TRAGÉDIE
M. DC. XXXIX.
AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
de Monsieur REGNAULT
À PARIS, Chez TOUSSAINT QUINET, au Palais, dans le petite salle sous la montée de la Cour des Aides.
Texte établi par Paul FIEVRE, mars 2024.
publié par Paul FIEVRE, avril 2024.
© Théâtre classique - Version du texte du 30/09/2024 à 21:20:12.
À MONSEIGNEUR MONSEIGNEUR L'EMINENTISSIME CARDINAL DUC DE RICHELIEU
MONSEIGNEUR,
Celle qui se jette à vos pieds est cette Marie Stuard à qui feu Henry II d'heureuse mémoire, donna François son fils pour mari, c'est celle qui reçut en ce temps là fur le front, la même Couronne que vous faites briller aujourd'hui fur la tête de mon Prince, et celle dont la condition, ni la vertu ne peuvent toutefois empêcher la perte. Véritablement MONSEIGNEUR, celui est un extrême avantage de ce qu'après avoir perdu le jour sur l'échafaud, vous lui voyez rendre l'honneur sur le Théâtre, et que si sa mort ne fut point vengée, au moins son innocence sera-t-elle défendue. Elle ne pouvait espérer toute Reine qu'elle est un traitement plus humain, ni plus favorable de votre EMINENCE qui s'est donné la peine elle-même d'ouïr ses aventures, et n'a pas refusé des larmes à la représentation d'un sujet si tragique ; Mais MONSEIGNEVR, il est à craindre que comme elle fut la plus infortunée de toutes les Princesses pendant sa vie, elle ne soit la plus malheureuse de toutes nos Dames illustres après sa mort ; je vois déjà renaître avec elle un nombre infinis d'ennemis, non pas plus forts, mais plus dangereux que les premiers ; car au moins les Conseillers d'Élisabeth quelques sévères qu'ils furent, examinèrent son procès auparavant de la juger, mais ceux-ci les plus injustes et les plus envieux de tous les juges, la veulent condamner sans l'avoir jamais ouïe ; Elle aurait eu sujet de crainte en son malheur, et d'appréhension en sa faiblesse, puisque la main de celui qui la redonne au public n'est pas si votre assez forte pour la défendre EMINENCE n'eut été son refuge, et ne l'eut prise en sa protection. Je ne présume pourtant pas si fort de moi MONSEIGNEUR, que de croire d'avoir pu vous contenter en ce rencontre, il faut atteindre au suprême degré de la perfection, ou de la vanité, pour se persuader de vous satisfaire ! De moi je m'estimerai toujours trop heureux, si mon poème ne m'a point fait rougir devant votre EMINENCE, s'il m'est permis d'aspirer à la gloire de ne vous avoir point déplu, et fi vous m'honorez tant que de souffrir que je prenne à jamais la qualité,
MONsEIGNEUR,
De votre très humble très obéissant et très fidèle serviteur
REGNAULT.
APOLOGIE DE LA REINE d'ÉCOSSE au Lecteur.
Ce ne m'est pas seulement peu d'honneur, mais il m'est encore très glorieux d'avoir à marcher sur les traces des plus excellents hommes du dernier siècle, et d'écrire en suite des plus rares plumes du nôtre, une histoire si recommandable que celle de MARIE STUARD.
Le divin Ronsard a tellement écrit en faveur de cette sage Princesse qu'à moins que d'être envieux, ou méchant tout à fait, on ne peut révoquer en doute son mérite.
Bucanan même, ce grand génie de qui l'Europe entière a su le nom et dont la vivacité d'esprit n'a péché qu'en ce qu'elle fut trop satyrique, n'a pu s'empêcher de la louer en mourant quoi qu'il reçut pension des Luthériens pour écrire contre elle, ce qui doit passer pour marque infaillible de fa vertu puisque son ennemi se trouve son panégyriste. Messieurs de Bellieure, Delagueste, de la Motte Aigron, et de l'Aubépine (de qui les noms sont immortels) ont si généreusement parlé pour elle contre ses ennemis, par des harangues que nos curieux conservent encore, que les enfants de ses plus grands adversaires entreprennent aujourd'hui sa défense en Angleterre.
Feu Monsieur l'Eminentissime Cardinal du Perron fit son Épitaphe peu de jours après son exécution, qui fut le Mercredi des Cendres de l'année 1587 à 4 heures du matin, ce tombeau les fera vivre l'une et l'autre en la mémoire de tous les hommes.
Un livre intitulé Le martyre de la Reine d'Ecoffe imprimé sous main dans Londres, découvrit la vérité de son histoire, obscurcie par la méchanceté des Puritains qui semaient partout des libelles diffamatoires contre son innocence.
La naissance de l'hérésie du sieur Florimond de Raymond parut en suite et fit savoir à toute la terre la longue tyrannie d'Élisabeth, et la constante patience de Marie.
Depuis peu les Révérends Pères Caussin et Hilarion, ont fait des traités particuliers de la vie et de la mort de cette grande Reine, à qui tous les écrivains ensemble ne reprochent qu'un excès de bonté.
C'est après tant d'illustres auteurs que je montre son innocence en ma Tragédie, c'est pourquoi, Lecteur, ce n'est pas pour t'en donner un argument que je t'écris, mais c'est pour t'avertir que je ne t'en donne point, un sujet si connu n'a pas besoin d'interprétation, et ce serait expliquer l'Histoire en l'Histoire même, car quoi que je me sois attaché particulièrement à la matière, j'ai disposé mon poème en telle sorte qu'il ne faut que l'ouïr, ou le lire pour le comprendre. Les récits y sont en leur lieux, tu n'y trouveras point de liaisons superflues, ni d'Episodes qui n'y soient nécessaires, les actions faites auparavant la scène, y font racontées sans aucune altération ou déguisement de la vérité de mon sujet ; j'ose avancer que sa lecture ni sa représentation n'ont pas mal réussi, puisqu'elles ont tiré des larmes des premiers, et des plus beaux yeux de la France : il est vrai que chacun voit les choses bien différemment, tel méprise ce qu'un autre estime, tous les visages font inégaux, et tous les esprits ne se ressemblent pas, je ne veux point user de tyrannie fur le tien, ni t'obliger d'adorer l'ouvrage de mes mains, parce que plusieurs l'ont approuvé, tu me favoriseras trop en le voyant d'un oeil sans passion, sois donc désintéressé pour être juge, et ne crois pas que je fois incapable de faire mieux, mais sache que je suis dans l'age où l'on commet encor tant de fautes qu'elles sont pardonnables alors qu'elles font belles.
Adieu.
ÉPIGRAME À MONSIEUR REGNAULT sur sa Tragédie.
Regnault, quand cette grande ReIne
Vit finir la vie et sa peine
Toute l'Europe en murmura :
Cette mort (disait on) est injuste et cruelle,
Mais depuis tu l'as faite et si juste et fi belle,
Que même en la pleignant chacun l'approuvera.
ROTROU.
À MONSIEUR REGNAULT son cher ami, auteur de Marie stuard.
EPIGRAMME.
De ton Élisabeth la jalouse puissance
Fit mourir une Reine en sa funeste Cour,
L'Angleterre autrefois lui vit perdre le jour,
Mais ta plume aujourd'hui la fait revivre en France.
POUCET DE MONTAVBAN.
A MONsIEVR REGNAULT.
Épigramme.
Regnault, si ta MARIE eut eu ton éloquence,
Elle eut montré son innocence
Aux yeux de ses persécuteurs.
Et trouvant par tout des refuges
Eut fait comme toi de ses Juges
Ses plus humbles adorateurs,
GILLET.
AU MÊME
Autre Épigramme.
Quelque cruel tourment qu'ait souffert cette Reine
Nous n'avons pas sujet de regretter sa mort,
Puisqu'elle est trop heureuse ayant fini son sort
De s'immortaliser avec si peu de peine,
Et d'avoir cet honneur qu'un des plus grands esprits
La fait revivre en ses écrits.
GILLET.
À MONSIEUR REGNAULT SUR SA TRAGÉDIE.
Vois que tes beaux écrits charment toute la terre,
Et que jamais mortel n'ait fait de si bons vers,
Si ne font ils que des éclairs
Qui nous présagent un tonnerre.
AVICE
À MONSIEUR REGNAULT
STANCES, SUR LE MÊME SUJET.
>Subtil esprit, savant génie,
Qui savez comme l'on manie
L'art de profe et l'art de rimer.
souffrez que ma muSe vous die
Que votre docte Tragédie
A su celui de nous charmer.
Elle a des grâces si naïves,
Et des beautés qui sont si vives
Que c'est trop peu de l'admirer.
Et je crois ( loin de flatterie )
Que sans commettre idolâtrie,
Son seul prix est de l'adorer.
Toute l'Europe en est ravie
Quoi qu'elle pleure encor la vie
Qu'elle n'a jamais pu sauver.
Vos vers ont eu cette puissance,
Conservez donc leur livre en France
Si vous la voulez conserver.
CHOPPIN.
À MONSIEUR REGNAULT SUR SA TRAGÉDIE.
EPIGRAMME.
Quelle aimable clarté dessus notre horizon
Apporte un nouveau jour qui contente la vue ?
Quand d'un brillant soleil la terre est dépourvue
Et par la jalousie et par la trahison.
Un divin sentiment, dans la douleur nous touche,
Un astre brille ici, lorsqu'un autre se couche
Dans un fleuve de sang tristement répandu.
Car de tes doctes vers la splendeur immortelle,
Ébloui tant nos yeux d'une grâce nouvelle,
La terre troue en toi ce qu'elle avait perdu.
DU PELLETIER
À MONSIEVR REGNAULT, SUR SA REINE D'ECOSSE.
Sur une insigne cruauté
Tu bâtis un trône à ta gloire,
Et l'injuste trépas d'une rare beauté
Te place justement au temple de mémoire,
Poursuis, divin Regnault, l'Histoire des François
Et nous fais voir bientôt les généreux exploits
De cette fille magnanime ;
Hâte toi d'exposer sur un ardant autel
Cette chaste et sainte victime,
Travaillant à sa mort tu te rends immortel.
QALLEBRET
SONNET A MONSIEUR REGNAULT
On admire ta plume en son premier effort
L'Histoire de Marie étant si bien traitée,
Ta gloire en même temps par le monde portée
De la Tamise au Gange a déjà pris effort.
Ta Reine dont l'Église á regretté le sort
Est morte en Angleterre à tort persécutée,
Par tes divins écrits elle est ressuscitée,
Pour recevoir en France une seconde mort.
Ô complice innocent des rigueurs d'Isabelle !
Ce glorieux trépas rend sa soeur immortelle,
On luy doit des autels c'est la commune voie.
Il est juste et apprends de sa triste aventure
Que si l'on veut revivre à la race future
Ainsi que cette Reine il faut mourir deux fois.
SAINT GERMAIN.
ÉPIGRAMME SUR LA MARIE D'ECOSSE DE MONSIEUR REGNAULT.
Tous blâment le coup déplorable
Qui mit ta Princesse au tombeau,
Mais loin de le blâmer, je le juge louable
Puisqu'il y a fait produire un ouvrage si beau.
DE L'ISLE.
AU MÊME
Tu dépeins si bien les rigueurs
Et les maximes d'Isabelle
Que tu fais naître dans nos coeurs
De l'horreur pour cette cruelle :
Et chacun confesse tout haut
Que ta Marie à tant de charmes,
Qu'elle a plus fait verser de larmes
Au Théâtre qu'à l'échafaud.
LE COMTE.
LES PERSONNAGES
MARIE STUARD, sérénissime Reine d'Écosse et d'Irlande, douairière de France. légitime héritière d'Angleterre.
KENEDE, une de ses filles d'honneur.
LE DUC DE NORFOLK, son amant et autrefois favori d'Élisabeth.
MELVIN, Grand Maistre de la maison d'Écosse, et celui qui fait le récit de la mort de sa Reine.
LE VICOMTE DE HERRIN, seigneur écossais.
ÉLISABETH, fille naturelle de Henry VIII d'Angleterre.
LE COMTE DE MORAY, bâtard de Jacques V. Roi d'Écosse, et frère naturel de Marie.
LE COMTE DE KENT, Conseiller d'Élisabeth.
LEMARES DE SCHEROBERY, Conseiller d'Élisabeth.
LES ÉTATS D'ANGLETERRE, Conseillers d'Élisabeth.
POMPONNE DE BELLIEVRE, Ambassadeur de France et depuis Chancelier.
KILLEGRE, Capitaine des Gardes.
TROUPE D'OFFICIERs de Marie et du Duc.
AMIAS PAULET, Concierge de la Tour où est Marie.
PAGE DE LA CHAMBRE D'ÉLISABETH.
La scène est en Angleterre.
ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE.
Marie, Le Duc de Norfolk, Kenede.
MARIE.
Puisque vous désirez d'une ardeur incroyable
Voir de tant d'accidents le portrait effroyable,
En ce nouveau récit de mes vieilles douleurs
Ne me défendez pas la liberté des pleurs
5 | Je vais vous raconter d'étranges aventures ; |
L'étonnement du siècle et des races futures,
Mais qui feront frémir d'horreur et de pitié
Ceux qui conserveront un reste d'amitié,.
Sachez donc quelle fut ma première misère !
10 | Je vis presque en naissant la perte de mon père, |
Car le soleil sur moi n'avait pas fait un tour.
Lorsqu'on priva ce Roi de la clarté du jour,
Et quel horrible feu des flambeaux de la guerre
« Chassa ma mère et moi de ma natale terre,
15 | Qu'un enfant est heureux ! Lorsque dès son berceau |
L'astre de sa naissance éclaire à son tombeau,
Que le jour qu'il anime est celui qui le tue,
Et qu'il perd la lumière alors qu'il la salue,
La mort dont le seul nom nous épouvante tous
20 | Ne s'apparaît à lui que d'un visage doux, » |
Hélas qu'un pareil sort m'eut été favorable,
Cette captivité si longue et déplorable
Et mille autres malheurs où mes jours sont réduits
Ne me feraient pas voir en l'état ou je suis .
25 | Déjà sept fois les ans avaient changé les choses |
Par sept fois j'avais vu naître et mourir les roses,
Quand je restai sans mère et qu'en France je vins
Dessous d'autres climats trouver d'autres destins,
Henri second du nom, Monarque magnanime,
30 | Y fit de ma personne une si grande estime, |
Qu'il me mit sous le joug des amoureuses lois
Avec François son fils, digne sang des Valois.
