SAMSON

Tragédie en cinq actes et un Prologue.

1732

VOLTAIRE

Cette pièce n'a jamais été représentée.


publié par Paul FIEVRE, juin 2011, revu mars 2014

© Théâtre classique - Version du texte du 31/07/2023 à 19:59:44.


PERSONNAGES DU PROLOGUE

LA VOLUPTÉ.

PLAISIRS ET AMOURS.

BACCHUS.

HERCULE.

LA VERTU.

SUIVANTS DE LA VERTU.

PERSONNAGES DE LA TRAGEDIE

SAMSON.

DALILA.

LE ROI DES PHILISTINS.

LE GRAND-PRÊTRE.

LES CHOEURS.


PROLOGUE

LA VOLUPTÉ, sur son trône, entourée des PLAISIRS et des AMOURS.

Le théâtre représente la salle de l'opéra/

LA VOLUPTÉ.

Sur les bords fortunés embellis par la Seine

Je règne dès longtemps.

Je préside aux concerts charmants

Que donne Melpomène.

5   Amours, Plaisirs, Jeux séducteurs,

Que le loisir fit naître au sein de la mollesse,

Répandez vos douces erreurs ;

Versez dans tous les cours

Votre charmante ivresse ;

10   Régnez, répandez mes faveurs.

CHOEUR à parodier.

Répandons, etc.

LA VOLUPTÉ.

Venez, mortels, accourez à mes yeux :

Regardez, imitez les enfants de la gloire :

Ils m'ont tous cédé la victoire.

15   Mars les rendit cruels, et je les rends heureux.

Entrée de héros armés et tenant dans leurs mains des guirlandes de fleurs.

BACCHUS, à Hercule.

Nous sommes les enfants du maître du tonnerre :

Notre nom jadis redouté

Ne périra point sur la terre ;

Mais parlons avec la liberté :

20   Parmi tant de lauriers qui ceignent votre tête,

Dites-moi quelle est la conquête

Dont le grand cour d'Alcide était le plus flatté.

HERCULE.

Ah ! Ne me parlez plus de mes travaux pénibles,

Ni des cieux que j'ai soutenus :

25   En ces lieux je en connais plus

Que la charmante Iole et les Plaisirs paisibles.

Mais vous, Bacchus, dont la valeur

Fit du sang des humains rougir la terre et l'onde,

Quel plaisir, quel barbare honneur

30   Trouvez-vous à troubler le monde ?

BACCHUS.

Ariane m'ôte à jamais

Le souvenir de mes brillants forfaits ;

Et par mes présents secourables

Je ravis la raison aux mortels misérables,

35   Pour leur faire oublier tous les maux que j'ai faits.

ENSEMBLE.

Volupté, reçois nos hommages ;

Enchante dans ces lieux

Les héros, les dieux, et le sages :

Sans tes plaisirs, sans tes doux avantages,

40   Est-il des sages et des dieux ?

UN AMOUR.

Jupiter n'est point heureux

Par les coups de son tonnerre :

Amour, il doit à tes feux

Ces moments si précieux

45   Qu'il vient goûter sur la terre.

Le dieu qui préside au jour,

Et qui ranime le monde?

Ferait-il son vaste tour

S'il n'allait trouver l'Amour

50   Qui l'attend au sein de l'onde ?

Ici tous les conquérants

Bornent leur grandeur à plaire ;

Les sages sont des amants ;

Ils cachent leurs cheveux blancs

55   Sous les myrtes de Cythère.

Mortels, suivez les Amours ;

Toute sagesse est folie.

Profitez de vos beaux jours :

Les dieux aimeront toujours ;

60   Soyez dieux dans votre vie.

LA VOLUPTÉ.

Ah ! quelle éclatante lumière

Fait pâlir les clartés du beau jour qui nous luit ?

Quelle est cette nymphe sévère

Que la sagesse conduit ?

LE CHOEUR.

65   Fuyons la vertu cruelle ;

Les Plaisirs sont bannis par elle.

LA VERTU.

Mère des Plaisirs et des Jeux,

Nécessaire aux mortels, et souvent trop fatale,

Non, je ne suis point ta rivale ;

70   Je viens m'unir à toi pour mieux régner sur eux.

Sans moi, de tes plaisirs l'erreur est passagère ;

Sans toi, l'on ne m'écoute pas :

Il faut que mon flambeau t'éclaire ;

Mais j'ai besoin de tes appas.

75   Je veux instruire, et je dois plaire.

Viens de ta main charmante orner la Vérité.

Disparaissez, guerriers consacrés par la fable :

Un Alcide véritable  [ 1 Alcide : nom de naissance d'Hercule car il était le petit-fils d'Alcée.]

Va paraître en ce lieu, comme vous enchanté.

80   Chantons sa gloire et sa faiblesse,

Et voyons ce héros, par l'amour abattu,

Adorer encor la Vertu,

Entre les bras de la Mollesse.

CHOEUR DES SUIVANTS DE LA VERTU.

Chantons, célébrons, en ce jour,

85   Les Dangers cruels de l'amour.

ACTE I

SCÈNE I.
[Coyphée, Le Choeur].

Le théâtre représente une campagne. Les Israélites, couchés sur le bord du fleuve Adonis, déplorent leur captivité.

DEUX CORYPHÉES.

