******************************************************** DC.Title = LA FOIRE GALANTE, COMÉDIE. DC.Author = BIANCOLELLI, Pierre François DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 12/03/2021 à 13:31:51. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/BIANCOLLELLI_FOIREGALANTE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA FOIRE GALANTE LE MARIAGE D'ARLEQUIN OPÉRA COMIQUE M. DCC. X. Représentée pour la première fois La Foire Saint-Laurent le 25 juillet 1710. ACTEURS VÉNUS. LES DEUX CUPIDONS. DEUX GRÂCES. ARLEQUIN, amant de Colombine. PIERROT. LE DOCTEUR. SCARAMOUCHE, capitan, amoureux de Colombine. COLOMBINE, servante du Docteur. MARINETTE. TROUPE DE MARCHANDS FORAINS. TROUPE DE MASQUES. La scène est à Paris. PROLOGUE SCÈNE I. Vénus sur un char marin avec les deux Cupidons à ses pieds, troupe de marchands forains, chanteurs et danseurs. VÉNUS, chante à l'imitation de Frappez, frappez. Chantez, chantez, ne vous lassez jamais,Et qu'à vos voix, l'écho réponde.Les plaisirs et les jeux remplissent vos souhaits,Vous êtes les mortels les plus heureux du monde.Chantez, etc. LE CHOEUR. Chantons, chantons, etc. Les trois Grâces dansent sur l'air des plaisirs du prologue, après quoi suit : SCÈNE II. Scaramouche arrive. Scaramouche arrive. VÉNUS, en le voyant dit à l'imitation de Quelle soudaine horreur. Quel soudain carillon, et quels terribles bruits,Ciel ! qui peut amener ce bélître où je suis ? SCARAMOUCHE. Air : Folies d'EspagneJe viens ici pour troubler votre fête,De mes regards éprouvez la terreur. Dans mes transports, il n'est rien qui m'arrête,Je me nourris de carnage et d'horreur.Je suis nommé l'ennemi de nature,Le destructeur de tout le genre humain.Une des Grâces le caresse. Je ne veux point d'amoureuse aventureSi je ne fais cocu le dieu Vulcain.Cupidon veut le blesser.De Cupidon, j'incagueMon souffle seul repousse tous ses dards, Le grand Jupin redoute ma vengeance,Et pour ami, je n'ai que le dieu Mars. SCÈNE III. Pierrot avec un gros bâton. SCARAMOUCHE. Quel sot ici porte un pas téméraire ?En badinant, je veux l'exterminer. Pierrot le bat.Non, tu n'es pas digne de ma colère, Vas, dis partout que je sais pardonner. PIERROT. Air : Robin turelureTu croyais m'épouvanterPar tes chiennes de grimaces,Mais apprend, sot animal,Turelure, Que j'en avons bien vu d'autres,Robin [turelure lure]. SCARAMOUCHE. Même airJ'ai juré plus de cent foisDe frapper sans dire gare,Ceux qui traitent de manant, Turelure,Un homme de mon calibre,Robin, etc. Pierrot le bat. SCÈNE IV. PIERROT, s'adressant à Vénus. Air : Tan la ra ritarJe sais punir qui vous offense,Je me moque de sa fierté. Vénus, pour toute récompense,Accordez-moi cette beauté,Car depuis longtemps je soupire,Tan la ra ritar. VÉNUS, chante ces paroles imitées du prologue C'est Vulcain qui fait le tonnerre, Dont le maître des dieux épouvante la terre.Mais le brave Pierrot avec un échalasPunit qui ne me connait pas.Célébrons aujourd'hui sa valeur pierrotesque,Et chantons que Pierrot n'a rien que de grotesque. LE CHOEUR, à l'imitation de celui du prologue Il fait régner l'amour au milieu des alarmes.Les gros tricots, les gros tricotsSon ses plus fortes armes. On danse la Loure des