******************************************************** DC.Title = ALCESTE OU LE TRIOMPHE D'ALCIDE, TRAGÉDIE DC.Author = QUINAULT, Philippe DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 13:02:18. DC.Coverage = Grèce DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/QUINAULT_ALCESTE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1511217x DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** ALCESTE OU LE TRIOMPHE D'ALCIDE TRAGÉDIE REPRÉSENTÉE, L'AN MDCLXXIV. TRAGÉDIE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. Remise au Théâtre, le Jeudi 22. Janvier 1739. N'ayant point été représentée depuis 1728. LE PRIX EST DE XXX. SOLS. L'on vend cet Opéra imprimé pour la première fois, Partition In-quarto, 12. Liv. relié. Le même Opéra est gravé Infolio : il est du prix de vingt livres relié, de même que chacun des dix-huit autres Opéras de Mr. DE LULLI. M. DCC. XXXIX. AVEC PRIVILÈGE DU ROI. DE L'IMPRIMERIE De JEAN-BAPTISTE-CHRISTOPHE BALLARD, Seul Imprimeur du Roi, et de l'Académie Royale de Musique. À Paris, au MONT-PARNASSE, rue S.-Jean-de-Beauvais. Représenté par l'Académie royale de musique, le 17 avril 1782 au Théâtre du Palais-Royal. ACTEURS CHANTANT DANS TOUS LES COEURS. CÔTÉ DU ROI. Mesdemoiselles Dun, Delorge, Varquin, Duplessis, La Fontaine, Varlet, Jacquet. Messieurs Marcelet, St. Martin, Le Mesle, Lefebvre, Rimbault, Buseau, François, Duplessis, Lorette, Houbault, Fel. CÔTÉ DE LA REINE. Mesdemoiselles Antier-C, Thetelette, Lavalée, Deshaigles, Cartou, Selim. Messieurs De Serre, Louette, Gratin, Groslier, Deshais, Méchain-C, Galard, Bornet, Bourque, Duchenet. ACTEURS DANSANT [DE LA TRAGÉDIE]. PREMIER ACTE. MATELOTS, ET MATELOTES ; Mademoiselle Mariette ; Messieurs F-Dumoulin, Thessier, P-Dumoulin ; Dangeville, Malter-L. Mesdemoiselles Thiery, Dallemand-C, Frémicourt, Le Breton, Saint Germain. DEUXIÈME ACTE. COMBATTANTS ; Troupe de soldats de LICOMÈDE ; Monsieur Javillier-C. Messieurs Dangeville, P-Dumoulin, Thessier, Hamoche, Malter-L, Charlier. Troupe de soldats THESSALIENS ; Monsieur Savar ; Messieurs Javillier-3, Lacroix, Dumay, Dupré, Matignon, Boudet. TROISIÈME ACTE. TROUPE D'HOMMES AFFLIGÉS ; Messieurs Dumay, Dupré, Thessier, Hamoche. TROUPE DE FEMMES AFFLIGÉES ; Mesdemoiselles Petit, Durocher, Saint-Germain, Courcelle. QUATRIÈME ACTE. DIVINITÉS INFERNALES ; Monsieur Dupré ; Messsieurs Malter-C, Matignon ; Messieurs Savar, Dumay, Dupré, Lacroix, Javillier-C, Javillier-3. Mademoiselle Dallemand-L ; Mesdemoiselles Petit, Durocher, Frémicourt, Saint-Germain, Courcelle. CINQUIÈME ACTE. BERGERS, ET BERGÈRES ; Monsieur D-Dumoulin ; Messieurs F-Dumoulin, P-Dumoulin, Thessier, Dangeville, Malter-L ; Mademoiselle Sallé ; Mesdemoiselles Frémicourt, Thiery, Dallemnd-C, Saint-Germain, Courcelle. PROLOGUE ACTEURS CHANTANT. LA NYMPHE DE LA SEINE, Mlle. Eeremans. LA GLOIRE, Mlle. Jullye. SUITE de LA GLOIRE. LA NYMPHE DES TUILERIES, Mlle. Coupée. LA NYMPHE DE LA MARNE, Mlle. Monville. NYMPHES et DIVINITÉS DES EAUX. ACTEURS DANSANT [DU PROLOGUE]. SUITE DE LA NYMPHE DES TUILERIES ; Monsieur Malter-l'Anglois ; Messieurs Hamoche, Thessier, Matignon ; Mesdemoiselles Dallemand-C., Frémicourt, Thiery. SUITE DE LA NYMPHE de la Marne ; Mademoiselle Le Breton ; Messieurs Savar, Javillier-C, Javillier-3 ; Mesdemoiselles Petit, Saint-Germain, Durocher. ACTEURS CHANTANT [DE LA TRAGÉDIE]. ALCIDE ou Hercule, Mr Le Page. LICAS, Confident d'ALCIDE, Mr Méchain. STRATON, Confident de LICOMÈDE, Mr Dun. CÉPHISE, Confidente d'Alceste, Mlle. Fel. LICOMÈDE, Frère de Thétis, et Roi de l'Île de Scyros, Mr Albert. PHÈRES, Père d'ADMÈTE, Mr Cuvillier. ADMÈTE, Roi de Thessalie, Mr Tribou. CLÉANTE, Écuyer d'ADMÈTE, Mr Lefebvre. ALCESTE, Princesse d'Yolcos, Mlle Pellicier. TROUPE DE DIVINITÉS DE LA MER. DEUX TRITONS, Mr Bérard. Mr Gallard. THÉTIS, Néréide, Mlle Monville. ÉOLE, Roi des Vents, Mr Lefebvre. TROUPE DE SOLDATS DE LICOMÈDE. TROUPE DE SOLDATS THESSALIENS. APOLLON, Mr Bérard. FEMME AFFLIGÉE, Mlle Jullye. DIANE, Mlle LaFontaine. MERCURE, OMBRES. CARON, Mr Dun. PLUTON, Mr Albert. PROSERPINE, Mlle Monville. L'OMBRE D'ALCESTE, Mlle Coupée. SUIVANTS de PLUTON. ALECTON, Mr Cuvillier. La Scène est dans la Ville d'Yolcos en Thessalie. PROLOGUE. LE RETOUR DES PLAISIRS. Le Théâtre représente le Palais et les Jardins des Tuileries ; La Nymphe de la Seine paraît appuyée sur une Urne. Au milieu d'une Allée dont les Arbres sont séparés par des Fontaines. SCÈNE I. LA GLOIRE paraît au milieu d'un Palais brillant, qui descend au bruit d'une harmonie guerrière. LA NYMPHE DE LA SEINE. LE HÉROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? Serai-je toujours languissante Dans une si cruelle attente ? LE HÉROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? On n'entend plus d'Oiseau qui chante, On ne voit plus de Fleurs qui naissent sous nos pas : LE HÉROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? L'herbe naissante Paraît mourante, Tout languit avec moi dans ces lieux plein d'appas : LE HÉROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? Serai-je toujours languissante Dans une si cruelle attente ? LE HÉROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? Bruit de Guerre. Quel bruit de guerre m'épouvante ? Quelle Divinité va descendre ici-bas. SCÈNE II. La Nymphe de la Seine, La Gloire. LA NYMPHE DE LA SEINE. Hélas ! Superbe Gloire, hélas ! Ne dois-tu point être contente ! LE HEROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? Il ne te suit que trop dans l'horreur des Combats ; Laisse en paix un moment sa Valeur triomphante LE HEROS que j'attends, ne reviendra-t-il pas ? LA GLOIRE. Pourquoi tant de murmure ? Nymphe, ta plainte est vaine, Tu ne peux voir sans moi LE HEROS que tu sers, Si son éloignement te coûte tant de peine, Il récompense assez les douceurs que tu perds, Vois ce qu'il fait pour Toi, quand la Gloire l'emmène ; Vois comme sa Valeur a soumis à la Seine Le Fleuve le plus fier qui soit dans l'Univers. LA NYMPHE DE LA SEINE. On ne voit plus