******************************************************** DC.Title = RETOUR DE BRUXELLES, COMÉDIE DC.Author = VERCONSIN, Eugène DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:48. DC.Coverage = Belgique DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/VERCONSIN_RETOURDEBRUXELLES.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96135963 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** RETOUR DE BRUXELLES COMÉDIE EN DEUX TABLEAUX. 1878. Tous droits réservés PAR M. EUGÈNE VERCONSIN. EVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY. PERSONNAGES GASTON. ADRIENNE, femme de Gaston. MISS DÉBORAH. MATHILDE. UNE VIEILLE DAME. DEUX DOUANIERS. Un DOMESTIQUE. Le premier tableau se passe dans un hôtel de Bruxelles. ? Le second sur la frontière de France, à la gare du chemin de fer. PREMIER TABLEAU Chambre d'hôtel en désordre, portes latérales ; beaucoup de malles et de menus colis par terre et sur les meubles. Table au fond. Guéridon à gauche, premier plan, encrier, plumes, etc. Toilette de voyage sur la table à droite au fond. SCÈNE PREMIÈRE. A, seule, assise et écrivant. ADRIENNE, se relisant. « Apportez-moi vos dentelles au reçu de ma lettre, nous partons ce soir. » Parlé.Nous ne partons que demain, mais je suis plus sûre ainsi d'avoir ces jolies dentelles. Elle sonne, met sa lettre sous enveloppe et écrit l'adresse. Haut.Madame Salomon... Là !... Eh bien ! Personne. Elle se lève et va à la porte de gauche, à la cantonade.N'entendez-vous pas ? Portez cette lettre. SCÈNE DEUXIÈME. Adrienne, Gaston. GASTON, son chapeau sur la tête. Soyez satisfaite, ma chère. Je renonce à visiter la galerie du Baron Van Berg et nous quittons Bruxelles aujourd'hui, avec vos amies, Madame Drançay et miss Déborah. ADRIENNE. Enfin, vous vous décidez ! Mais je ne vous remercie pas. Vous vous êtes trop fait prier. À quelle heure le départ ? GASTON. À six heures. Il dépose son chapeau sur la table du fond. ADRIENNE. J'ai juste le temps de fermer mes malles. GASTON, lorgnant les malles et souriant. Ah ! Vous avez raison de les mettre au pluriel ; vous devez emporter là une partie de la Belgique. ADRIENNE. Et de la Hollande, Monsieur... Il me reste même une dernière emplette à faire. GASTON. Encore ! ADRIENNE. Rassurez-vous ; celle-là prendra peu de place dans nos bagages. GASTON. Allons, tant mieux ! ADRIENNE. Attendu que ce sont de mignonnes dentelles... GASTON. Dont les droits d'entrée sont exorbitants... Affectant l'accent belge.Savez-vous ? ADRIENNE. Mais j'entends bien ne pas les payer, ces affreux droits... Imitant Gaston.Savez-vous ? GASTON. Ah oui ! Et passer votre marchandise en contrebande ? ADRIENNE. Tout simplement. GASTON. Pour vous faire prendre à la douane, et nous infliger l'humiliation d'une condamnation pour fraude. Grand merci, ma chère amie ! ADRIENNE. Je ne ferai rien prendre du tout, Monsieur ; je passerai mes dentelles à la barbe de Messieurs les douaniers, comme les ont déjà passées Mesdames Reynold, Deligny ; comme les passeront miss Déborah et Mathilde. GASTON. C'est cela, vive la fraude ! Vive le fruit défendu ! Ô les femmes ! ADRIENNE. Vive une pauvre petite fantaisie, Monsieur ! GASTON. Mais ta petite fantaisie ne te mène à rien moins qu'à renverser tous les principes établis, à voler l'État, malheureuse ! ADRIENNE. Turlututu ! Je ne vole rien du tout, et je me moque de vos principes. GASTON. Tu te moques... Mais alors tu deviens une créature subversive, ma chère amie... Mais vous êtes une révolutionnaire, Madame ! ADRIENNE. Je suis libre échangiste, voilà tout. GASTON. Plaît-il ? ADRIENNE. Comme vous disiez hier soir, dans cette discussion qui nous a tant ennuyées, ces dames et moi, je suis pour la libre circulation des marchandises... et des dentelles. GASTON. Soit ; mais tant que la loi qui prohibe la libre circulation n'est pas abolie, tu dois la respecter... et ne pas emporter tes dentelles. ADRIENNE. C'est-à-dire que vous me condamnez à m'en aller, cet hiver, dans le monde, comme une pauvre Cendrillon, tandis que toutes mes amies seront resplendissantes. GASTON. Grand bébé, va ! ADRIENNE. Des injures, à présent ! Ah ! L'on voit bien que nous avons déjà une année de mariage. GASTON. À quoi voit-on cela ? ADRIENNE. Mais au peu de souci que vous avez aujourd'hui de faire plaisir à votre femme. GASTON. Pardon, ma chère, pardon ! Je vous prie de nous éviter une sotte mésaventure ; mais, si votre bonheur est sérieusement attaché à la possession de quelques mètres de dentelles, c'est moi qui vais, de ce pas, les acheter. ADRIENNE. Hein ? GASTON. Mais à une condition, c'est que j'en payerai les droits d'entrée. Il reprend son chapeau. ADRIENNE, à part, désappointée. Oh ! Alors, ce n'est plus amusant. Elle passe à droite. GASTON. Où demeure le marchand ? ADRIENNE. Reste, Gaston. GASTON. Plaît-il ? ADRIENNE. J'ai eu tort ; ne parlons plus d'un caprice auquel je renonce. GASTON. Puisque c'est moi qui t'offre... ADRIENNE. Je t'en sais gré, mais... GASTON. Ignores-tu le proverbe ? L'homme propose et la femme... accepte. ADRIENNE. La femme refuse, Monsieur, quand elle est raisonnable... À part.Et qu'à ce prix-là, elle peut avoir toutes les dentelles du monde à Paris. GASTON. Quoi, vraiment ? ADRIENNE. Allez faire vos malles. GASTON. Tout de bon ? ADRIENNE. Allez donc ! GASTON. Je m'en vais, mais je sors pénétré d'admiration. ADRIENNE. Il va se moquer de moi, à présent. GASTON. Me moquer, quand tu viens de gagner la plus belle des victoires, celle qu'on remporte sur soi-même ! ADRIENNE, le reconduisant à la porte de gauche. Sortez, mauvais plaisant. GASTON. [Note : Arbelles : Ville près de Ninive (Assyrie) qui a donné à la bataille dont Alexandre le Grand a remporté en -331.]C'est-à-dire qu'Alexandre lui-même, après la bataille d'Arbelles... ADRIENNE, le mettant à la porte. Voulez-vous bien vous taire ! GASTON, en dehors. Alexandre n'en a jamais fait autant. SCÈNE III. ADRIENNE, seule. Dépassons donc Alexandre et donnons contre-ordre à Madame Salomon, la plus redoutable tentatrice des Flandres... Elle va pour s'asseoir. On frappe à la porte de droite.Entrez... La porte s'ouvre. Mathilde ! Et Miss Déborah ! SCÈNE IV. Adrienne, Mathilde, Miss Déborah. MISS DÉBORAH, lui secouant la main à l'anglaise. Bonjour, Madame. ADRIENNE, à Mathilde. Es-tu gentille ! À Miss