Tribus captives,

Qui sur ces rives

Traînez vos fers ;

Tribus captives,

90   De qui les voix plaintives

Font retentir les airs,

Adorez dans vos maux le Dieu de l'univers.

LE CHOEUR.

Adorons dans nos maux le Dieu de l'univers.

UN CORYPHÉE.

Ainsi depuis quarante hivers

95   Des Philistins le pouvoir indomptable

Nous accable ;

Leur fureur est implacable,

Elle insulte aux tourments que nous avons soufferts.

LE CHOEUR.

Adorons dans nos maux le Dieu de l'univers.

UN CORYPHÉE.

100   Race malheureuse et divine,

Tristes Hébreux, frémissez tous :

Voici le jour affreux qu'un roi puissant destine

A placer ses dieux parmi nous.

Des prêtres mensongers, pleins de zèle et de rage,

105   Vont nous forcer à plier les genoux

Devant les dieux de ce climat sauvage :

Enfants du ciel, que ferez-vous ?

LE CHOEUR.

Nous bravons leur courroux ;

Le Seigneur seul a notre hommage.

UN CORYPHÉE.

110   Tant de fidélité sera chère à ses yeux.

Descendez du trône des cieux,

Fille de la Clémence,

Douce Espérance

Trésor des malheureux ;

115   Venez tromper nos maux, venez remplir nos voeux.

Descendez, douce Espérance.

SCÈNE II.

SECOND CORYPHÉE.

Ah ! Déjà je les vois ces pontifes cruels,

Qui d'une idole horrible entourent les autels.

Les prêtres des idoles dans l'enfoncement autour d'un autel couvert de leurs dieux.

Ne souillons point nos yeux de ces vains sacrifices ;

120   Fuyons ces monstres adorés :

De leurs prêtres sanglants ne soyons point complices.

LE CHOEUR.

Fuyons, éloignons-nous.

LE GRAND-PRETRE DES IDOLES.

Esclaves, demeurez,

Demeurez : votre roi par ma voix vous l'ordonne.

125   D'un pouvoir inconnu lâches adorateurs.

Vous rampez dans nos fers, ainsi que vos ancêtres,

Mutins toujours vaincus, et toujours insolents :

Obéissez, il en est temps,

Connaissez les dieux de vos maîtres.

LE CHOEUR.

130   Tombe plutôt sur nous la vengeance du ciel !

Plutôt l'enfer nous engloutisse !

Périsse, périsse

Ce temple et cet autel !

LE GRAND-PRETRE DES IDOLES.

Rebut des nations, vous déclarez la guerre

135   Aux dieux, aux pontifes, aux rois ?

LE CHOEUR.

Nous méprisons vos dieux, et nous craignons les lois

Du maître de la terre.

SCÈNE III.
Samson entre, couvert d'une peau de lion ; Les Personnages de la scène précédente.

SAMSON.

Quel spectacle d'horreur !

Quoi ! ces fiers enfants de l'erreur

140   Ont porté parmi vous ces monstres qu'ils adorent ?

Dieu des combats, regarde en ta fureur

Les indigne rivaux que nos tyrans implorent.

Soutiens mon zèle, inspire-moi ;

Venge ta cause, venge-toi.

LE GRAND-PRETRE.

145   Profane, impie, arrête !

SAMSON.

Lâches, dérobez votre tête

À mon juste courroux ;

Pleurez vos dieux, craignez pour vous.

Tombez, dieux ennemis ! Soyez réduits en poudre.

150   Vous ne méritez pas

Que le dieu des combats

Arme le ciel vengeur, et lance ici sa foudre ;

Il suffit de mon bras.

Tombez, dieux ennemis ! Soyez réduits en poudre.

Il renverse les autels.

LE GRAND-PRETRE.

155   Le ciel ne punit point ce sacrilège effort ?

Le ciel se tait, vengeons sa querelle.

Servons le ciel en donnant la mort

À ce peuple rebelle.

LE CHOEUR DES PRETRES.

Servons le ciel en donnant la mort

160   À ce peuple rebelle.

SCÈNE IV.
Samson, Les Israélites.

SAMSON.

Vos esprits étonnés sont encore incertains ?

Redoutez-vous ces dieux renversés par mes mains ?

CHOEUR DES FILLES ISRAELITES.

Mais qui nous défendra du courroux effroyable

D'un roi, le tyran des Hébreux ?

SAMSON.

165   Le Dieu dont la main favorable

A conduit ce bras belliqueux

Ne craint point de ces rois la grandeur périssable.

Faibles tribus, demandez son appui ;

Il vous armera du tonnerre ;

170   Vous serez redoutés du reste de la terre,

Si vous ne redoutez que lui.

LE CHOEUR.

Mais nous sommes, hélas ! sans armes, sans défense.

SAMSON.

Vous m'avez, c'est assez ; tous vos maux vont finir.

Dieu m'a prêté sa force, sa puissance :

175   Le fer est inutile au bras qu'il veut choisir ;

En domptant les lions, j'appris à vous servir.

Leur dépouille sanglante est le noble présage

Des coups dont je ferai périr

Les tyrans qui sont leur image.

Air.

180   Peuple, éveille-toi, romps tes fers,

Remonte à ta grandeur première,

Comme un jour Dieu du haut des airs

Rappellera les morts à la lumière

Du sein de la poussière,

185   Et ranimera l'univers.

Peuple, éveille-toi, romps tes fers,

La liberté t'appelle ;

Tu naquis pour elle ;

Reprends tes concerts.