Ris et des Plaisirs qui est dans le prologue de l'Europe galante, après quoi le choeur reprend :Il fait régner, etc. Pendant le choeur, Arlequin écoute, et le choeur fini Arlequin chante. SCÈNE V. ARLEQUIN. Quoi, pour célébrer un héros, On parle ici de gros tricots,Cela sent trop la bastonnade,Je vais m'esquiver au plus tôt,Car Arlequin sans gasconnade,Est aussi poltron que Pierrot. PIERROT. Savez-vous, Monsieur l'animalQue Pierrot est homme de coeur.Je n'aime point la raillerie,Passez, passez votre chemin,Car quand on songe au mariage On n'aime pas les importuns. ARLEQUIN. Pierrot, tu vas te marier ?À qui vas-tu donc t'allier ?Je prétends être de la fête,Et comme ami de la maison. Il faut que Pierrot me prometteQuelque singe de sa façon. PIERROT. Pierrot est trop homme de bien,Pour en cela promettre rien.Car je sais que le mariage Nous produit souvent des enfants,Qui prétendent notre héritage,Quoiqu'ils ne soient pas nos parents. UNE DES GRÂCES, la chanteuse à l'imitation de l'air du prologue, ensemble. Souffrez que l'amour vous blesse,Finissez tous vos débats. La raison et la tendresse,Pierrot ne s'accordent pas. Deux Grâces dansent un menuet, après quoi Vénus chante à l'imitation de l'air du prologue qui dit VÉNUS. C'est dans une tendresse extrême,Ce n'est que dans le mariage,Qu'on trouve le bonheur parfait. Tout abonde dans le ménageQuand un homme a l'esprit bien fait.Et Tircis sans le cocuage,Serait-il ce qu'il est ? ARLEQUIN et PIERROT, sur le même ton, ensemble. Devenons par le cocuage Aussi riche qu'il est. ARLEQUIN. Belle Vénus, votre éloquenceA quelque espèce de raison.Lorsque la corne d'abondanceFait l'ornement de la maison, Un mari sans chagrin doit dire tan la rita. PIERROT. Voila pourquoi mon pauvre pèreChantait la nuit comme le jour,Quoique jamais ma chère mèreNe lui témoignât de l'amour. Nous avions toujours de quoi frire, tan la. ARLEQUIN. Air : Ne m'entendez-vous pasLe mal est général,Pourquoi, diable le feindre ?On a tort de se plaindreQuand la tête fait mal, Le mal est général. PIERROT. Allons donc nous pourvoirÀ la foire galante.Qu'importe qu'on nous trompe,Mon ami, tu seras Cocu comme Pierrot. ARLEQUIN. À la foire, VénusÉtalant sa boutiqueCrèvera de pratique.Ses appas sont connus, Les cafés sont perdus. PIERROT. Air : Tu n'as pas le pouvoirLa belle Vénus ne vient pasTrafiquer ses appas. Bis.Elle ne paraît en ces lieuxQue pour plaire à nos yeux. Bis. ARLEQUIN. Pierrot, ne vous fâchez pas tant,Parlez plus doucement. Bis.En fait d'amour, gardez-vous bienDe répondre de rien. Bis. PIERROT. Pour me brouiller avec Vénus J'ai trop bon naturel. Bis.Je ne puis souffrir sans chagrinQu'on en dise du mal. Bis. ARLEQUIN, à l'imitation du prologue. Ah ! si l'amourConduit chaque jour Bien du monde à la foire,À leurs dépensNous aurons de boire,Et nous serons contents. PIERROT. Air : Réveillez-vous, [belle endormie]Quoi, tu ne parles que de boire ! Pour moi, je mourrai de souciSi les ongles du mariageNe grattent ma démangeaison. ARLEQUIN. Avant de me mettre en ménage,Si je pousse quelques soupirs, Je veux que l'objet qui m'engageAccorde tout à mes désirs,Et sans cela, je me retire,tan la rara, etc. PIERROT. Air : Réveillez-vous, [belle