Mais le sort nous trahit et la même journée
Que l'on solennisait un si bel Hyménée,
35 | Au milieu des tournois, des pompes, des festins |
Paris vit de ce Prince achever les destins.
François son successeur brillant pour disparaître
Fit mourir tôt après, l'heur qu'il m'avait fait naître
Ainsi ces deux grands Rois terminèrent leurs ans,
40 | L'un dedans son automne, l'autre en son printemps |
Lors veuve, sans enfants, je revins en ma terre
Toute sanglante encor d'une intestine guerre,
Ou, d'un second Hymen j'allumai le flambeau
Pour un Prince amoureux autant qu'il était beau
45 | Le COMTE de LENOX, doux charme de mon âme, |
Inspira dans mon coeur une seconde flamme,
Et quoi qu'un frère ingrat s'élevât contre moi
J'épousai cet amant dont je me fis un Roi.
Nous jouissions déjà d'une parfaite joie
50 | Qui filait nos plaisirs sur l'or et sur la soie, |
Déjà nous ignorions toutes sortes d'ennuis,
Nos jours duraient sans cesse, et n'avaient point de nuits,
Quand mon frère glissa, dedans la fantaisie
De mon peuple abusé par la vieille hérésie
55 | D'oublier son respect et sa fidélité |
Pour me ravir le sceptre avec la liberté.
Ce dessein m'excita des querelles civiles,
Révolta les sujets de mes meilleures villes,
Remplit toute l'Écosse de sang et d'effroi
60 | Et conjura ma perte, après celle du Roi. |
Puis ce frère, où plutôt ce traître et ce perfide
M'accusant de son crime et de son parricide
Me conduisit lui-même en ces tristes châteaux
Que le lac de Léven entoure de ses eaux. [ 1 La lac de Leven ou loch Leven situé à une vingtaine de kilomètres d'Édimbourg. Un château austère su XIVème y trône sur une petite île d'une centaine de mètres de long. Marie Stuard y séjourna en 1565 puis y fut enfermée une année dès juin 1567.]
65 | Ô que d'affreuses nuits ! D'horribles journées |
Sont depuis ce temps là dans leur cercles tournées.
Que d'images de mort effrayèrent mes yeux,.
Tandis qu'on me retint en ces funestes lieux.
À la fin, un enfant de qui Douglas est père.
70 | Sentit son jeune coeur touché de mammifère, |
Et me sollicita de m'embarquer sur l'eau
Par le moyen des clefs qu'il surprit au château.
J'approuvai son avis, j'admirai sa prudence ;
Et le priai surtout d'observer le silence
75 | M'étonnant qu'un enfant eut l'esprit assez mûr |
Pour faire élection d'un moyen qui fut sûr.
L'astre qui fait nos jours était plongé dans l'onde
Le sommeil avait clos les yeux de tout le monde.
Lorsqu'il vint m'avertir au milieu de la nuit
80 | Et déprendre la fuite et d'éviter le bruit. |
Kenede, digne objet d'éternelle mémoire
Fit lors une action toute pleine de gloire,
Elle exposa sa vie à la merci de l'eau
Et se précipita poursuivre mon vaisseau.
KENEDE.
85 | Quoi qu'en cette action j'aie été téméraire |
J'y fis bien moins encor que je ne devais faire
J'étais trop obligée à votre Majesté !
LE DUC.
Ô merveilleux effet de générosité ?
MARIE.
Étant dessus le lac, nous allons de la sorte
90 | À l'autre bord de l'onde ou le vent nous emporte |
L'Illustre de Celon (il m'en souvient toujours)
En cette occasion me prête son secours
Jure de me venger de mes justes querelles
Lève mille boucliers, pour punir des rebelles ;
95 | Et donne une bataille ou ce rare seigneur |
Par le prix de son sang rachète mon bonheur.
Ces Rebelles domptez contre mon espérance
Le conçois le dessein de retourner en France,
Mais comme nous suivons ce pays qui nous fuit
100 | Le jour nous est ravi par une horrible nuit : |
Voilà qu'un prompt éclair messager de la nue
D'une foudre prochaine annonce la venue.
Certes en ce moment nous vîmes de nos yeux
Les abîmes du monde et le centre des Cieux.
LE DUC.
105 | Hélas !... mais poursuivez. |
MARIE.
Dans ce pressant orage |
Jamais l'étonnement ne m'ôta le courage
Je demeurai constante en ces extrémités
Et j'eus le coeur plus grand que mes calamités.
Quand tous les éléments eurent fini leur guerre
110 | Lèvent me rejeta sur les bords d'Angleterre |
Et le fit à dessein parce que je voulais
Attacher un jour l'ancre aux rivages Gaulois
Alors Élisabeth cette fille d'un crime
Qui nonobstant mes droits passe pour légitime,
115 | M'envoya par Lincestre un coeur de diamant. |
D'où j'appris que le sien l'était pareillement ;
Et que les qualités de cruelle et de dure
L'avaient faite déjà de la même nature.
Mais ce récit m'ennuie, et puis vous avez su
120 | Ce que je vous dirais, que vous n'avez pas vu. |
Celui qui nombrera les arènes menues [ 2 Nombrer : Trouver le nombre de. [L]]
Que l'eau le reflux de tant d'ondes chenues
Certes celui la seule vous dira mes travaux
Et vous pourra conter le reste de mes maux[.)
LE DUC.
125 | De moi je ne crois pas que les races futures |
Prennent pour vérités de telles aventures ;
Mais vous en êtes hors, il n'y faut plus penser
Puisque s'en souvenir c'est les recommencer :
Ne parlons désormais que de notre Hyménée,
130 | Dont nous touchons ici l'adorable journée. |
MARIE.
Je crains malgré les voeux que nous en avons faits
Que les torches d'Hymen ne nous luisent jamais,
Ou qu'au lieu d'éclairer nos saintes épousailles
Elles ne fassent voir nos tristes funérailles.
135 | Barbare Élisabeth ! Qui crois n'avoir rien fait |
Si chacun de tes jours n'est marqué d'un forfait ;
Toi qui de mon Empire as la vertu bannie
Pour y faire à présent régner la tyrannie :
Si tu reçus le jour sous un tel ascendant
140 | Qu'il t'ait prédestinée à vivre en commandant. |
Tu devais exercer ta rude tyrannie
Sur la brutalité des tigres d'Hyrcanie,
Et tu ne devais pas commander aux humains,
Par ce sceptre sanglant qui dégoutte en tes mains
145 | Des tragiques effets de ton humeur altière : |
À qui mon innocence à servi de matière.
LE DUC.
Madame ce discours paraît hors de saison
Puis qu'on va terminer votre longue prison
Qu'en fin Élisabeth s'est réconciliée
150 | À votre Majesté comme à son alliée, |
Et qu'elle m'a promis d'avoir plus de douceur
Et de vivre avec vous comme avecque sa soeur.
MARIE.
Je crains qu'en me baisant sa perfidie éclate
J'appréhende sa main encor qu'elle me flatte
155 | Et je pense pour moi que quelque trahison |
Parmi ce doux breuvage à mêlé du poison.
Je connais des longtemps par expérience
Quelle est Élisabeth et sa noire science ;
Mais vous ne connaîtrez cet esprit dangereux,
160 | Qu'alors que mon amour vous rendra malheureux |
Car... et souvenez vous d'une telle pensée
Notre prospérité doit être traversée,
Et je vois un funeste et prochain accident
Qui vos jours et les miens plonge en leur occident.
165 | Cette Reine suivra la fureur qui l'anime, |
Et sa déloyauté fera gloire d'un crime,
D'un crime que jamais nos neveux ne croiront
Elle me ravira l'ornement de mon front ;
Et comme en profitant d'une civile guerre
170 | Elle usurpa jadis le trône d'Angleterre : |
Elle m'arrachera contre toutes les lois
La Couronne, la vie, et le sceptre à la fois.
LE DUC.
Ne la soupçonnez pas de tant de perfidie
L'autorité quelle a permet que l'on s'y fie :
175 | Et puis la majesté que vos pareilles ont |
Leur donne des vertus qui brillent sur son front.
MARIE.
L'autorité souvent est mère d'injustice,
Souvent la Majesté cache le front du vice
Ceux qui sont les chemins en détournent leur pas,
180 | Et ceux qui font les lois ne les observent pas. |
Craignez donc désormais si vous me voulez plaire,
D'éprouver avec moi la fortune contraire;
Ne considérez plus un sujet de douleur
Et n'ayez plus d'amour pour l'objet du malheur.
LE DUC.
185 | Que me commandez vous ? Ma lumière, mon âme ; |
Si j'ose me servir de ces noms pleins de flamme
Et si l'amour me souffre assez de libertés
Pour vous donner déjà ces belles qualités.
Voudriez vous rétracter la parole donnée
190 | En faveur de mes soins et de notre Hyménée |
Heureux grand dessein dont j'espère l'effet
Suivant le voeu commun que nous en avons fait.
MARIE.
Quel sujet avez-vous de douter de ma flamme
Puisque vous possédez la moitié de mon âme ?
195 | Quoi généreux amant soupçonnez vous ma foi ? |
Vous persuadez vous d'aimer autant que moi ?
Et voyant mon ardeur qui s'augmente et qui dure
Pouvez vous justement me faire tant d'injure ?
Hà perdez ce soupçon si vous l'avez conçu,
200 | Et réparez le tort que mon coeur à reçu[.] |
LE DUC.
Bien que vous me fassiez cette faveur insigne
Le doute du bonheur dont je me sens indigne,
Et je ne puis penser...
MARIE.
Au nom de nos amours
Mettez fin je vous prie à semblables discours.
LE DUC.
205 | Si je les répétais je serais une offense |
Et ce commandement m'impose le silence.
SCÈNE II.
Élisabeth, Le Comte de Mourray, Le Comte de Kent.
ÉLISABETH.
Vois Norfolk me trahit et le ciel à permis
Que même un favori soit de mes ennemis !
Quoi le Duc dites vous, aujourd'hui se marie
210 | sans ma permission à la Reine Marie ? |
Même loin de le taire, ou le dissimuler
Tous deux vous ont prié de m'en venir parler
Elle dit ceci tous bas à l'écart.
Ô de quelles fureurs me sens-je possédée !
Hà perfide, est-ce ainsi que ta foi m'est gardée ?
215 | Cette immuable foi ? Cette immortelle amour |
Qu'on devait conserver plus longtemps que le jour ?
Ne te souvient-il plus de ces secrètes flammes,
Ni de ces chastes noeuds qui joignaient nos deux âmes ?
Je dusse être honteuse et je dusse rougir
220 | De quoi ma passion n'a peu se mieux régir |
Ou mieux distribuer mes faveurs avancées,
Et je meurs repensant à ces choses passées :
Mais je t'empêcherai d'en pouvoir discourir,
Et j'en sais le moyen, je te ferai mourir,
225 | C'en est fait mon amour s'est changée en furie |
Elle revient devers les Comtes.
De sorte que le Duc épousera Marie,
Depuis quand l'aime-t-il ?
LE COMTE DE MORAY.
Il me souvient qu'un jour
Les États d 'Angleterre assemblèrent la Cour,
Pour faire le procès à cette Criminelle,
230 | Là tous furent pour vous, là tous furent contre elle, |
Et le Duc toutefois changea de sentiment,
De juge qu'il était devenu son amant.
ÉLISABETH.
Le parjure l'ingrat !
LE COMTE DE MORAY.
C'eut été peu de chose,
S'il n'eut fait encor plus ?
ÉLISABETH.
Hé quoi dites...
LE COMTE DE MORAY.
Je n'ose.
ÉLISABETH.
235 | Dites moi tout... |
LE COMTE DE MORAY.
Ce Duc, que vous estimiez, tant... |
Mais dois-je découvrir ce secret important ?
Oui... Madame ce Duc, ce Duc même conspire
De vous mettre au cercueil de perdre cet Empire,
D'usurper votre sceptre, et de se faire Roi
240 | En élevant ma soeur au trône ou je vous vois. |
Ayant fait arrêter son premier secrétaire
Qui de ces deux paquets était dépositaire ;
Et voyant qu'il feignait sans me rien confesser
J'ai cru que le meilleur était de le presser
245 | Et pour en découvrir la vérité sans peine |
Je l'ai fait à mes yeux appliquer à la gêne,
Ou ces mots à peu près sont sortis de sa voix,
MARIE A RÉSOLU LA PERTE DES ANGLAIS,
NORFOLK A SUSCITÉ LEs BARONS, ET CONSPIRE...
250 | Là sa parole meurt et puis lui-même expire, |
Au moins j'ai l'avantage et le contentement
D'en avoir su tirer cet éclaircissement.
LE COMTE DE KENT.
Écoutez par ma voix, la voie de la patrie [ 3 La Comte de Kent : Henry Grey (1573-1615).]
Qui pour votre salut vous conjure et vous prie
255 | De détourner plutôt ce danger apparent, |
Que de voir qu'un ruisseau devienne un jour torrent,
Et court malgré vous ou sa fureur l'emporte.
ÉLISABETH.
Hà traître ! Devais tu me tromper de la sorte ?
Et sans considérer quelle en serait la fin
260 | Devais tu concevoir cet orgueilleux dessein ? |
Je ne pus l'étouffer lorsque tu le fis naître
Mais je sais les moyens de l'empêcher de croître.
Tels crimes impunis ont causé quelquefois
La ruine et la mort des trônes et des Rois
265 | Donnez moi ces paquets, voyons, que ce peut être ? |
Elle lit la souscription d'une lettre supposée de Marie.
AU COMTE D ARONDEL, AU COMTE DE GLOUCESTER.
Voila déjà des noms que l'on n'aurait pas mis
S'ils n'eussent point été ceux de mes ennemis.
Elle l'ouvre et lit.
Si pour me secourir vous concevez l'audace
270 | De vaincre Élisabeth qui cause mon malheur, |
Et si par vos moyens je sors de cette place
Vous en aurez une en mon coeur.
Marie...
Ô criminelle ô perfide alliée
J'avais déjà pour toi ma colère oubliée,
275 | Mais voyons les secrets de cet autre papier, |
Dont le titre est semblable à celui du premier.
