêche tôt,
Et pendant que je vais en Ville
Qu'on ne s'applique qu'à l'utile ;
Dans un'heure je reviendrai,
950 | Et d'abord je lui donnerai |
Certaine potion amère,
Qui lui sera fort salutaire,
Adieu, faites votre devoir.
SCÈNE IV.
Amsterdam, La Comtesse, L'Avocatn Le Chirurgien, l'Apothicaire, La Zélande, La Frise.
L'AVOCAT.
Hé bien, Seigneur, il faut savoir
955 | Ce que vous désirez de faire, |
Tout est prêt, voici le notaire.
AMSTERDAM.
Avons nous assez de témoins ?
L'AVOCAT.
Remettez cela sur nos soins,
Nous en avons plus de cent mille
960 | Qui sont autour de cette ville. |
AMSTERDAM.
Il n'en faut pas tant, c'est assez.
L'AVOCAT.
Sus donc, Monseigneur, commencez :
Que laissez-vous à votre femme ?
AMSTERDAM.
Beaucoup de peine, sur mon âme,
965 | Et pour tous ses droits nuptiaux, |
La meilleure part de les maux,
. . . . . . . . . .
De se remarier en France,
Et la charge en mon testament
970 | De ne tarder pas longuement. |
L'AVOCAT.
Que léguez-vous à la Zélande ?
AMSTERDAM.
Un Monarque qui la demande,
C'est un Prince des plus puissants ;
Qu'elle l'accepte, j'y consens
975 | Et c'est le plus grand avantage |
Qu'elle aura de mon héritage.
LA ZÉLANDE.
Cet époux est à mon plaisir,
Et je ne puis mieux le choisir.
L'AVOCAT.
Que laisserez-vous à la Frise ?
AMSTERDAM.
980 | Ses biens, les droits, et sa franchise, |
Mais elle doit les disputer
Avec l'Évêque de Munster. [ 16 Christoph Bernhard von Galen (1606-1678), évêque de Munster.]
LA FRISE.
C'est donc un procès qu'on me lègue !
J'ai bien peur de suivre Nimègue.
L'AVOCAT.
985 | Que léguez-vous à Vambeunin ? |
AMSTERDAM.
Une potence à ce coquin,
Il n'aura point d'autre salaire,
Écrivez Monsieur le Notaire.
VAMBEUNIN.
Ce légat, Seigneur, me déplaît,
990 | Je vous le remets tel qu'il est, |
Et de bon coeur, vous en fais quitte.
AMSTERDAM.
Va, peste méchante et maudite.
L'AVOCAT.
Ne laissez-vous rien à vos gens ?
Valets, domestiques, agents,
995 | Administrateurs des affaires, |
Bourguemestres, pensionnaires ?
AMSTERDAM.
Je leur fais un légat à tous.
L'AVOCAT.
Et qu'est-ce que leur donnez vous ?
AMSTERDAM.
Je les donnes au cent mille diables,
1000 | Ils m'ont perdu les misérables, |
Et m'ont si méchamment conduit,
Qu'ils m'ont mis où je suis réduit.
LA COMTESSE.
Ce n'est pas un petit salaire,
Mettez-là Monsieur le Notaire ?
L'AVOCAT.
1005 | Que donnez-vous à vos soldats ? |
Qui durant ces derniers combats
Vous ont montré tant de vaillance ?
AMSTERDAM.
Je souhaite pour récompense,
Qu'au premier combat des Français
1010 | Ils périssent tous à la fois ; |
Et plaise au grand Dieu qu'il arrive
Que nul d'eux à l'autre survive.
LA COMTESSE.
Certes ce légat n'est pas sot,
Couchez-le, Monsieur, mot à mot,
1015 | Afin qu'on le leur signifie, |
De crainte que l'on ne l'oublie.
L'AVOCAT.
Or sus, tout va bien jusqu'ici,
Mais les choses étant ainsi,
Il faut bien que votre héritage
1020 | Soit régi par une homme sage, |
Hardi, judicieux, entier ;
Qui nommez-vous pour héritier ?
LA COMTESSE.
La chose vaut bien qu'on y pense.
AMSTERDAM.
J'institue le Roi de France.
LA COMTESSE.
1025 | Et vos enfants... |
AMSTERDAM.
Retirez-vous, |
Mes enfants ne sont que des fous,
Des insolents, et des volages,
Cet héritier les fera sages,
Je veux, j'entends, j'ai résolu,
1030 | Qu'il en soit le maître absolu, |
Qu'il n'ait rien à leur rendre compte,
Et s'ils font les sots qu'il les dompte...
L'AVOCAT.