ici paraître Que des Ornements imparfaits ; Ah ! Rends-nous notre AUGUSTE MAITRE, Tu nous rendras tous nos attraits. LA GLOIRE. Il revient, et tu dois m'en croire ; Je lui sers de guide avec soin : Puisque tu vois la Gloire, Ton Héros n'est pas loin. Il laisse respirer tout le Monde qui tremble ; Soyons ici d'accord pour combler ses désirs. ENSEMBLE. Qu'il est doux d'accorder ensemble La Gloire, et les Plaisirs. LA NYMPHE DE LA SEINE. Naïades, Dieux des Bois, Nymphes, que tout s'assemble, Qu'on entende nos chants après tant de soupirs. SCÈNE III. La Gloire, La Nymphe de la Seine, La Nymphe des Tuileries s'avance avec une troupe de Nymphes qui dansent ; les arbres s'ouvrent, et font voir les Divinités Champêtres qui jouent de différents Instruments ; et les Fontaines se changent en Naïades qui chantent. CHOEUR. Qu'il est doux d'accorder ensemble La Gloire, et les Plaisirs. LA NYMPHE DES TUILERIES. L'art d'accord avec la Nature Sert l'Amour dans ces lieux charmants : Ces Eaux qui font rêver par un si doux murmure, Ces Tapis où les Fleurs forment tant d'ornements, Ces Gazons, ces Lits de verdure, Tout n'est fait que pour les Amants. SCÈNE IV. La Gloire, La Nymphe de la Seine, La Nymphe des Tuileries, La Nymphe de la Marne, et leur Suite. LA NYMPHE DE LA MARNE. L'onde se presse D'aller sans cesse Jusqu'au bout de son cours : S'il faut qu'un coeur suive une pente, En est-il qui soit plus charmante Que le doux penchant des Amours ? On danse. LA GLOIRE, et LA NYMPHE DE LA SEINE. Que tout retentisse, Que tout réponde à nos voix. LA NYMPHE DE LA TUILERIES. Que tout fleurisse Dans nos jardins et dans nos bois. LA NYMPHE DE LA MARNE. Que le Chant des Oiseaux s'unisse Avec le doux son des Hautbois. TOUS ENSEMBLE. Que tout retentisse, Que tout réponde à nos voix : Que le Chant des Oiseaux s'unisse Avec le doux son des hautbois.Que tout retentisse, Que tout réponde à nos voix. On danse. CHOEUR. Quel coeur sauvage Ici ne s'engage ? Quel coeur sauvage Ne sent point l'amour ? Nous allons voir les Plaisirs de retour ; Ne manquons pas d'en faire un doux usage : Pour rire un peu, l'on n'est pas moins sage. Ah, quel dommage De fuir ce rivage ! Ah, quel dommage De perdre un beau jour ! Nous allons voir les Plaisirs de retour ; Ne manquons pas d'en faire un doux usage : Pour rire un peu, l'on n'est pas moins sage. On danse. CHOEURS. Revenez, Plaisirs exilés, Volez de toutes parts, volez. Les Plaisirs volent, et viennent préparer des Divertissements. ACTE I Le Théâtre représente un port de mer, où l'on voit un grand vaisseau orné et préparé pour une fête galante, au milieu de plusieurs vaisseaux de guerre. SCÈNE I. Alcide, Licas, Troupe de Thessaliens. CHOEUR de THESSALIENS. Vivez, vivez, heureux époux. LICAS. Votre Ami le plus cher, épouse la Princesse La plus charmante de la Grèce : Lorsque chacun les suit, Seigneur, les fuyez-vous ? CHOEUR. Vivez, vivez, heureux Époux. LICAS. Vous paraissez troublé des cris qui retentissent ? Quand deux Amants heureux s'unissent Le coeur du grand Alcide en serait-il jaloux ? CHOEUR. Vivez, vivez, heureux Époux. LICAS. Seigneur, vous soupirez, et gardez le silence ? ALCIDE. Ah ! Licas, laisse-moi partir en diligence. LICAS. Quoi ! Dès ce même jour presser votre départ ? ALCIDE. J'aurai beau me presser, je partirai trop tard. Ce n'est point avec toi que je prétends me taire ; Alceste est trop aimable, elle a trop su me plaire ; Un autre en est aimé, rien ne flatte mes voeux : C'en est fait, Admète l'épouse, Et c'est dans ce moment qu'on les unit tous deux. Ah ! Qu'une âme jalouse Éprouve un tourment rigoureux ! J'ai peine à l'exprimer moi-même : Figure-toi, si tu le peux, Quelle est l'horreur extrême De voir ce que l'on aime, Au pouvoir d'un Rival heureux. LICAS. L'Amour est-il plus fort qu'un Héros indomptable ?L'Univers n'a point eu de Monstre redoutable Que vous n'ayez pu surmonter. ALCIDE. Eh, crois-tu que l'Amour soit moins à redouter ? Le plus grand coeur a sa faiblesse. Je ne puis me sauver de l'ardeur qui me presse Qu'en quittant ce fatal Séjour : Contre d'aimables charmes La valeur est sans armes, Et ce n'est qu'en fuyant qu'on peut vaincre l'Amour. LICAS. Vous devez vous forcer, au moins à voir la Fête Qui déjà dans ce Port, vous paraît toute prête. Votre fuite à présent ferait un trop grand bruit ; Différez jusqu'à la nuit. ALCIDE. Ah Licas ! Quelle nuit ! Ah quelle nuit funeste ! LICAS. Tout le reste du jour voyez encore Alceste. ALCIDE. La voir encore !... Hé bien différons mon départ, Je vous l'avais bien dit, je partirai trop tard. Je vais la voir aimer un Époux qui l'adore, Je verrai dans leurs yeux un tendre empressement : Que je vais payer chèrement Le plaisir de la voir encore ! SCÈNE II. Alcide, Straton, et Licas. ENSEMBLE. L'Amour a bien des maux, mais le plus grand de tous, C'est le tourment d'être jaloux. SCÈNE III. Straton, Licas. STRATON. Licas, j'ai deux mots à te dire. LICAS. Que veux-tu ? Parle je t'entends. STRATON. Nous sommes amis de tout temps ; Céphise, tu le sais, me tient sous son empire, Tu suis partout ses pas : qu'est-ce que tu prétends ? LICAS. Je prétends rire. STRATON. Pourquoi veux-tu troubler deux coeurs qui sont contents ? LICAS. Je prétends rire. Tu peux à ton gré t'enflammer ; Chacun a sa façon d'aimer ; Qui voudra soupirer, soupire, Je prétends rire. STRATON. J'aime, et je suis aimé ; laisse en paix nos amours. LICAS. Rien ne doit t'alarmer, s'il est bien vrai qu'on t'aime ; Un rival rebuté donne un plaisir extrême. STRATON. Un Rival tel qu'il soit importune toujours. LICAS. Je vois ton amour sans colère, Tu devrais en user ainsi : Puisque Céphise t'a su plaire, Pourquoi ne veux-tu pas qu'elle me plaise aussi ? STRATON. À quoi sert-il d'aimer ce qu'il faut que l'on quitte ? Tu ne peux demeurer longtemps dans cette Cour. LICAS. Moins on a de moments à donner à l'Amour. Et plus il faut qu'on en profite. STRATON. J'aime depuis deux ans avec fidélité : Je puis croire sans vanité, Que tu ne dois pas être un Rival qui