Elle lit la fausse lettre du Duc.
VOus savez la misère et l'état déplorable
Où Marie à présent voit réduire son sort
Et comme Élisabeth, étant inexorable
280 | Elle n'attend plus que la mort. |
Que de compassion vos âmes affligées
Ressentent quelques maux de ceux qu'elle a soufferts,
Et qu'un jour par vos mains ses mains soient soulagées
Du pesant fardeau de leur fers.
285 | Norfolk ...... |
À ce rapport, il faut que je me fie, |
Mes yeux sont les témoins de cette perfidie
Oui voilà le cachet de ce lâche seigneur.
LE COMTE DE MORAY.
Et voici l'écriture et le seing de ma soeur[.]
ÉLISABETH, ayant resserré les lettres.
Inventons un tourment qui leur soit équitable,
290 | Une punition horrible, épouvantable, |
Qui laisse on triste exemple à la postérité,
De haine de justice de sévérité.
Je veux que l'on immole à ma juste furie
Et le Duc de Nolfoc et la Reine Marie,
295 | Efforcez vous de plaire à cette passion |
Et les sacrifiez à mon ambition ;
Satisfaites en tout à ma colère extrême
Donnez leur deux bandeaux au lieu d'un diadème,
Et pour les élever en un degré plus haut
300 | Dressez dessus leur trône un sanglant échafaud, |
Nous... Imitons les faits d'Hérode es de Tibère,
Et s'il se peut encor surpassons notre père ;
Perdons une Princesse avec un favori,
Et par là paressons la fille de Henry.
LE COMTE DE KENT.
305 | Par là vos actions dignement s'éternisent, |
Et tous vos faits en un par là s'immortalisent,
Achevant cet ouvrage il faut que vous voyez
La Fortune en vos mains, et l'envie à vos pieds.
SCÈNE III.
Le Comte de Mourray, Le Comte de Kent.
LE COMTE DE MORAY.
L'Art n'a jamais si bien imité la nature
310 | Que l'on a contrefait cette double écriture, |
Marie et son amant travailleront en vain,
Pour se mettre à couvert des traits de notre main.
LE COMTE DE KENT.
Il semble que le Ciel favorise ce crime,
Et je doute déjà qu'il ne soit légitime,
315 | Tous succède à vos voeux, tout rit à vos desseins. |
LE COMTE DE MORAY.
Le sceptre de ma soeur va tomber en mes mains,
Et je ferai bientôt (orné de sa Couronne)
Un pas de son tombeau pour monter sur son trône,
Il est vrai que je faux je ne le puis nier
320 | Mais ma faute pourtant se peut justifier, |
Car quoi que ce projet paraisse illégitime
« C'est être vertueux que de faire un beau crime
Et le doux nom de Roi ne saurait trop coûter
Quand par un sacrilège on devrait l'acheter. »
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRE.
LE DUC DE NORFOLK, à soi-même.
325 | Quel triste Démon ennemi de la joie |
Et jaloux du bonheur que l'amour nous envoie,
M'oblige de rêver ?
LE CAPITAINE DES GARDES.
La Reine Élisabeth,
Vous mande MonSeigneur .....
LE DUC.
Ou ?
LE CAPITAINE DES GARDES.
Dans le Cabinet,
Mais Si je ne me trompe elle-même s'avance.
LE DUC, tout bas.
330 | D'on vient qu'a son aspect je manque d'assurance, |
Un secret mouVement me donne de l'effroi
Je crains de l'aborder et je ne sais pourquoi.
SCÈNE II.
Élisabeth, Le Duc de Norfolk.
ÉLISABETH.
Je vous ai dit cent fois que je serais contente,
De pouvoir achever le projet que je tente,
335 | Et d'augmenter l'éclat que le ciel ma donné |
Aux dépens d'un Royaume d'un front couronné
Mon âme qui languit ne peut être guérie,
Que par l'heureux succès de la mort de Marie,
Moi devant qui des Rois se sont humiliés
340 | Je foulerai sa tête à mes superbes pieds. |
Son crime est assez grand d'avoir su nous déplaire,
Éteignons la clarté du flambeau qui l'éclaire
Contre elle employons tout, jusqu'à la cruauté
Ravissons lui le jour qu'elle nous eut ôté
345 | Pour empêcher un mal commettons en un autre |
Et répandons son sang pour conserver le nôtre.
Vous de qui le Conseil et la fidélité,
Ne forment de desseins qu'à mon utilité
Cher Duc conseillez-moi que faut il que je fasse,
350 | Dois-je lui refuser, ou lui donner sa grâce. |
LE DUC DE NORFOLK, à l'écart.
Il faut adroitement répondre à ses discours
Car sans doute le Comte à trahi nos amours.
Hà qu'attentivement son oeil me considère !
Madame mon esprit n'est pas si téméraire.
355 | Que de songer jamais à vous donner conseil |
Ce serait présenter la lumière au soleil ;
Que votre majesté de cela me dispense
Je crains que mes avis choquent votre prudence.
ÉLISABETH.
Je veux absolument...
LE COMTE.
Bien donc je vais parler,
360 | Plus pour vous obéir que pour vous conseiller |
Je ne puis concevoir Madame, qu'une Reine
Ait pour une Princesse une si forte haine,
Qu'aspirant avec elle a de mêmes honneurs
Vous ayez toutefois de contraires humeurs
365 | Il le faut avouer ce prodige m'étonne, |
Et sans favoriser le parti de personne :
Je dis que la douceur a bien souvent fait voir
Des ennemis rangés aux termes du devoir ;
C'est un céleste aimant qui sans aucune peine
370 | Attire à soi les cours d'une invisible chaîne. |
ÉLISABETH.
La Maison de Henry, la race d'Édouard
S'opposent des longtemps à celle de Stuard,
C'est l'ancienne erreur d'une immortelle haine
Qui nous tourne en nature avec si peu de peine
375 | Que sans avoir d'horreur des maux qu'elle nous fait |
Nous la suçons toujours aussitôt que le lait ;
Tellement que delà proviennent en partie
Cette dissension et cette antipathie.
Outre que la raison m'oblige de haïr
380 | Celle qui chaque jour conspire à me trahir, |
Et celle dont la faute est encor si récente
Que la même vertu veut que je m'en ressente.
LE DUC.
Hà Madame épargnez en elle votre sang
Et ne meurtrissez pas celles de votre rang,
385 | Car quand cette Princesse après vous sans seconde, |
Aurait enfin commis tous les crimes du monde.
Le respect de ces noms de Reines et de Rois
La soustrairait toujours à la rigueur des lois.
Lorsqu'un grand à failli Dieu seul fait son supplice,
390 | Il s'en réserve seul à lui seul la justice, |
Il abaisse ce grand qu'il avait élevé.
Et détruit ce chef d 'oeuvre ou son nom est gravé.
Les Reines et les Rois ses vivantes images
Et de ses dignes mains adorables ouvrages
395 | Ne se doivent punir que par ses propres mains, |
Et fussent ils le crime l'horreur des humains.
De sorte qu'à présent vous voyez que Marie
Pour le salut de qui, toute l'Europe crie,
Et dont l'esprit divin vous donne du soupçon
400 | N'est votre inférieure en aucune façon |
Et qu'étant absolue autant que sage et belle
Elle dépend de vous ; aussi peu que vous d'elle.
ÉLISABETH.
N'importe j'userai de mon autorité !
Et ne la tiendrai point en d'autre qualité
405 | Que d'une prisonnière et d'une criminelle. |
LE DUC, tout bas.
Vos crimes seulement vous la font juger telle.
ÉLISABETH.
Encor qu'elle soit Reine il semble toutefois,
Qu'elle soit ma sujette, et soumise à mes lois
Un instinct que je sens et que je ne puis dire
410 | Me donne dessus elle un naturel empire |
Et comme sa prison la porte à me haïr
Un mouvement secret m'oblige à la trahir.
Mais il faut que sa mort paraisse légitime.
LE DUC, tout bas.
Énorme sacrilège ! Épouvantable crime !
415 | Que tu feras parler les théâtres de nous ! |
ÉLISABETH.
Duc, qui vous rend si triste, et que murmurez vous.
LE DUC.
Je diSAis ce qu'un jour les nations étranges
Pourront dire de vous au lieu de vos louanges
Lorsqu'ils raconteront cette histoire aux neveux
420 | Et ces neveux encore à ceux qui naîtront d'eux |
Rendant votre mémoire à chacun odieuse,
Au lieu que vous pouvez la rendre glorieuse
En ôtant des ce jour aux siècles à venir,
Le funeste sujet de s'en entretenir,
425 | Les Rois qu'un monde entier de peuples idolâtre, |
Sont regardés du trône ainsi que d'un théâtre,
Comme ils sont élevés ils en sont plutôt vus
Par leur propres rayons leurs défauts sont connus.
Je sais bien que je parle avec trop de licence
430 | Mais votre Majesté m'en donne la puissance. |
Donc par le sacré nom que portait votre soeur
Laissez vivre en repos cet objet du malheur.
ÉLISABETH.
Il faudrait pour cela qu'à présent j'ignorasse
Quelle est son entreprise quelle est son audace,
435 | Elle veut m'arracher la Couronne du front |
Et se sert du pouvoir que mes ennemis ont,
Voyez ce qu'elle écrit afin de me déplaire
Au Comte d 'Arondel mon plus grand adversaire,
Elle lui montre la fausse lettre de Marie et dit à l'écart.
Il pâlit, Il rougit.
LE DUC.
Que voyez-vous mes yeux.
ÉLISABETH, tout bas.
440 | Hà qu'il feint bien le traître ! |
LE DUC.
Ô vie, ô terre, ô Cieux ! |
ÉLISABETH.
Que pourra-t-il répondre par quelle imposture...
LE DUC, ayant lu.
Voilà son cachet même et sa même écriture .
Mais puissai-je à vos yeux périr présentement,
Si cela ne s'est fait par un enchantement ;
445 | Ou par le noir effet de quelque perfidie, |
C'est ce que le soupçon me permet que j'en die,
Je connais son esprit il est trop généreux
Pour avoir entrepris rien de si dangereux,
Je ne le saurais croire et je m'ose promettre
450 | Que d'autres que Marie ont écrit cette lettre, |
Est-il croyable aussi qu'elle eut jamais commis
À ces Comtes ingrats ses mortels ennemis,
L'espoir qui lui restait ; et puis se fut jetée
Entre les mêmes mains qui l'ont si mal traitée,
455 | Il n'est pas vraisemblable et si je le comprends |
Madame assurément cela choque le sens.
Non, elle n'a point eu cette damnable envie
Et je le soutiendrais au péril dé ma vie.
ÉLISABETH.
Je vois bien que le Duc est son adorateur
460 | Et que son ennemi devient son orateur, |
Quoi qui me conseillait, ici me dissuade
Sans doute votre esprit est devenu malade,
Vous m'étiez autrefois fidèle confident
D'où vient qu'à me servir vous êtes moins ardent ?
465 | Aimez vous sa beauté ? |
LE DUC.
J'aime son innocence |
Encor que sa prison ait borné sa puissance,
Et n'ai pourtant conçu pour elle d'amitié
Que par la bienveillance et que par la pitié.
ÉLISABETH.
Vos discours ce me semble ont trop de violence
470 | Pour n'être les enfants que de la bienveillance |
Et vous la défendez, avec trop d'action
Pour n'avoir pas pour elle un peu de passion
Donc en me l'avouant quittez là cette feinte :
Contez moi vos amours et sans honte et sans crainte,
475 | Et loin de perdre en vain des propos superflus |
Puisque j'ai tout appris ne me le celez plus.
Confessez d'avoir fait, en aimant cette Reine
L'objet de votre amour du sujet de ma haine.
LE DUC.
Ce n'est pas mon dessein de vous cacher ici
480 | Qu'elle m'aime Madame et que je l'aime aussi, |
L'hymen à déjà mis sa main dedans la mienne
Elle a reçu ma foi quand j'ai reçu la sienne,
Et le Duc de Lincestre avant que de partir
M'avait promis hier de vous en avertir.
485 | Car c'eut été pécher que de ne vous pas dire |
Que c'est pour ce bel oeil que mon âme soupire.
Je ne le puis celer ; lorsqu'en plein Parlement
Afin d'exécuter votre commandement
Je fis de vos États une entière assemblée
490 | En jugeant son procès j'eus l'âme un peu troublée |
Un divin mouvement se forma dans mon sein
Et me porta l'esprit à changer de dessein
J'eus plus de conscience et moins d'effronterie
Que d'accuser à faux l'innocente Marie,
495 | Et pour donner contre elle un passage à ma voix |
Trois fois j'ouvris la bouche et la fermai trois fois,
Enfin continuant l'erreur que j'avais faite
Ma bouche devint sèche et ma langue muette
Chaque juge pour lors s'osa licencier
500 | En même temps que moi de la justifier. |
ÉLISABETH.
Infidèle ! Ainsi donc je serai méprisée
Et mes faveurs ainsi tourneront en risée,
Faveurs, dignes d'un Dieu, que tu reçus de moi
Lorsque je te fis Duc pour te faire après Roi.
505 | Est-ce là ce devoir d'éternelle durée |
Et la fidélité que tu m'avais jurée
Quoi rompant l'ordre exprès que je t'avais commis
Écrire pour Marie à tous mes ennemis,
Ha cette trahison ou ta fureur préside
510 | Te rendra malheureux de même que perfide, |
Mais pour t'ôter le temps de contester en vain
Reconnais cette lettre, elle vient de ta main.
Elle lui montre sa fausse lettre.
LE DUC, voyant son écrit contrefait :
Tu sais mon innocence et vois cette imposture
Grand Dieu...
ÉLISABETH.
Non, non, mes yeux voient ton écriture
515 | Et ne sont à présent que trop bien informés |
De qui viennent ces traits, ta main les a formés.
LE DUC.
Si vous m'aviez ouï...
ÉLISABETH.
Que me pourrais-tu dire
afin de me fléchir ou bien de me séduire.
LE DUC.
Je veux être puni d'un tourment éternel
520 | Si j'ai tracé ces mots, si j'en suis criminel. |
ÉLISABETH.
La crainte du danger ou ta faute te plonge
Te va faire déjà recourir au mensonge,
Mais je n'aurai jamais de créance en ta vois
Pour n'être pas trompée une seconde fois,
525 | Cette lettre est de toi, j'en ai fait la lecture |
Et je l'ai confrontée avec ton écriture.
