******************************************************** DC.Title = LE JUS DU PELERIN DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:04. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_JUSDUPELERIN.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE JUS DU PELERIN 1834 DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET. ACTEURS LE PÉLERIN. GAUTIER, appelé d'abord le Vilain. GUIOS. WARNIERS. RAGAUS. La scène est à Arras Extrait de "Théâtre français au moyen-âge". Paris : Firmin Didot, Frère. 1842. pp 97-101 LE JUS DU PELERIN LE PÉLERIN. Or paix, or paix ! Seigneurs, et écoutez-moi : je vous dirai, si (vous) attendez un peu, nouvelles par lesquelles le pire de vous sera amendé. Or taisiez-(vous) tous, (tenez-vous) coi, et ne m'interrompez pas. Seigneurs, je suis pèlerin, et j'ai fait maint voyage par villes, par châteaux, par cités, par défilés, et j'aurais bien besoin d'avoir du repos, car je n'ai pas très bien trouvé ma nourriture partout. Il y a bien trente cinq ans que je n'ai pas arrêté, et j'ai depuis été en maint bon lieu et vers maint saint, j'ai été au Sec-Arbre et jusqu'à Duresté, je remercie Dieu qui m'en a prêté l'esprit et le pouvoir. J'ai été en Faménie, en Syrie et à Tyr ; Je suis allé dans un pays où l'on est si véridique que l'on y meurt sur l'heure quand on y veut mentir, et cela est tout à fait commun. LE VILAIN. [Note : Moûtier : Vieux mot qui signifie monastère et qui ne s'emploie plus que dans le style plaisant ou familier ou archaïque. [L]]Je t'en veux démentir, car, à nous qui t'écoutons, (tu) nous fait vessie pour lanterne. Vous aimeriez mieux être assis en la taverne que d'aller au moûtier. LE PÉLERIN. Péché fait qui me frappe, car je suis très las ; j'ai été à Luzerne, en Terre de Labour, en Toscane, en Sicile ; je m'en revins par le Pouille ou l'on s'entretint beaucoup d'un clerc net et subtil, gracieux et noble, et qui n'avait pas son pareil au monde ; il fut natif de cette ville ; il était ici appelé maître Adam le Bossu, et là, Adam d'Arras. LE VILAIN. Très mal venu soyez, sire, comme vous avez pelé nos aulx ! Est-il pour gueuser très bien entripaillé ? Allez vous en d'ici, mauvais vilain puant, car je sais de source certaine que vous êtes un truand : or fuyez tôt, ne tardez pas, ou vous le paierez. LE PÉLERIN. Vous êtes trop turbulent ; attendez un peu à cette heure que j'aie fait mon récit. Or paix, pour (l'amour de) Dieu, Seigneur ! Ce clerc dont je vous conte était aimé et prisé du Comte d'Artois, et je dirais bien à quel propos : ce maître Adam savait composer dits et chants, et le Comte désirait trouver un tel homme. Quand il fut en rapport avec lui, il l'alla prier de lui faire un dit pour éprouver son esprit. Maître Adam, qui sut bien en venir à bout, en fit un qui doit très bien se souvenir ; car il est très bien à ouïr et bon à retenir. Le COmte n'aimerait pas mieux cinq cents livres. À cette heure maître Adam est mort ; que Dieu lui fasse merci ! J'ai été à sa tombe, et j'en remercie Jésus-Christ. Le COmte me la montra (grâces lui soient rendues !) quand j'y fut l'année passée. LE VILAIN. Vilain, fuyez d'ici ! Ou vous serez très bien battu et déshabillé ; vous serez autrement revêtus au logis. LE PÉLERIN. Et comment vous nomme-t-on, (vous) qui êtes si têtu ? LE VILAIN. Comment, sire vilain ? Gautelos le Têtu. LE PÉLERIN. Or veuillez un peu, beau doux ami, attendre ; car on m'en a fait entendre bien long (au sujet) de cette fille, (et) qu'en l'honneur du clerc que Dieu a voulu prendre, l'on doit ici dire et apprendre ses dits ; et je me suis pour cela ici arrêté. GAUTIER. Fuyez ! Ou vous serez battu, car diables vous rapporté. Je vous ai tantôt trop bien traité, car je ne vous ai pas chapriné, et ces saint ne sont pas enfoncés ; ils ont vu maint roi en France LE PÉLERIN. Hé ! Vrai Dieu, envoyez souffrance à tous ceux qui me font tort. GUYOT. Warnier, as-tu ouï le discours e ce paysans, et comment il nous va disant les bourdes qu'il nous souffle à la figure ? WARNIER. Oui. Donne-lui un soufflet ; je sais bien que c'est un mauvais homme. GUIOT. Tenez, maintenant allez au logis, et be venez plus ici, vilain. ROGAUT. Rogaut, il s'en faut de peu que je ne crève, tant sa parole m'ennuie. ROGAUT. Taisez-vous, Warnier ; il parle de maître Adam, le clerc honorable, le gai, le large donneur, qui était plein de toutes les vertus ; de tout le monde (il) doit être plaint, car (il avait mainte belle grâce, et par dessus tout (il) savait faire de beaux dits, et était parfait chanteur. WARNIER. Savait-il donc enchanter les gens ? Or, prisé-je bien moins son affaire. ROGAUT. Nenni, mais (il) savait chansons faire, jeux-partis et motet entés ; il eut fit en grande abondance, et ballades, je ne sais combien. WARNIER. Je te prie donc de m'en chanter une qui soit quelque peu commune. ROGAUT. Volontiers vraiment ; j'en saisi une qu'il fit, que je te chanterai. WARNIER. Or dis, et je t'écouterai, et finissons tous nos débats. ROGAUT. Il chanteIl n'est si bonne viande que de matous.Celle-ci est-elle bonne, ami Warnier, dis ? WARNIER. Elle est l'é... de votre mère : doit-on priser telle chanson ? Par le c...-Dieu ! J'en appris hier une qui en vaut les quarante. ROGAUT. Par amour (pour moi), Warnier, maintenant chante-la. WARNIER. Volontiers, fois que dois à mon amie. Il chanteSe je n'i alloie, je n'iroi-e lie.De tel chant se doit-on vanter. ROGAUT. Par (ma) foi ! Tu as aussi bonne grâce à chanter qu'un ours à souffler. WARNIER. Mais c'est vous qui êtes l'ours... ROGAUT. Par (ma) foi ! À cette heure je suis fort courroucé de votre humeur terrible ; je ferais aujourd'hui grand' folie si je partageais vos idées. Beau prud'homme, mon avis est que (vous) ne fassiez ici plus de bruit. LE PÉLERIN. (Me) conseillez-vous donc que je m'en aille ? ROGAUT. Oui vraiment. LE PÉLERIN. Et je m'en irai, je ne dirai plus mot ; car je n'ai (pas) besoin qu'on me frappe. GUIOT. Hé, Dieu ! Je ne mangerai (pas) depuis tierce, et (il) est déjà plus que nonne de la journée, et je ne puis rester si je ne bois, ou dorme, ou mâche. Je m'en vais, j'ai fait ma tâche, et je n'ai ici plus rien à faire. ROGAUT. Warnier ! WARNIER. Quoi ? ROGAUT. [Note : Ayette : petit village du Pas-de-Calais à 10km au sud d'Arras.]Veux-tu bien faire ? Allons vers Ayette à la foire. WARNIER. Soit ! Mais auparavant je veux aller boire : malheur ait qui n'y viendra ! ==================================================