Seigneur, cela ne se peut mieux,
Vos enfants seront glorieux
1035 | D'être sous un si grand Monarque, |
Et votre choix est une marque
De l'amour que vous leur portez,
Soyez constant et persistez,
En un sentiment tant illustre,
1040 | Vous augmenterez votre lustre, |
Et la gloire de votre nom
En celle du sang de Bourbon ;
Cette race est toute éclatante,
Généreuse autant que puissante,
1045 | Et c'est d'elle d'où tant de Rois. |
On[t] prescrit au monde des Lois :
Celui qui vous livre la guerre,
Est un demi-Dieu sur la terre,
Mais avecque cette fierté
1050 | Il est tout rempli de bonté ; |
C'est un Prince très débonnaire,
Et vous ne pouvez pas mieux faire,
Que de choisir votre agresseur
Pour votre illustre successeur .
1055 | Achevez un dessein si mâle, |
Mais qu'est-ce ? Vous êtes si pâle,
Qu'avez-vous Seigneur ?
AMSTERDAM.
Mal au coeur,
Et je sens finir sa chaleur,
De grâce que l'on me soutienne !
L'AVOCAT.
1060 | Faites vite, Messieurs, qu'on vienne ! |
Afin qu'il signe promptement
La teneur de ce testament.
LE NOTAIRE.
Tenez, Seigneur, voilà la plume ?
AMSTERDAM, souscrit en tremblant.
Hélas ! Tout mon feu se consume,
1065 | À peine ma tremblante main |
Peut ici vous donner mon sein,
J'ai souscrit, mais je ne sais comme.
SCÈNE DERNIÈRE.
Tous les acteurs paraissent à cette scène.
LE MÉDECIN.
Comment se porte ce bon homme ?
Il a bien mauvaise couleur.
L'APOTHICAIRE.
1070 | C'est qu'il succombe à son malheur, |
En vain se fait-il violence
Pour retenir la défaillance,
Elle revient, il n'en peut plus.
LE MÉDECIN.
Parlons net, tout est superflu,
1075 | Ne traitons plus cet hydropique, |
Il faut seulement qu'on s'applique,
À le faire voir au Soleil,
Je remarque et lis dans son oeil,
Qu'il a besoin de sa lumière,
1080 | C'est la médecine dernière |
Donc nous pouvons encore user :
Et pour ne pas nous abuser,
Je le vois dans un grand désastre,
S'il n'a du secours de cet astre.
1085 | Qu'il songe donc à recourir |
À l'objet qui le fait mourir ;
Et puisqu'il faut qu'il le guérisse,
Qu'il se montre sans artifice
Mais cependant qu'une autre fois,
1090 | Amsterdam révère les Rois, |
Et que surtout il considère,
La grandeur de leur caractère,
Qu'il sache que les potentats
Sont les Dieux vivant ici-bas,
1095 | Qu'ils tiennent en main le tonnerre |
Quand il faut châtier la Terre,
Et que lorsqu'ils sont outragés
Il est juste qu'ils soient vengés ;
Ayons pour ce flambeau du monde
1100 | Une révérence profonde, |
Ces discours s'adressent à tous ;
C'est assez dit retirons nous.
Warning: Invalid argument supplied for foreach() in /htdocs/pages/programmes/edition.php on line 606
Notes
[1] Intempérie : Terme d'ancienne médecine. Mauvaise constitution des humeurs du corps. [L]
[2] Clystère : Injection d'eau chargée ou non d'un médicament, qui se fait par le fondement. [L]
[3] Intestat : Hériter ab intestat, hériter d'une personne qui n'a point fait de testament. [L]
[4] Airage : Technologie. On nomme ainsi l'angle que forment les ailes d'un moulin à vent, ou mieux la voile de chaque aile, avec le plan de leur circulation (...).[L]
[5] Casaquin : Anciennement, sorte de petite casaque à l'usage des hommes. [L]
[6] Brayette : Fente de devant d'un haut-de-chausses, d'une culotte. [L]
[7] Orsoi : ville du nord de la Rhénanie (actuellement en Allemagne). Cette ville a été prise par Vauban en 1672.
[8] Issel : Ville des Pays-bas à 100km à l'Est d'Amsterdam.
[9] Nimègue : Ville des Pays-Bas sur le Rhin à 100km à l'est de Rotterdam. [L]
[10] Utrecht : Ville des Pay-bas à 45 kilomètres au sud d'Amsterdam.
[11] Lancette : Instrument de chirurgie ainsi nommé à cause de sa forme allongée, et qui est particulièrement destiné à l'opération de la saignée. [L]
[12] Or : Or sert à exprimer l'exhortation. Or, dites-nous. Or çà, monsieur. Or sus commençons.
[13] Clément Marot (1496-1544) : poète français du XVIème siècle.
[14] Michiel Adriaenszoon de Ruyter (1607-1676), amiral néerlandais, décédé des suites de ses blessures lors de la bataille d'Agosta contre les Français.
[15] Intercadence : Terme de médecine. Trouble dans la succession des pulsations artérielles, qui offrent, de loin en loin, une pulsation surnuméraire placée entre deux pulsations. [L]
[16] Christoph Bernhard von Galen (1606-1678), évêque de Munster.