******************************************************** DC.Title = PATTE-EN-L'AIR, MONOLOGUE. DC.Author = FEYDEAU, Georges DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 13/07/2023 à 14:12:48. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FEYDEAU_PATTEENLAIR.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k761600 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** PATTE-EN-L'AIR MONOLOGUE EN VERS dit par COQUELIN Cadet, de la Comédie Française. PRIX : UN FRANC MD CCCLXXXIII. Tous droits réservés. de Georges Feydeau PERSONNAGE UN HOMME. PATTE-EN-L'AIR UN HOMME. Non, ce que c'est que la déveine ! J'avais mis mon beau pantalon ; - Un pantalon de la semaine - Et m'en allais voir Madelon. Madelon, c'est un nom de femme ; Vous avez aisément compris Que Madelon, c'était la dame De qui mon coeur était épris. Faisant cent projets de ménage J'allais devant moi, tout songeur, Rêvant un prochain mariage D'où dépendait tout mon bonheur. Bref, j'en avais tant dans la tête Que là, sur le bord du trottoir, Pour mieux réfléchir je m'arrête Sans même m'en apercevoir... Soudain, à la jambe j'éprouve Une étrange sensation ! Je tâte !... Et qu'est-ce que je trouve ? Horreur ! Une inondation. Un affreux chien, un chien vulgaire Ignorant les lois du bon ton, Pour quelque simple réverbère Avait pris mon beau pantalon. C'était comme une cataracte Qui ruisselait abondamment Et ce n'était qu'un premier acte Cela commençait seulement. En voyant cette immense tâche Je pousse un cri ! Puis, furieux, Dans le... dos du chien, je détache Un coup de botte généreux. Après quoi, dans une boutique J'entre afin de faire laver L'humiliation publique Dont on venait de m'abreuver. La chose faite, et tout humide, Tout mouillé dans mon pantalon, Je dirige mon pas rapide Vers la maison de Madelon. Je n'avais pas tourné la rue Que tout-à-coup, là, je perçois Comme une chose qui remue Et qui renifle près de moi... Je regarde : Oh ! Ciel ! Quelle audace ! Non ! Vous ne devinerez pas ! Des chiens, dix, quinze, vingt, en masse Sont là, me suivant pas à pas. Exaspéré, je les repousse, À coup de pieds, comme je peux ; Ils reviennent à la rescousse, Et me suivent à qui mieux mieux ! En voyant cette immense troupe Dont je suis tout environné, Bientôt une foule se groupe ; Chacun me regarde étonné. L'on s'interroge ; on se demande Si je montre des chiens savants. Un monsieur, même, me marchande Un chien ! Oui ! combien je le vends ? « Ah monsieur, qu'on m'en débarrasse ! Prenez les tous ! Ils sont à vous ! Qu'on en extermine la race ! Au nom du ciel prenez les tous ! » Et là-dessus, d'un bond je quitte Tous ces gens décontenancés : Je me sauve !... Mais à ma suite Tous les chiens se sont élancés. Chacun me voyant de la sorte Charenton : Commune proche de Paris où il y a un hôpital psychiatrique. Me croit sorti de Charenton ! Enfin, bref, j'arrive à la porte Du logis de ma Madelon. Ouf ! Mon supplice a donc un terme ! Je sonne, j'entre, et promptement, Au nez de tous les chiens je ferme La lourde porte poliment. Mais voilà bien une autre affaire ! À peine ai-je vu Madelon, Qu'elle me montre toute fière Un tout petit chien de salon. « Je viens de l'acheter, dit-elle, Hein ! N'est-ce pas qu'il est charmant ! ? Oui certes, la bête est très belle » Murmurai-je piteusement. C'était un animal horrible ! Mais il plaisait à Madelon... Soudain, j'eus une peur terrible : Le chien flairait mon pantalon. « Eh ! Voyez donc comme il vous aime ! » Me dit ma future en riant. « En effet, oui ! » - J'étais tout blême ! Madelon trouvait ça charmant. Hélas ! Ma crainte était fondée ! Là, tout à coup, en plein salon, Je sentis ma jambe inondée ! Encore, oui, sur mon pantalon. C'en est trop ! J'éclate en furie, Et, comme un fou, subitement, Aux yeux de la belle ahurie, Je me lève et sors brusquement. J'étouffe, j'en ai la berlue, Je n'en puis plus ; mais patatras ! Qu'est-ce que je vois dans la rue : Tous mes chiens m'attendaient en bas. C'est un crampon, c'est une colle ; Je ne sais comment les chasser, Et je pique une course folle Pour pouvoir m'en débarrasser. Hélas ! Ils courent aussi vite ; Et, qui pis est, plus nous allons, Plus cette meute à ma poursuite S'accroît derrière mes talons ! Déjà, ce n'est plus une troupe, C'est une révolution Qui va, court, crie, aboie et coupe Partout la circulation. Pas une voiture n'avance ! Les tramways doivent s'arrêter ! Cela fait un désordre immense ! Chacun commence à s'ameuter. Plus d'un chien que l'on tient en laisse, Par tous les autres attiré, Traîne son maître ou sa maîtresse, Son conducteur tout atterré. J'ai des enfants, des vieilles femmes, Des aveugles, des éclopés, Des bigotes, des jeunes dames, Tous après moi précipités. C'est en vain que chacun résiste ; Il faut bien suivre le courant. Ils sont tous là, suivant ma piste ; Roulant, tombant, vociférant. Plus d'un même - elle est mauvaise ! Crie : « Aux armes ! À l'assassin ! » Des gens chantent la Marseillaise ! L'épouvante est sur mon chemin ! On parle de guerre civile. Paris entier est en émoi... Et moi, je traverse la ville. Avec cette escorte après moi. Enfin, tout mouillé, tout en nage, J'arrive chez moi, tout perclus, Jurant bien, le coeur plein de rage, Que l'on ne m'y reprendrait plus. Et depuis, d'une odeur immonde, Je m'infecte du haut en bas, C'est un peu gênant dans le monde, Mais les chiens ne m'approchent pas. ==================================================