LE DUC.
Madame que le feu du céleste courroux
Consomme cette main qui la tient devant vous
Si j'ai...
ÉLISABETH, sortant en colère.
Je ne crois point ceux qui m'ont outragée ;
530 | Mais je ne mourrai pas ou j'en mourrai vengée. |
LE DUC, l'arrêtant à genoux.
Quoi sans m'avoir permis de me justifier
Sans me montrer ma faute la vérifier,
Sur de simples soupçons m'ordonner un supplice
Consultez en au moins un peu votre justice ;
535 | Vous remettant aux yeux la suite de mes jours |
Voyez y quel je fus : et quel je suis toujours
Ou bien j'appellerai devant votre clémence
Du rigoureux arrêt de votre véhémence.
Mesurez donc ma faute à de meilleurs compas
540 | Et devant que m'ouïr ne me condamne pas. |
Élisabeth rentre et lui échappe.
SCÈNE III.
LE DUC, demeuré seul.
La cruelle s'enfuit après sa perfidie
Sus ! Devenons l'auteur de quelque tragédie,
Faisons lui dire vrai... qu'en ce triste accident.
Elle paraisse juste au moins, en me perdant ;
545 | Laissons à cette ingrate un sujet raisonnable : |
Qui donne une couleur à son dessein damnable
Ruinons ce pays de l'un à l'autre bout,
Allumons un brasier qui le consomme tout,
Aimons les ennemis de l'État d 'Angleterre
550 | Aujourd'hui faisons naître une immortelle guerre; |
Puisqu'on nous hait ici courons à l'étranger
Enfin n'épargnons rien qui nous puisse venger.
Bientôt Élisabeth sera sans diadème
Et bientôt sa grandeur périra par soi-même,
555 | Le sort qui l'éleva la fera trébucher |
Et son Palais Royal deviendra son bûcher.
Londres sera détruite et le reste de l'île
Perdra les qualités d'heureux et de fertile,
Et la Tamise on jour surpassera ses bords
560 | Parles pleurs des vivants et par le sang des morts : |
L'Angleterre verra de nouvelles misères
Et meurtrir devant soi ses enfants et ses pères,
Tout sera si changé que ses yeux ébahis
La rendront étrangère en son propre pays.
565 | Sus donques repoussons le crime par le crime |
N'ayons aucun respect pour aucune maxime
Et faisons retourner ce perfide attentat,
Et contre Élisabeth et contre son État.
Je parle de vengeance et peut-être à cette heure
570 | La Reine à résolu dans son coeur que je meure, |
Mais si hors du Palais je puis faire un seul pas
Tout le peuple pour moi ne s'épargnera pas
Et tous mes ennemis sentiront sa furie.
Cependant racontons à la Reine Marie
575 | Que Lincestre et Mourray trahissent nos amours, |
Et c'est si la fureur nous permet le discours.
SCÈNE IV.
Élisabeth, Le Comte de Mourray, Le Comte de Kent.
ÉLISABETH.
Oui Comte, j'y consens, perdez-le pour me plaire
Je veux qu'il soit puni d'une mort exemplaire.
Acceptez aujourd'hui cette commission
580 | Et vous en acquittez avec discrétion, |
Rendant à mes États sa faute si palpable
Qu'enfin on le condamne innocent ou coupable.
Elle dit ceci à l'écart tout bas.
Mais ferai je périr ce Duc tant estimé
Et romprai je un chef d 'oeuvre après l'avoir aimé,
585 | Raserai je ce Temple ? Enfin ferai je abattre |
Cet adorable autel dont je fus idolâtre ?
Hà non certes mon coeur est bien moins animé
Contre l'objet divin dont il était charmé,
L'amour veut que je l'aime que je lui pardonne
590 | Et s'offense déjà de quoi je le soupçonne |
Je lui pardonne donc, peut être le dessein
Qu'il avait contre moi sortira de son sein.
LE COMTE DE MORAY.
Quoi votre Majesté devient irrésolue
Et rétracte une chose après l'avoir conclue
595 | Il faut être plus ferme en votre passion |
Et donner davantage à notre opinion.
L'entreprise du Duc n'est pas exécutée
Mais il a trop failli de l'avoir projeté,
C'est un crime commis qu'un crime propose
600 | C'est l'avoir déjà fait que de l'avoir osé, |
Et tel que soit le Duc on peut lire en son âme
Qu'il voudrait voir déjà votre palais en flamme,
Empêchez ce malheur qui n'est pas arrivé
Devant que le projet en soit parachevé.
LE COMTE DE KENT.
605 | Souffrez que je vous die que je vous assure |
Que l'Angleterre un jour souffrira plus d'injure
Que n'ont reçu d'honneur tant d'illustres guerriers
Qui de lys couronnés se firent des lauriers.
S'il faut que votre État par vos bontés périsse,
610 | Ce que le Ciel empêche en faisant qu'il fleurisse, |
Et s'il faut qu'en sauvant ce Prince criminel
Vous attiriez sur nous un malheur éternel.
ÉLISABETH.
Ordonnant son trépas je me saigne dans l'âme
Si j'en permets l'effet j'en souffrirai le blâme
615 | Outre qu'en ce projet rempli d'ambition |
Je crains, justement, une sédition.
LE COMTE DE MORAY.
Il est vrai que le peuple est assez redoutable
Tout cède à la fureur de ce monstre indomptable,
Et je ne sais que trop qu'il peut se soulever
620 | Et rompre ce dessein au lieu de l'approuver; |
Mais nous l'entreprendrons de puissance absolue
Si votre Majesté s'y trouve résolue,
Les plus séditieux en cette extrémité
Deviendront partisans de votre volonté ;
625 | Et tous les Citoyens nous prêteront main forte |
Apprenants que leur Reine à ce dessein nous porte
Voilà le seul moyen de vivre et de régner
Votre propre intérêt devait vous l'enseigner,
Par lui vous recevrez l'obéissance due
630 | Et par lui désormais vous serez absolue. |
LE COMTE DE KENT.
Nous mettrons à l'effet votre commandement.
ÉLISABETH.
Ne précipitez rien, hâtez vous, lentement.
Car si la mort du Duc paraît injurieuse,
Il faudra que la cause en soit plus spécieuse.
SCÈNE V.
Marie, Le Duc de Norfolk.
LE DUC.
635 | Vous voulez que je souffre un si Cruel affront, |
Qui m'imprime à jamais la honte sur le front
Sans témoigner ici combien il m'est sensible,
Ha ! Vous me commandez une chose impossible
Madame, je crains fort qu'en cette extrémité
640 | Je ne puisse obéir à votre majesté. |
MARIE.
Vous verrez les desseins d'eux mêmes se détruire
De cette Élisabeth qui s'efforce à vous nuire,
Un cours si violent ne pourra pas durer,
Pour l'empêcher de croître on le doit endurer.
645 | Laissez couler ces eaux afin qu'elles tarissent |
Et souffrez ces excès il faudra qu'ils finissent.
Donc, sans vous ressentir de ce commun affront
Qui de même qu'à vous me fait rougir le front
Si j'ai sur votre esprit encor quelque puissance,
650 | Qu'elle paraisse ici dans votre obéissance. |
LE DUC.
Vos désirs sont les miens, tant que je vivrai....
Mais de quel bruit confus retentit le degré ?
SCÈNE VI.
Marie, Le Duc de Norfolk, Kenede.
KENEDE.
Sauvez vous Monseigneur voici venir le Comte,
MARIE.
Quoi le Comte mon frère ?
KENEDE.
Oui le voici qui monte.
LE DUC.
655 | Hà Ciel je suis perdu[.] |
KENEDE.
Même il s'ose vanter |
Qu'il ne vient en ces lieux que pour vous arrêter.
Et déjà les Barons pour complaire à leur Reine
S'assemblent là-dessus dans la salle prochaine.
Je vous en avertis sauvez vous promptement,
660 | Et venez vous cacher dans notre appartement. |
MARIE.
Approuvez cet avis.
LE DUC.
Je ne suis pas si lâche,
Non il n'est pas besoin que l'innocent se cache,
Je ne crains point de mal n'en ayant jamais fait,
Et mon coeur est exempt de peur et de forfait,
665 | Qui fuit devant son juge est de faute capable, |
Qui se cache s'accuse, et qui craint est coupable.
Allons plutôt lui mettre un poignard dans le sein.
MARIE.
Ou perdez nous tous deux, ou perdez ce dessein,
Prouvez moi votre amour par votre retenue,
670 | Que votre obéissance enfin me soit connue ; |
N'avancez point ma mort voulant me conserver,
Et ne vous perdez point afin de me sauver :
Ce serait attiser encor plus cette braise,
Et d'une juste cause en faire une mauvaise.
LE DUC.
675 | Ma générosité cède donc à l'amour. |
Je veux vous obéir jusqu'à mon dernier jour.
SCÈNE VII.
Marie, Le Duc de Norfolk, Kenede, Le Comte de Moray, Killegre avec ses Gardes.
MARIE, à Kenede.
Ne vous éloignez point.
LE COMTE DE MORAY, au Capitaine des Gardes.
Ne sont ils pas ensemble ? [ 4 Le Comte de Moray : James Stuart (1531-1570). Demi-frère de Marie Stuard et régent d'Écosse de 1567 à 1570.]
MARIE.
Aujourd'hui dessus nous tout le malheur s'assemble
LE DUC.
Madame si je crains je ne crains que pour vous,
680 | Mais le sort va tomber le Comte vient à nous, |
Ferai je à ce perfide un accueil honorable ?
LE COMTE DE MORAY, les saluant.
Le Ciel vous soit propice ?
LE DUC, négligemment.
Et vous soit favorable.
LE COMTE DE MORAY.
Vous visitez souvent la Reine notre soeur.
LE DUC.
Il est vrai que souvent je reçois cet honneur
685 | Mais c'est dessous l'aveu d'un futur Hyménée, |
Et la permission que vous m'avez donnée
De me joindre avec vous par son affinité
Que je viens adorer cette divinité.
LE COMTE DE MORAY.
Ne vous souvient il plus de ce qu'à dit la Reine,
690 | Touchant certains écris dont elle est sort en peine. |
LE DUC.
Que la Reine jamais, ne me souffre à ses yeux.
Qu'elle invoque sur moi la justice des Cieux ;
Qu'à ses sévérités, je serve de victime
Si mon coeur fut jamais coupable d'aucun crime,
695 | Si rien que la vertu le rendit amoureux. |
S'il ne lui fut fidèle autant que généreux.
Ou s'il conçut jamais une seule pensée...
LE COMTE DE MORAY.
Je sais comme en tous points l'affaire s'est passée.
MARIE.
Mon frère (Et toutefois m'eSt il encor permis)
700 | D'appeler de la SOrte un de mes ennemis, |
Soupçonnez vous le Duc d'une action si lâche ?
LE COMTE DE MORAY.
Et ce que je veux bien que tout le monde sache,
Outre qu'il m'est suspect, je vous soupçonne aussi.
MARIE.
Je sais que dès longtemps vous me traitez ainsi,
705 | Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous m'êtes contraire |
Cela me fait douter que vous soyez, mon frère,
Mais peut-être qu'un jour on verra de tout point
L'innocence.
LE COMTE DE MORAY.
Achevez.
MARIE.
Non, je n'achève point.
KILLEGRE, Capitaine des gardes s'approchant du Duc.
Monseigneur je vous fais, avec beaucoup de peine.
LE DUC.
710 | Tu me fais... |
KILLEGRE.
Je vous fais prisonnier de la Reine. |
Ne vous défendez point.
LE DUC, Tire son épée.
Toi-même défends toi.
KILLEGRE.
J'ai plus de peur pour vous que je n'en ai pour moi.
LE COMTE DE MORAY.
Duc, Rendez lui l'épée.
LE DUC.
Il faut que je la rende.
À sa Majesté même.
MARIE.
Hélas que j'appréhende.
LE DUC, étant saisi on lui ôte l'épée.
715 | Mais je manque de force et non pas de valeur, |
Ces traîtres se sont joins avecque mon malheur,
Ô funeste surprise ! Ô déplorable chose !
Ô malheureux effet d'une divine cause !
Présages trop certains ! Trop mal reconnus !
720 | Oracles de mon sort ? Que ne vous ai-je crus ? |
MARIE.
Hà prince infortuné je meurs lors que je songe
À l'abîme des maux ou mon amour vous plonge
LE DUC.
J'adorerais mes fers, mes maux me seraient doux
Et je les chérirais puisqu'ils viennent de vous
725 | Mais je crains... |
MARIE.
Quoi ? |
LE DUC.
Je crains que la mort nous sépare[.] |
MARIE.
Une pareille peur de mon âme s'empare,
Au moins nous nous joindrons par un hymen nouveau
Dans le lit nuptial ou bien dans le tombeau;
Et j'espère du Ciel cette cruelle grâce.
LE DUC.
730 | Souffrez que je vous quitte et que je vous embrasse |
C'est peut être aujourd'hui pour la dernière fois.
MARIE.
La douleur me saisit et m'empêche la voix.
ACTE III
SCÈNE PREMIÈRE.
Le Duc de Norfolk, Le Capitaine des Gardes, Le Duc.
LE DUC.
Où font ils assemblés ?
LE CAPITAINE.
Dans la chambre prochaine.
Vous plaît il d'y venir, ou que je vous y mène,
735 | Car les Barons Anglais ..... |
LE DUC.
Marche, je suis tes pas |
Fais seulement ta charge et ne me parle pas.
SCÈNE II.
Le Comte de Moray, Le Comte de Kent, Le Vicomte de Herrin, Le Maréchal de Sherobery, Les États tous en rang.
LE COMTE DE MORAY, préside et s'étant levé dit.
Vénérables états, devant vous je proteste
Eti appelle à témoin la justice céleste,
Que si je prends ici cette commission
740 | C'est par obéissance et non par passion. |
LES ÉTATS.
Ce discours nous offense et cette excuse est vaine
Nous ne murmurons point du choix qu'à fait la Reine,
Et nous connaissons trop quelle est votre équité
Pour ne pas déférer à son autorité.
LE DUC, devant les Juges.
745 | Si parmi vous vivait cette ancienne Astrée |
De nos premiers aïeux chastement révérée,
Ou si la vérité vierge fille des ans
Gardait encor ici ses rayons éclatants.