190   Peuple, éveille-toi, romps tes fers !

AUTRE AIR.

L'hiver détruit les fleurs et la verdure ;

Mais du flambeau des jours la féconde clarté

Ranime ta nature,

Et lui rend sa beauté ;

195   L'affreux esclavage

Flétrit le courage :

Mais la liberté

Relève sa grandeur, et nourrit sa fierté.

Liberté ! Liberté !

ACTE II

SCÈNE I.
[Le Roi, Un Philistin, Le Choeur].

Le théâtre représente le péristyle du palais du roi ; on voit à travers les colonnes des forêts et des collines ; dans le fond, dans la perspective le roi est sur son trône, entouré de toute sa cour habillée à l'orientale.

LE ROI.

200   Ainsi ce peuple esclave, oubliant son devoir,

Contre son roi lève un front indocile.

Du sein de la poussière il brave mon pouvoir.

Sur quel roseau fragile

A-t-il mis son espoir ?

UN PHILISTIN.

205   Un imposteur, un vil esclave,

Samson, les séduit et vous brave :

Sans doute il est armé du secours des enfers.

LE ROI.

L'insolent vit encore ? Allez, qu'on le saisisse ;

Préparez tout pour son supplice :

210   Courez, soldats ; chargez de fers

Des coupables Hébreux la troupe vagabonde ;

Ils sont les ennemis et le rebut du monde,

Et, détestés partout, détestent l'univers.

CHOEUR DES PHILISTINS, derrière le théâtre.

Fuyons la mort, échappons au carnage ;

215   Les enfers secondent sa rage.

LE ROI.

J'entends encore les cris de ces peuples mutins :

De leur chef odieux va-t-on punit l'audace ?

UN PHILISTIN, entrant sur la scène.

Il est vainqueur, il nous menace ;

Il commande aux destins ;

220   Il ressemble au dieu de la guerre ;

La mort est dans ses mains.

Vos soldats renversés, ensanglantent la terre ;

Le peuple fuit devant ses pas.

LE ROI.

Que dites-vous ? un seul homme, un barbare,

225   Fait fuir mes indignes soldats ?

Quel démon pour lui se déclare ?

SCÈNE II.
Le Roi, Les Philistins autour de lui ; Samson, suivi des Hébreux, portant dans unemain une massue, et dans l'autre une branche d'olivier.

SAMSON.

Roi, prêtres ennemis, que mon Dieu fait trembler,

Voyez ce signe heureux de la paix bienfaisante,

Dans cette main sanglante

230   Qui vous peut immoler.

CHOEUR DES PHILISTINS.

Quel mortel orgueilleux peut tenir ce language ?

Contre un roi si puissant quel bras peut s'élever ?

LE ROI.

Si vous êtes un dieu, je vous dois mon hommage ;

Si vous êtes un homme, osez-vous me braver ?

SAMSON.

235   Je ne suis qu'un mortel ; mais le Dieu de la terre,

Qui commande aux rois,

Qui souffle à son choix

Et la mort et la guerre,

Qui vous tient sous ses lois,

240   Qui lance le tonnerre,

Vous parle par ma voix.

LE ROI.

Eh bien ! Quel est ce dieu ? Quel est le témoignage

Qu'il daigne m'annoncer par vous ?

SAMSON.

Vos soldats mourant sous mes coups,

245   La crainte où je vous vois, mes exploits, mon courage.

Au nom de ma patrie, au nom de l'Eternel,

Respectez désormais les enfants d'Israël,

Et finissez leur esclavage.

LE ROI.

Moi, qu'au sang philistin je fasse un tel outrage !

250   Moi, mettre en liberté ces peuples odieux !

Votre dieu serait-il plus puissant que mes dieux ?

SAMSON.

Vous allez l'éprouver ; voyez si sa nature

Reconnaît ses commandements.

Marbres, obéissez ; que l'onde la plus pure

255   Sorte de ces rochers, et retombe en torrents.

On voit des fontaines jaillir dans l'enfoncement.

LE CHOEUR.

Ciel ! Ô ciel ! À sa voix, on voit jaillir cette onde

Des marbres amollis !

Les éléments lui sont soumis !

Est-il le souverain du monde ?

LE ROI.

260   N'importe ; quel qu'il soit, je ne puis m'avilir

À recevoir des lois de qui doit le servir.

SAMSON.

Eh bien ! Vous avez vu quelle était sa puissance,

Connaissez quelle est sa vengeance.

Descendez, feux des cieux, ravagez ces climats :

265   Que la foudre tombe en éclats ;

De ces fertiles champs détruisez l'espérance.

Tout le théâtre apparaît embrasé.

Brûlez, moissons ; séchez, guérets ;

Embrasez-vous, vastes forêts.

Au roi.

Connaissez quelle est sa vengeance.

LE CHOEUR.

270   Tout s'embrase, tout se détruit ;

Un dieu terrible nous poursuit.

Brûlante flamme, affreux tonnerre,

Terribles coups !

Ciel ! Ô ciel ! Sommes-nous

275   Au jour où doit périr la terre ?

LE ROI.

Suspends, suspends cette rigueur,

Ministre impérieux d'un dieu plein de fureur !

Je commence à reconnaître

Le pouvoir dangereux de ton superbe maître ;

280   Mes dieux longtemps vainqueurs commencent à céder,

C'est à leur voix à me résoudre.

