******************************************************** DC.Title = CASSANDRE ASTROLOGUE ou LE PRÉJUGÉ DE LA SYMPATHIE DC.Author = PIIS, Augustin de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie Parade DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:10. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/PIIS_CASSANDREASTROLOGUE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5551113v DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** CASSANDRE ASTROLOGUE ou LE PRÉJUGÉ DE LA SYMPATHIE COMÉDIE-PARADE, EN UN ACTE ET EN VAUDEVILLE. Représentée pour la première fois, à Brunoy, devant MONSIEUR, frère du Roi, le jeudi 23 novembre 1780, et à Paris, le Mardi 5 décembre suivant, par les Comédiens Italiens Ordinaires de Sa Majesté. M. DCC. LXXX. Avec Approbation et Permission. De l'Imprimerie de CHARDON, rue Galande. PERSONNAGES, ACTEURS. CASSANDRE, Tuteur d'Isabelle, et Astrologue, M. Rosiere. ISABELLE, Pupille de Cassandre, Mlle Lescots. LÉANDRE, amant d'Isabelle, M. Michu. PIERROT, valet de Cassandre, M. Menier. COLOMBINE, voisine et amie d'Isabelle, Madame Billioni, La Scène est dans la maison de Cassandre. CASSANDRE ASTROLOGUE Le Théâtre représente un salon et un cabinet sur le devant de la scène, dispose de façon à laisser voir au public ce qui s'y passe. SCÈNE PREMIÈRE. Pierrot et Colombine. PIERROT. AIR : Pierrot dit à Magdeleine.La voisineColombineAurait-elle du souci ? COLOMBINE. De crainte,À parler sans feinte, Pierrot, j'ai le coeur transi.Ta MaitresseÀ mon adresseS'en rapporta ce matin ;Loin de remettre Sa lettre ,Je l'ai perdue en chemin. PIERROT. AIR : Je ne suis plus dans l'ignorance.Si bien donc que le beau LéandreManque un rendez-vous précieux ;Car, tandis que Saturne aux Cieux Fixe les yeuxDu vieuxCassandre,Vénus l'attendait en ces lieux. COLOMBINE. AIR : D'un mouvement de curiosité.Léandre ici n'en doit pas moins se rendre ; De vive-voix je l'ai sollicité :J'avais, Pierrot, comme tu peux comprendre,Lu ce billet presque décacheté.Femme en ce cas ne saurait se défendreD'un mouvement de curiosité. PIERROT. AIR : Babet, que t'es gentille !Me voilà rassuréSur les feux d'Isabelle ;Mais, tiens, c'est à mon gré,S'occuper assez d'elle. COLOMBINE. Je te vois venir, Veux-tu bien finir ? .Trêve à la bagatelle. PIERROT. Tandis que mon maître est absent,Profitons aussi du moment,Pour nous jurer conjointement Une ardeur éternelle. COLOMBINE. AIR : Jardinier, ne vois-tu pas ?Zéphir leste et complaisantQui voles près des Belles,Souviens-toi qu'en m'épousantL'Hymen te rogne à présent Les ailes. COLOMBINE et PIERROT. AIR : Tandis que tout sommeille ; (de l'AmantJaloux)Oh ! Vous, oiseaux fidèles,Qui sans aucun détourRoucoulez nuit et jour,Vigilants sentinelles, Au bord des toits de ce séjour ;Petites Tourterelles,On vous prenait jusqu'à ce jourPour le symbole de l'Amour ;Vous nous verrez : à votre tour Vous aurez des modèles. SCÈNE II. Léandre, Pierrot et Colombine. LÉANDRE. AIR : C'est ici que Rose respire.Est-ce ici chez Monsieur Cassandre ? Il embrasse Colombine qu'il prend pour Isabelle.C'est vous ? Moments délicieux ! PIERROT, avec jalousie. Quel transport ! LÉANDRE. J'ai pu me méprendre ; Que fait Colombine en ces lieux ? PIERROT. Sans rabattre COLOMBINE. Sans rabattre COLOMBINE et PIERROT. Rien de nos feux,Nous serons quatre bis.Au lieu d'être deux. LÉANDRE. AIR : Dans nos hameaux.Jusques à quand la Beauté que j'adoreTardera-t-elle à se montrer