Je pourrais espérer la fin de mes misères
750 | Ayant pour me juger des hommes très sévères, |
Mais que leur jugement me doit donner d'effroi
Puis qu'en eux ces vertus sont éteintes pour moi
Comment aurai-je aussi ni grâce ni refuge
Si mon accusateur est mon souverain juge
755 | Et puisque Élisabeth a tout exprès commis |
Pour me charger de faits mes autres ennemis.
Je me soumets pourtant à leur décret auguste
Encore que l'effet n'en puisse être qu'injuste.
LE VICOMTE DE HERRIN.
Je suis pour l'innocence et le Ciel m'est témoin
760 | Que j'ai de la justice un particulier soin ; |
Je vous le fis paraître au procès de Marie
Sa dernière espérance était déjà périe
Quand l'entrepris sa cause et généreusement
Remis en sa faveur l'ordre du jugement.
765 | Sous le faix des ennuis cette Reine accablée |
N'attendait que la mort après notre assemblée
Déjà les Puritains et les Luthériens
Recouraient pour la perdre aux extrêmes moyens
Mais contre son espoir et contre leur attente
770 | Je la leur fis à tous déclarer innocente. |
LE DUC.
Hélas il m'en souvient cette Princesse aussi
Était au même état ou l'on me voit ici,
Sa soeur qui désirait la rendre criminelle
M'avait sollicité de déposer contre elle
775 | Jurant de satisfaire à mon ambition |
Et d'augmenter l'éclat de ma condition.
Hà ! Si j'eusse écouté cette cruelle Reine
Mon innocence ici ne serait pas en peine,
Et celui qu'on à vu sur un trône si haut
780 | Ne craindrait pas l'horreur d'un funeste échafaud. |
Au reste je parais devant mon homicide
Coupable seulement de n'être pas perfide,
Je me dois estimer bienheureux en ce point
Que ma plus grande faute est de n'en avoir point,
785 | Et je puis me vanter qu'Élisabeth s'anime , |
Du crime que j'ai fait d'avoir vécu sans crime,
Car puisque ma vertu l'avait bien su fâcher
Afin de lui complaire il me fallait pécher.
Mais mon âme est Royale ne fut jamais lâche
790 | Jusqu'à fouiller mes jours d'une pareille tache |
Jusqu'à perdre par là le nom de généreux
Et me rendre cruel pour devenir heureux.
Ce serait sans avoir ni courage ni honte
Vivre en l'impiété de même que le Comte,
795 | Qui fait gloire de perdre une adorable soeur |
Pour être de ses biens injuste possesseur.
LE COMTE DE MORAY.
Brisez là ce discours, tâchez de répondre
Aux accuSations dont je vais vous confondre.
Je [dis] premièrement que votre ambition
800 | A suscité le peuple à la sédition. |
Que vous avez prié de réveiller la guerre
Les ennemis jurés de l'État d'Angleterre.
Je vous accuse encor avec juste raison
D'avoir contre la Reine employé du poison.
805 | D'avoir écrit souvent au Comte de Glocestre ? |
LE DUC.
Crimes qui ne sont pas et qui ne peuvent être.
Hà seigneur tu le sais toi qui lis dans mon coeur !
Mais dois-je plus longtemps souffrir cet imposteur[.]
LE MARÉCHAL DE SHEROBERY.
Il est déjà confus...
LE COMTE DE KENT.
Écoutons je vous prie[.]
LE COMTE DE MORAY, continue.
810 | D'avoir prêté main forte à la Reine Marie |
Et fait lever des gens exprès à ce dessein
Qu'un amour furieux vous mettait dans le sein.
LE DUC.
Ce fut votre parole en qui j'eus confiance
Qui me fit espérer son illustre alliance
815 | Et vous avez vous-même allumé le flambeau |
Qui peut être joindra deux moitiés au tombeau :
Mais pour mieux établir vos sanglantes maximes
Il n'était pas besoin de supposer ces crimes
Vous deviez seulement me condamner à mort
820 | Puisque l'on vous a fait le maître de mon sort. |
LE COMTE DE MORAY.
Vous ne répondez pas...
LE DUC.
Faut il que je réponde
Après la plus énorme imposture du monde ?
Oui Comte mes forfaits méritent le trépas
Et j'en ai tant commis qu'il ne m'en souvient pas.
LE COMTE DE MORAY.
825 | Voyez, sans y penser il confesse sa faute[.] |
LE COMTE DE KENT.
Nous l'avons trop ouï ? Capitaine qu'on l'ôte[.]
LE COMTE DE MORAY.
Éloigne-le de nous, afin que promptement
Je puisse prononcer un dernier jugement[.]
LE DUC.
Inique jugement ! Qui vous sera funeste
830 | Si Dieu préside encor sur le trône céleste. |
Écoutez cependant quel sera votre sort
Ma perte vous perdra, vous mourrez par ma mort
Cent têtes renaîtront d'une tête coupée
La vôtre tombera la mienne étant frappée
835 | Et le glaive du Ciel juste effroi des méchants |
Fera passer vos jours par les mêmes tranchants.
Voilà votre destin que j'ose vous prédire.
LE COMTE DE MORAY.
Il a perdu le sens, il faut le laisser dire.
SCÈNE III.
Le Comte de Moray, Le Comte de Kent, les États, Le Maréchal de Sherobery, Le Vicomte de Herrin, Les États.
LES ÉTATS, se lèvent.
COmte nous sommes prêts de vous donner nos voix.
LE COMTE DE MORAY.
Va aux opinions.
840 | Pour le juger à mort il suffira de trois. |
LE VICOMTE DE HERRIN.
Ô déplorable Prince encor plus déplorable
Que pour sauver autrui tu te rends misérable
Misérable au contraire un sort jamais plus beau
Ne pouvait préserver ta gloire du tombeau.
LE MARÉCHAL DE SHEROBERY.
845 | On attend votre voix. |
LE VICOMTE DE HERRIN.
Je n'y saurais conclure, |
Sans doute la justice, y souffre trop d'injure.
Le Duc est innocent.
LE COMTE DE MORAY.
Si cela vous déplaît
Le ne laisserai pas de prononcer l'arrêt
Il se rassied et parle.
Puisque tous les États le trouvent légitime
850 | J'ordonne que son sang lave aujourd'hui son crime. |
LE VICOMTE DE HERRIN.
Ha Comte cette plaie est pour durer longtemps.
Les peuples qui l'aimaient en seront mécontents.
Cette exécution est un peu tyrannique
Et je prenais de là quelque accident tragique.
855 | Et ce coup qu'à vos mains malgré moi je permets, |
Dessus nos successeurs doit saigner à jamais.
SCÈNE IV.
Le Duc de Norfolk, ses domestiques, Le Capitaine des Gardes.
LE DUC.
Donc il faudra qu'un jour nos neveux pleins de gloire
Trouvant de mes malheurs la déplorable histoire
Afin de me troubler encor dans le tombeau.
860 | Lisent, ce Duc mourut par la main d'un bourreau : |
Ne suis-je descendu de tant d'illustres Princes
Qui tinrent sous leurs lois mille grandes Provinces,
Et n'ai-je pris naissance en un degré si haut
Que pour perdre le jour dessus un échafaud.
865 | Quoi donc ne m'a t'on vu second Mars à la guerre |
Protéger la grandeur de l'état d'Angleterre,
Qu'afin qu'Élisabeth jalouse de mon bien
Versât après, mon sang qui défendit le sien,
Ha triste récompense, ! Ha désespoir ! Ha ! Honte :
870 | C'en est fait à ce coup la douleur me surmonte. |
À ses domestiques.
Au moins vous qui jadis fûtes mes officiers
Déplorables témoins de mes regrets derniers
Si vous gardez encor à servir votre maître
Cette ardeur qu'autrefois vous lui faisiez paraître
875 | Ou si quelqu'un de vous par inclination, |
Conserve encor pour moi la moindre affection,
Qu'il m'assiste au besoin et que dessous sa lame
Je rende entre ses bras le sang avecque l'âme
Quoi lâches vous n'osez ! Ô cruelle pitié !
880 | Ô service infidèle ! Ô funeste amitié ! |
LE CAPITAINE DES GARDES.
Monsieur on nous attend songez à vous résoudre.
LE DUC.
Ha Ciel si j'expirais sous les coups de ta foudre !
Terre si tu m'ouvrais ton flanc dessous mes pas ?
Je serais glorieux, même par mon trépas.
885 | Mais nos voeux sont sans fruit je vois bien que nous sommes |
Abandonnez des cieux de même que des hommes,
Tout est sourd à nos cris, il nous faudra mourir :
Sans qu'une noble fin nous vienne secourir.
Tu m'as prédit ces maux adorable Marie :
890 | Augure du danger qui menaçait ma vie. |
Afin de l'éviter mon âme, je devais
Suivre de point en point l'oracle de ta voix ;
Mais quoi le sort voulait, qu'aujourd'hui je périsse
Et que ce fut encor par un honteux supplice,
895 | Mes jours étaient contés devant qu'on me vit né |
Sous l'auspice fatal d'un astre infortuné.
Pardonne moi pourtant et suprême puissance
Si je blasphème ici contre ta connaissance,
Il n'est de destins ni de fatales soeurs,
900 | Mes fautes seulement ont causé mes malheurs. |
J'ai mérité la mort puisque tu me la donnes
Ta main en me frappant me montre deux Couronnes
J'en recevrai le coup, mais généreusement.
Je ne pouvais mourir plus glorieusement :
905 | Courons donc à la mort qui nous paraît si belle |
Et ne la fuyons point puisqu'elle nous appelle.
LE CAPITAINE DES GARDES.
Enfin il s'y résout.
LE DUC.
Vois, clair flambeau du jour
Sur l'autel du trépas des victimes d'amour.
Adieu Marie, adieu, merveille sans Seconde
910 | Adieu toute la gloire l'ornement du monde |
Beau miracle d'amour et de fidélité.
Prodige sans pareil de générosité.
Amis quelqu'un de vous veuille preNdre la Reine
D'adoucir les ennuis de cette grande Reine :
915 | Et lui fasse savoir qu'en me privant du jour |
Élisabeth n'a pu, me priver de l'amour.
SCÈNE V.
Melvin, Le Vicomte de Herrin.
LE VICOMTE DE HERRIN.
Ne verrons nous jamais apprêtant de misères
Les vertus qui vivaient aux siècles de nos pères ?
Ha sang ! Ha piété ! Rare ornement de Rois !
920 | Saintes filles du ciel, inviolables lois ! |
Toutes à l'âge d'or autres fois si connues,
En cet âge de fer qu'êtes vous devenues ?
Que vous n'aidez un Prince a nul autre pareil
Mais le plus malheureux qui soit sous le soleil.
925 | Hélas dans ce héros on va mettre parterre |
La force et le soutien de toute l'Angleterre,
Y repensant je pâme et mon esprit ressent
Plus d'atteintes de mort que ce jeune innocent.
Sa fidèle moitié, triste et mourante Reine
930 | Ma prié de le voir en sa dernière peine[.] |
MELVIN.
L'échafaud est dressé dedans la basse-cour
Et je crois que le Duc est sorti de la Tour,
Car j'ai vu près du Louvre un peuple qui consulte
De faire en sa faveur exciter le tumulte.
LE VICOMTE DE HERRIN.
935 | Allons à ce spectacle d'un courage franc |
Répandons devant tous des larmes sur son sang.
SCÈNE VI.
Le Comte de Kent, Le Comte de Moray.
LE COMTE DE MORAY.
Ha ! Que ma faute est grande et que je suis coupable,
Que le Duc était juste es qu'il est regrettable
Que Son cruel arrêt me rend peu satisfait
940 | Et que j'ai de témoins du crime que j'ai fait. |
LE COMTE DE KENT.
Au contraire par vous l'ennemi de la Reine
Va paraître aujourd'hui sur la sanglante Seine,
Tous succède à vos voeux tout vous vient à souhait
Et votre ambition va toucher son effet.
945 | Il reste seulement qu'une main plus hardie |
Fasse l'acte dernier de votre tragédie
Et mêle au sang du Duc celuI de votre soeur.
LE COMTE DE MORAY.
Ô soeur ô frère ô sang.
LE COMTE DE KENT.
Vous changez de couleur ?
D'où vient ce changement : quel si triste présage
950 | Altère la beauté de ce sacré visage ? |
Et quel sujet de crainte ou votre sort soit peint
Fait succéder les lis aux roses de ce teint.
LE COMTE DE MORAY.
Moi-même je me jette en ce péril extrême
Moi-même je deviens l'assassin de moi-même,
955 | De la terre et du Ciel j'attire le courroux |
Perdant un innocent, un Prince aimé de tous.
Mon coeur épouvanté par un sinistre augure
Me prédit par sa mort ma ruine future.
Je trouve sous sa tombe un précipice ouvert
960 | Il périt par ma faute et sa perte me perd[.] |
LE COMTE DE KENT.
Guérissez cette plaie ou votre âme est blessée
Bannissez ces frayeurs loin de votre pensée
Ne songez point aux maux que vous devez avoir
On ne voit que trop tôt ce que l'on craint de voir.
965 | Et puis votre bonheur vous défend de vous plaindre, |
Tout vous rit en ces lieux que pouvez vous y craindre.
LE COMTE DE MORAY.
Une appréhension se glisse dans mon coeur
Et je crains sans savoir le sujet de ma peur.
SCÈNE VII.
MARIE.
Que nos félicités sont de peu de durée
970 | Et que la jouissance en est mal assurée ! |
Qu'avec peu de raison les superbes humains
Souhaitent de se voir des sceptres dans les mains ;
Il ne me reste plus que la seule mémoire
Des spécieux respects d'une trompeuse gloire ;
975 | Mes honneurs inconstants et mes biens incertains |
Comme un fleuve courant, s'écoulent de mes mains.
Mon bonheur est un feu que l'air fait disparaître
Un astre qui s'éclipse en commençant de naître ;
Et tous ces feux brillants dont on m'a vu jouir
980 | N'éclairaient autrefois qu'afin de m'éblouir. |
Ce mal n'est pas nouveau, depuis l'heure première
Que mes yeux en naissant reçurent la lumière.
Depuis le triste jour qui me fit respirer
Je n'ai presque jamais cessé de soupirer.
