******************************************************** DC.Title = LES SECONDES LOGES DE L'OPÉRA, LE DIMANCHE, PROVERBE DC.Author = CARMONTELLE, Louis de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Proverbe DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:18. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARMONTELLE_SECONDESLOGES.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES SECONDES LOGES DE L'OPÉRA, LE DIMANCHE. DIX-HUITIÈME PROVERBE. M. DCC. LXVIII. Avec Approbation et Privilège du Roi. de CARMONTELLE. À Paris, chez MERLIN, Au bas de la Rue de Harpe, vis à vis de la rue Poupée. PERSONNAGES MADAME GOURSAIN, marchande de galons. MONSIEUR GOURSAIN, son mari. MADAME MÉRIGON, marchande de drap. MONSIEUR MÉRIGON, son mari. MONSIEUR MORANDAL, Intendant de Maison. MONSIEUR RENARD, procureur au Chatelet. la scène est dans une des secondes loges après l'Opéra. Dans PROVERBES DRAMATIQUES, Tome premier, Première partie, 1768. LES SECONDES LOGES DE L'OPÉRA, LE DIMANCHE. SCÈNE PREMIÈRE. Madame Goursain, Madame Mérigon, Monsieur Renard, Monsieur Morandal. MONSIEUR MORANDAL. Eh bien, Mesdames, comment avez-vous trouvé l'Opéra aujourd'hui ? MADAME GOURSAIN. Assez joli ; il n'est pourtant pas si beau que l'autre. MONSIEUR MORANDAL. Lequel ? MADAME GOURSAIN. Et celui qu'on jouait, il y a eu Dimanche quinze jours. MONSIEUR MORANDAL. [Note : Armide est un Opéra de Lulli (1686), livret de Quinault dont il y eut plusieurs parodies.]Armide ? Ah, dame ; c'est autre chose ; mais chacun vaut son prix. MADAME MÉRIGON. [Note : Chou : terme affectueux pour parler de quelqu'un.]Monsieur Morandal, n'avez-vous pas vu mon chou ? Il m'a promis de venir me reprendre ici. MONSIEUR MORANDAL. Il est monté avec moi, et il va venir tout à l'heure. Mais, qu'est-ce qui est là qui se cache avec son chapeau, n'est-ce pas un certain Procureur, appelé Renard ? Il me semble avoir vu ce visage-là quelque part. MONSIEUR RENARD. [Note : Les tarifs des secondes loges sont plus élevées que celles du parterre, ce qui permet à leurs occupants de regarder ceux-ci de haut au sens propre comme au sens figuré.]Visage, toi-même ; hé, polisson ; je voudrais bien savoir pourquoi on laisse entrer ici des gens du parterre. MADAME MÉRIGON. Ah, Madame, il va recommencer. En vérité, il nous a fait bien rire toujours pendant l'Opéra. Il a été on ne peut pas plus divertissant. MONSIEUR MORANDAL. Je le crois bien ; c'est le métier des Singes. Il rit.Ah , ah , ah , ah. MADAME GOURSAIN. Ah, Monsieur Morandal, finissez donc, ne me faites pas rire davantage ; car je n'en peux plus à force de me retenir. MONSIEUR RENARD. Il ne fallait pas vous gêner, Madame, et me demander mon chapeau. MADAME MÉRIGON, riant très fort et essuyant ses yeux. Hi , hi , hi , hi , hi. Ah, je n'en puis plus ! MADAME GOURSAIN. Mais, où prend-il donc tout ce qu'il dit ? MADAME MÉRIGON. Ah, je crois que voilà mon mari. SCÈNE II. Madadame Goursain, Madame Mérigon, Monsieur Mérigon, Monsieur Morandal, Monsieur Renard. MADAME MÉRIGON. Hé bien, mon chou, où étais-tu donc ? Nous t'attendons. MONSIEUR MÉRIGON. Allons, allons, me voilà. Madame Goursain est-elle un peu contente ? MADAME GOURSAIN. Oh, pour cela oui. MONSIEUR MÉRIGON. Vous me croirez une autre fois, Madame ; vous voyez que je me connais en musique, moi. MADAME GOURSAIN. Oui, mais Monsieur Goursain m'avait dit, que j'entendrais l'air que chante ma fille ; j'ai toujours écouté et on ne l'a pas chanté. MONSIEUR