m'alarme. LICAS. J'ai pour moi la nouveauté ; En amour c'est un grand charme. STRATON. Céphise m'a promis un coeur tendre et constant. LICAS. Céphise m'en promet autant. STRATON. Ah si je le croyais !... Mais tu n'es pas croyable. LICAS. Crois-moi, fais ton profit d'un reste d'amitié, Sers-toi d'un avis charitable Que je te donne par pitié. STRATON. Le mépris d'une volage Doit être un assez grand mal, Et c'est un nouvel outrage Que la pitié d'un Rival. Elle vient l'Infidèle, Pour chanter dans les Jeux dont je prends soin ici. LICAS. Je te laisse avec elle, Il ne tiendra qu'à toi d'être mieux éclairci. SCÈNE IV. Céphise, Straton. CÉPHISE. Dans ce beau jour, quelle humeur sombre Fais-tu voir à contretemps ? STRATON. C'est que je ne suis pas du nombre Des Amants qui sont contents. CÉPHISE. Un ton grondeur et sévère N'est pas un grand agrément ; Le chagrin n'avance guère Les affaires d'un Amant. STRATON. Licas vient de me faire entendre Que je n'ai plus ton coeur, qu'il doit seul y prétendre, Et que tu ne vois plus mon amour qu'à regret ! CÉPHISE. Licas est peu discret... STRATON. Ah je m'en doutais bien qu'il voulait me surprendre. CÉPHISE. Licas est peu discret D'avoir dit mon secret. STRATON. Comment ! Il est donc vrai ! Tu n'en fais point d'excuse ? Tu me trahis ainsi sans en être confuse ? CÉPHISE. Tu te plains sans raison ; Est-ce une trahison, Quand on te désabuse ? STRATON. Que je suis étonné de voir ton changement ! CÉPHISE. Si je change d'Amant Qu'y trouves-tu d'étrange ? Est-ce un sujet d'étonnement De voir une fille qui change ? STRATON. Après deux ans passés dans un si doux lien, Devais-tu jamais prendre une chaîne nouvelle ? CÉPHISE. Ne comptes-tu pour rien D'être deux ans fidèle ? STRATON. Par un espoir doux et trompeur, Pourquoi m'engageais-tu dans un amour si tendre ? Fallait-il me donner ton coeur, Puisque tu voulais le reprendre ? CÉPHISE. Quand je t'offris mon coeur, c'était de bonne foi ; Que n'empêches-tu qu'on te l'ôte ? Est-ce ma faute Si Licas me plaît plus que toi ? STRATON. Ingrate, est-ce le prix de ma persévérance ? CÉPHISE. Essaye un peu de l'inconstance : C'est toi qui le premier m'appris à m'engager : Pour récompense Je te veux apprendre à changer. STRATON, et CÉPHISE. Il faut aimer toujours. Il faut changer toujours. Les plus douces amours Sont les amours fidèles : Sont les amours nouvelles : Il faut aimer toujours. Il faut changer toujours. SCÈNE V. Licomède, Straton, Céphise. LICOMÈDE. Straton, donne ordre qu'on s'apprête Pour commencer la Fête. STRATON se retire. LICOMÈDE, à Céphise. Enfin, grâce au dépit, je goûte la douceur De sentir le repos de retour dans mon coeur. J'étais à préférer au Roi de Thessalie ; Et si pour sa gloire, on publie Qu'Apollon autrefois lui servit de Pasteur, Je suis Roi de Scyros, et Thétis est ma soeur. J'ai su me consoler d'un hymen qui m'outrage, J'en ordonne les Jeux avec tranquillité. Qu'aisément le dépit dégage Des fers d'une ingrate Beauté : Et qu'après un long esclavage, Il est doux d'être en liberté. CÉPHISE. Il n'est pas sûr toujours de croire l'apparence : Un coeur bien pris, et bien touché, N'est pas aisément détaché, Ni sitôt guéri que l'on pense ; Et l'amour est souvent caché Sous une feinte indifférence. LICOMÈDE. Quand on est sans espérance, On est bientôt sans amour. Mon Rival a la préférence, Ce que j'aime est en sa puissance, Je perds tout espoir en ce jour : Quand on est sans espérance, On est bientôt sans amour. Voici l'heure qu'il faut que la Fête commence, Chacun s'avance, Préparons-nous. SCÈNE VI. Admète, Alceste, Phères, Alcide, Licas, Céphise, Straton, Troupe de THESSALIENS. CHOEUR. Vivez, vivez, heureux Époux. PHÈRES. Jouissez des douceurs du noeud qui vous assemble. ADMÈTE, et ALCESTE. Quand l'Hymen et l'Amour sont bien d'accord ensemble Que les noeuds qu'ils forment sont doux ? CHOEUR. Vivez, vivez, heureux Époux. SCÈNE VII. Des Nymphes de la Mer et des Tritons, viennent faire une Fête Marine, où se mêlent des Matelots et des Pêcheurs. DEUX TRITONS. Malgré tant d'orages, Et tant de naufrages, Chacun à son tour S'embarque avec l'Amour. Partout où l'on mène Les Coeurs amoureux, On voit la Mer pleine D'écueils dangereux ; Mais sans quelque peine, On n'est jamais heureux : Une âme constante, Après la tourmente, Espère un beau jour. Malgré tant d'orages, Et tant de naufrages, Chacun à son tour S'embarque avec l'Amour. On danse.Un coeur qui diffère D'entrer en affaire, S'expose à manquer Le temps de s'embarquer. Une âme commune S'étonne d'abord, Le soin l'importune, Le calme l'endort, Mais quelle fortune Fait-on sans quelque effort ? Est-il un commerce Exempt de traverse ? Chacun doit risquer. Un coeur qui diffère D'entrer en affaire, S'expose à manquer Le temps de s'embarquer. CÉPHISE, vêtue en Nymphe de la Mer, alternativement avec le Choeur. Jeunes Coeurs, laissez-vous prendre, Le péril est grand d'attendre, Vous perdez d'heureux moments En cherchant à vous défendre. Si l'Amour a des tourments, C'est la faute des Amants. On danse. UNE NYMPHE DE LA MER, et CÉPHISE. Plus les âmes sont rebelles, Plus leurs peines sont cruelles, Les plaisirs doux et charmants Sont le prix des coeurs fidèles : Si l'Amour a des tourments, C'est la faute des Amants. LICOMÈDE, à Alceste. On vous apprête Dans mon Vaisseau Un divertissement nouveau. LICOMÈDE, et STRATON. Venez voir ce que notre fête Doit avoir de plus beau. LICOMÈDE conduit ALCESTE dans son Vaisseau, STRATON y mène CÉPHISE, et dans le temps qu'ADMÈTE et ALCIDE y veulent passer, le Pont s'enfonce dans la Mer. ADMÈTE, et ALCIDE. Dieux ! Le Pont s'abîme dans l'eau. CHOEUR. Ah quelle trahison funeste ! ALCESTE, et CÉPHISE. Au secours, au secours. ALCIDE. Perfide... ADMÈTE. Alceste... ALCIDE, et ADMÈTE. Laissons les vains discours.Au secours, au secours. LE CHOEUR des THESSALIENS. Au secours, au secours. SCÈNE VIII. Thétis, Admète. THÉTIS, sortant de la Mer. Époux infortuné, redoute ma colère, Tu vas hâter l'instant qui doit finir tes jours ; C'est Thétis