985 | Et je ne goûte point une douceur entière |
Qui ne soit de mes pleurs l'éternelle matière
Mes plus chastes plaisirs sont mêlés de douleurs
Comme l'épine est jointe aux plus aimables fleurs
Mille accidents nouveaux incessamment m'arrivent
990 | Et mes adversités comme flots s'entre-suivent |
Mais s'il faut que le Duc souffre pour moi la mort
Voilà le pire trait que m'ait lancé le sort.
Le Vicomte devrait me tirer de mes peines
Et m'en donner au moins des nouvelles certaines.
KENEDE.
995 | Madame le voici, mais un si triste abord..... |
MARIE.
Ha ! Je n'en doute plus, c'en est fait, il est mort .
SCÈNE VIII.
Marie, Kenede, Le Vicomte de Herrin.
LE VICOMTE DE HERRIN.
Oui Madame il est mort, mais il est mort en Prince
Avecque les regrets de toute la Province,
Et dans ce lieu sanglant témoin de nos douleurs
1000 | Ses plus grands ennemis ont répandu des pleurs. |
Il a paru constant et ce qui plus me touche
C'est qu'il a toujours eu votre nom à la bouche
Qu'il a fait (méprisant les horreurs du tombeau)
Bien moins de résistance au glaive du bourreau,
1005 | Que n'en fait à nos doigts une tremblante feuille |
Ou quelque jeune fleur à la main qui la cueille.
Et qu'on n'a rien pu voir en ce divin époux
Ni d'indigne de lui, ni d'indigne de vous.
Marie tombe sur son lit évanouie.
KENEDE, la soutenant.
Faites paraître ici les vertus de votre âme
1010 | Et si vous le pouvez consolez vous Madame. |
La mort quoi que sans yeux ne se trompe jamais
Elle compte nos jours aussitôt qu'ils sont faits,
Nous montons dans les Cieux par ces degrés suprêmes
Pour nous y couronner de mille diadèmes,
1015 | C'est un sort général que tout doit encourir |
Il ne faut jamais naître ou bien il faut mourir.
Ce seul genre de mort nous la rend odieuse,
Mais l'innocence aussi nous la rend glorieuse ;
Et ceux qui des vertus ont marché sur les pas
1020 | Comme faisait le Duc, ne la redoutent pas. |
MARIE, revenue à soi.
Ha déplorable Prince ! Ha Reine infortunée.
Ô tragiques Amours ! Ô sanglant hyménée !
Je perds le nom d'épouse avant que de l'avoir
Et la perte du Duc m'en ôte le pouvoir.
1025 | Monarque de mon coeur à qui les destinées |
Tranchent à mon sujet le fil de tes années
Si même après la mort tes amoureux esprits
Gardent les chastes feux dont ils furent épris
S'ils en ont la mémoire et si leurs ombres vaines.
1030 | Ont encor quelquefois des affaires humaines |
S'il se peut que du Ciel tu saches mes ennuis
Tire moi de l'état ou tu vois que je suis.
Fais que dans peu de temps nos veuvages finissent
Et qu'à jamais nos corps et nos âmes s'unissent
1035 | Au nom des sacrés noeuds qui joignaient nos deux coeurs |
Et des yeux qu'autrefois tu nommais tes vainqueurs.
Ou si par ton secours je ne cesse de vivre
Je saurai bien trouver le moyen de te suivre.
Nous descendrons ensemble en un même tombeau,
1040 | Et l'amour devant nous portera son flambeau. |
ACTE IV
SCÈNE PREMIÈRE.
Élisabeth, Le Comte de Kent,
Lemar, Deshersbery.
ÉLISABETH, sur le trône.
Le Comte Assassiné ... Je doute si je veille.
Au funeste rapport que me fait mon oreille.
Le Comte assassiné.....
LE COMTE DE KENT.
Mes yeux mes tristes yeux
Ont vu priver les siens de la clarté des Cieux.
ÉLISABETH.
1045 | Ha sensible nouvelle : ha perte déplorable ! |
Mais est elle certaine ?
LE COMTE DE KENT.
Elle est trop véritable
Et se connaît assez aux pleurs que je répands .
ÉLISABETH.
Ha que nos ennemis riront à nos dépens.
Ha que nos ennemis chériront leur défaite
1050 | Puisque s'étant vengez, elle n'est qu'imparfaite ; |
Le Duc n'est pas à plaindre en son tragique sort
Puisque le sang du Comte à réparé sa mort.
Si la Grèce perdit autrefois un Achille
En ce fidèle Prince aujourd'hui j'en perds mille.
1055 | Mais faites nous savoir quel malheur sans pareil |
A ravi la lumière à ce jeune soleil.
LE COMTE DE KENT.
Le Duc jugé par nous, est conduit au supplice
Ou le peuple confus à la foule se glisse,
Et du murmure long d'une commune voix
1060 | Dit qu'il à mérité la rigueur de nos lois. |
Tous s'assemblent autour de ce triste Théâtre
Comme pour voir des jeux, ou bien pour voir combattre
Le Comte toutefois en détourne ses pas
Et n'ose être témoin d'un si juste trépas.
1065 | Outre que la vertu de ce vaillant courage |
S'ébranle par l'horreur d'un sinistre présage,
Et sans avoir connu le sujet de sa peur
Redoute le péril d'un incertain malheur.
Assez mal assistés nous allons de la sorte
1070 | Ou, sans aucun désir, notre désir nous porte |
Lorsqu'à diverses fois j'entends autour de nous
Donner avec fureur et recevoir des coups.
C'étaient des gens armés qui querellaient les nôtres
Une troupe écossaise y paressait entre autres .
1075 | Nous courons dessus eux mais malgré nos efforts |
Ces traîtres assassins demeurent les plus forts.
Le Comte qui s'avance afin de les poursuivre.
(Ô triste souvenir) cesse déjà de vivre,
Atteint de mille coups il tombe renversé
1080 | J'approche et je le vois plutôt mort que blessé. |
Ayant fait un grand bruit en trébuchant parterre
Comme un chêne abattu sous l'effort du tonnerre.
Là jetant un sanglot ou son âme s'enfuit
Ses yeux se sont couverts d'une éternelle nuit.
1085 | Ne pouvant rechercher de secours plus utile |
Moi-même j'avertis les gardes de la ville
Chacun d'eux aussitôt précipite ses pas
Sur les lâches auteurs de ce cruel trépas
Et je crois qu'aujourd'hui plusieurs de leur complices
1090 | Doivent être envoyés aux extrêmes supplices. |
Voilà comme il est mort.
ÉLISABETH.
Ha quelle cruauté
Se rendra comparable à leur déloyauté !
Sus ! que pour accourcir leur malheureuses trames
On prépare des fers des poisons et des flammes .
1095 | Qu'on fasse de leur vie un renaissant trépas |
S'il se peut que la mort ne les prévienne pas.
Et qu'aux mânes du Comte ils servent de victimes
Encore tous ces maux sont moindres que leur crimes.
Et je dois inventer quelque nouveau tourment
1100 | Qui se puisse égaler à mon ressentiment.. |
En ce triste accident dont le récit m'irrite
La fureur me saisit, la clémence me quitte.
Et le corps de ce Prince...
LE COMTE DE KENT.
On le voit ici près
Dans sa pompe dernière entouré de cyprès
1105 | Là parmi les regrets que sa perte nous donne |
Il reçoit des honneurs dignes de sa personne.
Au reste le succès de ce nouveau malheur
Rend encor plus suspects les desseins de sa four
Mais elle prendra part aux communes alarmes
1110 | Son sang dans peu de temps réparera nos larmes |
Et les états émeus par sa déloyauté
Lui seront ressentir la même cruauté.
ÉLISABETH.
Tant plus je considère une telle entreprise
D'autant plus, mon esprit se change se divise ;
1115 | Même le coup d 'État que ma main entreprend |
Me semble dangereux, à cause qu'il est grand.
Sa mort assurément produisant ma ruine
Armerait contre moi la vengeance divine
Et je reçois du Ciel par ce dernier trépas
1120 | Un avertissement de ne la perdre pas. |
Non, non, n'écoutons plus la haine qui nous porte
À voir d'un air content cette Princesse morte
Gardons bien d'exciter le Céleste courroux
Et pensons quelle est Reine aussi bien comme nous,
1125 | Reprenons la douceur trop longtemps oubliée |
Au moins considérons qu'elle est notre alliée.
Que trois États entiers ont ployé sous ses lois
Et quelle est fille et soeur, mère et veuve de Rois .
LE COMTE DE KENT.
Quoi Madame à présent que sa fuite s'apprête
1130 | Pouvez vous épargner cette coupable tête ? |
Vous fâchez vous si peu pour un crime si grand ?
Ha quittez la tendresse ou votre esprit se rend
Domptez ce sentiment d'amitié, qui vous dompte,
Vengez vous, perdez là sans en avoir de honte :
1135 | Et pour vous mieux servir de semblables moyens |
Voilez vos yeux, afin, que l'on ferme les siens.
Conservez par sa mort votre puissance auguste
Et soyez moins humaine afin d'être plus juste.
Ne vous souvient il plus du damnable dessein
1140 | Que son perfide amant avait dedans le sein ? |
Si nous l'eussions permis vous eussiez vu paraître
Le Comte d 'Arondel et celui de Glocestre,
La Tamise eut tremblé dessous leurs avirons
Toute l'île eut gémi dessous leurs escadrons.
1145 | Sans le Ciel qui vous aime et qui nous favorise |
Ils eussent achevé cette grande entreprise,
Et vos tristes sujets n'auraient plus aujourd'hui
Si je n'eusse été cru, de Reine, ni d'appui.
Cette affaire à présent vous touche et nous regarde
1150 | Chérissez votre vie afin qu'elle nous garde. |
Et puisque notre espoir ne dépend que de vous
Tâchez en vous sauvant de nous conserver tous.
Ou si vous méprisez l'avis que je vous donne
Je crains pour l'Angleterre pour votre personne.
1155 | Il est temps d'y penser. |
ÉLISABETH.
Votre conseil me plaît |
Je l'aime tout sanglant et tout cruel qu'il est
Je cède à vos raisons je veux à cette heure
Puisque vous le voulez que la Princesse meure.
Prononcez, lui l'arrêt et faites que demain
1160 | L'on mette à cet ouvrage une dernière main. |
Puisque pour mon salut sa perte est nécessaire
Je n'y résiste plus ne le pouvant plus faire
Toutefois mon Génie à qui rien n'est secret
Sait que j'en ai dans l'âme un extrême regret.
LE COMTE DE KENT.
1165 | Ces obstacles ôtés, vous n'aurez rien à craindre |
Au trône de Marie où vous allez atteindre.
Le Démon des Anglais sera toujours vainqueur
Et les astres pour vous n'auront point de rigueur,
Le temps qui des vertus efface la mémoire
1170 | N'obscurcira jamais votre immortelle gloire : |
Et l'empire orgueilleux de votre Majesté,
Finira bien plus tard que la postérité.
SCÈNE II.
Marie, Kenede, vêtues de deuil dans une chambre tendue de noir.
MARIE.
Non, je ne sais que trop, sous quelle destinée
Doit couler de mes jours la fuite infortunée
1175 | J'y rêve incessamment... encore à ce matin |
Songeant aux tristes lois du sévère destin
Voila que mon cher Duc à moi se représente
Son image depuis en tous lieux m'épouvante
Son corps pâle et sanglant paraît à découvert
1180 | Dans les flots de son sang sa belle âme se perd. |
Et des yeux de l'esprit je vois dessus sa plaie
De ma prochaine mort l'apparence trop vraie.
Mais quel témoin faut il des maux que je prévois
Que l'avertissement qu'en songe j'en reçois.
1185 | Les prêtres étonnés par un fâcheux auspice, |
( Ce me semble ) ont quitté le divin sacrifice ;
Et pour m'assurer mieux de mes derniers malheurs,
La statue ébranlée à répandu des pleurs :
Le temple en a gémi, plusieurs coups de tonnerre
1190 | Sous mes pieds chancelants ont fait trembler la terre ; |
Du sang à rejailli de l'autel sur mes mains
Et les flambeaux sacrés, trois fois se sont éteints.
Puis je sais que déjà ma sentence est donnée
Et qu'à mes ennemis je fuis abandonnée.
1195 | Mais je n'ignore pas qu'il faut se préparer |
À recevoir les traits que l'on ne peut parer.
KENEDE.
Madame espérez mieux, je viens tout au contraire
Vous annoncer la mort du Comte votre frère
Ce Prince injurieux à suivi votre époux
1200 | Et le glaive du Ciel à frappé devant tous |
Le sacrificateur, avecque la victime
L'un par un châtiment et l'autre par un crime.
Vous aurez à ce jour la fin de vos douleurs.
Mais ou mon oeil se trompe ou vous jetez des pleurs
1205 | En cet heureux malheur que le sort vous envoie. |
Ne pleurez point Madame, ou bien pleurez de joie.
Le Comte dont la perte a vengé votre époux
Méritait la rigueur du céleste courroux.
MARIE.
Il est vrai que le Comte était mon adversaire,
1210 | Et mon persécuteur ; mais il était mon frère. |
Le récit de fa mort me donne de l'effroi
Et j'ai pitié de lui, qui n'en eut point de moi.
KENEDE.
On vient vous interrompre ô Ciel j'ai l'âme atteinte
Par la soudaine horreur d'une mortelle crainte.
SCÈNE III.
Marie, Kenede, Amias Paulet.
AMIAS PAULET.
1215 | Madame. |
MARIE.
Que veux tu ? |
AMIAS PAULET.
Vos juges assemblés... |
KENEDE, à l'écart.
Ma frayeur continue mes sens sont troublez
AMIAS PAULET.
Demandent à vous voir de la part de la Reine.
MARIE.
Je ne méritais pas qu'ils prissent cette peine
Mes juges envers moi sont bien officieux
1220 | De me rendre visite en de si tristes lieux. |
Va leur dire pourtant que je suis toute prête
À quoi que leur pouvoir ait destiné ma tête.
Ô favorable jour ! Ô jour trop attendu !
Ou mon premier état me doit être rendu.
1225 | Je sors de deux prisons en sortant de la vie. |
KENEDE.
Hélas.
MARIE.
Quoi vous pleurez, me portez vous envie ?