ici ? PIERROT. À sa parure elle s'occupe encore,Et va bientôt bannir votre souci. LÉANDRE. Quand verrons-nous une amante inquiète,Comme l'Amant qui lui fait les yeux doux,Voler le temps qu'on perd à la toilette,Pour allonger celui du rendez-vous ? AIR : Dans ma cabane obscure.Dis à mon Isabelle Que je prétends la voir ; L'ornement d'une Belle,Est de n'en point avoir.Quand on a sa figure,A-t-on besoin de fard ? C'est tricher la NatureQue d'emprunter à l'art. COLOMBINE. AIR : Oh ! Mahomet, ton Paradis des femmes.De ce délai qui cause vos alarmes,Devriez-vous, Monsieur, être étonné ?Contre vous tous nous employons nos charmes, Comme un poltron au combat entraîné ;Si fort qu'il soit dans le métier des armes, Il est plus sûr quand il est plastronné. LÉANDRE. AIR : D'Isabelle et Gertrude.Isabelle. SCÈNE III. Isabelle, coiffée ä l'enfant et habillée à la lévite, Léandre, Pierrot, Colombine. ISABELLE. Qui m'appelle ?... LÉANDRE. AIR : Ah ! vous dirai-je, maman ?Quand le fer, cherche l'aimant,L'aimant semble égalementCourir afin de l'atteindre ; .Vous deviez donc, pour me joindre,Vous donner obligeamment Un peu plus de mouvement. ISABELLE. AIR : Sans un petit brin d'amour.Sans un petit brin d'atour,Fut-elle belle comme le jour,Sans un petit brin d'atour ?Donne-t-on de l'amour ? COLOMBINE. Reconnaissez dans sa simple coiffure Celle d'un Dieu toujours enfant. PIERROT. Voyez plus bas flotter cette ceinture,C'est de Vénus un ornement. ISABELLE, COLOMBINE et PIERROT. Sans un petit brin d'atour, Fût-on , etc. LÉANDRE. AIR : La béquille du p7re Barnaba.À Cassandre, entre nous,Par-là vous pouvez plaire ;Aussi, j'en suis jaloux ,Quand je vous considère. [Note : Drille : Aujourd'hui et familièrement. Un vieux drille, un soldat qui a vieilli dans le service ; et, figurément, un homme qui a vieilli dans la ruse, dans les mauvaises affaires, dans le libertinage. [L]]Je crains que ce vieux drille,Pour être votre époux ,Oubliant sa béquille,Ne vole à vos genoux. ISABELLE. AIR : L'Amour, la nuit et le jour.Vraiment il a conçu Cet espoir téméraire,Mais il n'a jamais suTrouver le temps de faireL'amour,La nuit ni le jour. PIERROT. AIR : Charmante Pastourelle.Hélas ! Sans cesse il monteDans son maudit donjon ; Des étoiles qu'il compte,Il me dit chaque nom ;Mais, quand par la fenêtre : Mon oeil veut voyager,Je ne puis reconnaître Que celle du Berger. COLOMBINE, montrant un grand Télescope. Second Couplet.C'est avec, ces lunettes Qu'il prétend l'enseigner ? LÉANDRE. Eh ! Quoi, sont-elles faitesExprès pour éloigner ?Tourne-les donc, méchante,Ou je vais me fâcher ;Quand le spectacle enchante, On doit le rapprocher. ISABELLE. Troisième Couplet.Le matin il s'attache,Aussitôt son réveil,à trouver quelque tacheSur le front du Soleil. LÉANDRE. S'il dirigeait son verreSur vos divins appas,Je gagerais, ma Chère,Qu'il n'en trouverait pas. PIERROT. AIR : De l'Horoscope accompli.Quand à travers ses télescopes Il a regardé bien longtemps ;Pour tirer plusieurs horoscopes,Il met à profit les instants.Il en a même de sa plume,Écrit un énorme volume, Que ce réduit mystérieuxDérobe à tous les curieux. LÉANDRE. AIR : La bonne aventure au gué.Il ne revient que demain,Forçons la serrure. PIERROT. J'ai fait en un tour de main Sauter la ferrure. LÉANDRE. Trouves-tu ces papiers ? PIERROT. Oui. LÉANDRE. Cherche avant celle d'autrui,Sa bonne aventureÀ lui, Sa bonne aventure. PIERROT. AIR : Lise demande son portrait.Le début en est curieux ,Et c'est pure sornette ;Nous naissons, dit-il, deux à deux,Sous la même planète. LÉANDRE. Contre ce système attrayantNe fais pas de sortie ;Car nous devons, en les voyant,Croire à la sympathie. COLOMBINE. Même air.Je vois en tête du tableau, Certain homme d'affaire ;Et sous le même numéro,[Note : Glycère : prénom d'une courtisane de'Athènes au IVème sicèle avant JC.]La danseuse Glycère.