que la Mer révère, Que tu vois contre toi du parti de son Frère. Et c'est à la mort que tu cours. ADMÈTE, courant s'embarquer. Au secours, au secours. THÉTIS. Puisqu'on méprise ma puissance ; Que les vents déchaînés, Que les flots mutinés S'arment pour ma vengeance. THETIS rentre dans la Mer, et les Aquilons excitent une tempête qui agite les Vaisseaux qui s'efforcent de poursuivre LICOMÈDE. SCÈNE IX. Éole, les Aquilons, les Zéphyrs. ÉOLE. Le Ciel protège les Héros : Allez Admète, allez Alcide ; Le Dieu qui sur les Dieux préside M'ordonne de calmer les flots : Allez, poursuivez un Perfide. Retirez-vous, Vents en courroux, Rentrez dans vos prisons profondes : Et laissez régner sur les ondes Les Zéphyrs les plus doux. L'orage cesse, les Zéphyrs volent et font fuir les Aquilons qui tombent dans la Mer avec les nuages qu'ils en avaient élevés, et les Vaisseaux d'ALCIDE et d'ADMÈTE poursuivent LICOMÈDE. ACTE II Le Théâtre représente La Ville principale de l'Île de Scyros. SCÈNE I. Céphise, Straton. CÉPHISE. Alceste ne vient point, et nous devons attendre. STRATON. Que peut-elle prétendre ? Pourquoi se tourmenter ici mal à propos ? Ses cris ont beau se faire entendre, Peut-être son Époux a péri dans les flots, Et nous sommes enfin dans l'Île de Scyros. CÉPHISE. Tu ne te plaindras point que j'en use de même : Je t'ai donné peu d'embarras Tu vois comme je suis tes pas. STRATON. Tu sais dissimuler une colère extrême. CÉPHISE. Et si je te disais que c'est toi seul que j'aime ? STRATON. Tu le dirais en vain, je ne te croirais pas. CÉPHISE. Crois-moi, si j'ai feint de changer C'était pour te mieux engager.Un Rival n'est pas inutile, Il réveille l'ardeur et les soins d'un Amant ; Une conquête facile Donne peu d'empressement, Et l'Amour tranquille S'endort aisément. STRATON. Non, non, ne tente point une seconde ruse, Je vois plus clair que tu ne crois. On excuse d'abord un Amant qu'on abuse ; Mais la sottise est sans excuse, De se laisser tromper deux fois. CÉPHISE. N'est-il aucun moyen d'apaiser ta colère ? STRATON. Consens à m'épouser, et sans retardement. CÉPHISE. Une si grande affaire Ne se fait pas si promptement : Un hymen qu'on diffère N'en est que plus charmant. STRATON. Un hymen qui peut plaire Ne coûte guère, Et c'est un noeud bientôt formé ; Rien n'est plus aisé que de faire Un Époux, d'un Amant aimé. CÉPHISE. Je t'aime d'un amour sincère ; Et s'il est nécessaire, Je m'offre à t'en faire un serment. STRATON. Amusement, amusement. CÉPHISE. L'injuste enlèvement d'Alceste Attire dans ces lieux une guerre funeste, Les plus braves des Grecs s'arment pour son secours : Au milieu des cris et des larmes, L'hymen a peu de charmes ; Attendons de tranquilles jours. Le bruit affreux des armes Effarouche bien les Amours. STRATON. Discours, discours, discours. Tu n'as qu'à m'épouser pour m'ôter tout ombrage ? Pourquoi différer davantage ? À quoi servent tant de façons ? CÉPHISE. Rends-moi la liberté pour m'épouser sans crainte ; Un hymen fait avec contrainte Est un mauvais moyen de finir tes soupçons. STRATON. Chansons, chansons, chansons. SCÈNE II. Licomède, Alceste, Straton, Céphise, Soldats de Licomède. LICOMÈDE. Allons, allons, la plainte est vaine. ALCESTE. Ah ! Quelle rigueur inhumaine ! LICOMÈDE. Allons, je suis sourd à vos cris, Je me venge de vos mépris. ALCESTE. Quoi ! Vous serez inexorable ? LICOMÈDE. Cruelle, vous m'avez appris À devenir impitoyable. ALCESTE. Est-ce ainsi que l'Amour a su vous émouvoir ? Est-ce ainsi que pour moi votre âme est attendrie ? LICOMÈDE. L'Amour se change en Furie, Quand il est au désespoir ; Puisque je perds toute espérance, Je veux désespérer mon rival à son tour ; Et les douceurs de la Vengeance Ont de quoi consoler des rigueurs de l'Amour. ALCESTE. Voyez la douleur qui m'accable. LICOMÈDE. Vous avez sans pitié regardé ma douleur, Vous m'avez rendu misérable, Vous partagerez mon malheur. ALCESTE. Admète avait mon coeur dès ma plus tendre enfance ; Nous ne connaissions pas l'Amour ni sa puissance. Lorsque d'un noeud fatal il vint nous enchaîner : Ce n'est pas une grande offense Que le refus d'un coeur qui n'est plus à donner. LICOMÈDE. Est-ce aux Amants qu'on désespère À devoir rien examiner ? Non, je ne puis vous pardonner D'avoir trop su me plaire. Que ne m'ont point coûté vos attraits ! Ils ont mis dans mon coeur une cruelle flamme ; Ils ont arraché de mon âme L'innocence et la paix. Non, Ingrate, non, Inhumaine, Non, quelque soit votre peine, Non, je ne vous rendrai jamais Tous les maux que vous m'avez faits. STRATON. Voici l'Ennemi qui s'avance En diligence. LICOMÈDE. Préparons-nous À nous défendre. ALCESTE. Ah ! Cruel, que n'épargnez-vous Le sang qu'on va répandre ! LICOMÈDE et ses soldats. Périssons-tous, Plutôt que de nous rendre. LICOMÈDE contraint ALCESTE d'entrer dans la Ville, CÉPHISE la suit, et les soldats de LICOMÈDE ferment la Porte de la Ville aussitôt qu'ils y sont entrés. SCÈNE III. Admète, Alcide, Licas, Soldats assiégeants. ADMÈTE, et ALCIDE. Marchez, marchez, marchez : Approchez, Amis, approchez, Marchez, marchez, marchez : Hâtons-nous de punir les Traîtres, Rendons-nous maîtres Des murs qui les tiennent cachés : Marchez, marchez, marchez : SCÈNE IV. Licomède, Straton, Soldats assiégés, Admète, Alcide, Licas, Soldats assiégeants. LICOMÈDE, sur les remparts. Ne prétendez pas nous surprendre, Venez, nous allons vous attendre : Nous ferons tous notre devoir Pour vous bien recevoir. STRATON, et les Soldats assiégés. Nous ferons tous notre devoir Pour vous bien recevoir. ADMÈTE. Perfide, évite un sort funeste, On te pardonne tout si tu veux rendre Alceste. LICOMÈDE. J'aime mieux mourir, s'il le faut, Que de céder jamais cet Objet plein de charmes. ADMÈTE, et ALCIDE. À l'assaut, à l'assaut. LICOMÈDE, et STRATON. Aux Armes, aux Armes. LES ASSIEGEANTS. À l'assaut, à l'assaut. LES ASSIÉGÉS. Aux armes, aux armes. ADMÈTE, et LICOMÈDE. À moi, Compagnons, à moi. À moi, suivez votre Roi. ALCIDE. C'est Alcide Qui vous guide. ADMÈTE, ALCIDE, et