Sachez que ce trépas qui me tire des fers
Me redonne le sceptre le jour que je perds.
Et qu'une mort injuste est toujours honorable.
KENEDE.
1230 | Ha vertueuse Reine ; ha constance admirable ! |
SCÈNE IV.
Marie, Le Comte de Kent, Le Maréchal de Sherobery, Les États, Le Capitaine des Gardes, Kenede.
LE COMTE DE KENT, sans saluer Marie.
J'ai charge de vous faire un funeste rapport.
MARIE.
Quel ?
LE COMTE DE KENT.
La Reine a signé l' Arrêt de votre mort.
Lisez le...
MARIE.
C'est ici ma dernière infortune
Vous m'allez exempter de mille morts par une,
1235 | En pensant me traiter avecque cruauté |
Vous m'accordez un don que j'ai bien souhaité.
Mais quoi qu'un peuple vil insolemment me brave
Et que grande Princesse il me traite en esclave.
Apprenez que personne entre tous les humains
1240 | Ne peut jeter sur moi ses parricides mains . |
On m'a ravi l'Empire où j'étais souveraine
Mais il me reste encor la qualité de Reine.
Vos pareils sont soumis aux volontés des Rois
Sans pouvoir attenter sur ceux qui font les lois,
1245 | Et cette liberté que ma prison vous donne |
Peut tout dessus mon sceptre rien sur ma personne.
Apprenez que souvent on a vu dans mes yeux
Les rayons éclatants d'un soleil glorieux.
Que tous mes alliez, ont de royales marques
1250 | Et qu'entre mes aïeux on compte cent monarques. |
J'ai trois fois soupiré pour des objets nouveaux,
Trois fois j'ai de l'Hymen rallumé les flambeaux
J'ai reçu pour époux trois illustres personnes
Ma tête quelquefois à porté trois couronnes .
1255 | Et des augustes mains de la divinité |
J'ai reçu cet honneur qu'on nomme Majesté
Dont les astres brillants et les flammes célestes
Sont de tant de grandeurs les déplorables restes.
Au moins j'ai cet espoir qui me doit contenter
1260 | Que pas un des mortels ne me les peut ôter. |
Vous donc qui me parlez, avec tant d'insolence
M'apportant un arrêt tout plein de violence
Vous, dont le vice même abhorre les projets
Et qui fûtes heureux d'être de mes sujets
1265 | Devant que la fureur d'une injuste puissance |
Triomphant de ma vie de mon innocence :
Quel pouvoir avez-vous sur un front couronné
Dites le moi de grâce et qui vous l'a donné.
LE COMTE DE KENT.
Je pense que la Reine à pu nous le permettre
1270 | Elle est sans injustice et n'en saurait commettre. |
LE MARÉCHAL DE SHEROBERY.
Vous devez excuser si nous vous offensons.
Élisabeth commande et nous obéissons.
MARIE.
Cette cruelle fille est digne de son père
Et des maux qu'il a faits d'où provient ma misère,
1275 | Elle suit ses chemins comme il les à tracés, |
Achevant les projets qu'il avait commencé,
Et comme feu Henry la fit naître d'un crime.
Elle a les passions de ce sang qui l'anime,
Car on a remarqué qu'un lit incestueux
1280 | Na pu jamais produire un enfant vertueux, |
Elle m'ôte la vie avecque la Couronne
Je l'aime toutefois et si je lui pardonne.
LE MARÉCHAL DE SHEROBERY.
Celui qui dans nos coeurs pénètre nos secrets
Sait combien cet arrêt nous laisse de regrets,
1285 | Puisqu'il vous désoblige et qu'une autre puissance |
Désire votre mort de notre obéissance.
MARIE.
Quand je verrai la place où l'on me fait mourir
Au lieu d'en reculer vous m'y verrez courir,
Ce sont de lâches coeurs que la peur doit atteindre
1290 | Les coeurs comme le mien ne peuvent jamais craindre, |
En ma faveur pourtant souffrez que mon destin
Se puisse prolonger encore d'un matin.
Et que les Officiers de qui je fus suivie
Soient témoins de ma mort ainsi que de ma vie.
1295 | Après, tout vous succède et qu'à jamais aux Cieux |
Pour un si grand bienfait vos jours soient précieux ;
Enfin votre bonheur soi-même se surpasse.
LE MARÉCHAL DE SHEROBERY.
Oui très facilement on vous fait cette grâce
Même s'il ce pouvait vous auriez les moyens
1300 | De disposer encor du reste de vos biens. |
SCÈNE V.
Marie, Kenede.
MARIE.
Vous.... faites assembler dans la salle prochaine
Les tristes Officiers qui servaient votre Reine ;
Là vous recevrez tous au partir de ce lieu
Puis qu'il faut que je meure un éternel Adieu.
KENEDE.
1305 | Ô funestes devoirs ? |
SCÈNE VI.
MARIE, demeure seule.
Il faut que ma constance |
Étonne les esprits de toute l'assistance ;
Qu'aux fronts des spectateurs j'imprime un pâle effroi,
Et que mes ennemis soient plus émeus que moi.
Adieu vaines grandeurs, pompe, sceptre, couronne,
1310 | Adieu plaisirs amers que l'Empire nous donne. |
Enfin mes chers époux, la Parque va venir
Et qui nous sépara nous saura réunir.
Je vous consacre à tous mes immortelles flammes
Et malgré vos trépas je vais joindre vos âmes.
1315 | Adieu Prince que j'aime et que j'ai mis au jour |
Seul gage et seul enfant que m'a donné l'amour !
Mais écoute mon fils ma dernière parole.
Suis la route que prend mon âme qui s'envole
Ressouviens toi toujours de Dieu qui te fit Roi
1320 | Et des préceptes saints que tu reçus de moi. |
Toutefois je te laisse en un âge si tendre
Qu'à mes raisonnements tu ne peux rien entendre.
Cela rend ton malheur supportable en ce point
Qu'encore qu'il soit grand, tu ne le connais point.
1325 | Je ne pénètre pas dans les choses futures |
Et je laisse à Dieu seul, ces sciences obscures.
Mais selon le progrès de ton jeune destin
Si le commencement en fait juger la fin.
Hélas mon cher enfant je crains bien que ta vie
1330 | Ne soit d'un mauvais sort sans cesse poursuivie. |
C'est la même parole le même discours
Que me tenait ma mère, ornement de nos jours.
( Fâcheux ressouvenir ) lorsque cette Princesse
Les yeux baignés de pleurs, le coeur plein de tristesse,
1335 | Plaignait les mêmes maux que maintenant je vois ; |
Et pour moi redoutait ce que je crains pour toi.
Toi qui sur nos destins absolument présides,
Grand Roi qui pour jamais dans ton trône résides,
Père des immortels, seul Monarque des Cieux
1340 | De grâce en ma faveur abaisse un peu les yeux, |
Et si de mes malheurs la grandeur t'est connue
Fais que mes voeux ardents pénètrent dans ta nue ;
Que le Prince écossais, digne sang de mon sang,
Soit remis quelque jour en notre premier rang.
1345 | Donne à ce rejeton d'une tige sacrée |
Notre marque Royale autrefois révérée.
Fais que par ses vertus ce bel astre naissant !
Dans le Ciel de la gloire aille toujours croissant.
Qu'il monte par ton aide au trône de son père
1350 | Ou qu'il hérite au moins des sceptres de sa mère. |
Seigneur permets qu'un jour ce généreux lion
Terrasse l'hérésie et la rébellion.
Que ce jeune orphelin dans son âge plus tendre
Comme un autre Phenix renaisse de ma cendre;
1355 | Et qu'en un siècle d'or nos fortunés, neveux |
Recueillent la moisson et le fruit de mes voeux.
Ô monarque éternel ! Exauce ma prière
Tu sais bien qu'elle est juste et que c'est ma dernière.
Mais puisqu'il faut mourir finissons ce discours
1360 | Augmentons notre gloire en abrégeant nos jours ; |
Et devant que quitter ces terrestres demeures
Employons les moments de nos dernières heures :
Portons en un corps faible un courage bien fort,
Et voyons sans pâlir, la face de la mort.
ACTE V
SCÈNE PREMIÈRE.
ÉLISABETH, seule au cabinet.
1365 | Vois ? Souffrant le succès d'une telle aventure |
Veux-je ensemble offenser le Ciel et la Nature ?
Quoi veux-je en violant toutes sortes de droits
Arroser l'échafaud du sang même des Rois ?
Non... la postérité fouillerait ma mémoire
1370 | Par le sujet sanglant d'une tragique histoire, |
Et noircirait ma vie afin de se venger
Du Trophée odieux que l'on va m'ériger.
Mais souffrirai je aussi qu'à mon désavantage
Et par ma lâcheté ma gloire se partage ?
1375 | Que mon superbe empire adore deux soleils ? |
Et reçoive le jour de deux astres pareils ?
De mouvements divers je me sens combattue
L'ambition m'anime et la crainte me tue,
Chaque penser que j'ai me plaît me déplaît
1380 | Depuis que j'ai donné ce rigoureux arrêt, |
Mille appréhensions me repassent dans l'âme
Je romps incessamment les desseins que je trame ;
Je rêve je médite et de tous les côtés
Je ne puis découvrir que des extrémités :
1385 | Dans ce dédale obscur, ou ma raison se trouve |
Je quitte un sentiment si tôt que je l'approuve ;
Je veux perdre Marie et je ne le veux pas
Je crains également sa vie et son trépas.
La pitié toutefois demeure la plus forte,
1390 | Et la raison enfin sur la haine l'emporte : |
Que cette Reine vive et que le Ciel plus doux
Lui cache désormais les traits de son courroux,
Peut-être... mais que veut ce garde qui s'avance.
SCÈNE II.
Élisabeth, Le Capitaine des Gardes.
LE CAPITAINE DES GARDES.
L'Ambassadeur d'Écosse avec celui de France.
1395 | Souhaite le bonheur de vous entretenir |
Madame vous plaît il...
ÉLISABETH.
Qu'on les face venir ;
Ma clémence à la fin exauce leur prière
Et je cesse aujourd'hui de leur être contraire.
Ils viennent en ces lieux par un dernier effort
1400 | Divertir s'il se peut le coup de cette mort : |
SCÈNE III.
Élisabeth, Les Ambassadeurs.
L'AMBASSADEUR D'ECOSSE.
Princesse à qui le sort soit toujours favorable,
Retirez, de danger ma Reine déplorable
Et ne permettez pas que la postérité
Qui de vos actions saura la vérité
1405 | Vous reproche la mort de cette désolée, |
Et l'hospitalité lâchement violée
Révoquez le pouvoir de ce cruel arrêt :
Ou tous les Rois ensemble ont beaucoup d'intérêt.
L'AMBASSADEUR DE FRANCE.
Le Prince des Français par ma bouche s'écrie
1410 | Qu'on l'outrage lui-même en outrageant Marie. |
Sauvez nous notre Reine en lui sauvant sa soeur
Et qu'enfin la Justice encline à la douceur.
ÉLISABETH.
Je sais ce que je dois à vos Princes Augustes,
Pour ne les pas ouïr leurs plaintes font trop justes,
1415 | Venez, soyez témoins que je vais de ce pas |
Révoquer au Conseil l'arrêt de son trépas.
L'AMBASSADEUR D'ECOSSE.
Ô Clémence divine et du Ciel inspirée
Ô faveur incroyable et presque inespérée
L'AMBASSADEUR DE FRANCE.
Madame, que le cours de vos prospérités
1420 | Vous donne autant de biens que vous en méritez ! |
Mais que veulent ces gens dont les sombres visages
Ainsi lavés de pleurs sont de mauvais présages ?
Ils portent dans ce deuil l'image de la mort
Et je lis sur leur front quelque triste rapport.
ÉLISABETH.
1425 | Une subite horreur dans mes veines dévale. |
Hier je prononçai la sentence fatale
Dont l'exécution s'est du faire aujourd'hui,
Et j'appréhende fort qu'on ne m'ait obéi.
Approche mes amis quel sujet vous amène ?
SCÈNE IV.
Élisabeth, Le Comte de Kent, Le Maréchal de Sherobery, Le Vicomte de Herrin, les États, Les Ambassadeurs, Kenede, Troupe d'Officiers de Marie.
MELVIN.
1430 | Le trépas de Marie, autrefois notre Reine. |
KENEDE.
Hélas ! J'ai vu trancher par une infâme main
Le tendre et sacré fil de son royal destin.
ÉLISABETH.
J'ai causé ton malheur, Princesse infortunée !
LE MARÉCHAL DE sHEROBERY.
Ha perte irréparable !
LE VICOMTE DE HERRIN.
Ha funeste journée !
L'AMBASSADEUR D'ECOSSE.
1435 | Quoi cet illustre sang d'Écosse descendu |
Sur un triste échafaud vient d'être répandu ?
Celle que nous avions pour régente reçue,
Digne de tant de Rois dont elle était issue,
Celle à qu'il on voyait tant d'Empires en main
1440 | A servi de spectacle à son peuple inhumain ? |
Quoi parle coup sanglant d'une mort déshonnête
On arrache les Lis qui couronnaient sa tête,
Sa plus proche parente en prononce l'arrêt
Et l'on verse son sang tout innocent qu'il est ?
1445 | Cette mort vous accuse vous rend criminelle, |
Vous avez offensé cent monarques en elle
Et celui que je sers encore plus que tous,
Mais sachez que ce sang rejaillira sur vous,
Les Français se joindront aux bandes écossaises
1450 | Pour combattre l'effort de vos troupes anglaises. |
Vos sujets révoltés trahiront vos desseins
Et par un juste sort vos parricides mains
Du meurtre de ma Reine encor toutes fouillées
De leur sceptre sanglant se verront dépouillées
1455 | Nous suivrons le parti de nos Rois outragés, |
Et nous ne mourrons point sans les avoir vengés,
Excusez toutefois l'ardeur qui me transporte
Un fidèle sujet doit parler de la sorte,
Madame, pardonnez à mon ressentiment
1460 | Je serais criminel de parler autrement |
ÉLISABETH.
Sa générosité bien loin de me déplaire
Me plaît infiniment, j'approuve sa colère,
Qui l'oblige à pleurer en ce commun malheur
Celle qui fait sa perte et qui fait ma douleur.
L'AMBASSADEUR DE FRANCE.