À son étoile il est lié,Tellement pour la vie, Qu'un jour il lèvera le pied,Le tout par sympathie. Même air.Par ordre, on a placé sous luiUn Gascon parasite,Dont l'Astre est soumis à celui Du richard qui l'invite.À la diète, quand ce dernierEst mis pour maladie,Le Gascon jeûne en son grenier,Le tout par sympathie. PIERROT. AIR : De Joconde.Par son nom chacun est placé »Si je puis bien comprendre LÉANDRE. Cherche donc à la lettre CL'article de Cassandre. PIERROT. Dans mon petit particulier, Permettez-moi de rire,D'un horoscope singulier,Que je m'en vais vous dire. AIR : Du pas redoublé de l'Infanterie.C'est celui d'un célèbre auteurDe l'Opéra-Comique , Qui doublé d'un compositeur,Fameux par sa musique,Ne craint jamais de succomber,Quand ce dernier sait plaire ;Mais qui s'il venait à tomber, Serait bientôt par terre. LÉANDRE. AIR : Chantons les matines de Cythère.Encore un coup laisseras-tu, traître,Tous ces inconnus mis deux à deux ?Passe à l'horoscope de ton maître. PIERROT. Ma foi, je le tiens. LÉANDRE. Lis donc, si tu le peux. PIERROT, lit. HOROSCOPE DE MONSIEUR CASSANDRE, Tiré par lui-même. AIR : Des Bossus. Depuis longtemps je me suis aperçu Que mon destin tient au sort d'un bossu ; Lequel d'un oeil aussi ne voyant pas, À chaque instant par le moindre faux-pas, Peut avec lui m'entraîner au trépas. Quand ce Bossu regorge de santé, Je deviens gras aussi de mon côté ; Si je maigris, c'est qu'il perd l'embonpoint ; Et quoiqu'ainsi je le suive en tout point, Pour mon malheur je ne le connais point. LÉANDRE. AIR : Non, non, je n'en dis pas davantage.Puisqu'il croit que ses années,Par l'effetD'un pouvoir secret,Dépendent des destinées D'un inconnuBorgne et bossu,Reprenons tous deux courage ,[Note : Barbon : Vieillard, avec une idée de dénigrement. [L]]On peut tromper le barbon ;Et, non, non, non, Je n'en dis pas davantage. ISABELLE. AIR : Je suis un bon Soldat, ti, ta, ta.Mais, qu'est-ce qu'on entend ? CASSANDRE, frappe. Pata pan. LÉANDRE. Le Diable les emporte. COLOMBINE. On frappe insolemment ! CASSANDRE, redoublant. Pata pan ! PIERROT. Je m'en vais à la porte. COLOMBINE. AIR : Voici les Dragons.Grands Dieux, c'est Monsieur Cassandre...Craignons son courroux ;Ne nous laissons pas surprendre ; Moi par là, je vais descendre,Vous, renfermez-vous... SCÈNE IV. Isabelle et Léandre, dans le cabinet, Cassandre et Pierrot. CASSANDRE. AIR : De la Catacoua.Eh ! Quoi, pendant une heure entière,Chez moi je frappe vainement. PIERROT, d'un air embarrassé. J'étais là-haut sur la gouttière, À contempler le firmament. CASSANDRE, voyant remuer la porte du cabinet. Ouvre donc, pour me satisfaire,Ces lieux où je soupçonne un amant. PIERROT. Plaît-il ? Comment !La peur me prend ! Depuis que j'ai l'honneur d'être un savant,Ce qui se passe sur la terre,Ne m'intéresse aucunement. CASSANDRE. AIR : J'aime mieux ma mie.Il a raison, sur ma foi ;Ta frayeur m'éclaire, Et la prudence est, je crois,Ici nécessaire :Décampe vite en secret ;Et pour pincer ce muguet,Joins un Commissaire Au guet ,Joins un