******************************************************** DC.Title = FARCE NOUVELLE FORT JOYEUSE DU PONT AUX ÂNES DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Farce DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:17. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_PONTAUXANES.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k276670 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** FARCE NOUVELLE FORT JOYEUSE DU PONT AUX ÂNES À quatre personnages,c'est à savoir ACTEURS LE MARI. SA FEMME. MESSIRE DOMINE DE. LE BÛCHERON. Tiré de "Ancien théâtre français ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables depuis les mystères jusqu'à Corneille" par M. VIOLLET LE DUC, Paris, 1854, Tome II. pp 35-49. SCÈNE I. Le Mari, La Femme. LE MARI, commence. Où êtes-vous, haï, dame Niche ?Si vous fussiez gente et faictice,Il fut bien temps que je dînisse. LA FEMME. Votre ménage est si très misseQu'il n'y a céans pain ni miche, Et de quoi faire soupe grasse. LE MARI. Saint Jean, si a, c'est votre grâce.Devant que a ma journée allasse,J'ai trouvé des pois là-dedans. LA FEMME. Mais des fèves. LE MARI. Tant d'incidents Ma femme, vous m'êtes trop fine. LA FEMME. N'en parlons plus, je vous entends ;Ils sont tous prêts à la cuisine. LE MARI. Et à quoi tient-il qu'on ne dîne ? LA FEMME. Allez faire bouillir le pot. LE MARI. Dia, c'est office de machine. LA FEMME. [Note : Varlet : Il s'est dit, dans les temps de l'ancienne chevalerie, à peu près comme se dit page aujourd'hui. [L]]Dia, c'est office de varlet. LE MARI. Si servirez-vous. LA FEMME. Si me plaît. LE MARI. Veuillez ou non, vous servirez. LA FEMME. Ce sera donc un vif esplaict, Que je serve et vous vous servez. LE MARI. C'est la raison, tant que vivrez,Que de nous vous portez la peine.Aussi en ce point le ferez,Ou bien battue vous serez. LA FEMME. [Note : Fièvre quartaine : Fièvre quarte ; Fièvre qui ne vient ue le quatrième jour, et qui laisse deux jours de repos. [F]]Je ferai, ta fièvre quartaine. LE MARI. Femmes doivent couvrir la table,Mettre dessus linge honorableAux gens de bien, s'on les amène,Montrer un semblant aimable Et faire chère convenable. LA FEMME. Et ils font, ta fièvre quartaine. LE MARI. Femmes doivent pour leur honneurTenir leurs barons en douceur,Et faire loyauté certaine Et, si leur font quelque rigueur,Ils prennent le diable à seigneur. LA FEMME. Et ils font, ta fièvre quartaine.Méchant, malheureux, tel est-il. LE MARI. Aussi vrai comme l'Évangille, Et qu'alouettes sont grenouilles,Il est, au livre des quenouilles,[Note : Catholicon : Terme de pharmacie. Électuaire de séné et de rhubarbe qu'on croyait propre à toutes sortes de maladies. [Mais aussi] Verbiage, salmigondis. [L]]Recité en catholicon... LA FEMME. Et quoi ? LE MARI. Qu'il faut que nous vainquonsEt que les hommes soient les maîtres. LA FEMME. La croix bieu, si je tiens les lettres,Ils seront en aussi mal an[Note : Quaniam : sexe féminin. (Dic. Moyen Français)]Entrez que le cul quoniam[Note : Derrainement : dernièrement.]Qu'on reforma derrainement.Somme, dessus l'appointement, Je mets une opposition. LE MARI. C'est un arrêt de parlement ;Il va sans appellation.Il faut que nous seigneurions.Droit le veut et force l'emporte. LA FEMME. Et est-ce ton opinion ?Me veux-tu punir de tel sorte ?Ce sera quand je serai morteDoncques que je t'obéiraiCar tant que l'âme du corps me parte, Un pas pour toi ne passerai. LE MARI. Si obéiras-tu. LA FEMME. Non ferai. LE MARI. Si feras. LA FEMME. Je fais voeu à Dieu ;J'aurais plus cher te voir du feuBrûler au marché de la ville. LE MARI. Si obéiras-tu. LA FEMME. Se je file. LE MARI. Tu obéiras. LA FEMME. Demain, demain,On obéira à ce vilain,Qui est plus ivre que un *****braquet. LE MARI. Tire du vin. LA FEMME. [Note : Acquêt : Terme de jurisprudence. Chose acquise par donation ou testament. ]C'est tout acquêt. LE MARI. [Note : Saquer : Tirer.]Saque le pot. LA FEMME. Ils sont tout cuits. LE MARI. Dînerai-je point ? LA FEMME. [Note : Huis : Terme vieilli qui signifie porte. [L]]À l'autre huisFrappe tes varlets par les