endormie]Ne va pas si vite en besogne, Tu fais l'amour en étourdi.Il faut quelque temps battre en brècheAvant que de donner l'assaut. ARLEQUIN. Vas, tu n'as pas lu le grimoire,Tout tes avis sont superflus. Apprend, mon ami, qu'à la foire,Les marchés sont bientôt conclus,Jamais en vain l'on n'y soupire, tan la tare. VÉNUS, chante à l'imitation du prologue. Faites-lui ressentir l'effet de ma puissance,Cupidon, punissez le faquin qui m'offense. Cupidon poursuit Arlequin, et après un jeu de théâtre, il lui décoche une flèche, après quoi Arlequin chante sur l'air Réveillez-vous.Ah ! Cupidon, faites-moi grâce,Quoi ! vous visez droit à mon coeur !Ma foi, j'en tiens, quoique l'on fasse,L'amour est toujours le vainqueur. Les violons reprennent l'ouverture. ACTE I SCÈNE I. Le Docteur, Arlequin, Colombine ARLEQUIN. Air : Folies d'EspagneDu dieu d'Amour, je ressens la puissance, Ce mirmidon m'a percé le gosier.Il m'a vaincu, malgré ma résistance.Mes intestins ne sont plus qu'un brasier.Savant docteur, soleil de médecine,Vous pouvez seul soulager mes tourments. Accordez-moi l'aimable Colombine,Que j'aime mieux que tous vos lavements.Je suis le modèleD'un parfait amant.Souffrez qu'à la belle, Je fasse un... tant la leri, un compliment. LE DOCTEUR, à l'imitation de ces paroles, C'est plus de Doris que j'attends mon bonheur. Marinette autrefois faisait votre bonheur. ARLEQUIN. Ciel ! Qu'entends-je ? LE DOCTEUR. Après avoir donné son coeur,Doit-on devenir infidèle ? ARLEQUIN. Air : FanatiquesPar rapport à ses yeux charmants,Et son air peu sévère,bisÀ mes premiers engagements,Je deviendrai contraire.Aussi prompt à trahir mes serments, Que je fus à les faire.bis COLOMBINE. Arlequin, tu peux te flatterDe plaire à Colombine. LE DOCTEUR. Quoi ! Vous osez vous en vanter,Madame la coquine. Hors d'ici, je saurai tricoterComme il faut votre échine. Bis. Le Docteur poursuit Colombine, ce qui donne lieu à un jeu de théâtre avec Arlequin qui veut empêcher le Docteur de la maltraiter. Arlequin se retire. SCÈNE II. LE DOCTEUR, chante à l'imitation de L'Amour en comblant. Le soin que je prends de son sortMe fera troubler la cervelle.Arlequin croit triompher d'elle, Mais le coquin se trompe fort. Le Docteur s'en va. SCÈNE III. Marinette seule, à l'imitation de Paisibles lieux. MARINETTE. Mon cher vainqueur, aimable Scaramouche,Je n'aimerai jamais que vous.C'est en vain qu'Arlequin gémit à mes genoux.Son amour n'a rien qui me touche. Je ris de ses transports jaloux.Je sens, à sa présence allumer mon courroux,Je suis pour lui sombre et farouche.Mon cher vainqueur, aimable Scaramouche,Je n'aimerai jamais que vous. SCÈNE IV. Arlequin et Pierrot, troupe de marchands forains qui les accompagnent. MARINETTE, à l'imitation de Quels spectacles. Que vois-je ? quels présents portent-ils dans leurs mains !Que veulent ces marchands forains ? ARLEQUIN. Air : Monsieur de la Palisse est mortJe viens tout exprès dans ces lieuxPour régaler Colombine.Apercevant Marinette. Cet objet m'est odieux,Et me sert de médecine.Je veux, pour rire à ses dépends,L'assurer de ma tendresse.Et par de petits présents, Profiter de sa faiblesse. ARLEQUIN, lui présentant des présents. Air : Quand sur le