Commissaire. PIERROT, s'approchant du cabinet. AIR : De la romance de Titon.Comme à l'intelligence Je joins la diligence, Demeurez-là toujours, Vous aurez du secours. Pierrot sort, et Cassandre, sa petite épée à la main, se promène à grands pas dans le vestibule du salon. LÉANDRE. AIR : Des Trembleurs.Si j'en croyais mon courage,D'un grand coup dans le visageJe lui ferais voir, je gage,Mainte étoile en plein midi. ISABELLE. Mon ami, point de tapage :Songez qu'une fille sageA besoin qu'on la ménage ;Ne faites point l'étourdi. LÉANDRE. AIR : Comment faire ?Si jamais nous nous en tirons, Et que Cassandre aux environs,Aille encore lorgner sur la bruneCes planètes dont il est fou,N'oublions pas de faire un trouÀ la lune. ISABELLE. AIR : Il était une fille.Croyez-vous qu'une fille,Une fille d'honneur ,Puisse ainsi quitter son tuteur ? CASSANDRE. C'est fait de moi... je grille :Mais enfin, Dieu merci, Je crois que les voici. PIERROT. Oui. SCÈNE V. Colombine en Commissaire, Pierrot, Cassandre, Léandre, Isabelle. CASSANDRE. AIR : Tout roule aujourd'hui dans le monde.Morbleu ! Monsieur le Commissaire,Seul ici vous ne ferez rien :Votre présence est nécessaire ; Mais un peu d'aide eût fait grand bien PIERROT. Monsieur, pour faire sa capture,[Note : Recors : Nom qu'on donne à des officiers subalternes de la justice, qui accompagnent les huissiers pour leur servir de témoins ou pour leur prêter main-forte dans l'exercice de leur fonction. [L]]A placé là-bas ses recors. COLOMBINE, en se cachant le visage. Soyez tranquille ; je vous jureQu'on vous en répond corps pour corps. AIR : Jupin dès le matin.Je pense qu'en effet,Il faut établir avant tout, le forfait ;Ce préliminaire étant fait,Nous prendrons après le quidam sur le fait.Est-ce un voleur tenté par quelqu'effet ? CASSANDRE. Et non, morbleu, je vais vous mettre au fait ;C'est un galant apparemment bien fait,Qu'incognito ma pupille aura fait.J'ai trouvé ce billet,Qu'elle avait fait ; C'était un préjugé de leur méfait ;Mais dans ce cabinet,J'en ai le témoignage parfait. COLOMBINE, repoussant Cassandre dans le fond du théâtre. AIR : C'est Suson la camarde.Faites l'arrière-garde,Sans vous avancer. D'ouvrir pour peu qu'on tarde,Je vais enfoncer. Elle entre dans le cabinet. PIERROT. Mais, Monsieur, mais prenez donc garde,On peut vous percer. CASSANDRE. AIR : Je te casserai la gueule et la mâchoire.Approchons donc à petits pas ? PIERROT. Et non, Monsieur, n'approchons pas ;Craignez-vous qu'il ne se dérobe ? CASSANDRE, retenu vigoureusement par Pierrot. Pendant ce Couplet, Colombine passe sa robe dans les bras de Léandre, et Isabelle l'aide.Ton homme a l'air d'être indulgent ;Et je crains qu'en ce cas urgent,En donnant De l'argent,On ne s'accommodeAvec sa robe. LÉANDRE, en Commissaire. AIR : Vaudeville des femmes vengées.Parbleu, ce ne sont que deux femmes ;Ouvrez les yeux, si vous en doutez. COLOMBINE et ISABELLE. Ah ! Fi, quels procédés infâmes !Par où les avons-nous mérités ? LÉANDRE. La jalousie et le capriceOnt bien pu vous rendre aveugle : maisAvant d'appeler la Justice, Il y faut regarder de près. SCÈNE VI. Cassandre, Isabelle, Colombine, Pierrot. CASSANDRE. AIR : Des billets doux.Je ne reviens pas de cela ;Mais le billet que je tiens là,Voyons, que veut-il dire ? COLOMBINE. Ne s'adresse-t-il pas à moi ? Pour mettre fin à votre effroi,Daignez donc le relire. CASSANDRE, lit. AIR : Vous m'entendez bien.Mon Tuteur s'absente aujourd'hui,Venez, pour