L'OFFICIER DU GOBELET

CINQUANTE SEPTIÈME PROVERBE.

M. DCC. LXXI. Avec Approbation et Privilège du Roi.

de CARMONTELLE.

À Paris, chez Sébastien JORRY, vis à vis le Comédie Française, chez Le JAY, rue Saint Jacques, près celle des Mathurins.


Texte établi par Paul FIEVRE mai 2018

© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:41.


PERSONNAGES

MONSIEUR DE SAINT-BRICE, Capitaine d'Infanterie.

MONSIEUR DU PARC, Capitaine de Cavalerie.

MONSIEUR DE PLAVEAU, Bailli de Nogent et Officier du Gobelet.

MARIANNE, Suivante.

La Scène est à Versailles dans une Auberge.

Dans PROVERBES DRAMATIQUES, Seconde edition, Tome quatrième, huitième partie.


L'OFFICIER DU GOBELET

SCÈNE PREMIÈRE.
Monsieur de Saint-Brice, Monsieur du Parc, Marianne, les éclairant.

MONSIEUR DU PARC.

C'est donc ici où tu loges ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui pour deux ou trois jours, je ne suis pas mal.

MONSIEUR DU PARC.

Tu es fort bien. Si je logeais à l'auberge, je logerais ici à cause de cette belle enfant là.

Il prend Marianne par le bras ; il veut l'embrasser.

MARIANNE.

Finissez, Monsieur.

MONSIEUR DU PARC.

Comment, tu fais la cruelle, je crois ?

MARIANNE.

Non, Monsieur ; mais c'est que je n'aime pas ces manières-là.

MONSIEUR DU PARC.

Ah, tu n'aimes pas ces manières-là.

Il la poursuit, elle se défend et le repousse.

Elle est plus forte que moi. Elle m'a déchiré mes manchettes.

MARIANNE.

J'en suis bien aise, pourquoi badinez-vous aussi ?

MONSIEUR DU PARC.

Attends-moi.

MARIANNE, s'en allant.

Je ne vous crains pas. Monsieur vous n'avez besoin de rien ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Non pas à présent.

MARIANNE.

S'il vous faut quelque chose, vous le direz.

SCÈNE II.
Monsieur de Saint-Brice, Monsieur du Parc.

MONSIEUR DU PARC.

Pourquoi ne veux-tu pas venir souper chez Madame de Saint-Placide ? C'est une très bonne maison.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je le sais bien.

MONSIEUR DU PARC.

Elle t'en a prié, et si tu reviens ici quelquefois , tu feras bien-aise de la trouver.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Si mon affaire se finit, je ne crois pas qu'on m'y revoie de sitôt.

MONSIEUR DU PARC.

Oui ; mais il faut qu'elle se fasse.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est pour cela que je veux faire mon mémoire, afin de le présenter demain.

MONSIEUR DU PARC.

Tu trouverais peut-être chez Madame de Saint-Placide, des gens qui pourraient te servir.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Qui ?

MONSIEUR DU PARC.

Des premiers commis, il en vient beaucoup chez elle, et qui sont très honnêtes.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Tu as raison, diable !

MONSIEUR DU PARC.

Quand je te dis, allons ; viens, viens.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je veux faire mon mémoire avant, il est encore de bonne heure.

MONSIEUR DU PARC.

Et qu'est-ce que c'est que ton affaire ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

On m'a dit que j'aurais de la peine à l'obtenir.

MONSIEUR DU PARC.

Il faut en parler à Madame de Saint-Placide.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Si tu crois qu'elle puisse m'y servir, je ne demande pas mieux.

MONSIEUR DU PARC.

Je te dis que c'est la meilleure femme du monde et la plus obligeante.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Voici de quoi il est question. J'ai passé l'hiver chez mon Père, comme tu fais.

MONSIEUR DU PARC.

Oui. Quel âge a-t-il ton père ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Soixante et quinze ; mais il se porte bien.

MONSIEUR DU PARC.

Il faudrait demander la survivance de sa Lieutenance de Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est cela justement que je veux.

MONSIEUR DU PARC.

Tu as raison.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Tu connais, Mademoiselle Adélaïde ?

MONSIEUR DU PARC.

La fille de Madame de la Belliere , à Douai ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Eh, non !

MONSIEUR DU PARC.

Ah, la fille de Monsieur Desfoins, votre Major.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Justement : elle est charmante !

MONSIEUR DU PARC.

Mais il me semble que non.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est que tu ne te la rappelles pas.

MONSIEUR DU PARC.