Déborah.Vous êtes bien, chère miss ? MISS DÉBORAH, avec l'accent anglais. Thank you, très bien. MATHILDE. Nous venons t'apprendre une bonne nouvelle ; nous partons toutes trois ensemble. ADRIENNE. Je sais. MISS DÉBORAH. Ce sera très-charmant. MATHILDE. Nous venons de rencontrer ton mari aux galeries Saint-Hubert, et nous l'avons décidé à avancer son départ. ADRIENNE. Et il a cédé sans résistance ? MATHILDE. Sans la moindre résistance. MISS DÉBORAH. Avec une plaisir apparente. ADRIENNE. Eh bien, je l'ai vainement prié hier soir, moi ! MATHILDE. Tu n'es que sa femme, toi. MISS DÉBORAH. Is it possible ? MATHILDE. Voilà les maris, mesdames !... Adrienne, quand le tien te refusera quelque chose, tu me l'enverras ; quand le mien voudra se faire prier, je te l'expédierai ; et, grâce à ce chassé-croisé, nous obtiendrons d'eux tout ce que nous voudrons. MISS DÉBORAH. Très-drôle, en vérité. MATHILDE. Est-ce qu'en Angleterre, Messieurs les maris sont aussi difficiles à... conduire? MISS DÉBORAH. Oh ! En Angleterre le... la... disez-moi le mot que je veux dire... Vivement.L'administration ? j'ai trouvé le mot ? l'administration du mariage était différente ; c'étaient les maris qui ordonnaient tojors, et les femmes qui obéissaient tojors. ADRIENNE. Ah! MATHILDE. Voilà pourquoi Miss Déborah reste garçon et voyage comme un garçon. Regardant sa montre.À propos, tu sais que tu n'as plus qu'une heure ? MISS DÉBORAH. Vôlez-vous que nous aidions vous ? MATHILDE. C'est cela. Moi, j'emballe la toilette. MISS DÉBORAH. Moa, je vais fermer cette petite sac.... qui contient les provisions de bouche. Flairant le sac. Ces petites croquettes de chocolat, ils embaumaient. ADRIENNE. À votre service, Miss Déborah. MISS DÉBORAH. Thank you !... Je prenais une. Elle croque, la trouve à son goût et dit :No, deux... MATHILDE. Qu'est-ce que tu as donc fourré dans ce coffret ? Ah ! Gageons que ce sont les fameuses dentelles de Madame Salomon ! ADRIENNE. Hélas ! Je ne les emporte pas, ma pauvre amie. MATHILDE. Tu n'emportes pas de dentelles ! Mais qu'est-ce que tu es venue faire en Belgique alors ? ADRIENNE. C'est Gaston qui s'est opposé... MATHILDE. Ton mari ? De quoi se mêle-t-il ? Est-ce que nos dentelles regardent nos maris ? ADRIENNE. Il a prétendu que je me les ferais confisquer à la douane. MATHILDE. Allons donc ! MISS DÉBORAH. Je défie bien les gendarmes de découvrir les miennes, parce que j'en avais entortillé moa comme une momie d'Égypte. MATHILDE. Le fait est, ma chère, que Miss Déborah en est littéralement emmaillotée. ADRIENNE. Et puis Gaston a invoqué la morale, les principes. Il soutient que je volerais l'État. MATHILDE. Peuh ! Voler l'État n'est pas voler d'abord. Qu'est-ce que c'est que cela, l'État ? Je ne connais pas ce monsieur-là, moi. L'État, c'est moi, c'est toi, c'est nous, et l'on ne se vole pas soi-même... Il n'a pas le sens commun, ton mari... Veux-tu que j'aille lui parler, moi ? ADRIENNE. C'est inutile. Gaston m'a offert ces malheureuses dentelles. MATHILDE. Eh bien ! Alors ? ADRIENNE. Mais à la condition qu'il en paierait les droits d'entrée. MATHILDE. Payer l'entrée !.. Ce n'est plus drôle. ADRIENNE. C'est