golfe du tendre.Recevez, beauté charmante,Une preuve de mes feux.Voici de l'encre luisantePour noircir vos blonds cheveux, Un peu de machicatoireAvec un décrottoir,Un petit sifflet mignon,Et ce joli saucisson. PIERROT. Même air.Pour moi qui ne suis point chiche, Je vous fais un plus beau don.De ce baril de moutardeJe prétends vous régaler.Pour rétrécir votre bouchePrenez ce pot de pommade, Cette râpe de fer blanc,Cette andouille de Tabac. LE CHOEUR et LE DOCTEUR, à l'imitation de Aimez, aimez, belle bergère, ensemble Râpez, râpez, belle bergère,Si vous voulez charmer !Et quand vous ne saurez que faire, Vous n'avez qu'à fumer. ARLEQUIN. Air : Le premier jour du mois de maiC'est pour vous que je suis ici,Et je n'aspire qu'à vous plaire.Pour vous mon coeur est tout transi,C'est pour vous que je suis ici. À la foire et dans ce temps-ci,On finit bientôt une affaire.C'est pour, etc. SCÈNE V. COLOMBINE, surprend Arlequin aux genoux de Marinette, et chante sur l'air Lizon. Malgré toute l'ardeurQui règne dans mon âme, Osez-vous, imposteur !En compter à Madame...Lizon, etc. ARLEQUIN. Hélas ! je suis presséDu mal qui me possède. Vos beaux yeux m'ont blessé,Donnez-moi le remède...Lizon, etc. COLOMBINE. Air opéra.Qu'entends-je ? Quels discours ! Et que me dites-vous ?Je vous ai vu, perfide, à ses genoux. ARLEQUIN. Air : Le premier jour de maiNon, Colombine, c'est pour vousQue mon coeur veut se faire entendre.L'amour m'a lancé tous ses coups.Non, Colombine, c'est pour vous.A-t-elle autant d'attrait que vous ? Et le moyen de s'y méprendre ?Non, Colombine, etc. ARLEQUIN, continue. Air : J'ai senti pour vous seuleJ'ai renoncé pour vous au doux jus de la tonne.Je ne puis plus souffrir ce breuvage divin.Et chaque jour, mon aimable pouponne, Je ne bois que trois pots vin. MARINETTE. Air opéra, fin de la quatrième scène de la première entréeLaissez-moi, c'est trop vous entendre.J'enrage, c'est trop vous entendre,D'un pareil traitement, je veux avoir raison.De mon juste courroux, rien ne peut vous défendre, Je vais vous étriller de la bonne façon. PIERROT. Air : Marie SalissonMadame Alizon est en colère,Oh ! oh ! etc.De ce qu'elle ne peut faire,Oh ! oh ! etc. Et qu'on ne veut pas lui faire,Oh ! oh ! etc. COLOMBINE. Ma pauvre Alizon, que veux-tu faire,Oh ! oh ! etc.Rengaine donc ta colère, Oh ! oh ! etc.Et ne fais pas l'harengère,Oh ! oh ! etc. MARINETTE. Oh ! c'en est trop petite effrontée,Oh ! oh ! etc. Vous m'avez trop maltraitée,Oh ! oh ! etc.Ma foi vous serez frottée. Elles se battent et se décoiffent, Arlequin en les séparant frappe Pierrot. Ils se retirent tous à l'exception de Marinette qui reste décoiffée. SCÈNE VI. MARINETTE. Air : Quel funeste coup pour mon âme,Quel funeste coup pour ma tête !Quoi ! tu m'arraches les cheveux. Et pour marque de ta conquête,Ma coiffure en tes mains, rend ton sort glorieux.Tu m'as frappé, ah ! j'en prendrai vengeance,Et j'irai te dévisager.Infâme, tu m'as fais une sensible offense, Mais ne crois pas que je sois sans défense,De cent coups de bâtons, je prétends te charger.Quelle honte pour moi, qu'une femme fluette !Un petit embryon me soumette à ses coups.Reprenons nos fureurs, courage, Marinette, Et sans différer, vengeons-nous.Ma