Et parbleu si fait ; n'est-ce-pas une grande fille pâle, qui avait mal à la poitrine ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui, mais ce mal-là n'est rien, notre chirurgien-major l'a entrepris, il m'a promis qu'avant un mois elle serait guérie.

MONSIEUR DU PARC.

Si tu avais connu le nôtre ! Il n'en manquait pas des maladies de poitrine ; c'était bien le plus habile homme du monde. Achèves donc. Je parie que tu es amoureux de Mademoiselle Adélaïde.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Il est impossible de l'aimer davantage.

MONSIEUR DU PARC.

Et l'aime-t-elle aussi, elle ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Tout ce qu'on peut aimer, et je parie que sa langueur ne vient que de se que son père ne veut pas consentir à notre mariage.

MONSIEUR DU PARC.

Quoi, le bonhomme Desfoins, est donc un peu entêté ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Que trop. Il n'y a que dans le cas où j'aurais la survivance de mon père, qu'il le voudrait bien.

MONSIEUR DU PARC.

Je le crois.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Mon père a écrit à son ancien Colonel qui l'aimait beaucoup, il venait de mourir. Il a encore écrit pour cette survivance à bien des officiers-généraux de sa connaissance sous lesquels il avait servi, quelques-uns ne lui ont pas répondu et les autres lui ont mandé qu'on n'accordait plus de survivances, et comme il y a un de ses camarades qui en a obtenu une pour son fils, j'ai pris le parti de venir ici ce n'a pas été sans être désespéré de me séparer de Mademoiselle Adélaïde.

MONSIEUR DU PARC.

Il faudra conter tout cela à Madame de Saint-Placide. Si tu veux, je la préviendrai.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

N'oublies pas de dire que c'est celle du Lieutenant de Roi du Quesnoi, qui a été accordée.

MONSIEUR DU PARC.

Celle du Quesnoi ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Il y a six semaines.

MONSIEUR DU PARC.

Ah ça, tu viendras bientôt ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui, quand j'aurai fini mon mémoire.

MONSIEUR DU PARC.

Allons, c'est bon ; je m'en vais t'annoncer. Ne sois pas longtemps.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Non , non,

MONSIEUR DU PARC.

Adieu»

SCÈNE III.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE, cherchant dans le tiroir de la table.

Il n'y a ici ni plume, ni encre. Voyons si j'en ai.

Il fouille dans ses poches.

J'ai oublié mon écritoire aussi. La Fille. Il n'y a pas de sonnettes ici ? La Fille.

SCENE IV.
Monsieur de Saint-Brice, Marianne.

MARIANNE.

On y va.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Allons donc.

MARIANNE.

Qu'est-ce que vous voulez, Monsieur ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Une écritoire.

MARIANNE.

Est-ce qu'il n'y en a pas là ? Ce matin...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

J'y ai regardé.

MARIANNE, s'en allant.

Vous en allez avoir tout-à-l'heure.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Pourvu que je me souvienne de ce qu'il y avait dans ce mémoire.

Il rêve.

MARIANNE, revenant.

Monsieur, voilà de l'encre.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Et une plume ?

MARIANNE, s'en allant.

Vous ne dites pas aussi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Allez, allez.

MARIANNE, revenant avec une plume.

Tenez, voilà une plume.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Et du papier donc ?

MARIANNE, s'en allant.

Il fallait donc le dire en même temps. Pardi, il vous faut bien des choses toujours.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Ce diable de mémoire que j'ai perdu ! Il cherche dans ses poches. Voyons encore.

Il regarde tous ses papiers et il baise une lettre.

Ah, chère Adélaïde !

MARIANNE, apportant du papier ,etc.

Voilà tout ce qu'il vous faut, n'est-ce pas ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est bon ; laissez-moi.

MARIANNE.

Il ne vous faut plus rien ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Non.

SCENE V.
Monsieur de Saint-Brice, Une Voix dans la chambre prochaine.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE, se mettant à écrire.

Il faudra bien que je me souvienne de ce qui était dans ce Mémoire.

Il rêve.

Oui, je crois que voilà comme il commençait.

Il écrit.

LA VOIX, sur des tons différents.

À boire pour le Roi. À boire pour le Roi,

MONSIEUR DE SAINT-BRICE, écoutant.

Qu'est-ce que j'entends là ?

LA VOIX.

À boire pour le Roi, à boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Que diable est-ce que cela veut dire ?

LA VOIX.

À boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je n'entends pas bien. Qu'importe-t-il ?

LA VOIX.

À boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Cela m'a fait oublier... Il faudra bien que je le retrouve.

Il rêve.

