PARODIE DES PARODIES DE TITON ET L'AURORE
Représenté sur le Théâtre de l'Opéra Comique le 10 Avril 1753.
Le prix est de 12 sols.
M. DCC. LIII. Avec Approbation et Privilège du Roi.
À PARIS, chez DUCHESNE, Libraire, rue Saint-Jacques au dessous de la Fontaine Saint-Benoît, au Temple du Goût.
Représenté sur le Théâtre de l'Opéra Comique le 10 Avril 1753.
Texte établi par Paul FIEVRE avril 2020
Publié par Paul FIEVRE avril 2020/
© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:29.
ACTEURS.
MOMUS.
ROZETTE.
TRICOLOR.
RATON.
TOTINET.
LE RIEN
SCÈNE PREMIÈRE.
RATON.
AIR. De Nina.
Sur un point qui me chagrinait,
Parlons à Totinet
Net,
Les siens le prônent en tous lieux ;
5 | Soyons en dépit d'eux |
Deux.
Qu'ai-je à craindre d'un concurrent,
Mon triomphe est plus apparent
Malgré cela.
TOTINET.
10 | Ta, la, la, la. |
RATON.
Ah ! le voilà, le voilà
Là.
SCÈNE II.
Raton, Totinet.
TOTINET.
AIR. Belle Diguedon.
En ces lieux qui vous amène ?
Mon petit Raton,
15 | Raton, Titon, ton, taine. |
RATON.
Respectez plus le rival de Titon.
TOTINET.
Mon cher petit Titon,
Raton taine, riton.
RATON.
Cet air familier me gêne.
TOTINET.
20 | Ah ! Raton, Titon,, |
Titon, Raton tontaine.
RATON.
AIR. Ta, la, le rita la, le rire.
Vous croyez être fort aimable,
En chantant un mauvais refrain.
TOTINET.
De grâce soyez équitable.
RATON.
25 | L'Ami, c'est qu'il vous faut un frein, |
À cela qu'avez-vous à dire,
TOTINET, riant.
Ta, la, le rita, la le rita, la, le rire.
RATON.
AIR. Vous voulez, me faire chanter.
Ah ! Que vous avez bien le ton
De l'Opéra Comique.
TOTINET.
30 | Pourquoi, Monseigneur de Raton, |
Prendre cet air caustique ?
N'usez point de tant rigueur,
Même intérêt nous lie,
Si je vous passe la langueur,
35 | Passez-moi la folie. |
RATON.
AIR. Des Echos de Panart.
Hélas ! Pauvre Enfant clandestin
De ton destin,
Rien n'approche,
Plusieurs pères t'ont fabriqué.
TOTINET.
40 | Je suis piqué |
Du reproche.
RATON.
Chacun s'en aperçoit.
TOTINET.
Soit.
RATON.
Je n'ai qu'un père.
TOTINET.
45 | Avec son art subtil |
Il
Eut pu mieux faire.
RATON.
AIR. Du Prévôt des Marchands.
Savez-vous, Monsieur Totinet...
TOTINET.
Je sais que vous êtes parfait...
RATON.
50 | Que partout votre genre choque... |
TOTINET.
Mais nous avons d'autres appas...
RATON.
Vous êtes toujours équivoque.
TOTINET.
Sur ce point ne m'attaquez pas.
RATON.
Morbleu, si je me croyais
55 | Comme je l'étrillerais. |
SCÈNE III.
Momus, Totinet, Raton.
RATON.
AIR. Chacun a son ton, son allure.
Ah ! Seigneur Momus,
Non, je n'y tiens plus,
Imposez, s'il vous plaît, silence,
À ce petit morveux qui m'offense.
TOTINET.
60 | C'est lui qui vient pour m'insulter. |
Parce qu'il a les Éléments, La Lune et les étoiles pour lui.
RATON.
Il prétend sur moi l'emporter.
À cause que les vents soufflent contre nous, et qu'ils lui sont favorables.
TOTINET.