face égratignée, et tout contrefaite,Doit contre une salope allumer mon courroux.Oui, quand j'aurai puni cette mazette,Un triomphe si grand me paraîtra bien doux. Et pour voir aujourd'hui ma vengeance complète,Je veux que la carogne en présence de tous,Me rende enfin à mes genouxMa coiffure de mignonette. Elle s'en va. ACTE II SCÈNE I. ARLEQUIN, sur l'air de l'opéra Mes yeux. Hélas ! Arlequin n'en peut plus. L'Amour m'a donné la colique,Je suis devenu comme étique,Je sens tous mes membres perclus.Hélas ! etc. SCÈNE II. Colombine arrive. COLOMBINE. Air : Morguienne de vousMon cher Arlequin, ton humeur chagrine Trouble le destin de ta Colombine.Morguienne de toi, quel homme ! quel homme !Calme ton effroi, tu seras à moi. ARLEQUIN. Hélas ! je ne puis concevoir,Sur quoi tu fondes cet espoir. Le Docteur me sera contraire,Je ne pourrai jamais lui plaire.Il ne faut pour nous rendre heureux,Prendre conseil que de nous deux. COLOMBINE. Air : Réveillez-vous, [belle endormie]Pour mieux parler de notre flamme, Entre avec moi dans le logis,Je crois que t'habillant en femme,Tu ne seras jamais surpris. ARLEQUIN. Je n'aurai pas trop bonne mineEn équipage féminin. Allons... souviens-toi, Colombine,Que je suis toujours masculin. SCÈNE III. Une nuit. Scaramouche va sous la fenêtre du Docteur. Les violons jouent le sommeil. SCARAMOUCHE. Docteur, qui chaque nuit fait ici sentinelle,Ne verse point sur moi ton grand pot à pisser,Ne verse, etc. ARLEQUIN, à la fenêtre, chante. Air : Vous m'entendez bienScaramouche, retirez-vous,Car vous avez bien des jaloux.Croyez en Marinette,Hé bien !Je crains qu'on ne vous traite, Vous [m'entendez bien]. SCARAMOUCHE, continue sur l'air du sommeil Trop heureux, trop heureux, si pour vous, ma belle,Je me pouvais faire rôtir.bis ARLEQUIN. Air : Vous m'entendez bienJe prétends répondre à mon tourAux sentiments de votre amour. Parlez à Marinette,Hé bien !Avec cette trompette,Vous m'entendez [bien]. Même air.J'ai fait faire cet instrument, Pour nous parler plus sûrement.Approchez votre oreille,Fort bien,Vous êtes à merveille,Vous m'entendez [bien]. Même air.J'ai pour vous une telle ardeur,Que je sens grésiller mon coeur.Je verse pour vos charmes,Hé bien !Un déluge de larmes, Vous m'entendez [bien]. Il lui jette le pot de chambre. SCARAMOUCHE, se voyant mouillé, chante sur la suite du sommeil. Je suis mouillé, l'on punit ma sottise.L'eau dégoute partout, que maudit soit le pot.Il faut pour sécher ma chemiseQue j'aille brûler un fagot. Il faut, etc. SCÈNE IV. Une chambre. ARLEQUIN, paraît à sa toilette, et chante. Que d'ustensiles différents,Pour attirer les soupirants.Toujours par la toilette,Hé bien ! Triomphe une coquette,Vous m'entendez [bien].Il se mire.Ma foi, je suis un beau garçon,J'ai le nez tout à fait mignon, Ma figure est gentille,Hé bien !Si j'étais une fille,Vous m'entendez bien.Je veux me poudrer, me rougir, Me vermillonner, me blanchir.Et pour fuir les alarmes,Hé bien !Mettre à profit mes charmes,Vous [m'entendez bien]. Puisque j'ai l'air si féminin,Je veux par un discours badin,Contrefaire le style,Hé bien !D'une coquette babille, Vous m'entendez [bien].Puis aussi sur un ton nouveau,Feindre la voix d'un