LA VOIX.

À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Encore ? Ah, je n'entends plus rien.

Il rêve.

Ah !... Dire que je ne puisse pas me souvenir !..

LA VOIX.

À boire pour le Roi. À boire pour le Roi. À boire pour le Roi. À boire pour le Roi,

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je n'y tiens pas !...

LA VOIX.

À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je ne comprends pas qui ce peut être, il semble qu'il y a trois ou quatre voix.

LA VOIX.

À boire pour le Roi. À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Il m'est impossible de rien faire du tout, tant que cela continuera.

LA VOIX.

À boire pour le Roi. À boire pour le Roi. À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Il faut savoir ce que c'est.

Il frappe contre le mur.

Qu'est-ce qui est là ?

LA VOIX.

C'est moi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Qui, vous ?

LA VOIX.

J'ai l'honneur d'être votre voisin, Monsieur, et si vous voulez, je m'en vais vous aller voir.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Qu'est-ce que vous avez ?

LA VOIX.

Je m'en vais vous le dire, Monsieur, je m'en vais vous le dire.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Ce sera sûrement quelque importun, ou quelque fou.

SCENE VI.
Monsieur de Saint-Brice, Monsieur de Plaveau.

MONSIEUR DE PLAVEAU, à la porte.

Est-il permis d'entrer ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Entrez.

MONSIEUR DE PLAVEAU, en robe de chambré, une chandelle à la main.

Monsieur, j'ai bien l'honneur de vous saluer.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Monsieur, je suis votre serviteur.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Monsieur, je vous demande bien pardon de paraître comme cela devant vous ; mais c'est que c'est mon usage quand je suis rentré chez moi, de me mettre en robe de chambre ; parce que vous entendez bien ; cela fait que.., je dis... enfin l'on est plus à son aise.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est vrai.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Monsieur, il me paraît que vous êtes en affaire, vous avez là une plume et de l'encre...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui, Monsieur, j'ai un mémoire de très grande conséquence à écrire, et je n'ai pas de temps à perdre.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oh oui, quand on vient dans ce pays-ci... je m'en doutais bien... parce que...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est ce qui fait que je ne vous propose pas de vous asseoir.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oh, moi, vous vous moquez, je ne m'assis jamais ; je resterais comme cela toute la journée. Permettez seulement que je mette ma chandelle sur votre table.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Non, je ne veux pas vous déranger ; car vous avez aussi affaire, vous, Monsieur, à ce qu'il me semble.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oui vraiment et je n'ai pas de temps à perdre non plus, car c'est demain... Vous ne savez pas... C'est que...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Quand on n'est ici que pour peu de temps...

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oh, moi j'y suis pour trois mois, et c'est parce que... Vous avez été étonné de ce que vous entendiez ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Un peu, et si [vous] pouviez parler un peu plus bas....

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Plus bas ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui, vous me feriez plaisir.-

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Cela est bien difficile, ce n'est pas que je veuille faire ce que vous voudriez ; car moi... Monsieur est officier, je crois ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Oui, Monsieur.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Je le disais bien ; quand je vois qu'on a comme cela, la croix je dis, il faut que ce soit quelqu'un qui serve ou qui a servi ; car nous avons une étape à Nogent.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Vous êtes de Nogent ?

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oui, Monsieur, je me nomme Plaveau, et je suis officier aussi, moi ; mais pas de même que vous, je suis Officier de Justice, j'en fuis le bailli ; et j'ai voulu être encore officier autrement ; c'est à dire... avoir une charge... C'est bien une charge que celle de bailli ; mais je veux dire une charge plus honorable quand je dis plus honorable ; c'est-à-dire une charge chez le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Vous êtes officier du Roi ?

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oui Monsieur, j'ai cet honneur-là, je suis officier du Gobelet.   [ 1 L'officier du gobelet est un des membres de l'équipe qui procédait à la cérémonie du repas du roi.]

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Ah, c'est très bien, Monsieur : je vous souhaite le bonsoir.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Monsieur, vous avez bien de la bonté ; mais pour en revenir à ce que nous disions ; c'est une charge où il faut parler devant le Roi. Je suis bien accoutumé à parler en public ; car j'ai été reçu avocat à Bourges et puis je juge tous les jours ; c'est-à-dire quand il y a des causes à mon bailliage, pour lors je parle ; mais parler devant le Roi, c'est bien différent, et il faut un peu s'étudier pour cela.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

En ce cas-là, Monsieur, je vous demande bien pardon de vous avoir interrompu, je suis bien votre serviteur.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Vous ne m'avez point interrompu, Monsieur, au contraire et je pense une chose même.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Quoi ?