Désapprouvez-vous la gaité ?
Car enfin vous conviendrez qu'il en faut dans une parodie, et que partout j'en porte le caractère.
RATON.
Blâmez-vous l'ingénuité ?
Moi, je fus formé dans le dessein de paraître agréable et à mon gré cet avantage doit l'emporter sur celui de faire rire.
MOMUS.
Lure, lure, lure,
65 | Flon, flon, flon, |
Chacun a son ton
Son allure,
MOMUS.
AIR. De tous les Capucins du monde.
Tout genre est bon, vaille que vaille
Excepté le genre où l'on baille.
TOTINET.
70 | Moi, mon succès n'est pas douteux. |
RATON.
Mon premier acte est admirable !
TOTINET.
Oui, votre moulin tourne au mieux,
Et votre coq est impayable.
MOMUS.
AIR. Que chacun de nous se livre.
Courant la même carrière,
75 | Deux Auteurs sont ennemis ; |
Chacun craint que son confrère,
À son rang ne soit admis ;
Le partage enfin le pique,
En tous climats, comme ici,
80 | L'amour propre est fils unique, |
Il veut tout avoir pour lui.
SCÈNE IV.
Momus, Rozette, Tricolor, Raton, Totinet.
AIR. Vogue la galère.
ROZETTE, tenant un arrosoir.
AIR. Des Sabotiers Italiens.
Mon cher Raton,
Je cherche à Titon
Que n'est-il en ce séjour
85 | Jour ! |
TRICOLOR, arrivant un bout de chandelle à la main.
Qu'entends-je ?
ROZETTE.
Quelqu'un vient par là,
Étonnée.
C'est Tricolor !
TRICOLOR.
Vous voilà,
TOUS DEUX.
Ah !
TRICOLOR.
AIR. Où courez-vous, Monsieur l'Abbé.
Quoi donc, Rozette à petit bruit
Se hasarder ainsi la nuit !
90 | Vous allez sans chandelle. |
ROZETTE.
Hé bien !
TRICOLOR, montrant sa lumière.
Crainte du parallèle,
Vous m'entendez bien ;
RATON.
AIR. La façon de Barbari.
Belle Rozette !
ROZETTE.
Ah, ah, Raton,
95 | Que venez vous donc faire, |
Avec ce petit myrmidon ; [ 1 Myrmidon : Fig. et par raillerie, un jeune homme de petite taille. [L]]
TRICOLOR, montrant Raton.
Il vaut bien, ma chère,
Sa nourrice en fit un mignon ;
ROZETTE.
La faridondaine, la faridondon
Montrant son amant.
100 | Par la danse il est rajeuni. |
TRICOLOR.
Biribi,
À la façon de Barbari
Mon ami.
ROZETTE.
AIR. Quoi, vous partez.
Il vous sied bien, ma petite Mignonne :
105 | De comparer votre héros au mien ; |
À Momus.
Pardon, Seigneur ; mais son orgueil m'étonne ;
TRICOLOR.
Vous êtes fort modeste, on le voit bien.
ROZETTE.
Quoi vous sied-t'il, ma petite mignonne,
De comparer votre héros au mien.
TRICOLOR.
AIR. La mort pour les malheureux.
110 | De quel droit prétendez-vous |
Primer sur nous ?
J'admire en vérité,
Votre fierté.
MOMUS, à Raton.
Votre célébrité,
115 | N'a pas trop éclaté, |
TOTINET.
On n'en a point été
Flatté.
MOMUS, à Totinet.
Et vous-même quel effet
Avez-vous fait ;
120 | Citez-moi, s'il vous plaît |
Un seul couplet,
Dont le tour simple et neuf.
TOTINET.
J'en compte neuf.
MOMUS.
Très dignes du Pont-Neuf.
MOMUS, à Raton et Rozette.
125 | De la Roze et du bouton |
Vous répétez trop le Vaudeville,
À Totinet et Tricolor.
Vous avez pris de Titon,
Un quatrain assez utile.
