******************************************************** DC.Title = LE BILLET DE MILLE, MONOLOGUE. DC.Author = FEYDEAU, Georges DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 06/07/2022 à 09:18:35. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FEYDEAU_BILLETDEMILLE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE BILLET DE MILLE MONOLOGUE EN VERS Monologue en vers dit par Saint-Germain du Gymnase. À A. Cohen. de Georges Feydeau Imprimerie Générale de Chatillon-sur-Seine. - A. Pichat. PERSONNAGES UN HOMME. LE BILLET DE MILLE [UN HOMME]. Je tirais, depuis quelque temps, Un peu le diable par la queue, Quand je touche, hier, mille francs En belle paperasse bleue, « Eh ! fis-je, heureux comme un gamin, Allons faire un tour par la ville Et jetons l'or à pleine main... Avec mon beau billet de mille ! » Et me voilà, le coeur joyeux, M'étalant dans mon importance, Croyant qu'on peut voir dans mes yeux Quel est l'état de mes finances. Pour me réchauffer l'estomac, J'entre acheter un bon manille Chez la marchande de tabac, Avec mon beau billet de mille ! Je choisis, je prends, je remets, Je fais craquer tous les cigares Avec cet air des fins gourmets Méprisant les fumeurs barbares. - Là ! mon choix est fait ! Payez-vous ! - Pas de monnaie ? - Ah ! Quelle tuile ! Je ne puis donner quatre sous Avec mon beau billet de mille ! « Ah ! bah ! me dis-je, allons toujours Dîner, nous fumerons ensuite. Et d'abord à nous les amours ! Je connais certaine petite ; Courons l'inviter à dîner ! » Chez Ninette aussitôt je file... Comme on va gaîment festiner Avec mon beau billet de mille ! Tous deux, bras dessus, bras dessous, - Contrefaçon de l'hyménée, - Nous partons comme deux époux, L'âme d'amour tout imprégnée. On se sent charitable et bon : Un pauvre tend sa main débile ; Je veux lui donner... quel guignon ! Rien que mon beau billet de mille ! « - Tu n'aurais pas deux sous sur toi ? Fais-je à l'enfant, la moindre somme ? - Je ne prends jamais rien sur moi, Lorsque je sors avec un homme ! » Reste à filer piteusement ! Vrai, mon argent m'est bien utile Si je suis pauvre, franchement, Avec mon beau billet de mille ! Et ce billet m'est un fardeau ! L'avoir et n'en pouvoir rien faire ! J'en voudrais donner un lambeau A chaque pauvre de la terre. Tout me tente, ce que je vois ! Tentation bien inutile ! Je suis bien avancé, ma foi, Avec mon beau billet de mille ! Ici, c'est un joli blondin Qui contemple, avec convoitise, L'étalage d'un magasin Fort tentant pour sa gourmandise, Moi, je pourrais le contenter : Un ou deux gâteaux, c'est facile... Mais je ne puis rien acheter Avec mon beau billet de mille ! Là, c'est un enfant qui me tend Un frais bouquet de violette. Deux sous ça n'est pas cher vraiment, Pour faire plaisir à Ninette. Tiens ! je sais fort bien que c'est peu ! Quand on les a, c'est très facile, Si l'on peut me rendre, parbleu, Voici mon beau billet de mille. Puis un fiacre vient à passer Qui, sur sa route m'éclabousse. Vite, il faut me faire brosser : "Eh ! l'Auvergnat à la rescousse ! » Il vient ; non ! je dois déclarer Que sa présence est inutile Je ne puis me faire cirer Avec mon beau billet de mille ! Enfin mon supplice a sa fin : Un restaurant ! C'est notre affaire ; Ninette et moi mourons de faim : Quel bon dîner nous allons faire ! En cabinet particulier Nous nous mettons : c'est plus tranquille ! Et je puis bien me le payer Avec mon beau billet de mille ! Nous eûmes un dîner exquis ! Et Ninette aussi fut exquise ! Elle m'avait vraiment conquis ; Je l'avais tout-à-fait conquise... « - Ah ! parle, dis ce que tu veux ! » Murmurais-je, - touchante idylle ! - "Je puis exaucer tous tes voeux Avec mon beau billet de mille ! » Et le fait est qu'il me semblait Plus doux encor de me voir riche ; Elle aura tout ce qui lui plaît, Et je puis ne pas être chiche ; Comme, alors, son oeil s'animait ! Que son regard était fébrile ! C'est pour moi seul qu'elle m'aimait, Pas pour mon beau billet de mille. Bref, en passant, elle parla Qu'elle avait bien certaine dette ; Une dette ! Qu'est-cela ? Je m'en charge ; c'est chose faite ! « Tiens, nous allons tout arranger, Fis-je, mignonne, c'est facile ; Et je n'ai qu'à faire changer Avec mon beau billet de mille. » « - Hein ! fit-elle, qu'est-ce ceci ? Pour moi, je ne veux pas qu'on change Eh ! laissez ce billet ici ! » Moi, je dus céder à cet ange. Digne, au garçon elle arracha Le billet, puis calme et tranquille Distraitement elle empocha... V'lan ! tout mon beau billet de mille. Je fus un instant ahuri ! Moi j'avais compris d'autre chose... Mais bah ! que faire ?... J'en ai ri ! C'est égal, Ninette est très forte ! Pourtant, je ne puis soupçonner Qu'elle eut l'intérêt pour mobile, Car elle a payé le dîner Avec mon beau billet de mille ! ==================================================