justement ce que je me suis dit. MATHILDE. La contrebande double le plaisir que l'on a de porter des dentelles. MISS DÉBORAH. Tandis que le droit d'entrée double le prix d'achat. ADRIENNE. Aussi est-ce moi qui ai renoncé... MATHILDE. Ces maris sont insupportables. ADRIENNE. N'accuse pas le mien. Il m'a comblée d'éloges. MATHILDE. Tiens ! Tiens ! ADRIENNE. Il m'a comparée à Alexandre, ma chère ! MISS DÉBORAH. Le roi de Macédoine ? ADRIENNE. Il paraît qu'Alexandre s'est vaincu lui-même dans je ne sais quelle circonstance. MATHILDE. Attends donc ! Mais ton histoire m'en rappelle une autre... Oh ! Le traître ! ADRIENNE. Qu'as-tu donc ? MATHILDE. J'ai... que j'entrevois une horrible machination. J'ai... que tu as été dupe de ton mari, ma pauvre enfant ! ADRIENNE, protestant. Ah ! MISS DÉBORAH. Oh ! MATHILDE. Comme je l'ai été du mien en pareille circonstance. ADRIENNE. Que veux-tu dire ? MISS DÉBORAH. Oh ! Yes ; que volez-vous dire ? MATHILDE. Écoutez mon histoire et profitez : C'était pendant les premiers jours de mon mariage ; nous faisions notre voyage classique, mon mari et moi, et nous revenions de Belgique, comme aujourd'hui. Naturellement, je voulais rapporter des flots de dentelles ; mais mon seigneur et maître s'y opposa sous prétexte de morale, de principes internationaux ; que sais-je ? J'étais simplette alors, je cédai. ADRIENNE. Comme moi. MISS DÉBORAH, à part. Ces Françaises n'avaient pas de caractère. MATHILDE. Et savez-vous ce qui nous arriva à la frontière ?.. Nous fûmes pris en fraude. ADRIENNE. Comment, puisque... ? MATHILDE. Les douaniers s'emparèrent d'une jolie provision de cigares que mon mari essayait de passer dans sa casquette de voyage... une casquette ouatée, haute de cela, ma chère, un véritable bonnet persan. MISS DÉBORAH. Et c'est lui qui vous recommandait le probité ! ADRIENNE. Quelle horreur ! MATHILDE. Voilà les hommes ! ADRIENNE. Ah ! Gaston est incapable... MATHILDE. Innocente ! Laisse-moi donc finir mon histoire : pendant le voyage (avant l'accident des cigares, bien entendu), mon traître d'époux ne tarissait pas d'éloges sur ma noble conduite. ADRIENNE. Ah ! MATHILDE. Il me comparait à César... Toi, c'était Alexandre ; moi, c'était César. Crois-tu maintenant que ton Gaston se soit moqué de toi ? MISS DÉBORAH. C'était bien présumable. ADRIENNE. Si je le soupçonnais ! MATHILDE. Soupçonne-le, et emporte tes dentelles. N'en dis rien à ton tyran aujourd'hui, et demain, quand tu les lui montreras, il sera le premier à rire et à te complimenter sur ton acquisition. LA VOIX D'UN DOMESTIQUE, à droite. Madame Salomon demande à parler à Madame. MISS DÉBORAH. Elle venait à propos. MATHILDE, à la cantonade. Faites entrer Madame Salomon. ADRIENNE. Oh ! Non ! MATHILDE. Enfant, va ! ADRIENNE. Je dis non, pas ici. Montrant la porte de gauche.Gaston est à côté et peut venir d'un moment à l'autre. MATHILDE. Ah ! Très bien. À la cantonade.Faites entrer Madame Salomon dans le salon. À Adrienne. Et allons admirer ses merveilles. ADRIENNE, hésitant. Je ne sais pas si je dois... MATHILDE, l'emmenant. Allons ! Viens donc. Elles sortent par la droite. MISS DÉBORAH. Elle entortillera