SAMSON.

C'est à la sienne à commander.

Il nous avait punis, il m'arme de sa foudre ;

A tes dieux infernaux va porter ton effroi ;

285   Pour la dernière fois peut-être tu contemples

Et ton trône et leur temple :

Tremble pour eux et pour toi !

SCÈNE III.
Samson, Choeur d'Israélites.

SAMSON.

Vous que le ciel console après des maux si grands,

Peuples, osez paraître aux palais des tyrans :

290   Sonnez, trompette, organe de la gloire ;

Sonnez, annoncez ma victoire.

LES HÉBREUX.

Chantons tous ce héros, l'arbitre des combats :

Il est le seul dont le courage

Jamais ne partage

295   La victoire avec les soldats.

Il va finir notre esclavage.

Pour nous est l'avantage ;

La gloire est à son bras ;

Il fait trembler sur leur trône

300   Les rois maîtres de l'univers,

Les guerriers au champ de Bellone,

Les faux dieux au fond des enfers.

LE CHOEUR.

Sonnez, trompette, organe de sa gloire ;

Sonnez, annoncez sa victoire.

LES HÉBREUX.

305   Le défenseur intrépide

D'un troupeau faible et timide

Garde leurs paisibles jours

Contre le peuple homicide

Qui rugit dans les antres sourds :

310   Le berger se repose, et sa flûte soupire

Sous ses doigts le tendre délire

De ses innocentes amours.

LE CHOEUR.

Sonnez, trompettes, organe de sa gloire ;

Sonnez, annoncez sa vistoire.

ACTE III

SCÈNE I.
Le Roi, Dalila, Oracle, Prêtresse de Vénus, Choeur.

Le théâtre représente un bocage et un autel où sont Mars, Vénus, et les dieux de Syrie.

LE ROI.

315   Dieux de Syrie,

Dieux immortels,

Écoutez, protégez un peuple qui s'écrie

Au pied de vos autels.

Éveillez-vous, punissez la furie

320   De vos esclaves criminels.

Votre peuple vous prie :

Livrez en nos mains

Le plus fier des humains.

LE CHOEUR.

Livrez en nos mains

325   Le plus fier des humains.

LE GRAND-PRÊTRE.

Mars terrible,

Mars invincible,

Protège nos climats ;

Prépare

330   À ce barbare

Les fers et le trépas.

DALILA.

Ô Vénus ! Déesse charmante,

Ne permets pas que ces beaux jours

Destinés aux amours

335   Soient profanés par la guerre sanglante.

LE CHOEUR.

Livrez en nos mains

Le plus fier des humains.

ORACLE DES DIEUX DE SYRIE.

« Samson nous a domptés ; ce glorieux empire

Touche à son dernier jour ;

340   Fléchissez ce héros ; qu'il aime, qu'il soupire :

Vous n'avez d'espoir qu'en l'Amour. »

DALILA.

Dieu des plaisirs, daigne ici nous instruire

Dans l'art charmant de plaire et de séduire ;

Prête à nos yeux tes traits toujours vainqueurs.

345   Apprends-nous à semer des fleurs

Le piège aimable où tu veux qu'on l'attire.

LE CHOEUR.

Dieu des plaisirs, daigne ici nous instruire

Dans l'art charmant de plaire et de séduire.

DALILA.

D'Adonis c'est aujourd'hui la fête ;

350   Pour ses jeux la jeunesse s'apprête.

Amour, voici le temps heureux

Pour inspirer et pour sentir tes feux.

CHOEUR DES FILLES.

Amour, voici le temps, etc.

Dieu des plaisirs, etc.

DALILA.

355   Il vient plein de colère, et la terreur le suit ;

Retirons-nous sous cet épais feuillage.

Elle se retire avec les filles de Gaza et les prêtresses.

Implorons le dieu qui séduit

Le plus ferme courage.

SCÈNE II.

SAMSON.

Le Dieu des combats m'a conduit

360   Au milieu du carnage ;

Devant lui tout tremble et tout fuit.

Le tonnerre, l'affreux orage,

Dans tous les champs font moins de ravage

Que son nom seul n'en a produit

365   Chez le Philistin plein de rage.

Tous ceux qui voulaient arrêter

Ce fier torrent dans son passage

N'ont fait que l'irriter :

Ils sont tombés ; la mort est leur partage.

On entend une harmonie douce.

370   Ces sons harmonieux, ces murmures des eaux,

Semblent amollir mon courage.

Asile de la paix, lieux charmants, doux ombrage,

Vous m'invitez au repos.

Il s'endort sur un lit de gazon.

SCÈNE I.
I.
Dalila, Samson, Choeur des Prêteses de Vénus, revenant sur la scène.

CHOEUR DES PRÊTRESSE DE VÉNUS.

Plaisirs flatteurs, amollissez son âme,

375   Songes charmants, enchantez son sommeil.

FILLES DE GAZA.

Tendre Amour, éclaire son réveil.

Mets dans nos yeux ton pouvoir et ta flamme.

DALILA.

Vénus, inspire-nous, préside à ce beau jour.

Est-ce là ce cruel, ce vainqueur homicide ?

380   Vénus, il semble né pour embellir ta cour.

Armé, c'est le dieu Mars ; désarmé, c'est l'Amour.

Mon cour, mon faible coeur devant lui s'intimide.