fesses. LE MARI. Sang bieu, se sont droites diablessesQue femmes qu'ils ont aheurtées. Cha, des fèves. LA FEMME. Ils sont mangées. LE MARI. Cha donc, des pois. LA FEMME. Ils sont en cosse.C'était pour une femme grosse,De pour qu'elle ne perdit son fruit. LE MARI. Et mon Dieu, je suis bien détruit, Bien peneux, bien tablativé.Or dit un proverbe approuvéQue besoin fait la vieille trotter.Je n'y vois plus du cul frotterCar je suis au bout de mon sens. Aurai-je des pois ? LA FEMME. [Note : vers 86 on lit "baynes" en fin de vers. On préfère le verbe biner.]Ha sont binés.Il ne les faut qu'empotager. LE MARI. Il me cuide faire enrager.Par mon serment, si Dieu ne m'aide,Ha, vraiment, j'y mettrai remède, Devant qu'il soit trois jours d'ici. LA FEMME. Je ne te crains. LE MARI. Ni moi aussiNon plus qu'un enfant de dix ans. LA FEMME. Si tu me veux rien, me voici ;Je ne te crains. LE MARI. Ni moi aussi. Si ne dut-on pas faire ainsi. LA FEMME. Somme, pour tous les médisantsJe ne te crains. LE MARI. Ni moi aussi,Non plus qu'un enfant de dix Saintes ans.Sang bieu, quels mots cuisants, Quel double mors, quel tronche-file ;Elle dévide plus qu'elle ne fileDe babil sans comparaison.Bien, bien, j'en dirai la raisonSe je parviens à mon entente. SCÈNE II. Messire Domine De, Le Mari. MESSIRE DOMINE DE. Jo so la persona prudenteAcouchat à notre amanteFresto jam de tantI quanteIn amoriante vallente. LE MARI. [Note : Sente : sentier, chemin, voie.]Je vois, au long de cette sente, Un homme très bien appointé. MESSIRE DOMINE DE. Jo so la persona prudenteAcouchat à notre amanteFresto jam de tanti quanteIn amoriante vallente. LE MARI. Si Dieu me le devait de rente,Ou qu'il eut forme de soleil,Pour me donner quelque conseilIl me servira à ma guise. MESSIRE DOMINE DE. Ve qui a donc malle prisse, Que homo per mo je reprisseComme lo parfait amanteDebet servir ; en sa deviseDio lo commande et l'Eglise. LE MARI. C'est messire Domine de. MESSIRE DOMINE DE. Si queré juga de mestrisse,La dosne debet estre prinseDe lui proximi parente,Et s'elle no sa couta ne misseComme servante s'y amisse. LE MARI. C'est messire Domine de. MESSIRE DOMINE DE. Per scientia tant esquisseDe longtemps a me contisseJo so mestro cognossente ;De Calabriafina puisse Tout y segreite sy de vist. LE MARI. C'est messire Domine de.Ah, Seigneur, le bien abordé,Le bien venant en cette terre,Par amour je vous viens requerre De conseil, sans aller plus loin. MESSIRE DOMINE DE. Emin, te clames-tu ? LE MARI. Besoin. MESSIRE DOMINE DE. Besoin, a la veritat,C'est verbo de necessitat.Ot, fradel, dis qui te mène. LE MARI. Helas, Monsieur, pour votre peine,Je suis bien content qu'il me coûteÉcu par dessus le coûte, Puis qu'il faut jouer d'être mie. MESSIRE DOMINE DE. Ot, fradel, favelle mie, Et jo te ferai la raison. LE MARI. Hélas c'est à notre maisonUn diable, monsieur, un diable ;Par ma foi, il est véritableJe suis mort si n'est conjuré. [C'est ma femme elle a juré]L'ennemi, le pape et le roi. Qu'elle ne fera jamais pour moi Un pas, quelque petit qui soit,Et que je serve tort ou droit, [Note : Battre et vanner sont des activités agricoles.]Et que je batte et que je vanne. MESSIRE DOMINE DE. Vade, tenez le pont aux ânes. LE MARI. Dia, monsieur, il y a bien pis.Il me faut tirer l'eau au puits, S'on veut mettre le pot au feu. Chacun mot elle désavoue DieuQu'elle ne fera ne lit ni couche,Et faut qu'en dépit de ma boucheQue je fasses les fèves baynes. MESSIRE DOMINE DE. Vade, tenez le pont aux ânes. LE MARI. Le diable m'emporte, monsieur,S'elle (ne) me porte nom plus d'honneurQu'elle ferait à notre chien.Mais pourtant je ne vous dis rienJe vous requiers bouche cousue Il n'est chose qui ne soit sueElle est plus tristesse que ganes. MESSIRE DOMINE DE. Vade, tenez le pont aux ânes.Et va[de] le mode de faire. LE MARI. Ce sont motS maudits ou profanes. MESSIRE DOMINE DE. Vade, tenez le pont aux ânes. LE MARI. Voir les faucons voler les canes,Dessus la rivière de laire. MESSIRE DOMINE DE. Vade, tenez le pont aux ânes,Et vade le monde de faire. LE MARI. Et bien doncq, pour vous complaire,J'irai