elle comme moa. Elle suit Mathilde et Adrienne. DEUXIÈME TABLEAU. La scène se passe à la frontière, dans la salle de la visite des bagages. Des malles et des sacs de nuit rangés sur deux tables placées au premier plan, l'une à droite, l'autre à gauche. Banc au fond. SCÈNE PREMIÈRE. Deux Douaniers, Gaston , Adrienne, Miss Déborah, Mathilde, Une Vieille Dame, Un Porteur. DEUXIÈME DOUANIER, à la table de droite. Par ici, messieurs les voyageurs. Les voyageurs entrent par la droite.Veuillez reconnaître vos bagages. LA VIEILLE DAME. Voilà les miens. ADRIENNE. Voilà mes malles. MISS DÉBORAH. Et moa le mienne. TOUS, appelant. Monsieur l'employé ! Monsieur l'employé ! Tous ouvrent leurs malles ; le premier douanier commence à visiter les malles d'Adrienne. LA VIEILLE DAME, au deuxième, douanier. Moi, d'abord. MISS DÉBORAH. Pourquoi vous d'abord, Madame ? LA VIEILLE DAME. Parce que j'avais appelé Monsieur avant vous, madame. MISS DÉBORAH. Je vous demande pardon, Madame ! LA VIEILLE DAME. Mais, Madame ! MISS DÉBORAH. Vous disez, Madame? LA VIEILLE DAME. Je vous dis, madame... Changeant d'idée.Eh bien ! Où est Théodore ? Appelant.Théodore ! Mon Dieu ! Où est Théodore ? GASTON, voisin de la vieille dame. Madame a perdu son mari ? LA VIEILLE DAME. Plaît-il, Monsieur ? GASTON. Je vous demande si vous avez perdu Monsieur votre mari. LA VIEILLE DAME, émue. Hélas ! Monsieur, depuis dix-sept ans. GASTON, à part. Qu'est-ce qu'elle chante ? L'aboiement d'un petit chien se fait entendre dans la salle voisine. LA VIEILLE DAME. Ah ! Le voilà ! À la cantonade.Je suis à toi, mon chéri. GASTON. Alors Théodore n'est pas Monsieur votre mari ?... LA VIEILLE DAME. C'est mon chien, Monsieur ; mon seul ami sur cette terre. DEUXIÈME DOUANIER, visitant la malle de la vieille dame. Un drôle de nom pour un chien ! LA VIEILLE DAME. Ce nom est toute une histoire, Monsieur l'employé : j'avais seize ans... DEUXIÈME DOUANIER. Seize ans !... Votre chien a donc soixante ans. LA VIEILLE DAME. Permettez... Vous ne me laissez pas achever. DEUXIÈME DOUANIER. Si vous croyez que j'ai le temps d'écouter vos histoires... Vous n'avez rien à déclarer ? LA VIEILLE DAME, ouvrant son châle. Vous pouvez me fouiller, je me livre à vous, Monsieur. DEUXIÈME DOUANIER. Je ne vous demande pas cela. Visitant toujours sa malle.Qu'est-ce que c'est que ce paquet résistant ? Ah ! Non, ça se casse. LA VIEILLE DAME. Mais c'est le biscuit de Théodore ; vous avez mis en morceaux le biscuit de Théodore. DEUXIÈME DOUANIER. Pauvre bête !... Et cet autre objet... résistant, pour le coup ? LA VIEILLE DAME. Je vous prie de laisser cela, Monsieur. DEUXIÈME DOUANIER. Je vous demande ce que c'est. LA VIEILLE DAME. Vous voyez bien que c'est une... un... DEUXIÈME DOUANIER. Un quoi ? LA VIEILLE DAME. Mais c'est un objet intime, Monsieur. DEUXIÈME DOUANIER, renseigné. Ah ! Il fallait donc le dire tout de suite. Vous pouvez emporter votre malle. Il la marque à la craie et ouvre la malle de miss Déborah. LA VIEILLE DAME, prenant sa malle. Quel butor ! Au public.N'importe, j'ai passé mes dentelles. Nouvel aboiement. À la cantonade. Me voilà, mon trésor, me voilà ! Elle sort