Enchaînons de fleurs

Ce guerrier terrible ;

385   Que ce cour farouche, invincible,

Se rende à tes douceurs.

LE CHOEUR.

Enchaînons de fleurs

Ce héros terrible.

SAMSON se réveille, entouré des filles de Gaza.

Où suis-je ? en quels climats me vois-je transporté ?

390   Quels doux concerts se font entendre !

Quels ravissants objets viennent de me surprendre !

Est-ce ici le séjour de la félicité ?

DALILA, à Samson.

Du charmant Adonis nous célébrons la fête ;

L'Amour en ordonna les jeux ;

395   C'est l'Amour qui les apprête :

Puissent-ils mériter un regard de vos yeux !

SAMSON.

Quel est cet Adonis dont votre voix aimable

Fait retentir ce beau séjour ?

DALILA.

C'était un héros indomptable,

400   Qui fut aimé de la mère de l'Amour.

Nous chantons tous les ans cette aimable aventure.

SAMSON.

Parlez, vous m'allez enchanter :

Les vents viennent de s'arrêter ;

Ces forêts, ces oiseaux, et toute la nature,

405   Se taisent pour vous écouter.

Dalila se met à côté de Samson. Le choeur se range autour d'eux. Dalila chante cette cantatille accompagnée, accompagnée de peu d'instruments qui sont sur le théâtre.

DALILA.

Vénus dans nos climats souvent daigne se rendre ;

C'est dans nos bois qu'on vient apprendre

De son culte charmant tous les secrets divins.

Ce fut près de cette onde, en ces riants jardins,

410   Que Vénus enchanta le plus beau des humains.

Alors tout fut heureux dans une paix profonde ;

Tour l'univers aima dans le sein du loisir.

Vénus donnait au monde

L'exemple du plaisir.

SAMSON.

415   Que ses traits ont d'appas ! que sa voix m'intéresse !

Que je suis étonné de sentir la tendresse !

De quel poison charmant je me sens pénétré !

DALILA.

Sans Vénus, sans l'Amour, qu'aurait-il pu prétendre ?

Dans nos bois, il est adoré.

420   Quand il fut redoutable, il était ignoré :

Il devint dieu dès qu'il fut tendre.

Depuis cet heureux jour

Ces prés, cette onde, cet ombrage,

Inspirent le plus tendre amour

425   Au cour le plus sauvage.

SAMSON.

Ô ciel, ô troubles inconnus !

J'étais ce cour sauvage, et je ne le suis plus.

Je suis changé ; j'éprouve une flamme naissante.

À Dalila.

Ah ! s'il était une Vénus,

430   Si des Amours cette reine charmante

Aux mortels en effet pouvait se présenter,

Je vous prendrais pour elle, et croirais la flatter.

DALILA.

Je pourrais de Vénus imiter la tendresse.

Heureux qui peut brûler des feux qu'elle a sentis !

435   Mais j'eusse aimé peut-être un autre qu'Adonis,

Si j'avais été la déesse.

SCÈNE IV.
Les Précédents, Les Hébreux.

LES HÉBREUX.

Ne tardez point, venez ; tout un peuple fidèle

Est prêt à marcher sous vos lois :

Soyez le premier de nos rois ;

440   Combattez et régnez : la gloire vous appelle.

SAMSON.

Je vous suis, je le dois ; j'accepte vos présents.

Ah !... Quel charme puissant m'arrête !

Ah ! Différez du moins, différez quelque temps

Ces honneurs brillant qu'on m'apprête.

CHOEUR DES FILLES DE GAZA.

445   Demeurez, présidez à nos fêtes ;

Que nos cours soient ici vos conquêtes.

DALILA.

Oubliez les combats ;

Que la paix vous attire.

Vénus vient vous sourire,

450   L'Amour vous tend les bras.

LES HÉBREUX.

Craignez le plaisir décevant

Où votre grand cour s'abandonne ;

L'Amour nous dérobe souvent

Les biens que la gloire nous donne.

CHOEUR DES FILLES.

455   Demeurez, présidez à nos fêtes ;

Que nos cours soient vos tendres conquêtes.

DEUX HÉBREUX.

Venez, venez, ne tardez pas :

Nos cruels ennemis sont prêts à nous surprendre ;

Rien ne peut nous défendre

460   Que votre invincible bras.

CHOEUR DES FILLES.

Demeurez, présidez à nos fêtes.

Que nos cour soient vos tendres conquêtes.

SAMSON.

Je m'arrache à ces lieux... Allons, je suis vos pas.

Prêtresse de Vénus, vous, sa brillante image,

465   Je ne quitte point vos appas

Pour le trône des rois, pour ce grand esclavage ;

Je les quitte pour les combats.

DALILA.

Me faudra-t-il longtemps gémir de votre absence ?

SAMSON.

Fiez-vous à vos yeux de mon impatience.

470   Est-il un plus grand bien que celui de vous voir ?

Les Hébreux n'ont que moi pour unique espérance,

Et vous êtes mon seul espoir.

SCÈNE V.

DALILA.

Il s'éloigne, il me fuit, il emporte mon âme ;

Partout il est vainqueur :

475   Le feu que j'allumais m'enflamme ;

J'ai voulu l'enchaîner, il enchaîne mon cour.

Ô mère des Plaisirs, le coeur de ta prêtresse

Doit être plein de toi, doit toujours s'enflammer !

