******************************************************** DC.Title = UN MONSIEUR QUI NE VEUT PLUS FUMER DC.Author = CRESSONNOIS, Lucien DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 13/07/2023 à 14:12:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CRESSONNOIS_MONSIEURQUINEVEUTPASFUMER.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** UN MONSIEUR QUI NE VEUT PLUS FUMER MONOLOGUE EN VERS 1881. Tous droits réservés. PAR M. LUCIEN CRESSONNOIS PARIS TRESSE, ÉDITEUR, GALERIE DU THÉÂTRE-FRANÇAIS - PALAIS ROYAL. PERSONNAGES UN MONSIEUR. M. COQUELIN CADET. La scène est à Paris. Texte extrait de "Saynetes et Monologues, Nouvelle Edition", cinquième série, 1881. pp. 61-67 UN MONSIEUR QUI NE VEUT PLUS FUMER LE MONSIEUR. Il regarde le public d'un air irrité et commence sur un ton furieux. Je ne veux plus fumer, c'est chose décidée. Si fumer n'a plus rien qui puisse me charmer, Ce n'est pas votre affaire. Enfin c'est mon idée, Je ne veux plus fumer, je-ne-veux-plus-fu-mer. D'abord, rien n'est mauvais comme la nicotine Et puis, cela déplaît très fort à Valentine De me voir tous les jours me promener avec Londrès : Cigare de La Havane, à l'origine destiné au marché anglais. Un londrès monstrueux et ridicule au bec... Le londrès passe encor... Mais c'est la cigarette Qui vous fait mal ça vous décompose le sang, Ça creuse le poumon, et ça mine en cachette Le pancréas, le foie et... la rate en passant. L'appétit disparaît, la langue se dessèche Dans le palais. La peau devient brûlante et rêche Et le pouls inégal... Grave avertissement ! Mais on fume toujours, toujours, jusqu'au moment Où... Tenez ! Je connais un artiste, un trombone ; Bal Valentino : ou salle Valentino, grande salle de bal et de réunion qui était située eu 251 rue Saint Honoré. Elle ferma en 1890. (Il en joua jadis au bal Valentino...) Eh! bien, voilà deux mois qu'il est mort... à Narbonne, Et Dieu sait quel gaillard c'était... Un vrai tonneau ! Un beau jour, en lisant un livre humanitaire, Il a glissé sans bruit de son fauteuil à terre, Foudroyé... foudroyé par l'abus du tabac. Depuis quatre-vingts ans il fumait, lorsque Crac !!! Horrible !! N'est-ce pas ?... Changeant de ton. J'avais cinq ans tout juste, J'étais blond, très joli ; quant à mon petit nom Il était ravissant... il l'est toujours Auguste ! Pomponné, dorloté, bourré comme un canon. Des bonbons les plus fins, adoré de ma mère, J'étais triste et trouvais déjà la vie amère, Car j'étais possédé d'un désir insensé Et j'aurais tout donné pour le voir exaucé. Le soir, lorsqu'enfoui dans sa robe de chambre, Mon père, après avoir diné, tirait du fond De son étui sa pipe en bruyère à bout d'ambre Et l'allumant, lançait la fumée au plafond. J'enviais son bonheur, regardant les bouffées Aux tons bleus, s'allonger comme robes de fées. Et la nuit, je rêvais qu'un ange gracieux M'apportait du tabac récolté dans les cieux. Je devins sombre et pris tous mes joujoux en grippe. Je me mis à maigrir sans rime ni raison. Dorénavant, je n'eus qu'un but chiper la pipe Un dimanche où j'étais tout seul à la maison. J'accomplis mon projet. - D'une main qui se glace D'épouvante. ? Je prends l'objet et... je le casse. Seul, le fourneau bruni me reste entre les doigts !!! Plus effrayé qu'un lièvre ou qu'un cerf aux abois, Je me sauve au grenier, où grelottant la fièvre J'embrase en frémissant le débris culotté ; Son parfum me rend fou, je le porte à ma lèvre Et le hume avec rage, ivresse et volupté. Bientôt, quel souvenir cruel et lamentable ! Autour de moi tout tourne. Un hoquet formidable Vient troubler mes plaisirs. Je sens un mal vainqueur Envahir méchamment les replis de mon coeur. Je descends quatre à quatre au salon et je gagne Un canapé bleu clair sur lequel, ô douleur ! (Tel qu'un oiseau blessé s'abat dans la campagne,) Je m'abats... Nous changeons tous les deux de couleur. Justement mes parents rentraient. Alors, sans frime, J'avoue en sanglotant la grandeur de mon crime. On me met dans mon lit - Pleine de charité, Ma famille m'absout et m'abreuve de thé. Ce que je fus malade est inimaginable ; Aussi je fis serment, si j'en sortais vivant, De ne jamais fumer... Parjure abominable ! Serment d'ivrogne ! Autant en emporte le vent ! À partir d'aujourd'hui cependant je m'obstine Je ne veux plus fumer. Pour plaire à Valentine, T. 4. Que ne ferais-je pas ? Il tire machinalement un paquet de cigarettes de la poche de son habit. Le Pecq : est une petite ville à 19km l'ouest de Paris au pied du Château du Château de Saint-Germain-en-Laye. C'est au Pecq, un matin, Qu'en la voyant, au coeur, je me sentis atteint. C'était en mai, les fleurs sentaient bon. - Des ramures S'échappait le concert annuel du printemps, Et tout en me grisant de ces vagues murmures, Je regardais passer les couples de vingt ans. Il prend une cigarette et remet le paquet dans sa poche. Soudain, je l'aperçus au détour d'une allée. Elle venait à moi, tourterelle isolée, Son instinct la guidant seul vers son compagnon. Des cheveux pleins d'esprit fuyaient de son chignon. Gousset : petite poche d'un gilet de tenue ou de cosstume qui permet de glisser un petit objet : allummettes ou montre. Il prend dans le gousset de son gilet une boite d'allumettes bougies. Ses petits pieds foulaient légèrement la mousse ; Son corsage discret révélait chastement Sylphide : Nom que les cabalistes donnaient aux prétendus génies élémentaires de l'air. [L] Sa taille de sylphide - Elle était blanche et douce Comme une aube. - Alors moi, dans mon ravissement, Je vole à son côté ; suppliant, mais superbe Je lui peins mon amour... les deux genoux dans l'herbe. La pauvrette interdite, avec timidité Me répond -. Il va pour allumer sa cigarette. En apercevant la flamme, il s'écrie : « Triple sot ! Crétin ! Âne bâté ! Il jette avec fureur sa cigarette et dit au public : Et vous qui me voyez prendre une cigarette, Vous m'écoutez béats, sans le moindre remord Vous ne me criez pas : « Arrête, Auguste, arrête ? » Vous ne m'aimez donc plus ? - Vous voulez donc ma mort. Avec des larmes dans la voix. Après tout vous avez raison. - Peu vous importe Qu'à mon dernier logis un corbillard m'emporte... Bourreaux !!! Adieu !... je vais quelque part m'enfermer Sans papier, sans tabac... Je ne veux plus fumer. Il sort en sanglotant. ==================================================