en emportant sa malle. SCÈNE DEUXIÈME. Les Mêmes, moins la vieille dame. ADRIENNE, bas à Gaston. Voilà une dame qui a passé ses dentelles. GASTON. Elles ne la rajeuniront pas. DEUXIÈME DOUANIER, à Miss Déborah. Votre malle ne contient pas d'objets soumis au droit ? MISS DÉBORAH. Pas la plus petite chose, Monsieur. DEUXIÈME DOUANIER. Qu'est-ce que je sens là ? MISS DÉBORAH. C'était mon révolver, Monsieur. DEUXIÈME DOUANIER. Ah ! Ah ! Et vous n'avez rien sur vous... sous ce waterproof ? MISS DÉBORAH. [Note : Inquisition : Recherche, enquête. [L]]Ne touchez pas, Monsieur, je vous défends de toucher... Il y a des femmes chargées de cette inquisition, je suppose. DEUXIÈME DOUANIER. Ah ! Pardon !... Vous pouvez passer. MISS DÉBORAH, bas à Adrienne. J'ai passé mes dentelles. Haut.Je vous attends. Elle s'assoit sur le banc qui est dans le fond. ADRIENNE, bas à Gaston. Miss Déborah passe aussi les siennes. GASTON. Vous auriez donc pu passer les vôtres... mais je ne l'ai pas voulu. ADRIENNE. Voilà ! Elle va ouvrir ses malles. GASTON, à part, passant à l'extrême droite. Voilà un reproche qui retentira souvent à mes oreilles, et nul moyen de l'éviter. Changeant de ton.Mais si, il y a un moyen... c'est d'attirer sur Adrienne l'attention de messieurs les douaniers... C'est même de la faire fouiller légèrement, puisque je suis sûr qu'elle n'a pas de dentelles. De la sorte, je lui démontre qu'elle a bien fait de n'en pas emporter, et j'assure le repos de mon hiver. Haut, appelant le deuxième employé.Eh ! Monsieur l'employé, cette valise est à moi. Il indique une valise sur la table de droite et l'ouvre devant le deuxième douanier, en lui parlant bas. ADRIENNE, au premier douanier à gauche. Je puis refermer cette malle ? PREMIER DOUANIER. Oui, madame. MATHILDE, au premier douanier. À mon tour. PREMIER DOUANIER, très aimable. Madame n'a rien à déclarer? MATHILDE. J'ai à déclarer que cette cérémonie est bien ennuyeuse. PREMIER DOUANIER. Madame aime à rire. Aurait-elle l'obligeance de me dire quel est ce petit paquet long et mou ? MATHILDE. Ce sont mes nattes, Monsieur. PREMIER DOUANIER. Ah !... Galamment.Madame n'en a pourtant pas besoin. Il reboucle la malle de Mathilde. MATHILDE, à part. Hein ! Bas, à Adrienne.Je crois qu'il me fait des compliments. Riant.Ces choses-là n'arrivent qu'à moi. ADRIENNE. Folle ! MATHILDE. Pas si folle ! Je passerai mes dentelles. PREMIER DOUANIER, à Mathilde, en marquant sa malle. Madame peut faire enlever sa malle. MATHILDE. L'avais-je dit ?... Je t'attends. Elle s'assoit sur le banc. DEUXIÈME DOUANIER, bas à Gaston, en désignant Adrienne. Ainsi vous pensez que cette dame ?... GASTON. Je ne pense rien. Je dis seulement que vous votre service mollement. DEUXIÈME DOUANIER, à part. Oui-da ; serait-ce un inspecteur ?... Ouvrons l'oeil. Il se rapproche d'Adrienne. ADRIENNE, au porteur. Mes malles sont à remporter. DEUXIÈME DOUANIER, passant à la table de gauche. Pardon, Madame, celle-ci n'a pas été visitée. Il ouvre la malle et bouleverse les objets qu'elle contient. ADRIENNE. Hein !... Mais... Prenez donc garde. Vous saccagez toutes mes affaires... DEUXIÈME DOUANIER. Je fais mon