damoiseau,Qui prétend faire emplette,Hé bien ! Du coeur d'une coquette,Vous [m'entendez bien]. Arlequin s'assied et s'adresse à une chaise qui est devant lui et chante sur l'air Ne m'entendez-vous pas.Madame, à vos appas,Je viens pour rendre hommage.Heureux si sans partage, Je puis entre vos bras,Ne m'entendez-vous pas.Il répond pour la femme.Je le connais trop bien,Vous cherchez à me plaire, Vous êtes téméraire,Et vous ne valez rien,Je le connais trop bien.L'homme.Ah ! faites plus de cas D'une si belle flamme.Je vous aime, Madame,Et voudrais bien, hélas !Ne m'entendez-vous pas ?La femme. Vous êtes trop pressant,Ma vertu s'effarouche.Soyez moins violent,Vous êtes trop pressant.L'homme. Ah ! l'aimable museau,Et que ta gorge est belle.Je veux, ma tourterelle,Être ton tourtereau.Ah ! l'aimable museau. Il baise sa main.La femme.Fi donc, petit badin,Qu'osez-vous entreprendre ?Vous êtes trop malin. Fi donc, petit badin,L'homme.Rien ne peut m'arrêter,Dans ma vive tendresse.La femme. Je suis une Lucrèce,Pourquoi me tourmenter ?Vous voulez m'affronter.L'homme.Cupidon m'a vaincu, Mon aimable Silvie.La femme.Finissez, je vous prie,Respectez ma vertu,Ou vous serez battu. L'homme.Tous vos efforts sont vains,Charmante impératrice.La femme.Ah ! Monsieur le Jocrisse, Quittez de tels desseins,Ne jouez plus des mains. SCÈNE V. LE DOCTEUR, les surprend, et chante sur le même ton. Que faites vous ici,Madame la carogne ?Reconnaissant Arlequin. Quoi ! c'est vous, chien d'ivrogneQui babillez ainsi ?Sortez vite d'ici. Il le chasse. SCÈNE VI. LE DOCTEUR. Air : La nuit ramène en vain, parodie.D'une jeune beauté, la garde est difficile,Mes soins seront-ils superflus ? Je ne m'étonne point si l'on voit des cocus,Au manège d'amour la femme est trop habile. SCÈNE VII. LE DOCTEUR, apercevant Scaramouche, chante. C'est à vous de servir mon âme vigilante,Je vous ai destiné mon aimable servante.Contre tous vos rivaux, je prétends vous armer, À grands coups de tricot, il faut les abimer. SCARAMOUCHE. Air : TrembleursJe suis prêt à faire rage,Je punirai qui m'outrage.Ah ! quel horrible carnage,Et que de sang répandu. J'ai perdu la connaissance.Tout excite ma vengeance,Évitez donc ma puissance,Ou bien vous serez battu. Il les chasse. ACTE III SCÈNE I. Arlequin, Colombine. ARLEQUIN. Air : Voulez-vous savoir qui des deuxNe verrai-je jamais le jour Qui doit couronner mon amour ?Vous brûlez d'une faible flamme,Ah ! c'est trop offenser mes feux.Hélas ! je voudrais bien, Madame,Nous voir accoupler tous les deux. COLOMBINE. Air opéra.De quels reproches encor venez-vous m'alarmer ?Votre amour, quelque temps, ne peut-il se contraindre ?Que sert, ingrat, de vous aimer ?De vous, hélas ! j'ai tout à craindre. ARLEQUIN. Air : Ne m'entendez-vous pas.Je ne me plaindrais pas, Mais en vain je vous aime.Si vous m'aimiez de même,Ma Colombine, hélas !Je ne me plaindrais pas. COLOMBINE. Vous plaignez-vous, ingrat, De ma flamme parfaite.Vous aimez, Marinette,Perfide scélérat.Mais... à bon chat, bon rat. ARLEQUIN. Air : Réveillez[-vous] belle endormieC'est le sujet de mes alarmes, Vous reconnaissez mal ma foi.Je renonce à tout pour vos charmes,Et vous ne faites rien pour moi. ARLEQUIN. Air : Lampons.Raccommodons-nous toujours,C'est le plaisir des amours. À la foire, c'est la mode,On se brouille, on s'accommode,Lampons, lampons,Colombine, lampons.Tu ne danses pas trop mal, Allons-nous-en donc au bal,Chez la jeune cafetière,Chacun danse à sa manière.Lampons, lampons,Colombine, lampons. On y danse des menuets,Toutes sortes de ballets.Souvent ce qui plus tourmenteOn y danse la courante.Lampons, lampons, Colombine, lampons. SCÈNE II. On ouvre. Les violons jouent la marche. Troupe de marchands forains. Salle de bal. LE CHOEUR. Marchands forains, rassemblons-nous,Ça, que l'on danse, que l'on chante.Quel séjour peut être plus doux ?Bannissons les soupçons jaloux. À la foire galanteL'amour nous trompe tous. On danse l'air des masques, ensuite on chante Ah ! d'un curé. Après on danse encore l'air des masques. PIERROT, masqué. À la danseJe viens en masquePour n'être pas reconnu, A c i o u.À ma taille délibérée,Me prendrait-on pour PierrotO o o diu hurhaut. On danse un menuet. PIERROT. Air : La GuinguetteEntrons au bal, Et sans cérémonieAccostons-yQuelque jeune beauté.Faisons lui voirQue quoique l'on en dise, Pierrot est un vivantQui fait, qui faitChiffonner bien un falbala. Pierrot va caresser Colombine. ARLEQUIN. Air : Tu n'as pas le pouvoirDoucement, Monsieur l'animal,Voici votre rival, Vous chiffonnez son falbalaRetirez-vous de là.bis Il le frappe. PIERROT. Mais, Monsieur, pourquoi me frapper ?Vous n'avez qu'à parler.bisJe connais pourtant des époux Plus dociles que vous.bis Arlequin le frappe encore. LES CHANTEUSES, à l'imitation de Formons d'aimables jeux. Arlequin, c'est à tort que vous êtes jaloux,Pierrot ne vient ici que pour l'amour de nous. PREMIÈRE CHANTEUSE. C'est pour moi que Pierrot ici porte ses pas,Il a senti le pouvoir de mes charmes. Arrêtez, Arlequin, ne le frappez donc pas !Épargnez-moi de mortelles alarmes,Arlequin, c'est à tort, etc. PIERROT. Air : TrembleursEn vain donc je suis en masque,Puisqu'on sait me reconnaître. Mais malgré la connaissance,Arlequin m'a maltraité.N'importe, je lui pardonne,Pierrot n'a point de rancune,C'est par faute de courage Que je suis lâche et poltron. SCÈNE III. Le Docteur et Scaramouche armés. Arlequin et Scaramouche se battent. Scaramouche fuit, Arlequin le poursuit. Colombine se pâme, Pierrot veut la secourir et chante Filles qui*** LA CHANTEUSE, les apercevant, chante à l'imitation de la scène quatrième de la troisième entrée Mais que vois-je Mais, que vois-je ? Ô cieux ! cruels, d'où provient votre rage ?Quoi ! vous venez au bal pour faire carillon ? SCARAMOUCHE. Air : Réveillez-vous, [belle endormie]Oui, je viens pour faire tapage,Vous devinez notre dessein. Et puisque son amour m'outrage,Il faut qu'il meure de ma main. COLOMBINE. Vous voyez mon ardeur,Il n'est plus temps de feindre.Arlequin a mon coeur, Et vous êtes à plaindre,Lizon, etc. SCARAMOUCHE. Quoi ! malgré tous mes feux,Mes soins et ma tendresse,Mes larmes et mes voeux, Je serai donc malheureux.Tu lui donnas ta foi,Tu te moques de moi,C'est pourquoi,Je veux, double tigresse, Le massacrer devant toi. COLOMBINE. Air : Ma mère, mariez-moiArlequin a réussi.L'Amour m'a parlé pour lui.Votre sort serait plus douxS'il m'avait parlé,bis