******************************************************** DC.Title = LA QUERELLE DES THÉÂTRES, PROLOGUE. DC.Author = LAFON Joseph de ; LESAGE Alain-René DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Prologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:07. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/LAFONTLESAGE_QUERELLEDESTHEATRES.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA QUERELLE DES THÉÂTRES PROLOGUE 1718. Par Messieurs LE S** et de la F** Représenté à la Foire de Saint-Laurent 1718. Et ensuite sur le Théâtre de l'Opera, par l'ordre de S. A. R. MADAME. ACTEURS. LA COMÉDIE FRANÇAISE. LA COMÉDIE ITALIENNE. L'OPÉRA, Arlequin. LA FOIRE, Pierrot. MEZZETIN, Suivant de la Foire. POLICHINELLE, Suivant de la Foire. UN GILLE, Suivant de la Foire. UN AUTEUR TRAGIQUE, suivant de la Comédie Française. UN ACTEUR habillé à la Romaine, suivant de la Comédie Française. UN CRISPIN, suivant de la Comédie Française. UN PANTALON, suivant de la Comédie Italienne. UN SCAPIN, suivant de la Comédie Italienne. La Scène se passe dans la Salle de l'Opéra Comique. SCÈNE PREMIÈRE. Le théâtre représente la Salle de L'Opéra Comique. LA FOIRE, seule. Holà, Danseurs, Chanteurs de Vaudevilles. AIR 87. Din, dan, don.Peuples à mes ordres soumis,Histrions forains mes amis,Venez, tous ;Accourez, troupe comique,Vite assemblez-vous. De votre lyriqueRendez tous les théâtres jaloux.Quoi, personne n'accourt à ma voix !N'entendez-vous pas votre, maîtresse qui vous appelle ? Songez-vous ; que c'est aujourd'hui le premier jour de mes spectacles d'été ? Holà donc, Mezzetin, Olivette, Docteur , Polichinelle. AIR 44. J'entends déjà le bruit des armes.Répondez donc à mon attente,Mes enfants, venez, il est temps,Déjà le Marchand se tourmente, Sa voix appelle les chalands ;[Note : Massy : célèbre limonadier. [NdA]]Et l'obligeant Massy présenteDu tabac aux honnêtes gens. SCÈNE II. La Foire, Mezzetin. MEZZETIN, riant. Ha, ha, ha, ha, ha ! LA FOIRE. Quel sujet avez-vous de rire ? MEZZETIN, riant encore. Ha, ha, ha, ha, ha ! LA FOIRE. Pourquoi donc ces ris immodérés ? MEZZETIN. La Comédie Française et la Comédie Italienne... Il continue de rire.Ha, ha, ha, ha, ha ! LA FOIRE. Encore ? Hé bien, la Comédie Française et la Comédie Italienne ?... MEZZETIN. Ces cieux Dames sont dans le préau. Elles veulent honorer de leur présence l'ouverture de notre théâtre. Elles viennent voir si la Foire sera bonne. AIR 17. Menuet d'Hésione.Elles ont vu beaucoup de mondeVenir en foule dans nos jeux. Je ris de la douleur profondeQue fait paraître une des deux. LA FOIRE. C'est la Française apparemment ? MEZZETIN. Vous l'avez dit. AIR 2. Quand je tiens de ce jus d'Octobre.Elle se livre à sa tristesse,Qui déconcerte son maintien :L'autre de la sienne es tmaîtresse. LA FOIRE. Oh ! C'est l'esprit Italien ! MEZZETIN. Mais les voici. LA FOIRE. Qu'on ait soin de les bien placer. Ce sont mes supérieures, que ces Dames-là. Je ne suis que leur très humble servante. Je ne puis leur marquer trop de respect. SCÈNE III. La Foire, Mazzerin, La Comédie Française La Comédie Italienne, Monsieur Charitides, auteur tragique. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Elle est appuyée d'un coté Sur la Comédie Italienne, et de l'autre sur Monsieur Charitides. Elle déclame les vers suivant dans le goût des Héroïnes du Théâtre.N'allons pas plus avant, demeurons ma mignonne.Je ne me soutiens plus, la force m'abandonne,Mes yeux sont étonnés du monde que je vois :Pourquoi faut-il, hélas ! Qu'il ne soit pas chez moi ! LA COMÉDIE ITALIENNE, quittant le bras de la Comédie Française. Oh ! Tâchez de vous soutenir toute seule... J'aI assez de peine à me soutenir moi-même. LA COMÉDIE FRANÇAISE, à l'Auteur. Aidez-moi donc, vous, Monsieur Charitides. MONSIEUR CHARITIDES, la repoussant. Je suis votre valet. Quand vous vous portiez bien, vous ne me regardiez pas : à présent que vous êtes malade, vous implorez mon secours : Serviteur. LA FOIRE, à la Comédie Française. Madame,je suis ravie d'avoir l'honneur de vous voir. Permettez-moi de vous embrasser. Elle s'avance pour l'embrasser. LA COMÉDIE FRANÇAISE, la repoussant. Je me trouve mal. LA COMÉDIE ITALIENNE. Et moi, tout de même. LA FOIRE. Des fauteuils à ces Dames. Hé vite des fauteuils. Je crois qu'elles vont tomber en faiblesse. La Foire et Mezzetin prennent les deux Comédies entre leurs bras, jusqu'à ce qu'on ait apporté des fauteuils. Les Comédies s'y mettent, et la Foire s'assied sur un Tabouret. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Je n'en puis plus. LA COMÉDIE ITALIENNE. Je me meurs. Je crois que je serai obligée d'aller prendre l'air natal, ou de faite ici corps-neuf. MEZZETIN, à la Comédie Française. [Note : Eau de la reine de Hongrie : est une distillation qui se fait au bain de sable des fleurs de romarin mondées de leurs calices sans aucune partie de l'herbe, dans de l'esprit de vin bien rectifié. [F] [ce parfum renferme : romarin, lavande, berga, jasmin, cirse, ambre.]]Voulez-vous de l'eau de la Reine de Hongrie. LA COMÉDIE FRANÇAISE, le regardant de travers. Retire-toi, profane. u Public, en déclamant.Public, qui connaissez le prix de mes ouvrages Pouvez-vous accorder à ceux-ci vos suffrages. LA FOIRE. Ah ! Je vois la cause de votre défaillance ! Vous êtes fâchée de voir ici bonne compagnie, n'est-ce pas ? À Mezzetin.[Note : Enclouure : Empêchement, noeud d'une difficulté. "De l'argent, dites-vous, ah ! voilà l'enclouure", MOL. l'Étour. II, 5. [L]]Voilà l'enclouûre. Hé, ventrebleu ! Madame, que ne faites-vous comme nous ? Mettez-vous en quatre pour plaire au public. LA FOIRE. Il a raison. Il semble que vous preniez plaisir à vous laisser-mourir de faim. Donnez des nouveautés. LA COMÉDIE FRANÇAISE. La bonne drogue, que des nouveautés ! Ne fais-je pas mieux ? Je donne tous les chef-d'oeuvres de mon Théâtre, AIR 15. Je ne suis né ni Roi, ni prince.Mes pièces les plus excellentes,Tartuffe et les Femmes savantes ,Amphitryon, le Grondeur,Et presque tous les jours l'Avare. MEZZETIN. Bon, l'on sait ces pièces par coeur. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Non, non , le public est bizarre. LA COMÉDIE ITALIENNE. Effectivement, on ne sait comment ; faire pour le contenter. Il est saoul des vieilles pièces, les nouvelles le rassasient dès la première représentation. LA FOIRE. Il est vrai que vos nouveautés passent comme des ombres. LA COMÉDIE FRANÇAISE, levant les yeux au Ciel. Que Paris est aujourd'hui de mauvais goût ! LA FOIRE. AIR 19 : J'offre ici mon savoir faire.Vous le trouvez raisonnable,Lorsqu'il va s'amuser chez vous ;Mais vient-il s'amuser chez nous,Son goût vous paraît détestable,Mais vient-il s'amuser chez nous, Son goût vous paraît détestable. LA COMÉDIE ITALIENNE. Sans doute. Il entend, chez nous des choses dignes de son attention : mais vos fariboles, vos fariboles... LA FOIRE. AIR : Je ne suis né ni Roi, ni Prince.Qu'appelez-vous des fariboles ?