LICOMÈDE. À moi, Compagnons, à moi. On fait avancer des Béliers et autres Machines de guerre pour battre la Place. TOUS ENSEMBLE. Donnons, donnons de toutes parts. LES ASSIEGEANTS. Que chacun à l'envi combatte ; Que l'on abatte Les Murs, et les Remparts. TOUS ENSEMBLE. Donnons, donnons de toutes parts. LES ASSIÉGÉS. Que les ennemis pêle-mêle, Trébuchent sous l'affreuse grêle De nos flèches, et de nos dards. TOUS. Donnons, donnons de toutes parts. Courage, courage, courage, Ils sont à nous, ils sont à nous. ALCIDE. C'est trop disputer l'avantage, Je vais vous ouvrir un passage, Suivez-moi tous, suivez-moi tous. TOUS ENSEMBLE. Courage, courage, courage, Ils sont à nous, ils sont à nous. Les assiégés voyant leurs Remparts à demi abattus, et la Porte de la Ville enfoncée, font un dernier effort dans une Sortie, pour repousser les Assiégeants. LES ASSIEGEANTS. Achevons d'emporter la Place ; L'Ennemi commence à plier. Main basse, main basse, main basse. . LES ASSIÉGÉS, rendant les armes. Quartier, quartier, quartier. LES ASSIEGEANTS. La Ville est prise. LES ASSIÉGÉS. Quartier, quartier, quartier. LICAS, terrassant Straton. Il faut rendre Céphise. STRATON. Je suis ton prisonnier, Quartier, quartier, quartier. SCÈNE V. PHÈRES armé, et marchant avec peine. Courage, Enfants, je suis à vous ; Mon bras va seconder vos coups : Mais c'en est déjà fait, et l'on a pris la Ville ; La faiblesse de l'âge a retardé mes pas : La valeur devient inutile Quand la force n'y répond pas. Que la Vieillesse est lente, Les efforts qu'elle tente Sont toujours impuissants : C'est une charge bien pesante Qu'un fardeau de quatre-vingts ans. SCÈNE VI. Alcide, Alceste, Céphise, Phères, Licas, Straton enchaîné. ALCIDE, à Phères. Rendez à votre Fils cette aimable Princesse. PHÈRES. Ce don de votre main serait encor plus doux. ALCIDE. Allez, allez la rendre à son heureux Époux. ALCESTE. Tout est soumis, la guerre cesse ; Seigneur, pourquoi me laissez-vous ? Quel nouveau soin vous presse ? ALCIDE. Vous n'avez rien à redouter, Je vais chercher ailleurs des Tyrans à dompter. ALCESTE. Les noeuds d'une amitié pressante Ne retiendront-ils point votre âme impatiente ? Et la Gloire vous doit-elle emporter ? ALCIDE. Gardez-vous bien de m'arrêter. ALCESTE. C'est votre valeur triomphante Qui fait le sort charmant que nous allons goûter ; Quelque douceur que l'on ressente, Un ami tel que vous l'augmente ; Voulez-vous sitôt nous quitter ? ALCIDE. Gardez-vous bien de m'arrêter. Laissez ; laissez-moi fuir un charme qui m'enchante : Non, toute ma vertu n'est pas assez puissante Pour répondre d'y résister. Non, encore une fois, Princesse trop charmante, Gardez-vous bien de m'arrêter. SCÈNE VII. Alceste, Phères, Céphise. TOUS. Cherchons Admète promptement. ALCESTE. Peut-on chercher ce qu'on aime Avec trop d'empressement ! Quand l'amour est extrême, Le moindre éloignement Est un cruel tourment. TOUS. Cherchons Admète promptement. SCÈNE VIII. Admète blessé, Cléante, Alceste, Phères, Céphise, Soldats de leur suite. ALCESTE. Ô Dieux ! Quel spectacle funeste ! CLÉANTE. Le chef des Ennemis mourant et terrassé, De sa rage expirante a ramassé le reste, Le Roi vient d'en être blessé. ADMÈTE. Je meurs, charmante Alceste ; Mon sort est assez doux, Puisque je meurs pour vous. ALCESTE. C'est pour vous voir mourir que le Ciel me délivre ! ADMÈTE. Avec le nom de votre Époux J'eusse été trop heureux de vivre ; Mon sort est assez doux, Puisque je meurs pour vous. ALCESTE. Est-ce là cet hymen si doux, si plein d'appas, Qui nous promettait tant de charmes ? Fallait-il que sitôt l'aveugle sort des armes Tranchât des noeuds si beaux, par un affreux trépas ? Est-ce là cet hymen si doux, si plein d'appas, Qui nous promettait tant de charmes ? ADMÈTE. Belle Alceste, ne pleurez pas, Tout mon sang ne vaut point vos larmes. ALCESTE. Est-ce là cet hymen si doux, si plein d'appas, Qui nous promettait tant de charmes ? ADMÈTE. Alceste, vous pleurez ? ALCESTE. Admète, vous mourez. ENSEMBLE. Alceste, vous pleurez ? Admète, vous mourez ! ALCESTE. Se peut-il que le Ciel permette, Que les coeurs d'Alceste et d'Admète Soient ainsi séparés ? ENSEMBLE. Alceste, vous pleurez ? Admète, vous mourez ! SCÈNE IX. Apollon, Les Arts, Admète, Alceste, Phères, Céphise, Cléante, Soldats de leur suite. APOLLON, environné des Arts. La lumière aujourd'hui te doit être ravie ; Il n'est qu'un seul moyen de prolonger ton sort. Le Destin me promet de te rendre la vie, Si quelque autre pour toi veut s'offrir à la mort. Reconnais si quelqu'un t'aime parfaitement, Sa mort aura pour prix une immortelle gloire : Pour en conserver la mémoire, Les Arts vont élever un pompeux Monument. Les Arts qui sont autour d'Apollon se séparent sur des Nuages différents, et tous descendent pour élever un Monument superbe, tandis qu'Apollon s'envole. ACTE III Le Théâtre représente un grand Monument élevé par les Arts. Un Autel vide paraît au milieu pour servir à porter l'Image de la Personne qui s'immolera pour Admète. SCÈNE I. Alceste, Phères, Céphise. ALCESTE. Ah ! Pourquoi nous séparez-vous ? Eh du moins, attendez que la mort nous sépare ; Cruels, quel pitié barbare Vous presse d'arracher Alceste à son Époux ? Ah ! Pourquoi nous séparez-vous ? PHERES, et CÉPHISE. Plus votre Époux mourant voit d'amour et d'appas, Et plus le jour qu'il perd lui doit faire d'envie : Ce sont les douceurs de la vie Qui font les horreurs du trépas. ALCESTE. Les Arts n'ont point encore achevé leur ouvrage ; Cet Autel doit porter la glorieuse Image, De qui signalera sa foi, En mourant, pour sauver son Roi.Le prix d'une gloire immortelle Ne peut-il toucher un grand coeur ? Faut-il que la mort la plus belle Ne laisse pas de faire peur ? À quoi sert la foule importune Dont les Rois sont embarrassés ? Un coup fatal de la Fortune Écarte les plus empressés. ALCESTE, PHERES, et CÉPHISE. De tant d'amis qu'avait Admète, Aucun ne vient le secourir ; Quelque honneur qu'on promette, On le laisse mourir. PHÈRES. J'aime mon Fils, je