devoir, Madame. ADRIENNE. Eh bien ! Vous avez tout vu, n'est-ce pas ? Elle veut refermer sa malle et pince les doigts du douanier. DEUXIÈME DOUANIER, secouant la main. Un instant, Madame. Comme vous êtes pressée ! ADRIENNE. Votre inspection est terminée, j'imagine ? DEUXIÈME DOUANIER. Terminée... terminée... Il l'examine.Madame est vêtue bien chaudement pour le mois de juillet. ADRIENNE. Je suis vêtue comme il me plaît. DEUXIÈME DOUANIER. C'est ce que les surveillantes examineront tout à l'heure. Il va parler bas au premier douanier. ADRIENNE, effrayée, à part. Qu'est-ce qu'il dit ? GASTON, à part. Cela va bien. ADRIENNE, à Mathilde. Est-ce qu'on va me fouiller ? DEUXIÈME DOUANIER. Qu'avez-vous donc, Madame ? Vous êtes toute tremblante. ADRIENNE. Moi, pas du tout ! Bas à Mathilde.Je ne me sens pas bien. Elle s'appuie sur Mathilde. MATHILDE. Adrienne !... Mais elle se trouve mal. MISS DÉBORAH, se levant. Respirez cet flacon et reprenez votre sentiment. GASTON, s'approchant d'elle, à part. Qu'a-t-elle donc ? DEUXIÈME DOUANIER. Mais remettez-vous, Madame, remettez-vous ! Il lui prend la main comme pour la ranimer. Adrienne retire vivement la main. ADRIENNE. Laissez-moi. DEUXIÈME DOUANIER, tirant un ruban de dentelles qui s'échappe par la manche ouverte d'Adrienne. Qu'est-ce que c'est que cela ? De la dentelle magnifique ! Adrienne chancelle. Mathilde et Miss Déborah la soutiennent. GASTON, à part. Comment ! Elle en avait ! Haut.Tu en avais ! ADRIENNE. Pardonne-moi, Gaston. DEUXIÈME DOUANIER, à part. Tiens, ils se connaissent ! MATHILDE, à Gaston. Soyez indulgent, Monsieur ; c'est moi qui suis la plus coupable. MISS DÉBORAH. C'est nous qui avons entraîné cette pauvre petite en péché. DEUXIÈME DOUANIER riant, à Gaston. Comment, Monsieur, vous connaissez cette dame et c'est vous qui m'avez expédié !... GASTON, à part. Silence ! ADRIENNE, à Gaston. C'est vous qui m'avez dénoncée ? GASTON. Est-ce que je savais, moi ? Est-ce que je pouvais supposer que vous étiez couverte de dentelles, après les promesses que vous m'aviez faites ? MATHILDE, à part. Mais on n'est pas bête comme cela. MISS DÉBORAH. C'était stioupide ! À Gaston.Vous vous êtes conduit comme... GASTON. Comme un imbécile, je le sais bien... mais, encore une fois, je ne pouvais croire qu'Adrienne... DEUXIÈME DOUANIER, à part. Moi, je la trouve drôle. MATHILDE. Allons, Monsieur de Gensac, nous sommes tous coupables, nous... Elle montre Adrienne.Elle, vous, vous surtout. ADRIENNE, vivement et prenant la main de Gaston. Oh ! Non ! Moi surtout. MISS DÉBORAH. Eh bien ! Alors, nous devons nous pardonner les uns aux autres. DEUXIÈME DOUANIER, à Gaston, en lui montrant la porte à gauche. Monsieur ! GASTON. Et payer l'amende. À Adrienne.Venez, petite criminelle. Il offre son bras à Adrienne et sort avec elle par la gauche, en suivant le douanier. MISS DÉBORAH. Ces Françaises, ils savaient pas voyager ! Si elle avait entortillé elle, comme moa... MATHILDE. Elle aurait entortillé les douaniers. MISS DÉBORAH, sortant par la droite avec Mathilde. Mais elle n'a pas voulu entortiller elle. Elles sortent. ==================================================