[Note : Fariboles : Contes ; choses vaines qui ne méritent aucune considération. Ce mot est bas. [F]]N'apprécions point les paroles ;Qui veut sainement en juger,Madame, trouve que les vôtres, Malgré l'idiome étranger,Ne valent pas mieux que les nôtres. SCÈNE IV. La Comédie Française, La Comédie Italienne, La Foire, Un Gille. LE GILLE, à la Foire. Monsieur votre cousin , Madame. LA FOIRE. Mon cousin ! LE GILLE. Oui, votre cousin. C'est un grand Monsieur de bonne mine, qui chante à tort et à travers tout ce qui lui vient dans l'esprit. LA FOIRE. Ah ! C'est l'opéra : c'est ce fou-là. LA COMÉDIE FRANÇAISE. L'Opéra ? Le traître ? C'est l'auteur de nos malheurs. LA COMÉDIE ITALIENNE. À ce nom, je sens redoubler ma colère. LA COMÉDIE FRANÇAISE. C'est lui, maudite Foire, qui t'a retiré du néant où je t'avais fait rentrer. LA COMÉDIE ITALIENNE. Le voici. Je sois tentée de le mettre en pièces. LA FOIRE. Mettre en pièces l'Opéra ! Oh ! Laisse ce soin-là à ses poètes et à ses musiciens. SCÈNE V. La Comédie Française, la Comédie Italienne, la Foire, L'Opéra. L'OPÉRA, vient en dansant, et en chantant. AIR 141 : Cotillon des Fêtes de Thalie.Dans ce temps,Filles de quinze ans.,Vous n'en savez pas moins que vos Mamans* Dès qu'on a quitté la lisière ,On voudrait déjà...Tati, tati, tari , tata.Dans ce tempsFilles de quinze ans,Vous n'en savez pas moins que vos mamans. Apercevant les Comédies.Eh ! Bonjour, Mesdames. Vous ici ! Je croyais qu'il n'était permis qu'à moi de faufiler avec la Foire. LA COMÉDIE FRANÇAISE, le prenant a la gorge. Il faut que je t'étrangle, Malheureux. LA COMÉDIE ITALIENNE, se jetant sur lui. [Note : Dévisager : Déchirer le visage avec les ongles ou les griffes. [L]]Que je te dévisage. L'OPÉRA, se débarrassant d'elles. Point d'emportement, Mesdames. Croyez-moi, vivons dans la concorde. LES DEUX COMÉDIES, ensemble. AIR 202 : Gorgones de Persée.Non, ce n'est que pour la colèreQue nos coeurs malheureux font faits ;La concorde ne peut nous plaire,Nous y renonçons pour jamais.Non > ce n'est que pour la colère Que nos coeurs malheureux font faits. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Vous avez beau faire, Monsieur l'Opéra, je perdrai mon ennemie. L'OPÉRA. J'y mettrai bon ordre. LA COMÉDIE ITALIENNE, à la Foire. Nous vous détruirons. LA FOIRE, se moquant de ses menaces. Prrr. LA COMÉDIE FRANÇAISE, lui mettant le poing sous le nez. Oui, nous vous abîmerons. LA FOIRE, la repoussant. Il ne faut pas pour cela me mettre le poing sous le nez. Vos airs ne me conviennent point du tout. LA COMÉDIE FRANÇAISE, fièrement. Je puis les avoir avec une petite créature comme vous. LA FOIRE, en fureur d'une voix aigre. Petite Créature ! Vous n'êtes qu'une insolente. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Juste Ciel ! LA COMÉDIE ITALIENNE. Vous perdez le respect, ma mie. LA FOIRE. Le respect ! Je veux que cinq cents diables m'emportent, si je ne vous applique à toutes deux mon respect sur le visage. Elle fait l'action de cracher dans sa main. LA COMÉDIE FRANÇAISE, outrée. Ah ! C'est trop en souffrir !... Elle déclame.Allons, c'est à nous deux à nous rendre justice.Que de cris de douleur la Foire retentisse.Courons chercher main-forte et d'un air furieux,Revenons saccager, tout briser dans ces lieux ; Nous n'épargnerons rien dans le désordre extrêmeTout nous sera Forain, fût-ce l'Opéra même. Elle sort. L'OPÉRA, riant. Ha, ha, ha, ha, ha! LA COMÉDIE ITALIENNE, en s'en allant. Oui, rira bien qui rira le dernier. Vederète, vederète, Razza maledetta. SCÈNE VI. La Foire, L'Opéra, Mezzetin. LA FOIRE. AIR 203 : L'amour est pour le bel âge.Quoi, chez nous on nous menace !Souffrirons nous cette audace ?Quoi, chez nous on nous menace ! N'est-ce pas nous outrager ? . L'OPÉRA, riant. Même Air.Au Public tâchez de plaire ;Et méprisez leur colère,Au Public tâchez de plaire ;Pouvez-vous mieux vous venger ? La Foire, L'Opéra et Mezzetin, ensemble. L'OPÉRA. Au Public tâchez