l'ai fait Roi ; Pour prolonger son sort, je mourrais sans effroi, Si je pouvais offrir des jours dignes d'envie : Je n'ai plus qu'un reste de vie, Ce n'est rien pour Admète, et c'est beaucoup pour moi. CÉPHISE. Les honneurs les plus éclatants, En vain dans le tombeau promettent de nous suivre, La mort est affreuse en tout temps : Mais peut-on renoncer à vivre, Quand on n'a vécu que quinze ans ? ALCESTE. Chacun est satisfait des excuses qu'il donne : Cependant on ne voit personne Qui, pour sauver Admète, ose perdre le jour ; Le Devoir, l'Amitié, le Sang, tout l'abandonne, Il n'a plus d'espoir qu'en l'Amour. SCÈNE II. Phères, Cléante, Peuples de leur suite. PHÈRES. Voyons encor mon Fils, allons, hâtons nos pas ; Ses yeux vont se couvrir d'éternelles ténèbres. LE CHOEUR. Hélas ! Hélas ! Hélas ! PHÈRES. Quels cris ! Quelles plaintes funèbres ! LE CHOEUR. Hélas ! Hélas ! Hélas ! PHÈRES. Où vas-tu ? Cléante, demeure. CLÉANTE. Hélas ! Hélas ! Le Roi touche à sa dernière heure, Il s'affaiblit, il faut qu'il meure, Et je vins pleurer son trépas. Hélas ! Hélas ! LE CHOEUR. Hélas ! Hélas ! Hélas ! PHÈRES. On le plaint, tout le monde pleure, Mais nos pleurs ne le sauvent pas. LE CHOEUR. Hélas ! Hélas ! Hélas ! SCÈNE III. Admète, et les Acteurs de la Scène précédente. LE CHOEUR. Ô trop heureux Admète, Que votre sort est beau ! PHERES, et CLÉANTE. Quel changement ! Quel bruit nouveau ! LE CHOEUR. Ô trop heureux Admète, Que votre sort est beau ! PHERES, et CLÉANTE, voyant Admète guéri. L'effort d'une amitié parfaite L'a sauvé du tombeau. PHERES, embrassant Admète. Ô trop heureux Admète, Que votre sort est beau ! LE CHOEUR. Ô trop heureux Admète, Que votre sort est beau ! ADMÈTE. Qu'une Pompe funèbre Rende à jamais célèbre Le généreux effort Qui m'arrache à la mort. Alceste n'aura plus d'alarmes, Je reverrai ses yeux charmants À qui j'ai coûté tant de larmes : Que la vie a de charmes Pour les heureux Amants ! Achevez, Dieux des Arts, faites-nous voir l'Image Qui doit éterniser la grandeur de courage De qui s'est immolé pour moi ; Ne différez point davantage... L'Autel s'ouvre, et l'on voit sortir l'Image d'ALCESTE qui se perce le sein. Ciel ! Ô Ciel ! Qu'est-ce que je vois ! SCÈNE IV. Céphise, Admète, Phères, Cléante, Peuples de leur suite. CÉPHISE. Alceste est morte ! ADMÈTE. Alceste est morte ! LE CHOEUR. Alceste est morte ! CÉPHISE. Alceste a satisfait les Parques en courroux ; Votre tombeau s'ouvrait, elle y descend pour vous ; Elle-même a voulu vous en fermer la porte ; Alceste est morte ! ADMÈTE. Alceste est morte ! LE CHOEUR. Alceste est morte ! ADMÈTE. Alceste est morte ! LE CHOEUR. Alceste est morte ! CÉPHISE. Sujets, Amis, Parents, vous abandonnaient tous ; Sur les droits les plus forts, sur les noeuds les plus doux,L'Amour, le tendre Amour l'emporte : Alceste est morte ! ADMÈTE. Alceste est morte ! LE CHOEUR. Alceste est morte ! ADMÈTE, tombe accablé de douleur entre les bras de sa suite. SCÈNE V. Troupe de Femmes affligées, et d'Hommes désolés, portant des fleurs, et tous les ornements qui ont servi à parer Alceste. UNE FEMME AFFLIGÉE. La Mort, la Mort barbare Détruit aujourd'hui mille appas. Quelle Victime, hélas ! Fût jamais si belle, et si rare ? La Mort, la Mort barbare Détruit aujourd'hui mille appas. UNE FEMME AFFLIGÉE. Alceste, la charmante Alceste, La fidèle Alceste n'est plus. CHOEUR. Alceste, la charmante Alceste, La fidèle Alceste n'est plus. LE FEMME AFFLIGÉE. Tant de beautés, tant de vertus, Méritaient un sort moins funeste. CHOEUR. Alceste, la charmante Alceste, La fidèle Alceste n'est plus. Un transport de douleur saisit les troupes affligées, et désolées ; une partie déchire ses habits ; l'autre s'arrache les cheveux, et chacun brise au pied de l'image d'Alceste les ornements qu'il porte à la main. CHOEUR. Rompons, brisons le triste reste De ces ornement superflus. Que nos pleurs, que nos cris renouvellent sans cesse : Allons porter partout la douleur qui nous presse. SCÈNE VI. Admète, Phères, Céphise, Cléante, et leur suite. ADMÈTE, revenu de son évanouissement, et se voyant désarmé. Sans Alceste, sans ses appas, Croyez-vous que je puisse vivre ! Laissez-moi courir au trépas Où ma chère Alceste se livre. Sans Alceste, sans ses appas, Croyez-vous que je puisse vivre ! C'est pour moi qu'elle meurt, Hélas ! Pourquoi m'empêcher de la suivre ? Sans Alceste, sans ses appas, Croyez-vous que je puisse vivre ! SCÈNE VII. Alcide, Admète, Phères, Céphise, Cléante. ALCIDE, à Admète. Tu me vois arrêté sur le point de partir, Par les tristes clameurs qu'on entend retentir. ADMÈTE. Alceste meurt pour moi par un amour extrême, Je ne reverrai plus les yeux qui m'ont charmé : Hélas ! J'ai perdu ce que j'aime, Pour avoir été trop aimé. ALCIDE. J'aime Alceste, il est temps de ne m'en plus défendre : Elle meurt, ton amour n'a plus rien à prétendre ; Admète, cède-moi la beauté que tu perds : Au Palais de Pluton j'entreprends de descendre : J'irai jusqu'au fond des Enfers Forcer la mort à me la rendre. ADMÈTE. Je verrais encor ses beaux yeux ! Allez Alcide, allez, revenez glorieux, Obtenez qu'Alceste vous suive ; Le Fils du plus puissant des Dieux Est plus digne que moi du bien dont on me prive. Allez, allez, ne tardez pas, Arrachez Alceste au trépas ; Et ramenez au jour son Ombre fugitive ; Qu'elle vive pour vous avec tous ses appas, Admète est trop heureux, pourvu qu'Alceste vive. ENSEMBLE. Allez, allez, ne tardez pas, Arrachez Alceste au trépas ; SCÈNE VIII. Diane, Mercure, Alcide, Admète, Phères, Céphise, Cléante. La Lune paraît, son Globe s'ouvre, et fait voir DIANE sur un Nuage brillant. DIANE. Le Dieu dont tu tiens la naissance Oblige tous les Dieux d'être d'intelligence ; En faveur d'un dessein si beau, Je viens t'offrir mon assistance ; Et Mercure s'avance Pour t'ouvrir aux Enfers, un passage nouveau. Mercure vient en volant frapper la terre de son Caducée, l'Enfer s'ouvre, et Alcide y descend. ACTE IV Le Théâtre représente le Fleuve Achéron, et ses sombres rivages. SCÈNE