UNE DATE NÉFASTE.

1881. Tous droits réservés.

par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux.

PARIS, CHEVALIER-MARESCQ ÉDITEUR, 20 rue SOUFFLOT, 20.

8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881


Texte établi par Paul FIÈVRE, janvier 2021

Publié par Paul FIEVRE, février 2022

© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:05:30.


PERSONNAGES.

LE NARRATEUR.

LE PRÉSIDENT.

LE PRÉVENU.

Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 275-278


UNE DATE NÉFASTE.

LE NARRATEUR.

Sous prétexte que nous sommes en thermidor, l'an 88ème de la République française, on croit devoir rire de superstitions attachées à certains jours et à certaines dates ; on a bien tort. On cite des esprits forts qui ont payé cher leur incrédulité à cet égard. Ainsi, par exemple, ce bohème qui, ayant donné un acompte à son tailleur, le vendredi, a fini par le payer complètement ; et, depuis ce jour, il n'a pas cessé de dire : « C'est bien fait pour moi, ça m'apprendra à faire le matin. »

Voilà aujourd'hui, devant la police correctionnelle, un gaillard qui, lui, ne fait pas le matin. Il ne croit peut-être à rien du tout, mais il croit aux époques néfastes.

Comment vous nommez-vous? lui demande Monsieur le Président.

LE PRÉVENU.

Un vendredi 13, je suis sûr de mon affaire.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Comment vous nommez-vous ?

LE PRÉVENU.

Pochon. Être jugé un vendredi 13, c'est de mes chances.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Vous êtes prévenu de coups, et blessures sur la personne de votre femme.

LE PRÉVENU.

Pourquoi qu'elle n'est pas venue me dire ça ici ?

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Elle a été citée.

LE PRÉVENU.

À la maison !... Elle n'y aborde pas quand j'y suis ; pensez, à présent qu'elle sait que je suis arrêté, si elle y met le pied. Elle m'a fait arrêter pour pouvoir nocer à son aise ; d'ailleurs, quand même elle aurait reçu la citation, elle ne viendrait pas ; elle sait bien que, si je me suis fichu en colère, c'est parce que je sais qu'il y a un garçon boulanger, que, si je n'avais pas l'oeil, j'y serais en plein...

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Enfin vous l'avez frappée ?

LE PRÉVENU.

Je viens de vous expliquer ce qui en est ; mais comme c'est le vendredi 13, je suis sûr de mon affaire, vous allez me condamner. Tenez, l'idée m'en revient, c'est un vendredi que la chose est arrivée : ça m'apprendra à battre ma femme le vendredi.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Vous reconnaissez donc l'avoir battue ?

LE PRÉVENU.

Elle voulait sortir sans me dire pourquoi ; alors je regarde à travers le carreau, et je vois le garçon boulanger dans la rue, dont qu'il l'attendait et que c'était convenu ; c'est delà que je lui ai arraché la main de sur la serrure et que je l'ai attirée pour la faire rester ; là-dessus elle a tombé et m'a mordu à la jambe, je me suis rebiffé.

Les témoins, entendus,déclarent que le prévenu est un brave homme, qui aime beaucoup sa femme et lui fait des scènes de jalousie peut-être justifiées.

LE PRÉVENU.

Peut-être ! J'espère que ce n'est que peut-être, car, ayant l'oeil au guet, tant que j'ai été là n'y a pas eu moyen ; je ne lui reproche que le boulanger, un bel homme, je ne dis pas, mais bête comme un panier.

Le tribunal acquitte le prévenu.

LE PRÉVENU.

Je m'y attendais !... Un vendredi et un 13.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Vous êtes acquitté.

LE PRÉVENU.

Je suis acquitté ? Ah !... Ça m'étonne. Mais, voulez-vous que je vous dise ?... Je vas rentrer chez moi et y trouver le boulanger avec ma femme : un vendredi 13, je suis sûr de mon affaire.

 



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