ROZETTE.
Ses soufflets sont bien trouvés.
TRICOLOR.
130 | Mais vos Pierrots sont-ils bien approuvés ! |
TOTINET.
Nous avons été couronnés.
MOMUS.
Grâces aux billets donnés.
TRICOLOR.
Seigneur, nous n'insistons point,
Passons ce point ;
135 | Mais nos petits Ballets, |
Ne sont pas laids ;
En trouve-t-on ailleurs
De plus gais, de meilleurs,
Que notre ronde de tailleurs ?
ROZETTE.
140 | Les nôtres sont gracieux, |
Et valent mieux ;
Des fleurs fort galamment
Font l'ornement...
MOMUS, à Rozette.
Vous êtes dans vos Jeux
145 | Trop sérieux, |
Parlant de Totinet et Tricolor.
Eux
Trop factieux.
TOUS QUATRE.
Enfin, enfin,
Prononcez sur notre destin,
150 | Jugez, jugez, |
Sans préjugés.
MOMUS.
Pourquoi
Défier ainsi ma bonne foi,
Vous vous plaindrez de moi.
TOUS QUATRE.
155 | Enfin, enfin, |
Prononcez sur notre dessin,
Jugez, jugez,
Sans préjugés.
MOMUS.
À Raton et Rozette.
Tous vos petits airs
160 | Sont sur des grands airs ; |
Nul ne chantera,
Ces tirades-là.
TOTINET.
Que je suis content
De ce jugement !
MOMUS, à Totiner.
165 | Vous chantez différemment |
Chaque refrain,
Porte des traits dont le tout est malin ;
Votre Apollon,
Aurait pu prendre un meilleur ton.
RATON.
170 | Que je suis content |
De ce jugement !
MOMUS.
parlant de Raton.
Il est engourdi.
À Totinet.
Vous êtes noirci.
À Raton parlant de Totinet.
Vous êtes piquant
175 | Au commencement |
Et vous dans le dénouement.
RATON.
AIR. Bouchez Noyades vos fontaines.
Mais quand je parus sur la scène,
Seigneur, la chambrée était pleine.
TOTINET.
Je reçus mille compliments.
RATON.
180 | Je fus applaudi sans ombrages. |
MOMUS.
Messieurs... les applaudissements
Ne sont pas toujours des suffrages.
TRICOLOR.
AIR. Tu croyais en aimant Collette.
Même objet nous a tous fait naître.
ROZETTE.
En cela nous nous ressemblons.
TOTINET.
185 | Je plais à qui sait me connaître. |
RATON.
En mérite nous différons.
MOMUS.
AIR. Voilà la ressemblance.
Tous deux vous avez le tic,
De vouloir plaire au Public,
Voilà la ressemblance :
À Totinet.
190 | L'un sait ennuyer gaiement, |
À Raton.
L'autre amuser froidement,
Voilà la différence.
RATON.
AIR. Du Prévôt des Marchands.
Adoucissez un peu l'arrêt
TOTINET.
Un peu trop vif il nous paraît.
MOMUS.
195 | Pour éviter les épigrammes, |
Et pour vous corriger en tout,
Mes enfants, consultez les Dames ;
Montrant les loges.
Voilà le tribunal du goût.
TOUS QUATRE.
200 | De votre avis sincère |
Nous pourrons profiter.
MOMUS.
Quand au sexe on sait plaire,
Partout on peut chanter.
TOUS CINQ.
Hé vogue la galère,
205 | Tant qu'elle pourra voguer. |
On danse.
J'ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, une Parodie, qui a pour titre : le Rien, Parodie des Parodies de Titon l'Aurore, et je crois que l'on peut en permettre l'impression. À Paris, ce 11 Avril 1753.
CRÉBILLON.
Le Privilége et l'enregistrement se trouvent à la fin du recueil des pièces de Théâtre.
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Notes
[1] Myrmidon : Fig. et par raillerie, un jeune homme de petite taille. [L]