I. Caron, les Ombres. CARON, ramant sa Barque. Il faut passer tôt ou tard, Il faut passer dans ma Barque. On y vient jeune, ou vieillard, Ainsi qu'il plaît à la Parque : On y reçoit sans égard, Le Berger, et le Monarque. Il faut passer tôt ou tard, Il faut passer dans ma Barque. Vous qui voulez passer, venez, Mânes errants, Venez, avancez, tristes Ombres, Payer le tribut que je prends, Ou retournez errer sur ces Rivages sombres. LES OMBRES. Passe-moi, Caron, passe-moi. CARON. Il faut auparavant que l'on me satisfasse, On doit payer les soins d'un si pénible emploi. LES OMBRES. Passe-moi, Caron, passe-moi. CARON fait entrer dans sa Barque les Ombres qui ont de quoi le payer. CARON. Donne, passe ; donne, passe ; Demeure toi, Tu n'as rien, il faut qu'on te chasse. UNE OMBRE rebutée. Une Ombre tient si peu de place. CARON. Ou paye, ou tourne ailleurs tes pas. L'OMBRE. De grâce, par pitié, ne me rebute pas. CARON. La pitié n'est point ici-bas, Et Caron ne fait point de grâce. L'OMBRE. Hélas ! Caron, hélas ! Hélas ! CARON. Crie, hélas ! Tant que tu voudras, Rien pour rien, en tous lieux, est une loi suivie : Les mains vides sont sans appas ; Et ce n'est point assez de payer dans la vie : Il faut encor payer au-delà du trépas. L'OMBRE, en se retirant. Hélas ! Caron, hélas ! Hélas ! CARON. Il importe peu que l'on crie : Hélas ! Caron, hélas ! Hélas ! Il faut encor payer au-delà du trépas. SCÈNE II. Alcide, Caron, les Ombres. ALCIDE, sautant dans la Barque. Sortez, Ombres, faites-moi place, Vous passerez une autre fois. Les Ombres s'enfuient. CARON. Ah ! Ma Barque ne peut offrir un si grand poids ! ALCIDE. Allons, il faut que l'on me passe. CARON. Retire-toi d'ici, Mortel, qui que tu sois, Les Enfers irrités puniront ton audace. ALCIDE. Passe-moi sans tant de façons. CARON. L'eau nous gagne, ma Barque crève. ALCIDE. Allons, rame, dépêche, achève. CARON. Nous enfonçons. ALCIDE. Passons, passons. SCÈNE III. Pluton, Proserpine, l'Ombre d'Alceste, Suivants de Pluton. Le Théâtre change, et représente le Palais de PLUTON. PLUTON, sur son Trône. Reçois le juste prix de ton amour fidèle ; Que ton dessein nouveau soit heureux à jamais : Commence de goûter la douceur éternelle D'une profonde paix. SUIVANTS DE PLUTON. Commence de goûter la douceur éternelle D'une profonde paix. PROSERPINE à côté de Pluton. L'épouse de Pluton te retient auprès d'elle : Tous tes voeux seront satisfaits. SUIVANTS DE PLUTON. Commence de goûter la douceur éternelle D'une profonde paix. PLUTON et PROSERPINE. En faveur d'une Ombre si belle, Que l'Enfer fasse voir tout ce qu'il a d'attraits. Les suivants de PLUTON répètent les deux derniers vers, et se réjouissent de la venue d'ALCESTE dans les Enfers, par une espèce de Fête. SUIVANTS DE PLUTON. En faveur d'une Ombre si belle, Que l'Enfer fasse voir tout ce qu'il a d'attraits. Tout Mortel doit ici paraître, On ne peut naître Que pour mourir : De cent maux le Trépas délivre ; Qui cherche à vivre Cherche à souffrir. Venez tous sur nos sombres bords, Le repos qu'on désire Ne tient son Empire Que dans le Séjour des morts. On danse. CHOEUR. Chacun vient ici-bas prendre place ; Sans cesse on y passe, Jamais on n'en sort. C'est pour tous une loi nécessaire ; L'effort qu'on peut faire N'est qu'un vain effort : Est-on sage De fuir ce passage ? C'est un orage Qui mène au Port. Chacun vient ici-bas prendre place ; Sans cesse on y passe, Jamais on n'en sort. Tous les charmes, Plaintes, cris, larmes, Tout est sans armes Contre la mort. Chacun vient ici-bas prendre place ; Sans cesse on y passe, Jamais on n'en sort. On danse. SCÈNE IV. Alecton, Pluton, Proserpine, l'Ombre d'Alceste, Suivants de Pluton. ALECTON. Quittez, quittez les Jeux, songez à vous défendre, Contre un Audacieux unissons nos efforts : Le Fils de Jupiter vient ici de descendre Seul, il ose attaquer tout l'Empire des morts. PLUTON. Qu'on arrête ce Téméraire, Armez-vous, Amis, armez-vous, Qu'on déchaîne Cerbère, Courez tous, courez tous. On entend aboyer CERBERE. ALECTON. Son bras abat tout ce qu'il frappe, Tout cède à ses horribles coups, Rien ne résiste, rien n'échappe. SCÈNE V. Alcide, Pluton, Proserpine, Alecton, Suivants de Pluton. PLUTON, voyant Alcide qui enchaîne Cerbère. Insolent, jusqu'ici braves-tu mon courroux ? Quelle injuste audace t'engage À troubler la paix de ces lieux? ALCIDE. Je suis né pour dompter la rage Des Monstres les plus furieux. PLUTON. Est-ce le Dieu jaloux qui lance lez tonnerre, Qui t'oblige à porter la guerre Jusqu'au centre de l'Univers ? Il tient sous son pouvoir et le Ciel et la Terre, Veut-il encor ravir l'Empire des Enfers ? ALCIDE. Non, Pluton, règne en paix, jouis de ton partage ; Je viens chercher Alceste en cet affreux séjour, Permets que je la rende au jour, Je ne veux point d'autre avantage : Si c'est te faire outrage D'entrer par force dans ta Cour, Pardonne à mon courage Et fais grâce à l'amour. PROSERPINE. Un grand coeur peut tout quand il aime, Tout doit céder à son effort. C'est un Arrêt du Sort, Il faut que l'amour extrême Soit plus fort Que la mort. PLUTON. Les Enfers, Pluton lui-même, Tout doit en être d'accord ; Il faut que l'amour extrême Soit plus fort Que la mort. SUIVANTS DE PLUTON. Il faut que l'amour extrême Soit plus fort Que la mort. PLUTON. Que pour revoir le jour, l'Ombre d'Alceste sorte. PLUTON donne un coup de son Trident et fait sortir son Char.Prenez place tous deux au Char dont je me sers : Qu'au gré de vos voeux, il vous porte ; Partez, les chemins sont ouverts ; Qu'une volante Escorte Vous conduise au travers Des noires vapeurs des Enfers. Alcide et l'Ombre d'Alceste se placent sur le char de Pluton qui les enlève sous la conduite d'une troupe volante de suivants de Pluton. ACTE V Le Théâtre change, et représente un Arc de Triomphe au milieu de deux amphithéâtres, où l'on voit une multitude de différents Peuples de la Grèce, assemblés pour recevoir Alcide triomphant des Enfers. SCÈNE I. Admète, Troupe de Peuples. ADMÈTE. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas : Il ramène Alceste vivante ; Que chacun chante : Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas : CHOEUR. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas. ADMÈTE. Quelle douleur secrète Rend mon âme inquiète, Et trouble mon amour ? Alceste voit encor le jour, Mais c'est pour un autre qu'Admète. CHOEUR. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas. ADMÈTE. Ah ! Du moins cachons ma tristesse ; Alceste dans ces lieux ramène les plaisirs. Je dois rougir de ma faiblesse ; Quelle honte à mon coeur, de mêler des soupirs Avec tant de cris d'allégresse ! CHOEUR. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas. ADMÈTE. Par une ardeur impatiente Courons, et devançons ses pas. Il ramène Alceste vivante ; Que chacun chante : TOUS. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas. SCÈNE II. Licas, Straton enchaîné. STRATON. Ne m'ôteras-tu point la chaîne qui m'accable, Dans ce séjour destiné pour tant d'aimables jeux ? Ah ! Qu'il est rigoureux D'être seul misérable, Quand on voit tout le monde heureux ! LICAS, mettant Straton en liberté. Aujourd'hui qu'Alcide ramène Alceste des Enfers, Je veux finir ta peine. Qu'on ne porte plus d'autres fers Que ceux dont l'Amour nous enchaîne. ENSEMBLE. Qu'on ne porte plus d'autres fers Que ceux dont l'Amour nous enchaîne. SCÈNE III. Céphise, Licas, Straton. LICAS, et STRATON. Vois, Céphise, vois qui de nous Peut rendre ton destin plus doux ; Et termine enfin nos querelles. LICAS. Mes amours seront éternelles. STRATON. Mon coeur ne sera plus jaloux. LICAS, et STRATON. Entre deux Amants fidèles, Choisis un heureux Époux. CÉPHISE. Je n'ai point de choix à faire ; Parlons d'aimer et de plaire, Et vivons toujours en paix. L'Hymen détruit la tendresse, Il rend l'amour sans attraits ; Voulez-vous aimer sans cesse, Amants, n'épousez jamais. CÉPHISE, LICAS, et STRATON. L'Hymen détruit la tendresse, Il rend l'Amour sans attraits ; Voulez-vous aimer sans cesse, Amants, n'épousez jamais. CÉPHISE. Prenons part aux transports d'une joie éclatante, Que chacun chante : TOUS ENSEMBLE. Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas : Il ramène Alceste vivante ; Que chacun chante : Alcide est vainqueur du trépas, L'Enfer ne lui résiste pas. SCÈNE IV. Alcide, Alceste, Admète, Céphise, Licas, Straton, Phères, Cléante, Troupe de Peuples. ALCIDE. Pour une si belle victoire, Peut-on avoir trop entrepris ? Ah qu'il est doux de courir à la gloire Lorsque l'Amour en doit donner le prix ! Vous détournez vos yeux ! Je vous trouve insensible ? Admète a seul ici vos regards les plus doux ? ALCESTE. Je fais ce qui m'est possible Pour ne regarder que vous. ALCIDE. Vous devez suivre mon envie, C'est pour moi qu'on vous rend le jour. ALCESTE. Je n'ai pu reprendre la vie, Sans reprendre aussi mon amour. ALCIDE. Admète en ma faveur, vous a cédé lui-même. ADMÈTE. Alcide pouvait seul vous ôter au trépas. Alceste, vous vivez, je revois vos appas ; Ai-je pu trop payer cette douceur extrême ! ADMÈTE, et ALCESTE. Ah ! Que ne fait-on pas Pour sauver ce qu'on aime ! ALCIDE. Vous soupirez tous deux au gré de vos désirs ; Est-ce ainsi qu'on me tient parole ? ADMÈTE, et ALCESTE. Pardonnez aux derniers soupirs D'un malheureux amour qu'il faut qu'on vous immole. Alceste, il ne faut plus nous voir. Admète, il ne faut plus nous voir. D'un autre que de moi votre sort doit dépendre : D'un autre que de vous mon destin doit dépendre : Il faut dans les grands coeurs, que l'amour le plus tendre Soit la victime du devoir. Alceste, il ne faut plus nous voir. Admète, il ne faut plus nous voir. Admète se retire, et Alceste offre sa main à Alcide, qui arrête Admète, et lui cède la main qu'ALCESTE lui présente. ALCIDE. Non, non, vous ne devez pas croire Qu'un Vainqueur des tyrans soit Tyran à son tour : Sur l'Enfer, sur la Mort, j'emporte la victoire ; Il ne manque plus à ma gloire Que de triompher de l'Amour. ADMÈTE, et ALCIDE. Ah quelle gloire extrême ! Quel héroïque effort ! Le Vainqueur de la mort Triomphe de lui-même. SCÈNE V. Apollon, Les Muses, Les Jeux, et les Acteurs de la Scène précédente. APOLLON descend dans un Palais éclatant au milieu des Muses et des Jeux qu'il amène pour prendre part à la joie d'ADMÈTE et d'ALCESTE, et pour célébrer le Triomphe d'ALCIDE. APOLLON. Les Muses, et les Jeux s'empressent de descendre, Apollon les conduit dans ces aimables lieux. Vous, à qui j'ai pris soin d'apprendre À chanter vos amours sur le ton le plus tendre, Bergers, chantez avec les Dieux Chantons, chantons, faisons entendre Nos chansons jusque dans les Cieux. SCÈNE VI. Troupe de Bergers, de Bergères, et de Pâtres, et les Acteurs de la Scène précédente. CHOEURS. Chantons, chantons, faisons entendre Nos chansons jusque dans les Cieux. On danse. CHOEURS. Triomphez généreux Alcide, Aimez en paix, heureux Époux. ALCIDE. Aimez en paix, heureux Époux. On danse. STRATON. À quoi bon Tant de raison Dans le bel âge ? À quoi bon Tant de raison Hors de saison ? Qui craint le danger De s'engager Est sans courage : Tout rit aux Amants, Les Jeux charmants Sont leur partage : Tôt, tôt, tôt, soyons contents, Il vient un temps Qu'on est trop sage. CÉPHISE. C'est la saison d'aimer Quand on sait plaire, C'est la saison d'aimer Quand on sait charmer. Les plus beaux de nos jours ne durent guère, Le sort de la Beauté nous doit alarmer, Nos champs n'ont point de fleur plus passagère ; C'est la saison d'aimer Quand on sait plaire, C'est la saison d'aimer Quand on sait charmer. Un peu d'amour est nécessaire, Il n'est jamais trop tôt de s'enflammer ; Nous donne-t-on un coeur pour n'en rien faire ? C'est la saison d'aimer Quand on sait plaire, C'est la saison d'aimer Quand on sait charmer. CHOEURS. Triomphez, généreux Alcide, Aimez en paix, heureux Époux : Que toujours la Gloire vous guide, Que sans cesse l'Amour vous guide, Jouissez à jamais des honneurs les plus doux. Jouissez à jamais des plaisirs les plus doux. ==================================================