calmer mon ennui... ISABELLE. C'est tout ce que ma lettre Contient : COLOMBINE. Avec j'ai l'honneur d'être,Vous m'entendez bien. CASSANDRE. AIR : Tout au beau milieu des Ardennes.Mais pourquoi forcer cette porte,Et fuir ainsi devant votre Tuteur ? ISABELLE. Vous avez frappé d'une sorte,Nous avons cru que c'était un voleur.Dans la frayeurQui serra notre coeur,Nous fîmes ce malheur ; Encore même en-dedans avions-nous peur. COLOMBINE. AIR : Quoi, ma voisine, es-tu fâchée ?Ma voisine, je suis fâchéeDe ce tracas,Car je vous suis fort attachée ;Mais en tout cas À Cassandre.Vous devez à présent, bonhomme,Baiser ses pas : À Isabelle.Et vous, plaignez un AstronomeQui n'y voit pas. SCÈNE VII. Cassandre et Isabelle. CASSANDRE. AIR : De la Confession.Je veux devant vous, À deux genoux,Demander grâce,Et de mon soupçonAttendre la punition. ISABELLE. Levez-vous ; cette fois je le passe, Mais plus de menace. CASSANDRE. Oui, plus de transport,Car je me mets à votre place :C'est pis qu'une mort,D'être grondé sans avoir tort. AIR : Nous nous marierons Dimanche.Pour sceller ma paixAu fond je voudraisConclure notre hyménée ; Mais fais-moi quartierPour Décembre entier, Jusqu'à la nouvelle année.[Note : L'Almanach de Mathieu Lansberg ou Almanach de Liège est une publication annuelle liégeoise qui connu un immense succès entre 1626 et 1792. Il contient des éléments ésotériques et des prédictions.]Matthieu Lansberg, dont ma mémoire s'orne,Et dont la vogue est à Liège sans borne,Dit qu'il n'est pas sain de se marierAu signe du Capricorne. ISABELLE. AIR : De mon Berger volage.Votre raison sans doute,A quelque fondement ;Mais loin que je la goûte, J'en pleure amèrement ;Car plus je vous écoute, Et plus en ce momentJe sens ce qu'il en coûteD'attendre son Amant. Pierrot paraît dans le fond de la scène, et fait signe à Isabelle que Léandre va venir. Second couplet.Mais comme à la scienceJ'ai livré mon esprit, Dans mon impatienceL'avenir me sourit ;De vos talents insignesJe tiens l'art d'observerEt je lis dans les Signes Ce qui doit arriver. SCÈNE VIII. Pierrot, Cassandre, Isabelle. PIERROT. AIR : Un Cordelier d'une riche encolure.Certain bossu qui voudrait vous connaître,Demande, mon maître,S'il pourrait avoirLe bonheur de vous voir. CASSANDRE. [Note : Pécore : Terme d'injure. Personne stupide. [L]]Certain bossu ! Fais vite entrer, pécore. PIERROT. Il est borgne encore. CASSANDRE, extasie. Ah ! C'est mon destinQui me l'amène enfin. SCÈNE IX. Léandre bossu et borgne, Isabelle ; Cassandre et Pierrot. LÉANDRE. AIR : Moi de même, (de l'Amoureux de quinze ans.)Votre serviteur ; CASSANDRE. Moi de même ; LÉANDRE. Moi de même ; ISABELLE, à part. Moi de même. LÉANDRE. J'éprouve une joie extrême ; CASSANDRE. Moi de même ; ISABELLE, à part. Moi de même. LÉANDRE. Quel bonheurC'est de voir ce qu'on aime !C'est de tout mon coeur ; CASSANDRE et ISABELLE, à part. Moi de même. LÉANDRE. Un instinct secretM'y portait ; CASSANDRE. Moi de même. LÉANDRE. Je prends à vous grand intérêt ; CASSANDRE. Moi de même. LÉANDRE. Je suis enchanté; CASSANDRE. Et moi de même ; LÉANDRE. Je suis transporté ; CASSANDRE. Et moi de même ; LÉANDRE. Que j'ai de plaisir ; CASSANDRE. Moi de même ; LÉANDRE. De nous réunir ; CASSANDRE et ISABELLE, à part. Moi de même. LÉANDRE. AIR : J'aime une ingrate Beauté.Je viens pour vous consulter,Comme un fameux astrologue. CASSANDRE. Vraiment, sans trop me vanter,J'ai toujours eu de la vogue ;Mais