RENARD. C'est qu'on ne savait pas que vous étiez ici ; mais une autre fois, cela n'arrivera plus. MONSIEUR MÉRIGON. Renard, se moque de vous, Madame Goursain ; je vous en avertis. MADAME GOURSAIN. Bon, je ne l'écoute ni plus ni moins, que s'il ne parlait pas. MADAME MÉRIGON. Si tu savais mon chou, tout ce qu'il nous a dit, il a pensé nous faire crever de rire ; il nous a fait des contes... MONSIEUR RENARD. Sans les Barons. MADAME GOURSAIN. Il n'a jamais été si fou. MONSIEUR MORANDAL. C'est vous, Mesdames, qui lui tournez la tête. MADAME MÉRIGON. Ah, c'est bien honnête cela, Monsieur Morandal, il ne nous a pas dit de ces choses là, par exemple. MONSIEUR RENARD. Comment ; mais c'est que je ne parle jamais de choses, moi ? Pour qui me prenez-vous ? MONSIEUR MÉRIGON. Voilà votre paquet, Mesdames ; pourquoi l'attaquez-vous aussi ; il ne restera jamais court, déjà. MONSIEUR RENARD. Oh, ces dames savent bien que ce n'est pas mon défaut. MADAME MÉRIGON. Comment, nous le savons bien ? Celui-là est assez impertinent ; À Madame Goursain.Est-ce que vous en savez quelque chose, Madame ? MADAME GOURSAIN. Il faut lui pardonner, il ne sait ce qu'il dit. Où est donc Monsieur Goursain ? Je l'ai vu dans le parterre, qui se donnait des airs de lorgner, dame, il fallait voir. Est-ce qu'il ne nous a pas lorgné aussi, nous ? MONSIEUR MORANDAL. C'était avec ma lorgnette, que je lui avais prêtée. Elle est fort bonne. MADAME GOURSAIN. Il n'avait donc pas la sienne ; car il en a une garnie en argent, qui est fort belle ; c'est un Milord anglais qui lui a donné. Et tenez, Monsieur Mérigon, vous savez bien ; c'est celui à qui nous avons fait ce gros envoi, pour un grand mariage... Vous souvenez-vous ? MONSIEUR MÉRIGON. Oui, oui, je me rappelle cela, j'ai quelque idée confuse... MONSIEUR RENARD. On ne dis plus confuse, on dit honteuse, n'est-ce pas, Mesdames, que c'est plus honnête ? MADAME GOURSAIN. Ah, mon Dieu, le drôle de corps, ne finirez-vous donc jamais ? MONSIEUR RENARD. Je n'ai pas encore commencé. MADAME GOURSAIN. Tenez, tenez, voilà Monsieur Goursain. SCÈNE III. Madame Goursain, Madame Mérigon, Monsieur Goursain, Monsieur Mérigon, Monsieur Morandal, Monsieur Renard. MONSIEUR GOURSAIN. Mesdames, j'ai l'honneur de vous saluer. MADAME MÉRIGON. Bonjour, Monsieur Gourdin. MONSIEUR GOURSAIN. Qu'est-ce que c'est que tous ces gens-là que vous avez avec vous ? MONSIEUR MÉRIGON. Allons, allons, encore dans la loge, tu le verras. MONSIEUR GOURSAIN. Oh, je n'ai que faire d'y entrer. Est-ce que vous ne vous en allez pas donc ? Voulez-vous coucher ici ? Je suis votre serviteur. MADAME GOURSAIN. Mon ami, tu ne me dis rien ; dis donc la poule, d'où viens-tu ? MONSIEUR GOURSAIN. Pardi, moi ; je vous attendais toujours là-bas, il n'y a presque plus personne. Eh, dis donc, toi, frère Renard, qu'est-ce que tu fais là, dans ton coin, tu ne dis rien ? MONSIEUR RENARD. Ces Dames m'ont défendu de parler. MONSIEUR GOURSAIN. À propos, Monsieur Morandal, j'ai vu votre Duc, là-bas. MONSIEUR MORANDAL. Ne vous a-t-il pas demandé si j'étais ici ! MONSIEUR GOURSAIN. Non. Il ne m'a pas parlé ; mais il m'a fait l'honneur de me saluer bien poliment. MONSIEUR MORANDAL. Il me demande quelquefois : eh bien, Monsieur Morandal , comment avez-vous trouvé l'Opéra, Dimanche ? Et les Dames avec qui vous étiez : ah, ah, Monsieur le drôle, vous n'êtes pas de mauvais goût. MONSIEUR GOURSAIN. Tout de bon ? Écoute donc cela, Madame Goursain. MADAME