voir que ces ânes font,Et c'on leur fait dessus ce pont.Et puis je vous dirai, beau sire. MESSIRE DOMINE DE. Basta tant qui debet suffire. SCÈNE III. Le Bûcheron, Le Mari. LE BÛCHERON. [Note : Le nom du personnage est graphié LE BOSCHERON.][Note : Nolly a l'air d'être le nim de l'âne.]Sus, Nolly, sus, tire avant, tire.Hury, ho ! Le diable y ait part, Tant tu me donnes de martyre ;Sus, Nolly, sus, tire avant, tire. LE MARI. Voici ce que mon coeur désire Il me faut tirer cette part. LE BÛCHERON. Sus, Nolly, [sus] tire avant, tire,Hury, ho ! Le diable y ait part, [Note : Hart : Grosse branche.]Et da, hai, que de malle hart,Ou des loups soies-tu étranglée ; Sus, Nolly, [sus] tire avant, tire. LE MARI. Elle ne marchera plus avant. LE BÛCHERON. Et sus, Nolly, [tire avant] tire. LE MARI. Midieux, son âne est arrêtée. LE BÛCHERON. [Note : Clevelée : Terme de vétérinaire. Maladie éruptive et contagieuse propre aux bêtes à laine, et qui paraît avoir beaucoup d'analogie avec la petite vérole.]Et da, hai, que la clavelée [Note : Musel : museau.]Vous puis serrer le musel.[Note : Agarer : regarder.]Agarez, le chemin est bel.Et si ne marchera jà pas. LE MARI. Le bon vieil âne craint les bats,Tout ainsi que fait notre femme. LE BÛCHERON. Et da, hai, de par Notre Dame,Sus, Nolly, si te merray paître. LE MARI. Elle ne fait non plus pour son maître.Que ma femme ferait pour moi. LE BÛCHERON. Il frappe.Et hai, de par le diable, hai ! Tout aussi bien vous irez.Puisque j'ai ce bâton de houx,Je vous frotterai les côtésTrottez, Nolly, trottez, trottez;Vous avez trouvé votre maître. LE MARI. Vertu bieu, comme vous frottez. LE BÛCHERON. Trottez, Nolly, trottez, trottez.Gens mariés, notez, notezTout s'explique en cette lettre.Trottez, Nolly, trottez, trottez ; Vous avez trouvé votre maître. LE MARI. Et ne faut-il que bois de hêtrePour frotter les côtés (de) sa femme ?Ha, par le saint jour Dieu, no dame,Vous vous sentirez de la fête. Par mon serment, je suis bien bêteVoilà le propre enseignement,Et j'ai bien pou d'entendement,Dont le sage homme me parla,Ho, saint Jourd'hui, est-ce cela? J'en aurai tantôt la raison.Ça, ça, qui est en ma maison?Que je soie servi à souper. SCÈNE IV. La Femme, Le Mari. LA FEMME. [Note : Truper : mot inconnu. Supposé traîner.]Et qui vous a fait tant truper ;Méchant, les fèves étaient baynes. LE MARI. Dia, j'ai été aux pont aux ânes,Où j'ai appris un tour de maître.Sus, tôt, qu'on vous voie entremettreDe me servir à l'oeil et au doigt.Dépêchez-vous. LA FEMME. Pour qui ? Pour toi, Méchant vilain ? Le dos, le dos. LE MARI. Qu'on ne m'use plus de tels motsSi hardi. LA FEMME. Pour qui, notre maître ? LE MARI. Sus, sus, au vin ; rincez les potsMettez la table sur le traître. LA FEMME. Par le vrai Dieu qui me fit naître,Je mourrais plus tôt. Quel propos ? LE MARI. Qu'on ne me use plus de tels motsSi hardi. LA FEMME. Pour qui, notre maître ? LE MARI. Et pour ce gros bâton de hêtre Dont je vous casserai les os. LA FEMME. Hélas hélas ! Les reins, le dosAu meurtre sur ce traître Ganes LE MARI. Dia, j'ai été au pont aux ânes;Je sais comme il faut les conduire. LA FEMME. Hélas je suis morte, Johannes. LE MARI. Dia, j'ai été au pont aux ânes.Ferez-vous point les fèves baines ?Hen, quoi, ferez-vous le pot cuire ?Dia, j'ai été au pont aux ânes. Je sais comme il les faut conduire. LA FEMME. Hélas ! Besoin, je les vois frire,Et si (je) vois allumer le feu.Pardonnez-moi, au nom de Dieu,Et je ferai vos volontés. LE MARI. Trottez, vieille, trottez, trottez,Et servez quand il est besoin. LA FEMME. Hélas ! Épargnez mes côtés. LE MARI. Trottez, vieille, trottez, trottez. LA FEMME. Vos chausses seront décrottés Et si vous chaufferai le bain. LE MARI. Trottez, vieille, trottez, Et trottez, servez quant il est besoin. LA FEMME. Nobles dames qui avez soin,Vous pouvez par ceci noter, Le pont aux ânes est témoin :Besoin fait la vieille trotter. LE MARI. Adieu, Seigneurs, et près et loin,Qu'il vous a pieu nous écouter. Le pont aux ânes est témoin : Besoin fait la vieille trotter. ==================================================