avant d'agiterLe point qui nous rassemble,Il faut sans hésiter, Que nous dînions ensemble. PIERROT. AIR : Nous quitterons-nous sans boire ?Monsieur, je vais mettre la table. LÉANDRE. J'accepte votre offre agréable ;Car ici petit à petit,Je sens croître mon appétit. AIR : Je suis Carmélite, moi.Mais à propos, est-il vrai qu'on annonceUne éclipse en ce mois ? CASSANDRE. Assurément, Monsieur, et je prononceQue c'est pour le vingt-trois ;Mais elle n'est, ma foi , Qu'orientale. PIERROT, en cachant les deux amants à Cassandre, avec le dessus de la table. Je la crois totale,Moi,Je la crois totale. LÉANDRE. AIR : Vantez vous-en.Votre Valet est un compère. CASSANDRE. Mais, vraiment il connaît la sphère.Bientôt il sera dans le casDe composer des Almanachs. PIERROT. Oh ! ne vous embarrassez pas,Car si je me mêlois d'en faire, On n'y verrait que du beau temps,Vantez vous-en. CASSANDRE. AIR : O gué lan la, lanlaire.Pierrot, sers-nous, de grâce,Diligemment. PIERROT. Monsieur, je me surpasse En mouvement ;Mais placez-vous en attendant. CASSANDRE. Passez. LÉANDRE. Non, vraiment. CASSANDRE. Après vous, morbleu.C'est l'Étranger qu'on place Dans le milieu. LÉANDRE. AIR : Du fleuve d'Oubli.Ah ! L'excellent potage ! CASSANDRE, à part. Il n'en a plus déjà,Ah, ah, ah , ah ! LÉANDRE. Donnez-m'en davantage. CASSANDRE. Cela vous gonflera. LÉANDRE. Ah, ah , ah, ah !Mais si j'ai bonne mémoire, Il fait semblant de sabler plusieurs bouteilles que Pierrot lui tend successivement.Pour appuyer celaIl faut boire. L'Orchestre seul exécute l'air de la Fricassée, afin qu'on ait le tems de dîner. CASSANDRE, à part. AIR : De la Fricassée.Ah ! Que cet homme est gourmand !Que maudit soit l'affreux destin qui nous lie !Ah ! Que cet homme est gourmand !Ne saurait-il manger sobrement ? LÉANDRE. Passez-moi de l'entremets ? CASSANDRE, à part. Il ne finira jamais ;C'est fait de moi désormais,Pour peu qu'il expédieEncor deux ou trois mets.Ah ! Que cet homme est gourmand ! Comme à toute heure il expose ailleurs ma vie :Ah ! Que cet homme est gourmand !J'en pâtirai nécessairement. LÉANDRE. Passez-moi donc le rôti ? CASSANDRE, à part. Nous l'allons voir englouti, Je demeure anéanti.Faut-il me voir à sa planèteAssujetti ? Haut.Mais , Monsieur, par amitié,Souffrez un peu qu'à l'instant je vous arrête. LÉANDRE. Ah ! Quelle injuste pitié !Je n'ai, Monsieur, dîné qu'à moitié. CASSANDRE. Pierrot, tous deux de concert,Otons vite le couvert. LÉANDRE. J'ai l'appétit trop ouvert, Pour faire aucune grâceÀ ces plats de dessert. CASSANDRE, effrayé. Vite il faut me desserrer :[Note : Gargantua : Personnage de roman de François Rabelais. Il avait beaucoup d'appétit ; "car grand tu as".]Gargantua ne fut jamais si vorace,Et je ne puis digérer Ce que cet homme ose dévorer. LÉANDRE. AIR : Nous autres bons Villageois.J'ai mangé trop goulument. CASSANDRE. Comme je partage ses craintes ! LÉANDRE. Ouf, la colique me prend. CASSANDRE. J'en éprouve aussi des atteintes. LÉANDRE. Peut-être qu'un doigt de liqueurApaisera cette douleur :Allons, c'est à votre santé. CASSANDRE, avec humeur. Vous avez bien de la bonté. LÉANDRE. AIR : Le tems passe.Cela passe, Quel merveilleux soulagement ! bis. CASSANDRE. Je suis guéri pareillement. LÉANDRE. Mais je voudrais bien, de grâce,Vous consulter secrètement. ISABELLE. Quand je resterais, qu'importe ? Monsieur, c'est fort mal fait à vous :N'exigez pas que je sorte ; bis. J'aime à voir mon futur