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Vous pourriez.... je dis si vous vouliez, vous pourriez me donner votre avis sur la manière dont....

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Une autre fois, tant que vous voudrez.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

C'est bien honnête à vous, Monsieur ; mais c'est demain que je commence et...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

J'en suis bien fâché ; mais...

MONSIEUR DE PLAVEAU.

C'est l'affaire d'un instant.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

En vérité, je ne peux pas.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Je vous en prie. Demain quand le Roi fera à table ; car j'ai déjà vu tout cela, il est là, et moi ici. Le Roi demande à boire, et moi voilà ce que je dis aussitôt. À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

C'est fort bien.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Oui ; c'est ce que je dois dire ; mais c'est le ton que je cherche, j'ai envie de dire comme cela.

Il prend différents tons.

À boire pour le Roi, ou à boire pour se Roi, ou à boire pour le Roi, non, je n'y suis pas.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je trouve que c'est fort bien.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Non, j'avais trouvé un autre ton à Nogent que je cherche. Ah, je crois que le voilà, écoutez, je vous prie. À boire pour le Roi, non, non,

Il prend différens tons.

À boire pour le Roi ; ce n'est pas tout-à-fait cela , je le sens bien.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je vous assure que c'est à merveille.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Vous me flattez ; mais si vous m'aviez entendu à Nogent, vous verriez bien... tenez, voilà, je crois, comme je disais, à boire pour... Je ne saurais retrouver ce ton-là ; mais d'ici à demain il faudra bien en venir à bout.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Sûrement, je vous demande bien pardon, mais...

MONSIEUR DE PLAVEAU.

C'est juste, il faut que chacun fasse ses affaires, je suis bien aise d'avoir fait l'honneur de votre connaissance ; parce qu'on cause quelquefois.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Prenez donc votre lumière.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Ah oui, j'oubliais... quand on a quelque chose comme cela dans la tête.... je vous remercie bien, Monsieur, je suis votre très humble serviteur.

Il sort.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Enfin, le voilà parti !

MONSIEUR DE PLAVEAU, revenant.

Monsieur, je pense une chose ; si je pouvais vous être utile pour votre mémoire...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Non, Monsieur, je vous prie de vouloir bien...

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Je fais acte de bonne volonté, au moins.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je vous en suis obligé, permettez que je finisse mon mémoire.

Monsieur de Plaveau sort et revient.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Ah ! Je le tiens pour le coup, tenez, Monsieur, écoutez. À boire pour le Roi, non, ce n'est pas cela, je vous demande bien pardon.

Il ferme mal la porte.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Et laissez la porte.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

C'est que la clef...

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Cela ne fait rien,

MONSIEUR DE PLAVEAU.

Je vous souhaite bien le bonsoir. Si je retrouve le ton de Nogent, je viendrai vous le dire.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Adieu, adieu.

SCÈNE VII.
Monsieur de Saint-Brice, Monsieur de Plaveau dans sa chambre.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Le diable emporte l'importun.

Il s'assied.

L'impatience dérange plus la mémoire !

Il rêve.

Ah, m'y voilà.

Il écrit.

Fort-bien. À près, qu'est-ce qu'il y avait ?

Il cherche.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

À boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Ah, le voilà qui recommence. Je voudrais que... Ne l'écoutons pas.

Il rêve.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

A boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Je ne ferai jamais rien de la soirée.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

À boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Voyons l'heure qu'il est. Comment, dix heures moins un quart.

Il se lève.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

À boire pour le Roi.

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Demain matin, je me lèverai de bonne heure. Il prend son épée et son chapeau.

MONSIEUR DE PLAVEAU.

À boire pour le Roi. Monsieur l'Officier, je le tiens, écoutez, à boire pour le Roi, entendez-vous ?

MONSIEUR DE SAINT-BRICE.

Allons-nous-en, car il va venir.

Il sort.

SCÈNE DERNIÈRE.

MONSIEUR DE PLAVEAU, dans sa chambre.

Monsieur l'Officier, j'y suis. À boire pour le Roi. Êtes-vous content de cela ?

Il vient avec sa lumière à la main.

À boire pour le Roi.

Il est étonné de ne plus trouver Monsieur de Saint-Brice.

Il est sorti, j'en suis bien fâché, mais je ne veux pas oublier ce ton-là toujours. Il s'en va en disant, à boire pour le Roi, à boire pour le Roi.

 



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Notes

[1] L'officier du gobelet est un des membres de l'équipe qui procédait à la cérémonie du repas du roi.

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