******************************************************** DC.Title = UN BROCANTEUR SANS LE SAVOIR, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 21/08/2023 à 06:40:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_BROCANTEURSANSLESAVOIR.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** UN BROCANTEUR SANS LE SAVOIR. 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. L'AVOCAT. LE PRÉSIDENT. GARANCIER. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 367-370 UN BROCANTEUR SANS LE SAVOIR. narrateur [Note : Étienne Arnal (1794-1872) : Acteur qui connut le succès au théâtre du Vaudeville et de celui des Variétés dans des pièces de Labiche.]Chacun sait que l'Amérique est le pays d'où l'Europe tire ses meilleurs oncles, mais, comme le faisait remarquer Arnal dans un de ses bons rôles : l'Amérique du Sud seulement, parce que l'Amérique du Nord est trop humide et ils y viennent mal. Voilà ce qu'ignorait Garancier, en s'embarquant pour aller recueillir, dans le nouveau monde (région septentrionale), la succession d'un oncle parti pour un troisième, monde, le meilleur de tous, au dire de ceux qui n'y sont jamais allés. Or, l'héritage de Garancier se composait uniquement d'un petit fonds de bibelots plus ou moins curieux qu'il rapporta, et dont il fit le noyau d'un établissement de curiosités. Devenu ainsi brocanteur par hasard, Garancier a négligé de remplir les formalités voulues par les règlements, et le voici ; en police correctionnelle, où il raconte l'histoire de son héritage et le moyen qu'il a imaginé pour le réaliser en détail. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous ne vous êtes pas contenté d'écouler les objets vous venant d'un héritage, vous avez exercé le brocantage ; ainsi, vous avez acheté un poignard ? GARANCIER, vivement ému. Mon président, j'ignorais généralement qu'il fallusse des formalités ; mais dehors en avant, j'y ferai attention ; une preuve à la pluie de ce que je vous avance, que je suis un homme qu'on n'a pas un cheveu à lui reprocher, c'est que voilà des certificats, tenez. Il tire des papiers de sa poche et lit.Je certifie, soussigné.... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Il s'agit d'une contravention ; vos certificats sont inutiles. GARANCIER. Excusez si c'est un effet ; personne ne pourrait me reprocher d'avoir dit plus haut que son nom à qui que ce soit, ainsi, pendant douze ans, j'ai géré avec distinction un bureau de parapluies dans un théâtre... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Mais, nous admettons parfaitement que vous êtes un honnête homme. GARANCIER, de plus en plus ému. Rien que d'entendre parler de tuer ou de blesser quelqu'un, voyez-vous, ça me fait un effet des plus... honorables. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Encore une fois, on ne vous reproche qu'une contravention. GARANCIER. Quand je vois du sang, voyez-vous, ah !.. Lisant.« Je, soussigné, certifie que...» MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Mais où voulez-vous en venir ? Voyons, tout se réduit à ceci : vous avez acheté un poignard ? GARANCIER. Pour le revendre, Monsieur, pour le revendre ; je vous le jure ; voyez-vous devant le saint jour qui nous éclaire... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Eh bien, oui, pour le revendre, c'est du brocantage et vous n'avez pas le droit de faire du brocantage. GARANCIER, suivant sa pensée. D'ailleurs, Monsieur, je n'ai pas d'ennemis, moi. À qui voulez-vous que je donne des coups de poignard ? MONSIEUR LE PRÉSIDENT. On ne vous dit pas que vous avez acheté ce poignard pour commettre un crime. GARANCIER, joignant les mains. Oh ! Non, monsieur, moi qui n'ai jamais eu le courage de tuer un lapin ; nous élevons des lapins, c'est ma femme qui les tue ; ne me condamnez pas, je suis innocent, je n'en veux à personne et personne ne m'en veut. Lisant un papier. « Je certifie que le sieur Garancier est un homme très doux, ne cherchant jamais querelle à personne et incapable de commettre un assassinat...» MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Je désespère de vous faire comprendre ce dont il s'agit ; il faut une autorisation pour exercer le brocantage ; prenez une autorisation et achetez ce que vous voudrez. GARANCIER. Des poignards ! C'est le premier et le dernier, je vous en fais mon serment que dehors en avant je ne veux plus en entendre parler ; c'est la première fois qu'on m'accuse, moi, Garancier ; jamais, au grand jamais, on ne m'a soupçonné de mal. Le tribunal le condamne à vingt francs d'amende. GARANCIER, tremblant. Vingt ans ! Vingt ans ! MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vingt francs ; allez-vous-en. GARANCIER, riant et pleurant à la fois. Hein.... quoi ? Vingt francs ! V'là tout ? MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Oui, voilà tout ; retirez-vous et prenez une autorisation. Garancier sort ahuri, ricanant et l'oeil égaré, comme un homme ivre. ==================================================