Ô Vénus ! Ma seule déesse,

480   La tendresse est ma loi, mon devoir est d'aimer.

Écho, voix errante,

Légère habitante

De ce beau séjour,

Écho, monument de l'amour,

485   Parle de ma faiblesse au héros qui m'enchante.

Favoris du printemps, de l'amour et des airs,

Oiseaux dont j'entends les concerts,

Chers confidents de ma tendresse extrême,

Doux ramage des oiseaux,

490   Voix fidèle des échos,

Répétez à jamais : Je l'aime, je l'aime.

ACTE IV

SCÈNE I.
Le Grand-Prêtre, Dalila.

LE GRAND-PRETRE.

Oui, le roi vous accorde à ce héros terrible ;

Mais vous entendez à quel prix :

Découvrez le secret de sa force invincible,

495   Qui commande au monde surpris ;

Un tendre hymen, un sort paisible,

Dépendront du secret que vous aurez appris.

DALILA.

Que peut-il me cacher ? il m'aime :

L'indifférent seul est discret ;

500   Samson me parlera, j'en juge par moi-même :

L'amour n'a point de secret.

SCÈNE II.

DALILA.

Secourez-moi, tendres Amours,

Amenez la paix sur la terre ;

Cessez, trompettes et tambours,

505   D'annoncer la funeste guerre ;

Brillez, jour glorieux, le plus beau de mes jours.

Hymen, Amour, que ton flambeau l'éclaire ;

Qu'à jamais je puisse plaire,

Puisque je sens que j'aimerai toujours !

510   Secondez-moi, tendres Amours,

Amenez la paix sur la terre.

SCÈNE III.
Samson, Dalila.

SAMSON.

J'ai sauvé les Hébreux par l'effort de mon bras,

Et vous sauvez par vos appas

Votre peuple et votre roi même :

515   C'est pour vous mériter que j'accorde la paix.

Le roi m'offre son diadème,

Et je ne veux que vous pour prix de mes bienfaits.

DALILA.

Tout vous craint en ces lieux ; on s'empresse à vous plaire.

Vous régnez sur vos ennemis ;

520   Mais de tous les sujets que vous venez de faire,

Mon cour vous est le plus soumis.

SAMSON ET DALILA, ensemble.

N'écoutons plus le bruit des armes ;

Myrtes amoureux, croissez près des lauriers ;

L'amour est le prix des guerriers,

525   Et la gloire en a plus de charmes.

SAMSON.

L'hymen doit nous unir par des noeuds éternels.

Que tardez-vous encore ?

Venez, qu'un pur amour vous amène aux autels

Du dieu des combats que j'adore.

DALILA.

530   Ah ! formons ces doux noeuds au temple de Vénus.

SAMSON.

Non, son culte est impie, et ma loi le condamne ;

Non, je ne puis entrer dans ce temple profane.

DALILA.

Si vous m'aimez, il ne l'est plus.

Arrêtez, regardez cette aimable demeure.

535   C'est le temple de l'univers ;

Tous les mortels, à tout âge, à toute heure,

Y viennent demander des fers.

Arrêtez, regardez cette aimable demeure,

C'est le temple de l'univers.

SCÈNE IV.
Samson, Dalila, Cchoeur des différents peuples, de guerriers, de pasteurs.

Le temple de Vénus paraît dans toute sa splendeur.

DALILA.

Air.

540   Amour, volupté pure,

Âme de la nature,

Maître des éléments,

L'univers n'est formé, ne s'anime, ne dure

Que par tes regards bienfaisants.

545   Tendre Vénus, tout l'univers t'implore,

Tout n'est riens sans tes feux !

On craint les autres dieux, c'est Vénus qu'on adore :

Ils règnent sur le monde, et tu règnes sur eux.

GUERRIERS.

Vénus, notre fier courage,

550   Dans le sang, dans le carnage,

Vainement s'endurcit ;

Tu nous désarmes ;

Nous rendons les armes :

L'horreur à ta voix s'adoucit.

UNE PRÊTRESSE.

555   Chantez, oiseaux, chantez ; votre ramage tendre

Est la voix des plaisirs.

Chantez ; Vénus doit vous entendre ;

Portez-lui nos soupirs.

Les filles de Flore

560   S'empressent d'éclore

Dans ce séjour ;

La fraîcheur brillante

De la fleur naissante

Se passe en un jour :

565   Mais une plus belle

Naît auprès d'elle,

Plaît à son tour ;

Sensible image

Des plaisirs du bel âge,

570   Sensible image

Du charmant Amour !

SAMSON.

Je n'y résiste plus : le charme qui m'obsède

Tyrannise mon cour, enivre tous mes sens :

Possédez à jamais ce cour qui vous possède,

575   Et gouvernez tous mes moments.

Venez : vous vous troublez....

DALILA.

Ciel, que vais-je lui dire ?

SAMSON.

D'où vient que votre cour soupire ?

DALILA.

Je crains de vous déplaire, et je dois vous parler.

SAMSON.

580   Ah ! devant vous, c'est à moi de trembler.

Parlez, que voulez-vous ?

DALILA.

Cet amour qui m'engage

Fait ma gloire et mon bonheur ;

Mais il m'en faut un nouveau gage

585   Qui m'assure de votre cour.

SAMSON.

Prononcez ; tout sera possible

À ce cour amoureux.

DALILA.

Dites-moi par quel charme heureux,

Par quel pouvoir secret cette force invincible ?...

SAMSON.