1465 | Hélas ! Il me souvient qu'autrefois jeune Infante |
Elle vint sur nos bords pompeuse et triomphante,
Je vis son écusson de trois sceptres orné
Son front de trois bandeaux richement couronné,
Le myrte, l'olivier, le laurier et la palme
1470 | Faisaient à deux États espérer un doux Calme, |
La terre l'Océan voyaient de toutes parts
Éclore de beaux lys dessous des léopards :
Et les Cieux éteignant les flambeaux de la guerre
Joignaient déjà la France avec quel Angleterre,
1475 | Cette île si fatale, ou,parles lois du sort, |
Il était résolu que nous vissions sa mort,
Ô trépas ! Regrettable à toute la nature !
Ô malheur de nos jours ! Rare et triste aventure !
Celle qui méritait un triomphe nouveau
1480 | Tend son col innocent sous le fer d'un bourreau; |
Et le funeste coup que ce brutal lui donne
Fait tomber de sa tête une illustre Couronne.
ÉLISABETH.
Ha Ciel ! Impitoyable à ces cris innocents !
Témoin de son désastre et des maux que je sens,
1485 | As-tu jeté les yeux sur ce sanglant naufrage |
Sans sauver du débris ton plus parfait ouvrage ?
Était-ce un coup fatal qu'on ne peut empêcher ?
Devait elle périr ? Et devais-je pécher ?
LE COMTE DE KENT, tous bas.
En l'humeur qui la tient craignons de lui déplaire
1490 | Puisqu'il est encor temps évitons sa colère, |
Et pour nous conserver à nous mêmes le jour,
Éloignons sa présence en absentant la Cour.
Il sort avec les États.
ÉLISABETH.
Vous qui me conseilliez de perdre cette Reine
Qui causâtes sa mort et qui causez ma peine
1495 | N'avez-vous point tremblé barbares assassins. |
Lors qu'un exécuteur a fini vos desseins ?
Avez-vous eu le front ô lâches et perfides
De répandre son sang sur vos mains parricides ?
Mais je leur parle en vain, mes cris sont superflus
1500 | Les traîtres font en fuite et ne m'écoutent plus. |
Aucun de ces tyrans n'ose à présent paraître ...
Tous s'estiment punis parce qu'ils doivent l'être :
Déjà mille serpents attachez à leurs coeurs
Leur font appréhender d'éternelles rigueurs.
1505 | Mais de quelque façon que ce tourment les traite |
Leur mort seul le pourra, me rendre satisfaite.
Ces ingrats, ces cruels, tous remplis de fureur
Ont fait d'une Princesse un spectacle d'horreur,
Une exécution sacrilège et funeste
1510 | Un autel de Buzire, un repas de Thyeste. |
J'ai creusé cependant moi-même son tombeau,
J'ai prononcé l'arrêt, j'ai prêté le couteau,
Et cette île a servi par notre perfidie
De théâtre sanglant à cette tragédie.
1515 | Ha je souffre le mal qu'elle vient d'encourir |
Et je meurs du regret de l'avoir fait mourir,
Que ne puis-je montrer combien j'en suis atteinte
Rallumant par ma mort cette lumière éteinte.
Mais puisqu'on ne peut plus divertir ces malheurs
1520 | Répandons tous ensemble un long fleuve de pleurs |
Et toi qui fus présent à sa fin déplorable
Fais nous de ce spectacle un tableau mémorable.
MELVIN.
Madame, permettez que je n'en parle plus
Ce fâcheux souvenir rend mes esprits confus.
1525 | Quoi votre Majesté veut elle que j'essaye |
À recevoir encore une mortelle plaie
MELVIN.
Je vais recommencer d'inutiles regrets
Et rouvrir ma blessure avec de nouveaux traits :
Un glaçon de frayeur dans mon âme se glisse
1530 | Mais vous le commandez, il faut que j'obéisse. |
Hier après l'arrêt qui nous affligea tous
La Reine dit ces mots l'ail tourné devers nous.
« Fidèles Officiers qui depuis tant d'années
Supportez avec moi mes longues destinées.
1535 | Au moment qui me force à vous abandonner |
J'ai ce seul déplaisir de ne vous rien donner.
Le Ciel reconnaîtra votre commun mérite
Mais que je vous embrasse avant que je vous quitte
Car je compte ce jour le dernier de mes jours.
1540 | Adieu... » Cette Princesse achevait ce discours |
Quand nous vîmes couler de ces beaux yeux humides
Parmi des flots d'argent mille perles liquides
Lors mêlant nos soupirs à nos mourantes voix
Nous lui dîmes adieu pour la dernière fois.
1545 | Ensuite elle donne ordre aux choses nécessaires, |
Dispose un testament, récite des prières,
Et se laisse charmer du frère de la mort
Qui d'un somme profond l'assoupit et l'endort.
La Lune cependant parmi ses sombres voiles
1550 | A paru cette nuit sans feux et sans étoiles |
L'aurore en se levant pour pleurer nos malheurs
A versé ce matin des larmes sur les fleurs.
Et le père du jour rentrant dans sa carrière
A semblé ne prêter qu'à regret sa lumière.
1555 | Le Ciel même, le Ciel s'est tout couvert de deuil |
Voyant tant de vertus qu'on mettait au Cercueil
La Reine sort du lit et cette infortunée
Veut comme à son triomphe en pompe être menée.
Elle se fait conduire à ces funestes lieux
1560 | Nous la suivons de près tous les larmes aux yeux. |
D'un velours triste et noir la salle était parée
Et des gardes sans nombre en défendaient l'entrée,
Le peuple toutefois en ondes agité
Se coule avecque nous parmi l'obscurité.
1565 | Et court à l'échafaud afin que sans obstacle |
Il puisse regarder ce tragique spectacle.
Chacun des assistants parle diversement
Et chacun veut juger selon son sentiment
L'on dit que ce supplice est de mauvais exemple
1570 | Lorsque sans passion son âme le contemple |
L'autre que cet arrêt choque toutes les lois
Qui respectent du moins le sacré sang des Rois.
Enfin l'on oit partout un peuple qui murmure
Ou de votre ordonnance ou de cette aventure.
ÉLISABETH.
1575 | Il est vrai que ce peuple avait juste raison |
De parler de sa perte et de ma trahison.
Ô jour infortuné ! Mais poursuis ; que j'entende
Ce que je désirais et ce que j'appréhende.
MELVIN.
D'un front majestueux, d'un port superbe et haut
1580 | Elle monte aux degrés, de son triste échafaud. |
Ses grâces, ses beautés émeuvent l'assistance
Ceux qui la consolaient admirent sa constance,
Perdent cette vertu qui la vient couronner
Et n'ont plus le pouvoir qu'ils lui veulent donner.
1585 | Puis sans changer de face et sans être troublée |
Elle tient ce propos à toute l'assemblée.
« C'est un spectacle bien nouveau
Que de voir aux mains d'un bourreau
La tête d'une grande Reine.
1590 | Mais puisque le Ciel là permis |
Je meurs sans regret et sans peine
Et pardonne à mes ennemis. »
À ces mots, vers les Cieux elle jette la vue
Souhaitant que son âme y puisse être reçue.
1595 | Un murmure confus qui remplit tout d'horreur |
Nous arrête la voix nous serre le coeur.
Mille images de mort, mille frayeurs soudaines,
Nous altèrent les sens et nous glacent les veines.
Et d'un commun effroi la mortelle pâleur
1600 | Imprime à tous nos fronts une même couleur. |
Lors on voit des flambeaux, dont la lumière sombre
Fait briller une hache, en l'épaisseur de l'ombre.
Chacun dessus la Reine a les yeux arrêtés
Et tous les spectateurs en sont presque enchantés.
1605 | Elle paraît plus belle, ainsi que l'oeil du monde |
Luit avec plus de force en se couchant dans l'onde.
La lampe qui s'éteint éclaire beaucoup mieux
Ainsi de nouveaux feux rayonnent dans ses yeux.
L'exécuteur s'approche, et prend cette victime
1610 | Pour faire un sacrifice, ou pour mieux dire un crime |
Elle est comme l'hostie au milieu de l'autel
Qui de la main du prêtre attend le coup mortel.
Déjà le bras se lève, et sa tête frappée
Par trois diverses fois ne peut être coupée.
1615 | Quelque secret destin que je ne connais pas |
Voulait de notre Reine empêcher le trépas.
On sépare pourtant sous l'effort d'une lame
Et la tête du corps, et le corps d'avec l'âme.
Le fer rougit de honte à ce coup violent,
1620 | Même tout l'échafaud en demeure sanglant, |
La tête qui bondit donne de l'épouvante
Murmurant certains mots dans sa bouche mourante
Nous les avons ouïs avec étonnement
Elle a dit à nos pieds, je meurs innocemment.
1625 | Lors un grand bruit s'élève et toute l'assemblée |
Paraît de ce prodige avoir l'âme troublée.
Et quelque temps après le corps perd sa chaleur,
Le chef son mouvement, le sang sa couleur.
KENEDE.
Puisque notre espérance en notre Reine est morte
1630 | Puisque dans son cercueil notre bonheur s'emporte |
Madame au moins souffrez que nous cherchions ailleurs
Un Ciel plus favorable des destins meilleurs.
ÉLISABETH.
Demeurez en ces lieux pour pleurer sur sa cendre
C'est un dernier honneur que vous lui devez rendre.
1635 | Allez voir derechef son froid et pâle corps |
Qui n'attend plus de nous que ce qu'on donne aux morts.
Il faut qu'auparavant que ce soleil se couche
J'imprime un long baiser sur sa divine bouche.
Il faut s'il m'est permis encor de lui parler
1640 | Par de justes regrets ma perte consoler. |
Laver son sang de pleurs, et pour devoir suprême
Rechercher cette Reine en cette Reine même.
Considérer ses traits que j'ai défigurés
Et fermer ses beaux yeux autrefois adorés.
Elle perd le sens.
1645 | Ha j'aperçois sa tête et sa Royale face |
Fume encor dans son sang et bondit sur la place :
Ses yeux de son trépas les muets orateurs
Dont les plus inhumains furent adorateurs,
Ces astres éclipsés me reprochent mon crime,
1650 | Cette bouche fermée encore me l'exprime ; |
Et ce trône d'amour, que l'on a vu périr
Coupable que je suis me condamne à mourir.
Mais j'ensevelirai de crainte du tonnerre
Et mon crime et ma honte au centre de la terre :
1655 | Je suivrai la Tamise et sur ses larges bords |
Je me figurerai le noir fleuve des morts.
Je quitterai ma Cour dans ce malheur extrême
Et me séparerai moi-même de moi-même :
En évitant mon ombre avec autant d'effroi
1660 | Qu'un serpent qui se fuit, et se laisse après soi. |
Je sens déjà les feux d'une horrible furie
Une tremblante voix sort du sang de Marie ;
Elle, et le défunt Duc désirent mon trépas
Leurs fantômes affreux marchent dessus mes pas.
PRIVILÈGE DU ROI.
LOUIS PAR LA GRÂCE DE DIEU ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, à nos amés et féaux Conseillers les Gens tenants nos Cours de Parlement Maîtres des Requêtes ordinaires de Notre Hôtel, Baillifs, Sénéchaux, Prévôts, leurs Lieutenants, et à tous autres de nos Justiciers et Officiers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bien amé Toussaint Quinet, Marchand Libraire de notre bonne ville de Paris, nous à fait remontrer qu'il désirerait faire imprimer une pièce de théâtre intitulée Marie Stuard Reine d'Écosse Tragédie, ce qu'il ne peut faire sans avoir sur ce nos lettres humblement requérant icelles. À CES CAUSES désirant favorablement traiter ledit exposant, nous lui avons permis et permettons par ces présentes de faire imprimer, vendre débiter en tous lieux de notre obéissance, ledit livre en telle marge et tel caractère et autant de fois que bon lui semblera durant le temps et espace de cinq ans, entiers et accomplis à conter du jour que ledit livre fera achevé d'imprimer pour la première fois, et faisons très expresses défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient de l'imprimer faire imprimer vendre ni débiter durant ledit temps en aucun lieu de notre obéissance sans le consentement de l'exposant, sous prétexte d'augmentation, correction, changement de titre, fausses marques ou autres en quelque sorte et manière que ce soit, à peine de trois mille livres d'amende payable sans déport, nonobstant oppositions ou appellations quelconques par chacun des contrevenants, applicables un tiers à nous, un tiers à l'Hôtel Dieu de notre bonne ville de Paris, et l'autre tiers audit exposant, confiscation des exemplaires contrefaits et de tous dépens dommages et intérêts à condition qu'il en sera mis deux exemplaires en notre Bibliothèque publique, et un en celle de notre très cher et féal le sieur Séguier Chevalier Chancelier de France, avant que de les exposer en vente, à peine de nullité des présentes, du contenu desquelles nous vous mandons que vous fassiez jouir et user pleinement et paisiblement ledit exposant, et tous ceux qui auront droit de lui sans aucun empêchement, Voulons aussi qu'en mettant au commencement ou à la fin dudit liure un extrait des présentes, elles soient tenues pour dûment signifiées et que foi y soit ajoutée, et aux copies d'icelles collationnées par l'un de nos amés et féaux Conseillers et secrétaires, comme à l'original, Mandons aussi au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires sans demander autre permission. CAR TEL EST NOTRE PLAISIR, Nonobstant clameur de Haro, et Chartres Normandes et autres lettres à ce contraires.
Donné à Chaillot le 14 jour de Mai l'an de grâce mil six cent trente huit et de notre règne le vingt huitième.
Par le Roi en son Conseil,
DE MONCEAUX.
Les exemplaires ont été fournis, ainsi qu'il est porté par les lettres de Privilège.
Achevé d'Imprimer pour la première fois le 19 Décembre 1638.
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Notes
[1] La lac de Leven ou loch Leven situé à une vingtaine de kilomètres d'Édimbourg. Un château austère su XIVème y trône sur une petite île d'une centaine de mètres de long. Marie Stuard y séjourna en 1565 puis y fut enfermée une année dès juin 1567.
[2] Nombrer : Trouver le nombre de. [L]
[3] La Comte de Kent : Henry Grey (1573-1615).
[4] Le Comte de Moray : James Stuart (1531-1570). Demi-frère de Marie Stuard et régent d'Écosse de 1567 à 1570.