époux. bis. CASSANDRE, à Isabelle. Allons, passeDans le prochain appartement, Tu reviendras dans un moment. SCÈNE X. Léandre et Cassandre. LÉANDRE, tirant Cassandre sur le bord de la Scene, avec un air de confidence. AIR : V'là ce que c'est que d'aller au bois.Tel que vous me voyez ici,Je suis bien portant, Dieu merci ;Mais je cours risque d'être occis ;Car au fond de l'âme J'adore une femme,Qu'un certain amoureux transiSe fait fort d'obtenir aussi. Second Couplet.Or, nous avons un rendez-vous...Tout près d'ici. CASSANDRE, pâlissant graduellement. Que dites-vous ? LÉANDRE. La vérité : mais entre nous,Avant ce désastre,Lisez dans mon astreSi je dois être son époux, Ou bien si j'aurai le dessous. CASSANDRE, tout troublé. Troisième Couplet.À quoi bon consulter les cieux ?Ami, demeurez dans ces lieux. LÉANDRE, tirant sa montre. Nenni : le tems m'est précieux,Cessez vos prières. CASSANDRE. Ces sortes d'affairesN'ont jamais eu le sens commun ;On y va deux, on n'en revient qu'un. LÉANDRE. AIR : De la Pierrefitoise.Puisqu'enfin vous ne m'apprenez pasSi je dois échapper au trépas, C'en est fait; je vous quitte à grands pas,Car je suis de tous vos hélasLas. CASSANDRE. Quoi ! Vous sortiriez contre mon gré ? LÉANDRE. Oui, je partirai , Je m'y rendrai,Je m'y battrai. CASSANDRE. Je suis mort : ah ! quel terrible assaut !Vite, accourez tôt,Ma chère Isabelle et Pierrot... Isabelle et Pierrot accourent à l'instant.Courez vite, attrapez mon bossu :Pour se battre avec un inconnu,À deux pas je le crois descendu.Partez,Et mettez Le holàLà. Isabelle et Pierrot sortent en riant. SCÈNE XI. CASSANDRE, seul. AIR : du Libera de la Bourbonnoise.[Note : Darder : Frapper avec un dard ; épée, poignard... [L]]Quels traits le sort me darde !Ce cartel me poignarde ; bis.Je sens ma vue hagarde : Qu'est-ce que je vois-là ?Ah, ah, ah !Chacun d'eux se regarde[Note : Rouillarde : Vieille épée rouillée.]En tirant sa rouillarde, bis.Et tous les deux en garde bis.À mes yeux les voilà. Mais comme la fin tarde,Si j'appelais la Garde... bis.Mais non, prenons-y garde,Le Prévôt les pendra. Ah, ah, ah !Mon bossu goguenarde,Mais l'autre se hasarde,[Note : Larder : Familièrement. Larder quelqu'un de coups d'épée, le percer de plusieurs coups d'épée. [L]]Et par tierce il le larde ;Le coup m'a percé-là, Ah, ah, ah !...Et par tierce il le larde, bis.Le coup m'a percé-là. bis. Cassandre parodie en chantant ce morceau, les gestes également ridicules et minutieux, que se permettent les Italiens dans leurs Récitatifs. SCÈNE XII ET DERNIÈRE. Cassandre, Léandre, blessé en apparence, Isabelle, Pierrot et Colombine en Médecin. COLOMBINE soutenant Léandre. AIR : Magdelon, qu'avez-vous donc ?J'ai près d'ici vu ce blessé ;Son état m'a fait peine : Hors, avant tout je l'ai pansé,Maintenant je l'amene. LÉANDRE. Ah, ah ! CASSANDRE. Ah, ah ! COLOMBINE. Asseyons-le là. CASSANDRE. Ciel ! que vois-je là ?Il est blessé-là.Croyez-vous qu'il en revienne ? LÉANDRE. Non, je n'en veux pas revenir,Puisque j'ai perdu ma Belle. CASSANDRE. Pour vous empêcher de mourir,S'il ne fallait qu'Isabelle ? LÉANDRE. Ah, ah ! CASSANDRE. Passons-en par-là.Tenez, la voilà, Considérez-la :Tâchez de l'obtenir d'elle. ISABELLE. Moi, vouloir d'un mari pareil !Oh nenni, je vous le jure. LÉANDRE. Et bien j'arrache l'appareil Qu'on a mis sur ma blessure. CASSANDRE. Ah, ah, ah, ...Qu'il soit ton époux ;Cassandre à genouxLui-même t'en conjure. . ISABELLE. AIR : Il a voulu, il n'a