590   Que me demandez-vous ? C'est un secret terrible

Entre le ciel et moi.

DALILA.

Ainsi, vous doutez de ma foi ?

Vous doutez, et m'aimez !...

SAMSON.

Mon cour est trop sensible ;

595   Mais ne m'imposez point cette funeste loi.

DALILA.

Un cour sans confiance est un coeur sans tendresse.

SAMSON.

N'abusez point de ma faiblesse.

DALILA.

Cruel ! quel injuste refus !

Notre hymen en dépend ; nos noeuds seraient rompus.

SAMSON.

600   Que dites-vous ?...

DALILA.

Parlez, c'est l'amour qui vous prie.

SAMSON.

Ah ! cessez d'écouter cette funeste envie.

DALILA.

Cessez de m'accabler de refus outrageants.

SAMSON.

Eh bien ! vous le voulez ; l'amour me justifie :

605   Mes cheveux, à mon Dieu consacrés dès longtemps,

De ses bontés pour moi sont les sacrés garants :

Il voulut attacher ma force et mon courage

À de si faibles ornements :

Ils sont à lui ; ma gloire est son ouvrage.

DALILA.

610   Ces cheveux, dites-vous ?

SAMSON.

Qu'ai-je dit ? Malheureux !

Ma raison revient ; je frissonne

De l'abîme où j'entraîne avec moi les Hébreux.

TOUS DEUX ensemble.

La terre mugit, le ciel tonne,

615   Le temple disparaît, l'astre du jour s'enfuit,

L'horreur épaisse de la nuit

De son voile affreux m'environne.

SAMSON.

J'ai trahi de mon Dieu le secret formidable.

Amour ! Fatale volupté !

620   C'est toi qui m'a précipité

Dans un piège effroyable ;

Et je sens que Dieu m'a quitté.

SCÈNE V.
Les Philistins, Samson, Dalila.

LE GRAND-PRETRE DES PHILISTINS.

Venez ; ce bruit affreux, ces cris de la nature

Ce tonnerre, tout nous assure

625   Que du dieu des combats il est abandonné.

DALILA.

Que faites-vous, peuple parjure ?

SAMSON.

Quoi ! De mes ennemis je suis environné !

Il combat.

Tombez, tyrans...

LES PHILISTINS.

Cédez, esclave.

Ensemble.

Frappons l'ennemi qui nous brave.

DALILA.

630   Arrêtez, cruels ! arrêtez ;

Tournez sur moi vos cruautés.

SAMSON.

Tombez, tyrans...

LES PHILISTINS, combattant.

Cédez, esclave.

SAMSON.

Ah ! Quelle mortelle langueur !

Ma main ne peut porter cette fatale épée,

635   Ah, Dieu ! ma valeur est trompée ;

Dieu retire son bras vainqueur.

LES PHILISTINS.

Frappons l'ennemi qui nous brave ;

Il est vaincu ; cédez, esclave.

SAMSON, entre leurs mains.

Non, lâches ! non, ce bras n'est pas vaincu par vous ;

640   C'est dieu qui me livre à vos coups.

On l'emmène.

SCÈNE VI.

DALILA.

Ô désespoir ! Ô tourments ! Ô tendresse !

Rois cruels ! Peuples inhumains !

Ô vénus, trompeuse déesse !

Vous abusiez de ma faiblesse.

645   Vous avez préparé, par mes fatales mains,

L'abîme horrible où je l'entraîne ;

Vous m'avez fait aimer le plus grand des humains

Pour hâter sa mort et la mienne.

Trône, tombez ; brûlez, autels,

650   Soyez réduits en poudre.

Tyrans affreux, dieux cruels,

Puisse un dieu plus puissant écraser de sa foudre

Vous et vos peuples criminels !

CHOEUR, derrière le théâtre.

Qu'il périsse,

655   Qu'il tombe en sacrifice

À nos dieux.

DALILA.

Voix barbares ! Cris odieux !

Allons partager son supplice.

ACTE V

SCÈNE I.
Samson, enchaîné ; Gardes.

SAMSON.

Profonds abîmes de la terre,

660   Enfer, ouvre-toi !

Frappez, tonnerre,

Écrasez-moi !

Mon bras a refusé de servir mon courage ;

Je suis vaincu, je suis dans l'esclavage ;

665   Je ne la verrai plus, flambeau sacré des cieux ;

Lumière, tu fuis de mes yeux.

Lumière, brillante image

D'un Dieu ton auteur,

Premier ouvrage

670   Du créateur ;

Douce lumière,

Nature entière,

Des voiles de la nuit, l'impénétrable horreur

Te cache a ma triste paupière.

675   Profonds abîmes, etc.

SCÈNE II.
Samson, Choeur d'Hébreux.

PERSONNAGES DU CHOEUR.

Hélas ! Nous t'amenons nos tribus enchaînées,

Compagnes infortunées

De ton horrible douleur.

SAMSON.

Peuple saint, malheureuse race,

680   Mon bras relevait ta grandeur ;

Ma faiblesse a fait ta disgrâce.

Quoi ! Dalila me fuit ! Chers amis pardonnez

A de si honteuses alarmes.

PERSONNAGES DU CHOEUR.

Elle a fini ses jours infortunés.

685   Oublions à jamais la cause de nos larmes.

SAMSON.

Quoi, j'éprouve un malheur nouveau !

Ce que j'adore est au tombeau !