Votre sort serait plus douxS'il m'avait parlé pour vous. ARLEQUIN, à genoux, s'adressant à Scaramouche. Même air.Mon ami, vous avez tortDe vous emporter si fort.Je suis un pauvre poltron, Accordez-moi donc,bisJe suis un pauvre poltron,Accordez-moi le pardon. SCARAMOUCHE. Il faut céder, enfin,À ma fureur extrême. Immolons Arlequin.Colombine et moi-même,Lizon, zon.Mais, le puis-je ? insensé !Quel vain espoir me flatte ? Ses beaux yeux m'ont blessé,Épargnons cette ingrate,Lizon, zon.S'adressant à Arlequin.Mais apprends, malheureux, Avant que je combatte,Qu'il est bien dangereuxDe tomber sous ma patte,Lizon, etc. SCÈNE IV. PIERROT. Donnez-moi vite du secours, Colombine se pâme,bisEt pour la faire revenir,Du vinaigre à sentir,Donnons-lui du vinaigre.Ah ! par ma foi, tout est perdu, L'enflure la suffoque.Tâchons de lui trouver le pouls.Madame, êtes-vous morte, êtes-vous,Madame, êtes-vous morte ?Mais voyons sans plus différer, Si sa bouche respire. Il la baise.Vous n'êtes pas morte, je sensQuelque signe de vie, je sensQuelque signe de vie. SCÈNE V. ARLEQUIN. Réveillez-vous, belle endormie, Voici votre cher Arlequin.Si vous renoncez à la vie,Je mourrai bientôt de chagrin. SCÈNE VI. COLOMBINE. Air : Mes yeux ne pourrez[-vous jamais], parodieVénus ne pourrez-vous jamaisForcer le Docteur à se rendre ? Hélas ! faites-lui donc entendreQu'il faut que je cède à vos traits.Vénus, etc. VÉNUS, à l'imitation de Dans ces lieux tout doit se satisfaire, s'adressant au docteur. À ses voeux, ne soyez plus contraire.Pour son cher Arlequin, j'ai voulu l'enflammer. Je prétends que pour me satisfaire,On ne la prive pas du plaisir de l'aimer. LE CHOEUR. Arlequin tout doit te satisfaire.Le Docteur ne saurait l'empêcher de t'aimer.Quand on est assez heureux pour plaire, L'amour de plus en plus devrait nous enflammer. LE DOCTEUR, s'adressant à Vénus. Air : Réveillez-vous, [belle endormie]Ma volonté cède à la votre. À Colombine.Vous triomphez de nos jaloux.Mon penchant parlait pour vous. LE CHOEUR. Arlequin tout doit, etc. ARLEQUIN. Vous brillez seule en ces retraites,Vous effacez tous les appas.L'amour ne se plaît qu'où vous êtes,Et languit où vous n'êtes pas.Pour vous seule mon coeur soupire, Lan lare. LE DOCTEUR, à l'imitation des dernières paroles de la troisième scène de la quatrième entrée. Que tout signale ici leur ardeur mutuelle !Qu'on offre à leur égard la fête la plus belle. Les violons jouent la marches des Bostangis. SCÈNE VII. Troupe de marchands forains. LE DOCTEUR. Air : Vivir, parodie.Aimez, aimez Colombine, vivir.Que votre humeur Arlequine unir Songe un peu moins à la cuisine, mi.Ne soyez pas si friand, belloDu fromage de Milan, durarQue la crainte du cocuageNe trouble pas votre ménage. Quand tout vient abondamment,On doit dire hautement :Favor celesta,D'aver corne in testa.Sois tranquille Dans la ville,On trouve peu de maris difficiles.D'un épouxTrop jaloux,Les soins sont vains, et la garde inutile. Un épouxTrop jalouxLui-même rend son épouse fragile.Trop d'espritToujours nuit, En pareil cas il vaut mieux être Gille. ARLEQUIN. Sans contrainte,Plus de crainteSuivez-moi tous, je vous paierai pinte. ==================================================