******************************************************** DC.Title = LE FIACRE-CUSINE, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 28/12/2021 à 07:52:26. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_FIACRECUISINE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE FIACRE CUISINE. 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. PAGEON. LA FEMME PAGEON. BUREAU. LA FEMME BUREAU. DROUILLOT. LA FEMME DROUILLOT. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 313-317 LE FIACRE CUISINE. LE NARRATEUR. [Note : Charles Blondin (1824-1897), funambule qui franchit le premier, en 1859, à passer les chutes du Niagara sur une corde. ]Les uns font leur omelette à la cuisine (c'est la majorité), Blondin fait la sienne sur une corde au-dessus du Niagara (c'est la très rare exception) ; Chaussepied, lui, la fait où il sera dit tout à l'heure (c'est de la haute fantaisie). Bref, chacun fait son omelette où il peut.Notre homme est prévenu de vagabondage, et, en outre, de voies de fait et d'escroquerie envers un cocher de fiacre. Ce cocher raconte ainsi le fait dont il se plaint : « Monsieur, dit-il, me prend à la barrière du Maine et me dit de le conduire à l'entrée du passage Vendôme (un assez joli ruban de queue, comme vous voyez). Il avait sous le bras un gros paquet. Je monte sur mon siège, et nous voilà partis.Au de sept ou huit minutes, peut-être dix,je sens comme une odeur de crêpes ; je me dis : Tiens, il y à quelqu'un qui fait des crêpes par ici, une friturière probablement. Je regarde à droite et à gauche, je ne vois pas de marchande de friture, avec ça que l'odeur continuait à me suivre ; je reniflais ! Je reniflais ! Et je me disais : « Mais, sacristi ! Où que ça sent la crêpe comme ça ? » « Enfin, en me retournant, je vois des personnes qui regardaient d'un air inquiet dans ma voiture, et voilà une femme qui me dit : Mais il y a le feu dans votre voiture !... Je regarde et vois effectivement une flamme. J'arrête mes chevaux, je penche ma tête à la vitre de devant, et qu'est-ce que je vois ? Monsieur, ayant d'une main une espèce de petit plat en fer-blanc qu'il tenait par laquelle, et au-dessous duquel il tenait une grosse corde comme qui dirait une torche enflammée, et dans le plat il y avait une omelette en train de cuire. Je descends dare-dare de mon siège, j'ouvre la portière et je dis à mon voyageur : « Est-ce que vous vous fichez du monde de prendre ma voiture pour une cuisine et d'y faire dès omelettes dedans ? » Il me répond que ça n'est pas défendu, qu'on peut faire dans une voiture ce qu'on veut. Eh bien, que je lui réponds, nous allons voir si vous avez le droit de risquer de mettre le feu à ma voiture, et de la tacher, et de l'empoisonner, que, messieurs, c'était une infection, et que par terre il y avait ; des coquilles d'oeufs, et l'assiette où il avait battu ses oeufs, qu'il en avait dégouliné et que ça avait fait des taches. Là-dessus, comme il s'était amassé du monde, et qu'un sergent de ville était accouru, je lui ai conté l'affaire ; le sergent de ville a fait descendre monsieur et lui a dit de me payer. Il n'avait pas de quoi, il avait douze sous ; tout le monde disait que c'était un pari qu'il avait fait ; et je le croyais aussi ; finalement, que, n'ayant pas de quoi me payer, le sergent de ville lui dit de venir chez le commissaire de police ; alors monsieur se retourne vers moi et me dit : Ah ! Tu me fais arrêter, tiens !... Là-dessus, il me flanque deux gifles... Oh ! Mais aux petits oignons. ». MONSIEUR LE PRÉSIDENT, au prévenu. Ce qui vient d'être raconté par le témoin est l'acte d'un homme ivre, et cependant vous n'étiez pas ivre ; c'est aussi l'acte d'un homme qui a fait une gageure ; et vous n'aviez pas fait de gageure ; alors expliquez donc votre conduite. LE PRÉVENU. C'est bien simple : n'ayant pas de domicile, je me fais ma petite pot-bouille comme je peux. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Ainsi c'est, votre habitude de faire votre cuisine dans des voitures ? LE PRÉVENU. Quand il fait beau, je m'en vas à la campagne : sous un arbre, je fais cuire des saucisses, du boudin, n'importe quoi ; je n'aime pas la gargote, j'ai été habitué à la cuisine de ménage ; je me suis acheté avec mes économies un plat en fer battu, une fourchette, un assiette et un verre ; alors je m'arrange comme je peux. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Avec vos économies... Quelles économies ? Quelle est votre profession ? LE PRÉVENU. Marchand de perroquets. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous êtes marchand d'oiseaux ? LE PRÉVENU. Je ne tenais que le perroquet ; j'en ai rapporté des îles une vingtaine ; je les ai tous écoulés, et je vis sur ce qui me reste de ma vente ; j'étais cuisinier sur un navire marchand, et c'est, comme je vous dis, des îles que j'avais rapporté des perroquets ; je leur avais appris à parler, ce qui fait que j'en ai tiré un bon prix. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Où couchez-vous donc ? LE PRÉVENU. La nuit je me promène ; le jour, je vas à la Salle des ventes ou à la correctionnelle, et je dors là tranquillement deux ou trois bonnes heures, ça me suffit. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Oui ; enfin, c'est une existence de vagabond ; vous êtes en outré prévenu d'escroquerie : vous avez pris une voiture et vous n'aviez pas de quoi payer la course. LE PRÉVENU. Ça n'est pas de l'escroquerie ; on s'arrange toujours avec les gens ; je me serais arrangé avec le cocher, s'il ne m'avait pas fait arrêter. Je compte me rembarquer comme cuisinier et rapporter des perroquets et quelques singes ; j'étais toujours bon pour trente sous. Pensez, m'sieu, seulement une vingtaine de perroquets et une demi-douzaine de singes qui ne me coûtent rien, ça me fait tout de suite cinq à six cents francs ; ainsi je me disposais à partir au Havre pour trouver à m'embarquer comme je vous ai dit ; si le cocher veut, je suis prêt à lui signer un bon pour un perroquet ou pour un singe, à son choix. LE COCHER. J'aime mieux mes trente sous. Le tribunal a condamné le marchand de perroquets à trois mois de prison. ==================================================