Profonds abîmes de la terre,

Enfer, ouvre-toi !

690   Frappez, tonnerre,

Écrasez-moi !

SAMSON ET DEUX CORYPHEES.

TRIO.

Amour, tyran que je déteste,

Tu détruis la vertu, tu traînes sur tes pas

L'erreur, le crime, le trépas :

695   Trop heureux qui ne connaît pas

Ton pouvoir aimable et funeste !

UN CORYPHÉE.

Vos ennemis cruels s'avancent en ces lieux ;

Ils viennent insulter au destin qui nous presse ;

Ils osent imputer aux pouvoirs de leurs dieux

700   Les maux affreux où dieu nous laisse.

SCÈNE III.
Le Roi, Choeur de PhIlistins, Samson, Choeur d'Hébreux.

LE ROI.

Élevez vos accents vers vos dieux favorables ;

Vengez leurs autels, vengez-nous.

CHOEUR DES PHILISTINS.

Élevez nos accents, etc.

CHOEUR D'ISRAÉLITES.

Terminons nos jours déplorables.

SAMSON.

705   Ô Dieu vengeur ! ils ne sont point coupables ;

Tourne sur moi tes coups.

CHOEUR DE PHILISTINS.

Élevons nos accents vers nos dieux favorables ;

Vengeons leurs autels, vengeons-nous.

SAMSON.

Ô Dieu !... pardonne.

CHOEUR DE PHILISTINS.

Vengeons-nous.

LE ROI.

710   Inventons, s'il se peut, un nouveau châtiment :

Que le trait de la mort, suspendu sur sa tête,

Le menace encore et s'arrête ;

Que Samson dans sa rage entende notre fête ;

Que nos plaisirs soient son tourment.

SCÈNE IV.
Samson, Les Israélites, Le Roi, Les Prêtresses de Vénus, Les Prêtres de Mars.

UNE PRÊTRESSE.

715   Tous nos dieux étonnés, et cachés dans les cieux,

Ne pouvaient sauver notre empire :

Vénus avec un sourire

Nous a rendus victorieux :

Mars a volé, guidé par elle :

720   Sur son char tout sanglant,

La victoire immortelle

Tirait son glaive étincelant

Contre tout un peuple infidèle,

Et la nuit éternelle

725   Va dévorer leur chef interdit et tremblant.

UNE AUTRE.

C'est Vénus qui défend aux tempêtes

De gronder sur nos têtes.

Notre ennemi cruel

Entend encor nos fêtes,

730   Tremble de nos conquêtes,

Et tombe à son autel.

LE ROI.

Eh bien ! Qu'est devenu ce dieu si redoutable,

Qui par tes mains devait nous foudroyer ?

Une femme a vaincu ce fantôme effroyable,

735   Et son bras languissant ne peut se déployer.

Il l'abandonne, il cède à ma puissance ;

Et tandis qu'en ces lieux j'enchaîne les destins,

Son tonnerre, étouffé dans ses débiles mains,

Se repose dans le silence.

SAMSON.

740   Grand Dieu ! J'ai soutenu cet horrible langage,

Quand il n'offensait qu'un mortel ;

On insulte ton nom, ton culte, ton autel ;

Lève-toi, venge ton outrage.

CHOEUR DE PHILISTINS.

Tes cris, tes cris ne sont point entendus.

745   Malheureux, ton dieu n'est plus.

SAMSON.

Tu peux encore armer cette main malheureuse ;

Accorde-moi du moins une mort glorieuse.

LE ROI.

Non, tu dois sentir à longs traits

L'amertume de ton supplice.

750   Qu'avec toi ton dieu périsse,

Et qu'il soit comme toi méprisé pour jamais.

SAMSON.

Tu m'inspires enfin ; c'est sur toi que je fonde

Mes superbes desseins ;

Tu m'inspires ; ton bras seconde

755   Mes languissantes mains.

LE ROI.

Vil esclave, qu'oses-tu dire ?

Prêt à mourir dans les tourments,

Peux-tu bien menacer ce formidable empire

A tes derniers moments ?

760   Qu'on l'immole, il est temps ;

Frappez ; il faut qu'il expire.

SAMSON.

Arrêtez ; je dois vous instruire

Des secrets de mon peuple, et du Dieu que je sers :

Ce moment doit servir d'exemple à l'univers.

LE ROI.

765   Parle, apprends-nous tous tes crimes ;

Livre-nous toutes nos victimes.

SAMSON.

Roi, commande que les Hébreux

Sortent de ta présence et de ce temple affreux.

LE ROI.

Tu seras satisfait.

SAMSON.

770   La cour qui t'environne,

Tes prêtres, tes guerriers, sont-ils autour de toi ?

LE ROI.

Ils y sont tous, explique-toi.

SAMSON.

Suis-je auprès de cette colonne

Qui soutient ce séjour si cher aux Philistins ?

LE ROI.

775   Oui, tu la touches des mains.

SAMSON, ébranlant les colonnes.

Temple odieux ! que tes murs se renversent,

Que tes débris se dispersent

Sur moi, sur ce peuple en fureur !

LE CHOEUR.

Tout tombe, tout périt. Ô ciel ! ô Dieu vengeur !

SAMSON.

780   J'ai réparé ma honte, et j'expire en vainqueur.

 



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Notes

[1] Alcide : nom de naissance d'Hercule car il était le petit-fils d'Alcée.

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