MÉRIGON. Qu'est-ce que c'est ? Nous n'avons pas entendu. MONSIEUR MORANDAL. Je disais à Monsieur Goursain, que Monsieur le Duc vous trouvait fort jolies toutes les deux. MADAME GOURSAIN. Quoi, tout de bon, il vous a parlé de nous ? MONSIEUR MORANDAL. Oui, en vérité. MADAME MÉRIGON. C'est bien honnête à lui, et il nous fait bien de l'honneur. MADAME GOURSAIN. Il faudrait le prier de venir un jour à notre maison de Passy. MADAME MÉRIGON. Ah, que c'est bien dit ! MONSIEUR MORANDAL. Il ne demanderait pas mieux. MADAME GOURSAIN. Comme cela ferait enrager Madame Augrand, avec sa vieille Croix de Saint-Louis ! Elle qui dit toujours, qu'elle n'aime que les gens de condition ? Il faudra arranger cela ; entendez-vous, Monsieur Morandal ? MONSIEUR MORANDAL. Oui, oui, laissez-moi faire. MONSIEUR MÉRIGON. Dites donc un peu, vous autres ; qu'est-ce que vous avez fait de l'Abbé ? MADAME MÉRIGON. Il est allé à son Concert de la rue de la Verrerie. MONSIEUR GOURSAIN. Et, viendra-t-il souper ? MADAME GOURSAIN. Il nous a promis sans faute, de n'y pas manquer... MONSIEUR MÉRIGON. C'est que je serais bien aise que Monsieur Morandal, qui passe sa vie avec des gens de condition, l'entendît chanter. Vous verriez comme c'est une belle voix ; il fait toujours trembler toutes les vitres de la maison, quand il chante. MADAME MÉRIGON. Ah, c'est vrai, mon chou a raison ; il faut se boucher les oreilles pour l'entendre. MONSIEUR GOURSAIN. Ah, oui ; c'est le plus beau creux du monde ! N'est-ce pas comme cela qu'il faut dire ? MONSIEUR RENARD. Oui ; mais pas devant des Dames, il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu. Il rit.Ah, ah, ah, ah. MONSIEUR MORANDAL. Celui-là est un peu fort de café, Mesdames, qu'en dites-vous ? MADAME GOURSAIN. Allons, allons nous-en. Madame Mérigon, je vous conseille de vous trousser un peu ; car dans ces temps humides-là, on abîme ici toutes ses robes. MADAME MÉRIGON. Vous avez bien raison. Monsieur Goursain, aidez-moi un peu à sortir d'ici ; mais ne me lâchez pas ; car je ne suis pas légère. MADAME GOURSAIN. Appuyez, appuyez- vous ; là, vous y voilà. MADAME GOURSAIN. Monsieur Goursain, Bertrand est-il là-bas ? MONSIEUR GOURSAIN. Oui, oui, il est avec le carrosse ; mais j'ai renvoyé Lapierre. MADAME GOURSAIN. Et pourquoi donc cela ? MONSIEUR GOURSAIN. Il faut bien qu'il aille mettre le couvert, vous ne pensez à rien, vous autres. MADAME MÉRIGON. Ah, oui, les hommes s'entendent beaucoup au ménage, n'est-il pas vrai, Madame ? Je crois que sans nous ils feraient bien embarrassés. Ah, Monsieur Renard, prenez donc garde, vous allez me faire tomber. MONSIEUR RENARD. Ne craignez rien, allez, allez, ce que je tiens, je le tiens bien. MONSIEUR MORANDAL. [Note : Serre : Fig. La serre, la rapacité. [L]]Il n'est pas procureur pour rien, il a la serre bonne. MONSIEUR GOURSAIN. Ah ça, Monsieur Morandal ; allez-vous en vous deux Renard, avec ces Dames. MONSIEUR MÉRIGON. Oui, oui, nous nous en irons Goursain et moi de notre côté. MADAME MÉRIGON. Où vont-ils donc comme cela ? MONSIEUR RENARD. Ils ont une petite fille en ville ; laissez les faire, il ne faut pas que les femmes se mêlent de cela. MADAME MÉRIGON. Adieu, mon chou, ne soit donc pas longtemps. MONSIEUR MÉRIGON. Ne vous inquiétez pas, nous arriverons avant vous. MONSIEUR RENARD. Si vous ne revenez pas, vous nous écrirez ; mais prends garde au cornet où vous tremperez votre plume, entendez-vous ? ==================================================