de plaire, LA FOIRE et MEZETTIN. Au Public tâchons de plaire, L'OPÉRA. Et méprisez leur colère. LA FOIRE et MEZETTIN. Et méprisons leur colère. L'OPÉRA. Au Public tâchez de plaire, LA FOIRE et MEZETTIN. Au Public tâchons de plaire, L'OPÉRA. Pouvez-vous mieux vous venger. LA FOIRE et MEZETTIN. Pouvons-nous mieux nous venger. L'OPÉRA. Hoçà, Cousine. J'ai une prière à vous faire : Avancez-moi, de grâce, un quartier de ma pension. LA FOIRE. En vérité, mou Cousin, vous êtes bien intéressé. Vous ne manquez pas d'argent. L'OPÉRA. Pardonnez-moi. Je dépense, et je dois beaucoup. LA FOIRE. Je vous l'enverrai demain. L'OPÉRA. Cela suffit. Adieu, petite Mère. Il s'en retourne comme il est venu , en chantant et dansant.Dès qu'on a quitté la lisière,On voudrait déjà... Tati, tati, tati, tata. SCÈNE VII. La Foire, Mezzetin. LA FOIRE. Allons, Mezzetin. Avertissez tous vos camarades : Il est temps de commencer. AIR 113 : Préparons-nous pour la fête nouvelle.Préparez-vous pour la fête nouvelle... SCÈNE VIII. La Foire, Mezzetin, Polichinelle, un Gille. POLICHINELLE, l'épée à la main. Au feu ! Au feu ! AIR 59 : Aux armes, Camarades.Aux armes, Camarades,L'Ennemi vient à nous ;Préparons-nous tous, Aux armes, Camarades ;N'allons point ici filer doux. LA FOIRE. Qu'y a-t-il donc ? POLICHINELLE. AIR 61 : Les Trembleurs.Nos deux fières Ennemies,De tous leurs Acteurs suivies,Viennent comme des Furies, Mes chers amis, fondre ici.Animons notre courage ;Ne cédons point l'avantageÀ leur envieuse rage. MEZZETIN, allant chercher son épée. Défendons-nous. Les voici. SCENE IX. La Foire, Mezzetin, Polichinelle, un Gille, les Comédies Françaises et Italiennes avec leur suite. LES DEUX COMÉDIES, ensemble. AIR 110 : Poursuivons jusqu'au trépas.Détruisons tous les Forains Auteurs de notre indigence ;De nos propres mainsTuons cette engeance. Les Suivant des deux Comédies, et ceux de la Foire se battent à coups d'épée. Les derniers sont repoussés, et abandonnent le champ de bataille. LA COMÉDIE FRANÇAISE. AIR 49 : Jardinier, ne vois-tu, pas ?Rasons jusqu'aux fondementsCe Jeu qui nous outrage. LES DEUX COMÉDIES, ensemble. Oui ? dans nos ressentiments,Laissons-y des monumentsDe rage, de rage, de rage. Leurs suivants brisent les décorations. LES DEUX COMÉDIES. AIR 204 : Parodie des Gorgones de Persée.Ah ! Qu'il est doux pour notre rageDe pouvoir faire ici tapage ! Heureuse la fureurQui remplit ces lieux-ci d'horreur. On entend dans cet endroit, un bruit de timbales et de trompettes. LA COMÉDIE FRANÇAISE. Quel bruit se fait entendre ? Nos ennemis auraient-ils repris courage ? LA COMÉDIE ITALIENNE. Ils reviennent à la charge, qans doute. SCÈNE X. Les deux Comédies, et leurs Suivants, la Foire, Suite de la Foire, L'Opéra. LA FOIRE. AIR 8 : Je reviendrai demain au soir.Oui, vous revoyez les Forains. Bis.Défendez-vous,Romains.Voici notre ami l'Opéra, bis. Qui pour nous combattra. Les Forains chargent leurs ennemis. L'Opéra se bat contre un auteur habillé à la Romaine, et le culbute. Les Comédies et leurs suivants se retirent, et les Forains demeurent vainqueurs. SCÈNE XI ET DERNIÈRE. La Foire, Suivants de la Foire. LA FOIRE. AIR 62 : Les Rats.Laissons la poursuiteDe nos ennemis ;Il suffit qu'en fuite,Nous les ayons mis.Pour célébrer notre victoire. Venez ici, mes favoris. CHOEUR des Suivants de la Foire. Ô Alegria ! LA FOIRE. Amis, chantons : Vive la Foire. LE CHOEUR. Ô Alegria ! LA FOIRE. Vive la Foire et l'Opéra. TOUS, ensemble. Ô Alegria !Vive la Foire et l'Opéra. Tous les Acteurs de la Foire se réunissent pour danser, le Prologue finit par là. ==================================================