******************************************************** DC.Title = AH ! QUE LES PLAISIRS SONT DOUX, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 28/12/2021 à 19:31:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_AHQUELESPLAISIRSSONTDOUX.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** AH ! QUE LES PLAISIRS SONT DOUX. 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. MONSIEUR BERNARDET. LE PRÉVENU. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 299-302 AH ! QUE LES PLAISIRS SONT DOUX. LE NARRATEUR. Est-il rien de plus irritant pour le spectateur assis dans une stalle d'orchestre qu'une tête qui se place sans cesse devant ses yeux ; qui, à l'invitation faite à son propriétaire, se range, puis retourne à sa place première, s'écarte de nouveau à une nouvelle invitation, et revient obstinément intercepter la vue de ce qui captive l'attention du spectateur agacé ?Bien des gens, s'ils étaient sincères, avoueraient qu'en pareil cas, leur irritation est devenue telle qu'ils ont plus d'une fois formé, pendant un moment, si court qu'il ait été, le souhait abominablement égoïste qu'une puissance invisible vînt abattre cette tête et leur permit de voir à leur aise la jambe de la fée ou la grimace du comique de la pièce.Monsieur Bernardet, qui comparaît aujourd'hui devant la police correctionnelle, est une de ces natures nerveuses, irritables et curieuses ; il a asséné une grêle de coups de poing sur la tête d'un pauvre jeune homme qui l'empêchait de voir le spectacle. MONSIEUR BERNARDET. Messieurs, dit ce jeune homme au tribunal, ici, je n'ai plus de raisons pour taire le motif qui me faisait rester à moitié debout et gêner les personnes placées derrière moi ; mais, ce jour-là il m'était impossible de le dire, et vous allez le comprendre. Une demoiselle dont j'avais fait la connaissance la veille m'avait demandé de la conduire au spectacle... Au spectacle!... Jugez de ma position, il faut s'asseoir, au spectacle, et je ne le pouvais pas, étant affligé d'un énorme clou qui m'obligeait de rester debout ou couché. Refuser à cette demoiselle, je ne le pouvais pas au commencement d'une connaissance ; lui dire ce qui en était, c'était me rendre ridicule à ses yeux ; prétexter un manque d'argent, c'était encore pis ; une affaire ?... En pareil cas, les dames n'admettent pas d'affaire plus intéressante que ce qu'elles désirent. Je me décidai donc, au risque de souffrir toutes les tortures de l'enfer, à mener la demoiselle au théâtre. Je m'assieds avec précaution, mais je me relève aussitôt en étouffant un cri de douleur ; il me semblait que je venais de recevoir un coup de bistouri dans une plaie vive... À peine suis-je levé, que voilà monsieur qui me crie : Assis ! Je fais semblant de ne pas entendre. Assis ! répète-t-il plus fort. Je feins de me rasseoir ; je pose mes deux mains sur le banc, et je m'assieds comme entre, deux coussins, ce qui m'empêchait de toucher au banc et rendait ma position incommode et disgracieuse, il est vrai, mais du moins tenable. Bon ! Au bout de deux ou trois minutes, la jeune personne me dit : « Tenez-moi donc mon éventail. » Bon, me dis-je ; merci, me voilà bien. Je feins encore de ne pas entendre ; mais, alors, cette demoiselle me regarde et me dit : « Quelle drôle de position ! Vous êtes assis sur vos mains. » Le rouge me monte au visage, je retire vivement mes mains. Je tombe lourdement sur le banc ; je pousse. Un véritable mugissement, au point qu'on me crie : À la porte ! Je renfonce ma douleur et je prends la résolution de rester courbé comme si j'étais assis ; mais j'étais simplement accroupi à deux ou trois centimètres du banc : c'était éreintant et impossible. Un moment je pus me tenir comme ça ; mais peu à peu je me relevais, et cinq minutes après j'étais debout. Alors les cris : Assis ! Assis ! recommençaient. J'étais dans une situation effroyable. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous avez eu tort d'aller au spectacle, puisque vous deviez gêner vos voisins ; mais le prévenu a eu le tort plus grand de vous frapper. LE PRÉVENU. Dame ! Monsieur, que voulez-vous ? Je ne pouvais pas deviner que monsieur avait des clous, et, comme vous dites très bien, quand on a des clous, on ne va pas au spectacle ; moi, j'avais donné mon argent, c'était pour voir, et toujours monsieur qui m'empêchait... S'il m'avait dit ce qu'il avait, je lui aurais conseillé d'aller se placer autre part. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Il fallait vous plaindre à l'inspecteur de la salle et ne pas frapper cet homme. Le prévenu est condamné à huit jours de prison, ce qui, après tout, est moins cruel que d'être condamné au supplice si piteusement raconté par le jeune homme à bonne fortune. ==================================================