pas pu.Vous m'étonnez, bis.Vous l'ordonnez,Je cède à votre envie. CASSANDRE. Comment vous sentez-vous le coeur ? LÉANDRE. Il a recouvré sa vigueur. ENSEMBLE. Ha, quel bonheur ! PIERROT. Je crois , Monsieur, que nous reprenons vie. COLOMBINE. AIR : Le briquet frappe la pierre.Ainsi que vous tous, j'admireSans en trouver la raison,Sa parfaite guérison. Son teint commence à reluire ;En regardant ce tendronVoyez comme il a l'oeil bon. bis.Je conviens, Monsieur Cassandre,Que son pouls dur comme un roc, Fait encor toc, toc, toc, toc ,Mais il suffira d'attendre.Apaiser un si grand feu,Pour l'Hymen ce n'est qu'un jeu. LÉANDRE et ISABELLE. DUO : Sur un air de danse. Vive l'Amour, pour nous mieux secourir Qu'un Médecin de science profonde ; Si quelque tems il nous laisse souffrir, Du moins ce Dieu finit par nous guérir. Sur sa fourrure, Esculape se fonde, Il parle haut pour mieux nous éblouir : Mais Cupidon se fourrant à la ronde, En parlant bas parvient à réussir. Vive l'Amour, etc. Sans le hasard, qui par fois la seconde, La Faculté nous feroit tous périr. Quoiqu'à tâtons l'Amour traite son monde, On ne voit pas le malade en mourir. Vive l'Amour , etc. N'espérez pas qu'un Docteur vous réponde, S'il ne croit pas avec vous s'enrichir : Mais ennemi de l'intérêt qu'il fronde, Le tendre Amour ne vend pas le plaisir. Vive l'amour , etc. CASSANDRE, à Isabelle. AIR : Ton humeur est, Catherine.Oh ça, je te recommandeD'avoir soin de sa santé. ISABELLE. Soit : mais tenez, j'appréhendeQue fâché de ce traité... CASSANDRE. S'il entre dans ma mémoireDe rompre des noeuds si beaux,Je veux, sous l'Observatoire Etre enfermé sans flambeaux. VAUDEVILLE. LÉANDRE, ôtant sa bosse postiche, et l'emplâtre qu'il avait sur l'oeil. AIR : Du Vaudeville de Sancho. Premier Couplet.Pardon, Monsieur, si de vous on se gausse :Le plus certain est d'éviter l'éclat.En vous forçant à donner dans la bosse,Il fallait bien qu'on vous désabusât. L'Amour se masque avant la noce ;Mais l'Hymen, quand vient le contrat,Ennemi des métamorphoses,Remet les chosesDans leur état. COLOMBINE, ôtant sa robe de Médecin. Second Couplet.En Commissaire, hélas ! Sans nul scrupule,J'ai su tantôt seconder leur dessein ;Je vous ai fait avaler la piluleEn empruntant l'habit de Médecin.Mais il serait trop ridicule Que Pierrot ainsi m'épousât ;Remettons sans métamorphosesToutes les chosesDans leur état. PIERROT. Troisième Couplet.Oui, c'en est fait, Monsieur le Pédagogue, Ici, de vous, j'exige mon congé :Vous m'aviez pris pour garçon Astrologue ;De ces travaux me voilà dégagé.À quoi bon, dans un catalogue,Calculer beau temps et frimas ? Il prend la main de Colombine.Pour moi, sans en prévoir les causes,Je prends les chosesDans leur état. CASSANDRE. Quatrième Couplet.Esclave né du sexe portant jupe,Comme on en est trompé quand on est vieux ! Du quatuor dont chacun d'eux s'occupe,Je devrais bien rompre ici tous les noeuds ;Mais je serais encore plus dupe,Si j'abjurais le célibat.De crainte des métamorphoses, Portant la main à son front.Laissons les chosesDans leur état. ISABELLE. Cinquième Couplet.Le Vaudeville a régné sur la scène,Mais la Musique improuvant ses ébats,À haute voix un jour en Souveraine, Lui dit tout net de lui céder le pasMais si la gaîté le ramène,Messieurs, servez-lui d'avocats,Qu'il puisse deux fois par semaineRentrer sans peine Dans ses états. On reprend en choeur ce couplet. ==================================================