1881. Tous droits réservés.
par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux.
PARIS, CHEVALIER-MARESCQ ÉDITEUR, 20 rue SOUFFLOT, 20.
8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881
Texte établi par Paul FIÈVRE, novembre 2021
Publié par Paul FIEVRE, décembre 2021
© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:05:26.
PERSONNAGES.
LE NARRATEUR.
LE PRÉSIDENT.
BOURGIN.
BEAUVEAU.
Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 219-222
LE TAMBOUR MAGISTRAT.
LE NARRATEUR.
Ce n'est rien que de le dire, il fallait, voir l'étonnement et l'écarquillement exorbitant des yeux de Bourgin, en apprenant qu'il est prévenu d'outrages et de coups à un magistrat de l ordre administratif, le sieur Beauveau.
BAUVEAU.
Je vous en ai prévenu, Monsieur Bourgin, que je vous mènerais loin de m'avoir outragé ; d'homme à homme dans la vie privée, bon, je suis de force à répondre, mais comme magistrat de l ordre administratif dans mes fonctions, je m'adresse à la justice.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Vous n'avez pas à interpeller le prévenu. C'est vous qui êtes le maire ?
BAUVEAU.
Non, m'sieu, je suis le tambour communal.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Alors, qu'est-ce que vous dites donc, que vous, êtes magistrat de l ordre administratif ? Cette qualité s'applique au maire, qui a été outragé par le prévenu, et non à vous.
BAUVEAU.
Ah ! J'ai cru que...
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Que s'est-il passé ?
BAUVEAU, avec importance.
J'ai l'honneur d'être tambour de la commune et maçon de mon état ; je venais de faire une publication à son de caisse, quand j'entendis subito un verbe insolent, qui sort d'un marchand de vin, ainsi conçu : Ton maire est un pochard, et toi aussi. J'entre dans le cabaret et je m'écrie : « Qui qui a dit ça ? » Le sieur Bourgin, qui était dans une intempérance de vin, me répond : « C'est moi, tambourinier.» Je lui dis : « Sieur Bourgin, si je n'étais pas revêtu de mon insigne... »
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Quels insignes ? Vous n'avez pas d'insignes !
BAUVEAU.
Ma caisse et ma buffeterie ; je croyais que c'était des insignes ; enfin je lui dis donc ça et j'ajoute : « Je vous ficherais une paire de gifles.» [ 1 Buffeterie : Lieu où on remise ses boissons, de Buffeter Boire à même un tonneau, en parlant des voituriers.]
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Eh bien, vous avez eu tort de lui dire cela : vous deviez prendre les personnes présentes à témoin du mot outrageant adressé à Monsieur le maire, mais non menacer Bourgin ; arrivez aux coups !
BAUVEAU.
Voilà : il me réplique par des mots subséquents, auxquels je riposte par des sarcasses très mordants. Alors, voyant ça, il s'en prend à ma caisse, en me saisissant mes baguettes pour taper dessus, disant : « Je vas te crever ta peau d 'âne ; » et sur ce, je lui réplique : « Qui insulte ma caisse m'insulte personnellement, » et sur ce, je lui pose deux gifles, je l'avoue ; alors il me saute au collet et m'allonge des coups de poing que le nez me coulait comme une borne... [ 2 Sarcasse : à peu près pour sarcasme.]
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Eh bien, vous avez...
BAUVEAU.
... fontaine.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Vous avez eu tort de le frapper.
À Bourgin.
Qu'avez-vous à dire ?
BOURGIN.
Monsieur le président, je n'ai pas dit surtout que Monsieur le maire était un pochard. Monsieur Beauveau cherche toutes les occasions de se donner de l'importance et de faire de l'embarras ; il est entré dans le cabaret pour me chercher une querelle d'Allemand. [ 3 Querelle d'Allemand : querelle faite sans sujet. [L]]
Cette affaire a eu la solution qu'on a déjà prévue, l'acquittement de Bourgin. Quant à Beauveau, il a perdu, avec son procès, une grande partie de son prestige, et il aura beau les tambouriner, il ne les retrouvera pas.
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Notes
[1] Buffeterie : Lieu où on remise ses boissons, de Buffeter Boire à même un tonneau, en parlant des voituriers.
[2] Sarcasse : à peu près pour sarcasme.
[3] Querelle d'Allemand : querelle faite sans sujet. [L]